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1. La première chose à regarder est de savoir si la personne agit avec un but de lucre ou non.
⁃ Si pas de but de lucre : il faut regarder si elle avait connaissance de l’illégalité de la publication sur internet de l’œuvre. En principe si elle n’a pas un objectif de lucre, la personne sera présumée ne pas connaitre le caractère illégal et on ne pourra pas qualifier l’acte de « communication au public ». Par contre, si on arrive à renverser cette présomption en prouvant que la personne avait effectivement connaissance de l’illégalité, là on pourra qualifier l’acte de « communication au public »
⁃ Si but de lucre : si la personne agit avec un but de lucre, il y a une présomption qu’elle a fait toutes les vérifications possibles pour s’assurer que l’œuvre n’a pas été illégalement publiée. Cette présomption est réfragable. Si la personne n’arrive pas à la renverser et que la publication est illégale, l’acte sera qualifié de « communication au public ».
Une deuxième chose à regarder est savoir s’il y a un public nouveau. Si ce n’est pas le cas l’acte ne pourra pas être qualifié de « communication au public ».
2. Oui il continue la jurisprudence antérieure, tout en y apportant des éléments nouveaux. La jurisprudence précédente se basait uniquement sur la question de savoir s’il y avait un public nouveau. La jurisprudence GS Media apporte une condition supplémentaire avec le but de lucre mais garde l’élément du public nouveau.
3. non je trouve que cet arrêt va dans le bon sens, il pose des bons critères.
4. on pourrait peut-être agir sur le droit de propriété. Ces photos sont la propriété de son photographe et personne ne peut les utiliser sans son accord. On pourrait juger qu’il y a violation du droit de propriété.
5. j’ai trouvé la réponse sur le site internet du barreau de Liège : http://www.barreaudeliege.be/actu/hyperliens.pdf
« surface linking » : le lien créé renvoie directement à la page d’accueil d’un autre site, « le site cible ». Dans ce cas, l’internaute, lorsqu’il clique sur l’hyperlien, sait qu’il quitte le site qu’il consultait pour être renvoyé vers le site cible : le navigateur l’indique clairement. Après quelques hésitations de la part des juges, il est, maintenant, nous semble-t-il, unanimement admis que le « surface linking » ne nécessite aucune autorisation.
« deep linking ». Ce type de lien renvoie directement vers une page secondaire du site cible et permet à l’internaute de court-circuiter la page d’accueil (et les éventuelles publicités qu’elle propose) pour se diriger plus directement vers l’information recherchée. La création de ce type de lien sans autorisation préalable de l’opérateur du site cible est beaucoup plus problématique d’un point de vue juridique. Un cas n’est pas l’autre et la prudence s’impose.
Néanmoins, trois lignes de conduite doivent en toute hypothèse être toujours respectées :
– Ne jamais considérer que l’opérateur du site cible aurait marqué son consentement implicite à la création de liens profonds en n’interdisant pas, par le biais de ses conditions générales, ce type de lien ou en ne protégeant pas, par des moyens techniques, son site contre les liens profonds. La théorie du consentement implicite à la création de liens profonds ne semble, en effet, pas vouloir s’imposer en jurisprudence, du moins en Europe.
– Éviter toute confusion possible, c’est-à-dire ne jamais donner l’impression que l’on reprend « à son compte » le contenu d’un autre site. L’internaute doit toujours pouvoir se rendre compte qu’il n’est plus sur le site initialement consulté, mais qu’il a (ou a été) basculé vers un autre site. Le titre et l’adresse du site cible, par exemple, doivent idéalement rester visibles. Le cadrage ou « framing », qui consiste à afficher des pages d’un autre site dans un cadre de son propre site tout en gardant les outils de navigation de son propre site (l’internaute ne voit pas, par conséquent, qu’il est, en partie, sorti du site d’origine) est à cet égard très critiquable.
– Ne jamais renvoyer vers un site à contenu illicite (par exemple, un site commercialisant des produits contrefaits). Cette règle de conduite vaut bien sûr aussi pour les liens de surface. Mais là encore, la jurisprudence majoritaire reste raisonnable puisqu’elle exige, pour mettre la responsabilité du créateur de lien en cause, que l’on établisse qu’il savait ou devait savoir que son lien renvoyait vers un contenu illégal.
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1 L’article 3 de la directive 2001/29/CE ne précisant pas la notion de « communication au public », la jurisprudence est intervenue à ce sujet. Dans un arrêt du 8 décembre 2016, GS media, elle rappelle notamment qu’un acte de communication au public doit s’apprécier « in concreto » en tenant compte :
– Du mode de communication technique utilisé
– Du public ciblé : un public nouveau, autre que celui visé par le détenteur du droit de communication de l’œuvre
– Du but lucratif de cette communication
– Du caractère délibéré, la conscience du caractère illicite du partage de l’œuvre (elle est présumée si le but lucratif est également prouvé)
2 On ne peut pas vraiment parler de revirement, dans la mesure où les circonstances entre les deux arrêts sont différentes. Dans l’arrêt Svensson, le contenu visé par l’hyperlien avait d’abord été diffusé avec le consentement du titulaire du droit de communication. La question reposait donc principalement sur le fait que cet hyperlien ouvrait ce contenu à un public nouveau que celui prévu par le diffuseur initial. Dans l’arrêt GS Media, aucune diffusion à un quelconque public n’avait encore été autorisée par le détenteur du droit de communication, c’est donc sur la question du consentement que s’est concentré l’arrêt. Il s’agit donc plus d’une extension qu’un véritable revirement de la jurisprudence.
3 Dans l’ensembles, et étant donné les faits et le comportement de GS media, càd le partage à plusieurs reprises de l’œuvre, au mépris de la volonté pourtant clairement exprimée de l’auteur du droit, je trouve la décision rendue juste. Il est important même sur internet, que les sources et les informations soient vérifiées par leurs diffuseurs et qu’un certain niveau de protection soit assurés aux auteurs. Cependant, de telles exigences peuvent également nuire à la liberté d’expression et à la rapidité des échanges d’informations qui sont l’apanage d’internet. Avec cette multiplicité de sources et de partages en cascade, savoir ou demander pour chaque hyperlien une autorisation à l’auteur initial semble assez difficile à mettre en œuvre. Le but lucratif peut effectivement être un bon moyen d’effectuer un tri : à partir du moment où quelqu’un publie un contenu et en retire un certain prix, il est plus normal qu’il ait un engagement et des moyens de vérification plus poussés qu’un internaute lambda.
En résumé je suis assez mitigée sur la décision, et je pense qu’il faudra voir à l’avenir comment ces enseignements vont être appliqués concrètement par la jurisprudence.
4 Oui, il est toujours possible d’agir sur base de 1382 et de la responsabilité civile, il peut y avoir un dommage à avoir partager illégalement le contenu. On peut aussi invoquer la responsabilité indirecte pour atteinte au droit d’auteur (incitation à commettre des atteintes et la connaissance de l’illécéité du contenu auquel renvoie l’hyperlien)
5 La cour n’a pas l’air d’établir de différence entre les 3 types de lien en ce qui concerne en tous cas la communication au public
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1. Etablir des liens vers des contenus protégés par le droit d’auteur est un acte qui, sous certaines conditions, peut être qualifié de « communication au public ». En vertu de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29/CE, les « Etats membres prévoient pour les auteurs le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire toute communication au public de leurs œuvres, par fil ou sans fil, y compris la mise à la disposition du public de leurs œuvres de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement ». La notion de « communication au public » n’y étant pas précisée, il y a lieu de déterminer son sens et sa portée au regard du principal objectif de cette directive, celui d’instaurer un niveau élevé de protection en faveur des auteurs.
C’est au travers de la jurisprudence de la cour de justice de l’UE, et notamment de l’arrêt Svensson du 13 février 2014, que la nécessité des deux éléments cumulatifs de la « notion de communication au public » a été mis en évidence, à savoir un « acte de communication » d’une œuvre et la communication de cette dernière à un « public ». De plus, la cour précise que cette notion implique une appréciation individualisée en tenant compte de certains critères complémentaires, parmi lesquels, le rôle incontournable joué par l’utilisateur et le caractère délibéré de son intervention. Par ailleurs, la notion de « public » recouvre un nombre indéterminé de destinataires potentiels et vise un nombre assez important. Pour être qualifiée de « communication au public », une œuvre protégée doit également être communiquée selon un mode technique spécifique, différent de ceux jusqu’alors utilisés, ou, à défaut, auprès d’un public « nouveau ». Enfin, le critère lucratif de la communication au public peut être pris en compte.
2. L’arrêt GS Media opère un revirement par rapport à l’arrêt Svensson. En effet, dans ce dernier arrêt, la mise à disposition des œuvres concernées au moyen d’un lien cliquable ne conduisant pas à communiquer ces œuvres à un public nouveau, le gérant n’effectue pas une communication au public. « En effet, le public ciblé par la communication initiale était l’ensemble des visiteurs potentiels du site concerné », l’accès aux œuvres sur ce site n’étant soumis à aucune mesure restrictive, « tous les internautes pouvaient y avoir accès librement ». En revanche, dans l’arrêt GS Media, bien que les œuvres aient déjà été rendues disponibles sur un autre site internet, La Cour n’exclut pas ce placement des liens hypertexte vers des œuvres protégées de la notion de « communication au public », au motif que ce dernier a été opéré sans l’autorisation des titulaires du droit d’auteur de ces œuvres.
3. L’arrêt GS Media ne semble pas aller dans le bon sens. En effet, limiter la possibilité d’établir des hyperliens pourrait être considéré comme un frein à la liberté de partager et de transmettre l’information et partant, perturber le fonctionnement du web. En outre, obtenir l’accord de l’auteur avant de placer chaque lien semble peu pratique, voire tout simplement impossible eu égard à la charge que de telles démarches représentent. En pratique, le droit d’auteur et son exigence d’autorisation préalable sera-t-il encore respecté ?
4. Si l’établissement d’un hyperlien ne constitue pas une communication au public et que donc, il n’y a pas de responsabilité directe, il sera toujours possible d’agir, en vertu du droit commun, sur base de l’article 1382 du code civil ou de mettre en cause une responsabilité indirecte lorsque les liens redirigent les internautes vers un contenu non autorisé.
5. Selon la jurisprudence de la cour, il n’y a pas lieu de traiter différemment un lien simple, un lien de surface ou un lien profond (BestWater International, à propos du « framing »). Cependant, « la Cour a entendu s’exprimer uniquement sur le placement de liens hypertexte vers des œuvres qui ont été rendues librement disponibles sur un autre site Internet avec le consentement du titulaire ».
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L’article 3, §1, de la directive 2001/29 ne nous livre pas de définition de la notion de « communication au public ». La jurisprudence a donc déterminé les conditions qui permettent d’établir si un opérateur, qui utilise un lien hypertexte sur internet dont le contenu est protégé par le droit d’auteur, commet un acte qualifiable de « communication au public ».
L’arrêt Stevensson nous apprend qu’il faut premièrement que l’utilisateur ait commis un acte de communication délibéré, son but étant de divulguer l’œuvre protégé à un public qui n’y aurait pas eu accès s’il ne l’avait pas publié. En outre, il faut que cet acte de communication ait été accessible à un nouveau public (que titulaire des droits d’auteur n’a pas comptabilité lorsqu’il a autorisé la communication de son œuvre) ou du moins qu’il soit communiqué « selon un mode technique spécifique différent ».
L’arrêt GS Media, quant à lui, complète ces conditions et y apporte des nuances.
Pour commencer, la Cour trouve pertinent de prendre en compte le caractère lucratif ou non de cet acte de communication lorsque l’on analyse la connaissance de l’utilisateur quant à la licéité de la publication de son lien hypertexte (§ 38). En effet, Internet étant un vaste milieu d’échanges d’informations, l’utilisation des hyperliens permet de faciliter la communication entre internautes (§45). De plus, utiliser cet outil est monnaie courante sur le web et il s’avère difficile de savoir pertinemment si le site vers lequel on redirige l’internaute a reçu l’autorisation d’être communiqué par l’auteur (§46). De ce fait, la Cour a jugé que n’était pas considéré comme une « communication au public » l’acte communicatif d’un utilisateur ne poursuivant pas un but de lucre (§47 et 48), à moins que celui-ci ait été averti par le titulaire du droit d’auteur de l’illicéité de son acte (§49). Ainsi elle crée un meilleur équilibre entre l’intérêt de l’auteur (protection de son œuvre) et l’intérêt de l’utilisateur (liberté d’expression) (§44 et 45). A contrario, on considère l’utilisateur poursuivant un but de lucre comme étant un professionnel et on lui confère, dans ce cas, une présomption réfragable concernant la connaissance de protection de l’œuvre (§ 51), à moins que l’hyperlien renvoie sur un site destiné au même public ou selon le même mode technique de communication (§52).
D’autre part, elle nous fait remarquer que les arrêts Stevenson et Bestwater envisagent la notion de « communication au public », pour une œuvre au préalable rendue publique sur un autre site internet, uniquement dans l’hypothèse où le titulaire des droits d’auteur a donné son consentement quant à la communication de son œuvre (§41). La Cour juge donc, dans cet arrêt GS Media, que si l’œuvre du titulaire des droits d’auteur a déjà été rendue disponible sur un autre site Internet et vise un public différent ou utilise un mode technique de communication différent (§42), et que cette œuvre a été publiée sans le consentement de celui-ci, cela relève de la communication au public (§ 43). Le cas est le même dans l’hypothèse où « ce lien permet aux utilisateurs du site Internet sur lequel celui-ci se trouve de contourner des mesures de restriction prises par le site où se trouve l’œuvre protégée afin d’en restreindre l’accès par le public à ses seuls abonnés » (§50). La Cour apporte donc deux nuances par l’absence d’autorisation de l’auteur de l’œuvre initial ainsi que par la condition de “nouveau public”. Ce public, qui sans la présence de cet hyperlien, n’aurait jamais eu accès au contenu de l’œuvre.
Notre avis est nuancé concernant la solution prise par la Cour dans l’arrêt GS Media.
Tout d’abord, par ce nouvel arrêt, elle élargit la notion de « communication au public » et donc, dans un même temps, renforce encore la protection des droits d’auteur. Selon Marc REES, La communication au public est admise dans trois cas sur quatre quand l’œuvre est mise en ligne, sans autorisation du titulaire du droit, avec les nuances propres aux conditions de connaissance et d’intention lucrative (voir tableau – arrêt MS Média https://www.nextinpact.com/news/101313-quand-cjue-allume-dynamite-liens-hypertextes-illicites.htm).
Cependant, en devant prouver la connaissance et l’intention du caractère illicite de la communication de l’œuvre, cela peut aussi avoir comme incidence d’accentuer les difficultés de protection du droit d’auteur. En effet, la jurisprudence essaye de renforcer la protection. Néanmoins les moyens mis en œuvre pour ce renforcement risquent probablement d’inverser la tendance. Les auteurs risqueraient alors de voir leur protection affaiblie par la difficulté de prouver que l’opérateur avait une intention frauduleuse.
Les arrêts Stevensson et Bestwater marquent un net déséquilibre entre les intérêts du titulaire des droits d’auteur et l’utilisateur de liens hypertextes : la liberté d’expression ainsi que la liberté d’information (notamment par internet) se voient ainsi restreintes alors que l’objectif de la directive est d’établir un équilibre entre la protection des droits d’auteur et la liberté d’expression. On remarque donc la volonté de la Cour, dans l’arrêt GS Media d’essayer de rééquilibrer la balance entre ces droits en distinguant l’utilisation des liens hypertextes dans un but de lucre ou non.
Néanmoins, comme plusieurs spécialistes de la propriété intellectuelle et des droits fondamentaux l’ont appuyé rapidement après la décision de la Cour, nous trouvons que la solution se révèle un peu boiteuse et crée en outre, de nouveaux problèmes. En effet, la présomption de connaissance dans le chef de l’utilisateur poursuivant un objectif lucratif nous paraît excessive et peu réaliste. Il est très compliqué pour quiconque, dans la majorité des cas, de déterminer si le site sur lequel l’hyperlien renvoie est licite ou non, dans la situation où le titulaire des droits d’auteur n’a pas averti l’utilisateur de l’illicéité de l’acte.
Il aurait été plus judicieux, selon Ronan HARDOUIN et Alain STROWEL, d’utiliser un autre fondement juridique pour agir contre une personne qui a établi l’hyperlien vers du contenu illicite : le droit commun de la responsabilité civile. Etant entendu qu’il s’agit plus vraisemblablement d’un accès au contenu, qui cause un dommage au titulaire du droit d’auteur, que d’une représentation de celui-ci (https://www.nextinpact.com/news/101313-quand-cjue-allume-dynamite-liens-hypertextes-illicites.htm). Cette alternative est selon nous plus objective et réaliste. Elle est d’autre part plus en accord avec l’esprit de la directive 2001/29.
Par ailleurs, plusieurs députés européens se penchent sur la possibilité d’un droit voisin pour la presse établissant une compensation pour les titulaires des droits d’auteur souffrant d’une perte de revenus à la suite d’usage intensif de ces liens hypertextes (http://www.paralipomenes.net/archives/11355). Des droits voisins pour la presse existent déjà en Allemagne et en Espagne.
Enfin, nous terminons notre développement par l’éventuelle différence de traitement des liens selon qu’ils soient simple ou de surface (surface link), profond (deep link) ou par transclusion (framing) (http://www.barreaudeliege.be/actu/hyperliens.pdf).
Le lien simple ou de surface renvoie directement à la page d’accueil d’un autre site, “le site cible”. En 2012, ces liens hypertextes ne requéraient aucune autorisation de l’auteur du site cible. Cependant, la Cour de justice dans son arrêt du 8 septembre 2016 (MS Média) renverse cette tendance en permettant l’illégalité de ces liens simples (http://www.numerama.com/politique/193308-la-cjue-prend-le-risque-de-casser-internet-un-simple-lien-hypertexte-peut-etre-illegal.html).
Le lien profond, quant à lui, renvoie directement vers une page secondaire du site cible et permet à l’internaute de court-circuiter la page d’accueil (et les éventuelles publicités qu’elle propose) pour se diriger plus directement vers l’information recherchée. Ces liens demandent encore une autorisation de l’auteur du site cible.
Le lien par transclusion consiste à afficher des pages d’un autre site dans un cadre de son propre site tout en gardant les outils de navigation de son propre site (l’internaute ne voit pas, par conséquent, qu’il est, en partie, sorti du site d’origine). Pour illustrer, prenons l’exemple d’un article journalistique en ligne en dessous duquel il est possible de commenter directement sur Facebook. Le commentaire dépend en réalité du site Facebook et non du site du journal. Cette méthode est fort critiquée car elle émet un risque de confusion dans le chef des internautes, or ce risque doit être exclu http://www.village-justice.com/articles/Affaire-Best-Water-sur-framing-sur,18399.html).
Malgré les différences entre les trois liens et après consultation de différentes sources internet propres au droit d’auteur, des autorisations semblent être requises, et ce, peu importe le lien en cause. On passerait donc d’une autorisation implicite à une autorisation explicite.
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1) Pour la CJUE, les juges du fond doivent examiner in concreto s’il y a acte de communication au public, en prenant en compte notamment :
(i) si les liens en question sont fournis avec un but lucratif ou non et (ii) si la personne plaçant ces liens avait, ou pouvait raisonnablement avoir connaissance du caractère illégal de la publication de ces œuvres sur l’autre site. Si le but de lucre est établit, la Cour ajoute que la connaissance du caractère illégal de la publication doit être présumée (pas de présomption de bonne foi pour les professionnels).
2. Il s’agit moins d’un revirement de jurisprudence que d’une extension de la notion d’acte de communication au public. L’arrêt Svensson limitait l’illégalité au lien qui permet de contourner des mesures de restriction d’accès mises en place par un site internet. L’arrêt GS Media étend l’illégalité aux liens hypertextes qui vont vers une œuvre diffusée sans l’autorisation de l’auteur.
3. Cette décision fait sens pour assurer un niveau élevé de protection en faveur des auteurs et me semble tout-à-fait juste quand il s’agit de professionnels peu scrupuleux de la violation du droit d’auteur et qui ne vérifient pas systématiquement si leurs liens hypertextes vont vers du contenu qui violent ou non un droit d’auteur. Ou pire, qui en ont connaissance mais s’estiment libre de le violer car sans conséquence pour eux-mêmes. Le danger pourrait être qu’une telle interprétation nuise au partage des connaissances. La vérification du but de lucre ou non devrait permettre de faire la différence.
4. On pourrait imaginer une responsabilité pour concurrence déloyale ou parasitisme. Pour cela, la responsabilité civile peut être engagée sur le fondement général de l’article 1382 du Code civil.
Un lien hypertexte peut constituer un acte de concurrence déloyale s’il est de nature à créer un risque de confusion avec des produits, une marque ou l’image d’une société.
Le parasitisme pourrait être invoqué si on peut prouver que par ce lien, la société profite de la réputation d’autrui ou de ses efforts, de ses investissements.
Dans la même idée, on pourrait penser également à la publicité trompeuse.
La violation de la vie privée si le lien va vers une photo, vidéo dont l’auteur avait restreint l’accès aux membres de sa famille.
5. Auparavant une distinction était faite entre le lien simple (admis) et le lien profond ou le framing (non admis). Avec cette jurisprudence, le lien simple pourrait poser problème si on se retrouve dans les conditions posées par l’arrêt.
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1. Pour qu’un acte puisse être qualifié de “communication au public”, les conditions suivantes doivent être réunies: la pleine connaissance des conséquences pour l’auteur quant à la diffusion de son œuvre (le caractère illégal), public implique un nombre de destinataires indéfini et le caractère lucratif d’une communication au public.
2. Revirement de jurisprudence: on admet désormais qu’un hyperlien puisse constituer une communication au public à certaines conditions dont le but de lucre.
3. La seule remarque que j’aurais à faire concernerait la condition de but de lucre: quid de l’hypothèse où un site déciderait de communiquer des oeuvres protégées dans le but de nuire purement et simplement à l’auteur, sans pour autant rechercher à s’enrichir?
4. Sur le principe du respect de la vie privée, de la propriété…
5. A priori, je dirais que non…
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1. A quelles conditions un opérateur qui établit des liens vers des contenus protégés par le droit d’auteur commet-il un acte qualifiable de ‘communication au public’?
La directive 2001/29 énonce en son article 3 le droit exclusif des auteurs d’une œuvre protégée d’en autoriser ou d’en interdire toute communication au public. Cette disposition ne définit pas d’avantage la notion de « communication au public », mais son considérant n°23 précise qu’elle doit s’entendre au sens large (CJUE, arrêts du 7 décembre 2006, SGAE, C‑306/05, Rec. p. I‑11519SGAE, point 36, ainsi que du 4 octobre 2011, Football Association Premier League e.a., C 403/08 et C 429/08, Rec. p. I 9083, point 186).
Il ressort ainsi de cette disposition qu’un acte sera qualifié de communication au public s’il associe deux éléments cumulatifs, à savoir un « acte de communication » d’une œuvre et la communication de cette dernière à un «public» (CJUE, arrêt du 7 mars 2013, ITV Broadcasting e.a., C 607/11, points 21 et 31).
D’une part, la pour qu’il y ait « acte de communication », la Cour retient qu’ « il suffit, notamment, qu’une œuvre soit mise à la disposition d’un public de sorte que les personnes qui le composent puissent y avoir accès sans qu’il soit déterminant qu’elles utilisent ou non cette possibilité (CJUE, arrêt du 7 décembre 2006, SGAE, C 306/05, Rec. p. I 11519, point 43) » (CJUE, Svensson (13 février 2014, C-466/12, pt. 19). D’une manière plus globale, on comprend à la lecture du considérant n°23 que la notion « d’acte de communication » vise strictement « toute transmission ou retransmission, de même nature, d’une œuvre au public, par fil ou sans fil, y compris la radiodiffusion ».
D’autre part, le même considérant définit le «public» comme celui « non présent au lieu d’origine de la communication ». La jurisprudence interprète cette notion vis-à-vis d’un « nombre indéterminé de destinataires potentiels et implique, par ailleurs, un nombre de personnes assez important (CJUE, arrêts tés SGAE, pts. 37 et 38, ITV Broadcasting e.a., pt. 32 et Svensson, pt. 21) ».
La Cour a par ailleurs rappelé dans son arrêt Svensson une autre condition limitant le principe de l’autorisation préalable de l’auteur concernant le contenu protégé. Dans l’hypothèse où une seconde communication est faite “selon le même mode technique” (ici Internet) que la première transmission, l’autorisation ne sera nécessaire que lorsque la communication est « adressée à un public nouveau, c’est-à-dire à un public n’ayant pas été pris en compte par les titulaires du droit d’auteur, lorsqu’ils ont autorisé la communication initiale au public ». Ce faisant, la cour déduit deux conditions supplémentaires relatives à l’absence d’un public nouveau: l’absence de protection technique restreignant l’accès au contenu communiqué sur le site-cible et l’existence d’une autorisation donnée par l’ayant-droit quant à la première mise en ligne du contenu.
2. L’arrêt GS Media en matière d’hyperlien est-il en continuité avec la jurisprudence antérieure (Svensson, etc.) ou y a-t-il un revirement de jurisprudence?
Dans son raisonnement, la Cour rappelle sa jurisprudence antérieure et prend soin de préciser qu’elle ne s’en éloigne pas. Cependant, constatant une différence de situation, elle rend un arrêt qui se démarque des conclusions tirée de l’arrêt Svensson (cfr. pts 41 à 43). Le fait que la demande concerne des « œuvres protégées qui ont été rendues librement disponibles sur un autre site Internet, mais sans l’autorisation des titulaires du droit d’auteur de ces œuvres » fait introduire à la Cour la notion de bonne foi en matière d’hyperlien.
Il semble que le critère décisif soit le comportement de l’utilisateur. L’on comprend aisément que la conséquence de son intervention est toute autre lorsque, en l’absence de celle-ci, ses clients ne pourraient pas jouir de l’œuvre diffusée. Partant, l’enseignement de cet arrêt est qu’il convient d’ajouter, pour apprécier la qualité de communication au public, un critère. Le juge doit déterminer si l’utilisateur fournis les liens hypertextes en sachant, ou à tout le moins devant savoir, le caractère illégal de la publication de l’œuvre sur le site de destination. Dans l’exercice d’une activité lucrative, cette connaissance est présumée.
L’arrêt n’apparait par conséquent pas en contradiction prima facie avec la jurisprudence antérieure. Elle envisage, sur base de celle-ci, une situation factuelle nouvelle. Pour le surplus, en vertu du texte de l’article 3 de la directive, le juge possédait déjà la marge d’appréciation ; la notion de communication au public n’étant pas définie à dessein. Par ailleurs, la Cour a statué dans un contexte où la mauvaise foi de l’utilisateur paraît évidente.
3. La solution de l’arrêt GS Media vous semble-t-elle aller dans le bon sens ou avez-vous des critiques?
Comme le rappelle le point 31 de l’arrêt : « il découle des considérants 3 et 31 de la directive 2001/29 que l’harmonisation effectuée par celle-ci vise à maintenir, et ce notamment dans l’environnement électronique, un juste équilibre entre, d’une part, l’intérêt des titulaires des droits d’auteur et des droits voisins à la protection de leur droit de propriété intellectuelle, garantie par l’article 17, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), et, d’autre part, la protection des intérêts et des droits fondamentaux des utilisateurs d’objets protégés, en particulier de leur liberté d’expression et d’information, garantie par l’article 11 de la Charte, ainsi que de l’intérêt général ».
Il me semble que, conformément à la jurisprudence Svensson et suivants, la solution retenue concernant les hyperliens constitue une nécessité technique pour le fonctionnement de web. Un enjeu aussi crucial semble respecter le principe de proportionnalité justifiant le régime exceptionnel.
Cependant, l’arrêt GS Media apporte une nuance utile à l’auteur désireux de faire respecter son droit de propriété intellectuel sur un contenu illicitement communiqué. Le test de proportionnalité est généralement respecté lorsqu’il s’agit de distinguer la bonne de la mauvaise foi.
4. Admettons qu’établir un lien ne constitue pas une atteinte directe au droit de communication au public: est-il possible d’agir contre la personne qui a établi l’hyperlien vers du contenu illicite sur un autre fondement juridique? Si oui, expliquez.
Outre les éventuelles règles déontologiques (par ex. concernant les articles rédigés par des journalistes), on pourrait peut-être penser à l’interdiction de pratiques déloyales en matière commerciale telle qu’imposée par la directive 2005/29/CE. Le cas échéant, les règles particulières relatives aux pratiques trompeuses et agressives trouveraient à s’appliquer.
L’on sait à cet égard comme les usages (ou pratiques) propres à l’Internet peuvent rapidement évoluer, sans forcément se répéter. En effet, l’utilisation de liens hypertextes peut se montrer contraire aux pratiques honnêtes dans la mesure où elle « heurte une règle de référence constatée par le juge et s’imposant à l’entreprise dans le contexte où elle a été posée », ici le respect des droits relatifs à la propriété intellectuelle.
Cette appréciation objective de la diligence due au contexte (commercial) pourrait s’avérer relevante en l’espèce. Elle pallierait à l’absence d’atteinte directe au droit de communication au public.
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1. “A quelles conditions un opérateur qui établit des liens vers des contenus protégés par le droit d’auteur commet-il un acte qualifiable de ‘communication au public’ ?”
L’arrêt de la cour en prévoit plusieurs. Un hyperlien sera une “communication au public” s’il est, premièrement, un acte de communication et que ce dernier est, dans une deuxième temps, transmis à un public. L’internaute doit d’abord délibérément donner accès à une œuvre protégée. La réception de cet hyperlien doit être tel qu’un nouveau public ait accès à l’œuvre. Ce public est un nombre de personnes assez important qui n’a pas été pris en compte lorsque l’auteur (ou les titulaires des droits) a autorisé la communication initiale à son œuvre. La mise sur internet d’une œuvre est une “communication au public” que si les titulaires des droits d’auteur de l’œuvre prennent l’ensemble des internautes comme public. La cour doit en plus apprécié individuellement l’existence d’une “communication au public”. Elle doit prendre en compte plusieurs critères, différents selon chaque situation concrète. Ces critères “sont de nature non-autonomes et interdépendants” (point 33 de l’arrêt)
2.L’arrêt GS Media en matière d’hyperlien est-il en continuité avec la jurisprudence antérieure (Svensson, etc.) ou y a-t-il un revirement de jurisprudence ?
La cour reste prudente et est bien consciente qu’associé les hyperliens à une communication public auraient des conséquences désastreuses sur la liberté d’expression et d’information sur internet. L’arrêt peut être vu comme une rupture mais aussi un prolongent des arrêts précédents. Rupture car la société est condamnée, un hyperlien partagé (sans l’autorisation de l’auteur) a été considéré comme une communication au public.
Prolongement car l’arrêt Svensson avait déjà jugé qu’un lien conduisant à une œuvre protégée peut être un acte de communication mais avait limité la portée de son arrêt. Svensson n’a pas condamné car il n’y avait pas d’accès à un public nouveau.
GS Media reprend donc la pensée de Svensson mais débouche sur une condamnation, une décision qui de prime à bord peut être inquiétante.
3. La solution de l’arrêt GS Media vous semble-t-elle aller dans le bon sens ou avez-vous des critiques ?
La décision rendue me semble être symboliquement lourde, le partage est une caractéristique fondamentale d’internet. Toutefois la condamnation est, dans le contexte, justifié. La cour reste prudente et est bien consciente qu’associé les hyperliens à une communication public auraient des conséquences désastreuses sur la liberté d’expression et d’information sur internet. Le comportement du site me semble très critiquable. J’aurais eu du mal à concevoir une condamnation pour le premier partage du premier lien. Mais par la suite, les partages successifs alors que les titulaires des droits avaient clairement signalé leurs désaccords avec le premier article, que le deuxième site ait retiré les photos et que GS Media tout de même ait publié un troisième lien. Ce contexte laisse la place pour une condamnation. Je reste malgré tout critique sur le point 51 où un partage d’un lien effectué dans un but lucratif débouche sur une présomption réfragable. Si le but de lucre soit usé pour l’appréciation individuelle, je n’ai rien à redire mais ici il emporte un devoir de vérification beaucoup trop exigeant. Tout lien vers Youtube ou dalymotion ne peut pas systématiquement être contrôle. Le partage reste l’essence d’internet sa limitation ne peut pas être disproportionnée, ce que ferait une telle obligation.
4.Admettons qu’établir un lien ne constitue pas une atteinte directe au droit de communication au public : est-il possible d’agir contre la personne qui a établi l’hyperlien vers du contenu illicite sur un autre fondement juridique ? Si oui, expliquez.
Si le contenu du lien est illicite, en n’oubliant pas le régime d’exonération de responsabilité des intermédiaires, une action en contrefaçon peut être envisagée. L’article XI 335 condamne la personne à l’origine d’une violation du droit d’auteur qui est cause d’un dommage On peut aussi imaginer le cas où le lien proposé
5. Selon la jurisprudence de la Cour de justice, faut-il traiter autrement un lien simple ou de surface (surface link), un lien profond (deep link) et un lien par transfusion (framing)?
Lien simple ne porte pas atteinte aux droits d’auteur car l’œuvre est déjà disponible pour tous les internautes, ils ne font que renvoyer à la page d’accueil du site.
Un lien profond peut déjà poser plus de problème. Ils donnent accès aux pages intérieurs du cible, on arrive sur des pages secondaires sans passer par la page d’accueil. L’internaute passe moins de temps sur le site et les revenus publicitaire chutent.
Le framing est le fait qu’un lien puisse afficher un cadre d’une page web dans une autre page web. Le framing comporte les mêmes problèmes que les liens profonds mais en plus il sème une confusion chez l’internaute. Ainsi le site publiant un framing fait passer une partie de l’œuvre d’un autre pour sienne, donne l’impression que l’auteur de l’œuvre autorise la diffusion de l’œuvre et modifie l’œuvre original pouvant ainsi porter atteinte aux droits moraux.
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1. A quelles conditions un opérateur qui établit des liens vers des contenus protégés par le droit d’auteur commet-il un acte qualifiable de ‘communication au public’?
S’agissant des hyperliens, la Cour dit qu’il y a communication au public lorsque ces trois conditions sont remplies :
– Un acte de communication : Il y a acte de communication lorsqu’une « œuvre est mise à la disposition d’un public de sorte que les personnes qui le composent puissent y avoir accès sans qu’il soit déterminant qu’elles utilisent ou non cette possibilité ».
– Un « public » : le public doit être entendu comme « visant un nombre indéterminé de destinataires potentiels et implique, par ailleurs, un nombre de personnes assez important » (Arrêt SGAE).
– Une communication adressée à un public nouveau : Le public « nouveau » c’est le public qui n’a pas été pris en compte par les titulaires du droit d’auteur, lorsqu’ils ont autorisé la communication initiale au public (Arrêt SGAE, ITV Broadcasting).
La cour considère que lorsqu’il y a un contournement du site cible opéré par l’hyperlien, il y a public nouveau dans le sens où le public qui ne pouvait accéder au site auparavant, le peut en passant par l’hyperlien.
2. L’arrêt GS Media en matière d’hyperlien est-il en continuité avec la jurisprudence antérieure (Svensson, etc.) ou y a-t-il un revirement de jurisprudence ?
Est-ce qu’on peut dire que c’est en continuité étant donné que les circonstances sont différentes. Dans GS Media l’œuvre a été mise sur internet sans le consentement du titulaire au départ, au contraire de Svensson (les articles avaient été mis pas la société sur internet, et les liens renvoyaient vers la page de ces articles).
GS Media introduit de nouvelles circonstances à prendre en considération afin d’anticiper les prochains problèmes qui pourraient être rencontrés. La nouvelle circonstance à prendre en considération pour savoir s’il y a eu ou non communication au public (en plus de l’acte de communication et du public) c’est le caractère lucratif du site proposant l’hyperlien.
Il semble que le caractère lucratif n’est plus un indice mais doit être pris en considération pour savoir s’il y a communication au public.
Il me semble donc qu’on ne peut pas vraiment parler de revirement de jurisprudence depuis Svensson, le caractère lucratif ayant déjà été pris comme indice dans d’autres arrêts.
3. La solution de l’arrêt GS Media vous semble-t-elle aller dans le bon sens ou avez-vous des critiques ?
Pour résumé brièvement la décision de la Cour, celle-ci dit que constitue une communication au public en matière d’hyperlien, le fait de placer sur un site Internet des liens hypertextes vers des œuvres protégées, librement disponibles sur un autre site Internet sans l’autorisation du droit d’auteur lorsque ces liens sont fournis dans un but de lucre, hypothèse dans laquelle il y a présomption que la personne qui a placé le lien hypertexte a ou devait avoir connaissance du caractère illégal de la publication de ces œuvres sur cet autre site Internet.
Elle prend donc en compte le caractère commercial du fondateur du site lorsque l’auteur lui-même n’a pas mis son œuvre à disposition. Elle introduit un nouvel élément à prendre en compte pour savoir s’il y a communication à un public, alors qu’elle entendait auparavant le caractère lucratif comme indice.
Mais je me demande si cela va aller dans le bon sens. Qu’est-ce qui pourra être considéré comme un caractère de lucre ? Le fait qu’un site soit visité régulièrement engendre le plus souvent pour son propriétaire des revenus tirés de la publicité se trouvant sur son site.
Donc, il pourrait s’agir d’un « petit » particulier. Celui-ci devrait-il passer son temps à demander des autorisations pour pouvoir placer des hyperliens sur son site, et attendre de pouvoir les obtenir, d’aller lire les conditions générales des sites qu’il visite. Personne n’a le temps pour ça.
Cependant, il y a des cas où il semble certain que l’auteur n’a pas donné son accord pour la divulgation de son œuvre, comme quand il met en demeure de retirer les liens.
La décision de la cour est selon moi trop radicale, les hyperliens sont essentiels au Web, c’est ce qui fait que l’on navigue d’une page à une autre. Il est impossible de pouvoir contrôler tous les hyperliens. Selon moi, il n’y a d’ailleurs pas de raison car il y a toujours d’autres fondements pour pouvoir attaquer les œuvres mise à disposition de manière illégale.
4. Admettons qu’établir un lien ne constitue pas une atteinte directe au droit de communication au public : est-il possible d’agir contre la personne qui a établi l’hyperlien vers du contenu illicite sur un autre fondement juridique? Si oui, expliquez.
Il est tout à fait possible d’agir contre une personne ayant placé un hyperlien vers du contenu illicite sur base d’autres fondements que l’atteinte directe au droit de communication au public. On peut toujours agir sur base du droit commun de la responsabilité civile (art. 1382) lorsqu’on subit un préjudice du fait d’une utilisation illégale d’un contenu sur lequel on avait un droit de propriété intellectuelle. Il faudra dans ce cas-là prouver une faute, et un dommage en lien causal avec cette faute.
Par exemple, une fois qu’une œuvre a été divulguée sans le consentement du titulaire via un lien, comme ça a été le cas dans GS Media, le titulaire peut y voir un manque à gagner. Plus personne ne va acheter le magazine alors qu’ils peuvent découvrir les photos sur internet (et plus rapidement). Playboy subira une perte de la non vente des magazines (le dommage) et pourra introduire une action contre le GS Media qui a mis les liens afin d’obtenir des dédommagements pour le préjudice subi.
On pourrait également attaquer le site sur base de la concurrence déloyale. Par exemple, en laissant penser à l’internaute que le site cible fait aussi partie du sien. Il y a dans ce cas-ci aussi, un manque à gagner pour l’auteur mais en plus des revenus générés par le site uniquement parce qu’il s’approprie une œuvre, un lien y renvoyant alors qu’il n’est pas le sien.
5. Selon la jurisprudence de la Cour de justice, faut-il traiter autrement un lien simple ou de surface (surface link), un lien profond (deep link) et un lien par transfusion (framing)?
La Cour de Justice ne donne pas l’impression qu’il faudrait interpréter les types de liens différemment étant donné qu’elle ne les aborde pratiquement pas. Il y a un arrêt où elle en parle c’est dans l’arrêt BestWater quand il s’agit de framing (=lien par transfusion). Mais elle ne semble pas introduire un traitement différencié selon que ce type de lien soit utilisé sur un site ou non pour son raisonnement sur le fait qu’il y ait ou non « communication au public ».
Elle n’y fait en tout cas pas directement allusion. Mais on peut dire qu’elle les traite différemment lorsqu’elle parle de contournement. Lorsqu’un site proposant un hyperlien qui permet de contourner une inscription payante par exemple (= deep link) sans passer par la page d’accueil du site cible, la cour considère qu’alors il y a communication au public puisqu’il s’agit d’un public nouveau. L’hyperlien les renvoie vers un deep link plutôt qu’un surface link. S’il y avait renvoi au dernier, il n’y aurait pas communication au public.
La jurisprudence n’évoque pas la différence entre la mise à disposition des liens s’agissant de la communication au public. Mais cela peut sans doute être pris en compte pour les actions de droit commun. Etant donné que le renvoi sur la page d’accueil ou directement sur un article précis peut faire que l’on contourne certaines publicités qui rapportent de l’argent au titulaire du site sur lequel le lien renvoi.
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Question 1.
1) Il faut un acte de communication. La notion de communication est dans la jurisprudence de la Cour interprétée largement et recouvre toute forme de transmission dont les hyperliens.
2) Il faut une communication au public c’est-à-dire « un nombre indéterminé de destinataires potantiels ».
3) Il faut que l’œuvre ait été communiquée au public selon un mode technique spécifique ou à défaut, à un public nouveau, entendu dans le sens de « public n’ayant pas été déjà pris en compte par le titulaires du droit d’auteur lorsqu’ils ont autorisé la communication intiale de leur œuvre au public ». Il faut donc s’interresser aux mesures techniques de restriction.
4) Le but lucratif dans le chef de ‘la personne qui a placé l’hyperlien’. Dans ce cas, il y a une présomption que le placement est intervenu en pleine connaissance de la illiciété du contenu.
5) La ‘personne qui a placé l’hyperlien’ savait ou devait raisonnablement savoir que l’œuvre a été publiée sans l’autorisation du titulaire des droits d’auteurs.
Question 2
Cet arrêt peut être vu comme une continuité et même une extansion de la jurisprudence Svensson. Dans l’affaire Svensson la Cour avait conclu que le placement sur un site internet des liens hypertexte ne constitue pas une « communication au public ». Toutefois, il ressort de la motivaiton de la décision que cette dernière concerne des contenus mis en ligne avec le consentement du titulaire du droit d’auteur ; comme le rappelle la CJUE (pt 43, aff. GS Media). La Cour dans l’arrêt Svensson avait déjà insisté sur le fait que les actes de communication au public doivent se faire avec l’autorisation du titulaire du droit. Contrairement à l’affaire Svesson, ce n’est pas le critère de nouveauté qui pose problème ici mais celui de consentement. La Cour a donc continué sur sa lancée mais en se focalisant sur la problématique des contenus mis en ligne sans autorisation.
Question 3
Si l’objectif recherché par la Cour est louable, il n’en reste pas moins qu’un certain nombre de critiques peuvent être formulées. Tout d’abord, la Cour semble faire une confusion entre la violation directe et indirecte du droit d’auteur. En considérant qu’il y a atteinte au droit de communication lorsque le placement est intervenu en pleine connaissance de cause de la nature protégée de l’œuvre et de l’absence d’autorisation, la Cour ajoute des conditions supplémentaires pour l’atteinte directe au droit de communication au public. Il est par ailleurs délicat d’utiliser un critère subjectif pour déterminer l’existence ou non d’un fait objectif tel la communication au public. Ce critère de connaissance, à côté de celui de l’incitation, fait par contre parti des conditions pour engager la responsabilité indirecte pour atteinte au droit d’auteur.
En pratique, cela risque d’avoir des conséquences importantes pour les professionnels, soumis à un présomption de mauvaise foi, qui devront donc chaque fois vérifié qu’il y a ait eu une autorisaiton. On peut s’interroger, à cet égard, sur le respect de l’article 10 CEDH et du principe de proportionnalité.
Question 4
Il est possible d’agir sur base de la responsabilité indirecte pour atteinte au droit d’auteur. In casu, il semble assez facile d’argumenter qu’il y a une incitation à commettre l’atteinte au droit d’auteur et que GS Media avait connaissance de l’ilicéité du contenu. Les arguments de responsabilité civile ou de concurrence déloyale pourraient également être invoqués dans des affaires d’hyperliens. Toutefois, pour le cas d’espèce, l’argument qui me semble le plus pertinent est celui de la responsabilité indirecte.
Question 5
Il convient de répondre à cette question en se basant non seulement sur la jurisprudence GS Media mais également sur les arrêts BestWater et Svensson. Les liens simples soit ceux qui renvoient vers la page d’accueil d’un site, semblent implicitement autorisés. Les liens qui vont poser problème au niveau de la communication au public sont les liens profonds (aff. GS Media) et les liens par transfusion (aff.BestWater).
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1. A quelles conditions un opérateur qui établit des liens vers des contenus protégés par le droit d’auteur commet-il un acte qualifiable de « communication au public » ?
Dans sa jurisprudence Svensson, plus tard confirmée par BestWater, la CJUE va établir que, bien qu’il y ait « communication au public » lors de l’intégration dans un site internet d’un hyperlien renvoyant à du contenu placé sur un site internet tiers, cette communication au public n’est pas répréhensible.
La Cour est arrivée à cette conclusion en observant que, bien qu’il y ait effectivement un acte de communication adressé à un public (les deux éléments essentiels de la communication au public), cette dernière ne s’adresse pas à un public nouveau. On considère en effet que mettre librement en ligne du contenu internet a comme conséquence que le public potentiel cible est l’ensemble des internautes. L’intégration d’un hyperlien sur un site internet n’aura donc pas pour conséquence de rendre ce contenu accessible à un public différent que « l’ensemble des internautes ». A noter que la Cour considère que, dans le cas où le contenu serait diffusé à l’aide d’une « technique différente », la communication à un nouveau public sera présumée.
En conséquence on peut en déduire, selon cette jurisprudence, que l’intégration de contenu dont on est pas l’auteur (et pour lequel on ne dispose pas de l’autorisation de ce dernier pour le poster en ligne) sur un site internet peut se faire par intégration de l’hyperlien renvoyant vers le site internet originaire. Et ceci même si l’intégration du lien a comme effet de faire apparaître directement le contenu sur le site internet qui intègre l’hyperlien (à la manière des vidéos YouTube par la « transclusion »). Mais il ne pourra pas être renvoyé vers un contenu qui n’est pas accessible librement (et encore moins intégrer directement ce contenu sur le site internet).
2. L’arrêt GS Media en matière d’hyperlien est-il en continuité avec la jurisprudence antérieure (Svensson, etc.) ou y a-t-il un revirement de jurisprudence ?
C’est ici une précision qui est apportée à l’arrêt Svensson par la CJUE, qui va tenir compte du fait que la publication originaire du contenu sur internet n’était cette fois ci pas autorisée par son auteur.
Dans ce cas-là, l’appréciation de la « communication au public », élément central de l’action en contrefaçon, est différente. Il faut, toujours selon la CJUE, distinguer si le poseur de lien poursuit ou non un but lucratif. Si ce n’est pas le cas, il faudra vérifier si ce dernier savait, ou devait savoir, que ce contenu était posté sans l’approbation de son auteur (comme c’est le cas dans l’arrêt GS Media, où les photos sont publiées notamment sur FireFile sans l’autorisation de la société PlayBoy). Si la réponse à cette dernière question est positive, il s’agira bien d’une communication au public et la publication de l’hyperlien ne sera pas conséquent répréhensible.
Si le poseur de lien agit cette fois avec une motivation financière, dans ce cas la connaissance du fait que l’œuvre est postée sur le site internet référence de manière illégale sera présumée, et l’intégration du lien renvoyant à cette œuvre postée illégalement, sera-t-elle aussi interdite.
Par rapport à l’arrêt Svensson il s’agit donc bien d’une précision plutôt que d’un revirement de jurisprudence étant donné que distinction doit ici être faite entre si l’œuvre a été mise en ligne en infraction du droit d’auteur ou pas.
En conclusion, l’arrêt Svensson interdisait le renvoi vers des contenus qui n’étant pas librement accessible au public tandis que l’arrêt GS Media interdit le renvoi vers des contenus qui, bien que librement accessibles au public, ont été posté sans l’autorisation de leur auteur.
Par rapport à l’arrêt BestWater par contre, la continuité de la jurisprudence n’est plus aussi claire, étant donné que dans cet arrêt également le contenu (vidéo) avait été intégré dans des sites internet de concurrents alors qu’il avait été posté sur YouTube sans l’autorisation de BestWater.
3. La solution de l’arrêt GS Media vous semble-t-elle aller dans le bon sens ou avez-vous des critiques ?
La question à se poser est de savoir si, oui ou non, cette méthode est la bonne dans la lutte contre les atteintes au droit d’auteur, et notamment le piratage vidéo.
Est-ce qu’il faut se limiter à essayer d’imposer le retrait de contenu protégé sur les plateformes de contenu en ligne ou faut-il également interdire aux sites internet « d’ouvrir la porte » vers ces contenus en postant un lien y renvoyant.
Personnellement je trouve qu’il est difficile de dire que c’est une mauvaise idée. Je ne vois en effet pas pourquoi il faudrait autoriser de donner accès à du contenu protégé sous couvert de la défense de la liberté de communication alors qu’à côté on tenterait quand bien même de retirer ce contenu d’internet. Ce sont pour moi deux discours et politiques incompatibles.
La réelle question est plutôt celle de l’opportunité d’un tel comportement. Il est déjà extrêmement couteux et difficile pour les autorités de s’attaquer à la « source », aux sites de contenus eux même (on garde bien entendu en tête la fermeture en grande pompe de Megaupload, permettant simplement à myriade d’autres plateformes de voir le jour, avant que Kim Dotcom revienne avec Mega). S’attaquer aux « têtes de l’hydre » en plus semble être une tâche insensée tant internet permet une résilience qui profite non seulement aux sites de contenu, mais également aux sites renvoyant vers ces derniers …
4. Admettons qu’établir un lien ne constitue pas une atteinte directe au droit de communication au public : est-il possible d’agir contre la personne qui a établi l’hyperlien vers du contenu illicite sur un autre fondement juridique ? Si oui, expliquez.
Il serait sans doute imaginable d’attaquer la personne en dommages et intérêts afin de rattraper le manque à gagner. C’est particulièrement vrai dans l’arrêt GS Media où les photos n’avaient pas encore été diffusées par PlayBoy et où l’effet « scoop » joue un rôle important. Les photos étaient des exclusivités et une grande partie de leur valeur dépendaient de cette exclusivité, et a donc été retirée par la diffusion préalables des photos.
C’est moins vrai dans l’arrêt BestWater où la vidéo en question devait servir de support explicatif pour les clients de l’entreprise. Cela étant cette vidéo était reprise par des concurrents de BestWater qui apportaient ainsi une plus-value à leur entreprise grâce au travail de BestWater.
C’est d’autant plus vrai si les poseurs de liens savaient que ce contenu était protégé et agissaient donc de mauvaise foi (ce qui sera le cas ici étant donné que, en plus d’être évidente, cette mauvaise foi est présumée dans le chef de ceux poursuivant un but lucratif selon la jurisprudence GS Media).
5. Selon la jurisprudence de la Cour de justice, faut-il traiter autrement un lien simple ou de surface (surface link), un lien profond (deep link) et un lien par transfusion (framing) ?
Concernant l’éventuelle différence de traitement entre les liens de surface et les liens par transfusion, la jurisprudence BestWater nous apprend que celle-ci n’est pas pertinente et que le renvoi vers du contenu librement accessible sur un autre site internet par la publication d’un lien ne constitue pas une communication au public (et n’est donc pas répréhensible) que ce soit par l’une ou l’autre méthode.
Concernant l’éventuelle différence de traitement entre les liens de surface et les liens profonds par contre, la jurisprudence Cadresonline c. Keljob nous fait savoir que l’utilisation de renvoi par le biais de liens profonds peut éventuellement être constitutifs de pratique déloyale s’ils ont pour but de faire croire à l’internaute que le site de renvoi appartient en réalité au site qui renvoie. Il existerait, toujours selon cette même jurisprudence, en effet une « autorisation implicite » donné par tout propriétaire de site internet de renvoi simple vers ce dernier.
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1. A quelles conditions un opérateur qui établit des liens vers des contenus protégés par le droit d’auteur commet-il un acte qualifiable de ‘communication au public’?
Il s’agit d’abord de définir la notion de “communication au public”. L’article 3 § 1er de la directive 2001/29 ne précise pas cette notion. C’est pourquoi il faut se référer à la décision préjudicielle de la Cour de Justice de l’Union européenne, l’arrêt GS Media mais également à sa jurisprudence ultérieure et notamment les arrêts Svensson et BestWater. Ainsi, selon la Cour, deux conditions positives doivent être cumulées pour qu’il y ait une “communication au public” : d’une part, il faut qu’il y ait une communication, un acte de communication d’une oeuvre, et d’autre part, la communication de cette dernière à un public. (voir les points 29 et 32 de l’arrêt GS Media)
La Cour a également précisé que la notion de “communication au public” impliquait une appréciation individualisée. Plusieurs critères doivent être pris en compte aux fins d’une telle appréciation et c’est au regard, notamment, de ces critères qu’il convient d’apprécier si le fait de placer, sur un site Internet, un lien hypertexte vers des oeuvres protégées, librement disponibles sur un autre site Internet sans l’autorisation du titulaire du droit d’auteur consiste une “communication au public” (voir les points 33, 34 et 39 de l’arrêt GS Media) :
– Premièrement, le rôle incontournable joué par l’utilisateur et le caractère délibéré de son intervention. L’utilisateur réalise un acte de communication lorsqu’il intervient, en pleine connaissance des conséquences de son comportement, pour donner à ses clients accès à une oeuvre protégée, et ce notamment lorsque, en l’absence de cette intervention, ces clients ne pourraient, en principe, jouir de l’oeuvre diffusée. (voir le point 35 de l’arrêt GS Media)
– Deuxièmement, la notion de “public” vise un nombre indéterminé de destinataires potentiels et implique, par ailleurs, un nombre de personnes assez important. (voir le point 36 de l’arrêt GS Media)
-Troisièmement, le caractère lucratif d’une communication au public a son importance. (voir les points 38 et 47 à 51 de l’arrêt GS Media) Lors de l’appréciation individualisée de l’existence d’un “communication au public”, il convient de distinguer le placement d’un lien hypertexte vers une oeuvre librement disponible sur un autre site Internet effectué par une personne qui, ce faisant, ne poursuit pas un but lucratif ou au contraire, celle agissant avec un but de lucre. (voir les points 47 à 51 de l’arrêt GS Media)
-Un quatrième critère pourrait être retenu. En effet, il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que pour être qualifiée de “communication au public”, une oeuvre protégée doit être communiquée selon un mode technique spécifique, différent de ceux jusqu’alors utilisés ou, à défaut, auprès d’un “public nouveau”, c’est-à-dire un public n’ayant pas été déjà pris en compte par les titulaires du droit d’auteur lorsqu’ils ont autorisé la communication initiale de leur oeuvre au public. (voir le point 24 de l’arrêt Svensson, le point 14 de l’ordonnance BestWater International et le point 37 de l’arrêt GS Media)
+ 54 et 55……
2. L’arrêt GS Media en matière d’hyperlien est-il en continuité avec la jurisprudence antérieure (Svensson, etc.) ou y a-t-il un revirement de jurisprudence?
Trois décisions ont été rendues sur la question de savoir si placer un hyperlien peut constituer une “communication au public” au sens de l’article 3 de la directive 2001/29. Cette notion a donc déjà fait l’objet d’interprétation par la Cour de justice de l’Union européenne dans les affaires Svensson du 13 février 2014, BestWater du 21 octobre 2014 et C-More Entertainment du 26 mars 2015.
Dans l’arrêt Svensson, la Cour de justice de l’Union européenne jugeait que créer un hyperlien et faciliter l’accès au contenu protégé sur le site cible ne constitue en principe pas un acte de « communication au public » tombant sous le droit d’auteur. (voir le point 40 de l’arrêt GS Media)
Dans l’affaire BestWater, la Cour a suivi le même raisonnement.
Dans l’affaire C-More Entertainment, la Cour de justice ne s’est plus prononcée sur les questions relatives aux hyperliens car la Cour suprême suédoise a retiré, après avoir pris connaissance de l’arrêt Svensson, les questions en matière d’hyperlien.
De cela, nous pouvons dire qu’il y a une certaine jurisprudence mettant fin en partie au débat.
Par ailleurs, certaines questions demeurent sans réponse : quelles sont les conséquences de l’absence d’autorisation de l’ayant droit quant au site cible ? Quelles conséquences en terme de sanction doit-on tirer de la présence de mesures techniques protégeant le site cible et de leur éventuel contournement à travers l’hyperlien? Que conclure lorsque le site qui établit l’hyperlien ne respecte pas les conditions générales du site cible, lesquelles prohibent l’établissement d’hyperliens sans autorisation préalable ?
De plus, dans ces décisions, la Cour s’est exprimée uniquement en ce qui concerne le placement de liens hypertexte vers des oeuvres qui ont été rendues librement disponibles sur un autre site Internet avec le consentement du titulaire. (voir le point 41 et 42 de l’arrêt GS Media, les points 24 à 28 de l’arrêt Svensson ainsi que les points 15, 16 et 18 de l’ordonnance BestWater International)
On ne peut donc étendre la portée de ces différents arrêts à l’arrêt GS Media. Ainsi, il ne peut être exclu par principe de la notion de “communication au public” le placement, sur un site Internet, de liens hypertexte vers des oeuvres protégées qui ont été rendues librement disponibles sur un autre site Internet, mais sans l’autorisation des titulaires du droit d’auteur de ces oeuvres. (voir le point 43 de l’arrêt GS Media)
Les décisions précédentes (Svensson, BestWater et C-More Entertainment) de la CJUE confirment l’importance d’une autorisation donnée par le titulaire du droit d’auteur pour chaque acte de communication d’une oeuvre au public.
3. La solution de l’arrêt GS Media vous semble-t-elle aller dans le bon sens ou avez-vous des critiques?
Il me semble que le raisonnement de la Cour va dans le bon sens.
Etant donné que dans ses précédentes décisions, la Cour a confirmé la nécessité que chaque acte de communication d’une oeuvre au public fasse fait l’objet d’une autorisation par le titulaire du droit d’auteur, certaines parties au litige (arrêt GS Media) ont fait valoir le fait que de qualifier automatiquement tout placement de tels liens vers des oeuvres publiées sur d’autres sites Internet de “communication au public”, dès lors que les titulaires du droit d’auteur de ces oeuvres n’ont pas autorisé cette publication sur Internet, aurait des conséquences fortement restrictives pour la liberté d’expression et d’information et ne respecterait pas le juste équilibre que la directive 2001/29 cherche à établir entre cette liberté et l’intérêt général, d’une part, ainsi que l’intérêt des titulaires d’un droit d’auteur en une protection efficace de leur propriété intellectuelle, d’autre part. (voir le point 44 de l’arrêt GS Media + considérants 3, 4, 9, 10 et 31 de la directive 2001/29)
4. Admettons qu’établir un lien ne constitue pas une atteinte directe au droit de communication au public: est-il possible d’agir contre la personne qui a établi l’hyperlien vers du contenu illicite sur un autre fondement juridique? Si oui, expliquez.
Peut-être est-il possible d’agir contre la personne qui a établi l’hyperlien vers du contenu illicite sur la base du droit des marques.
5. Selon la jurisprudence de la Cour de justice, faut-il traiter autrement un lien simple ou de surface
(surface link), un lien profond (deep link) et un lien par transfusion (framing)?
Quelques définitions :
– Le lien hypertexte simple = surface linking = il dirige l’internaute vers la page d’accueil du site cible.
-Le lien hypertexte en profondeur = deep link = ce lien conduit l’utilisateur vers une page secondaire d’un autre site web distincte de la page d’accueil; il dirige donc l’internaute vers une page secondaire du site cible.
-Le lien par transfusion = l’insertion par liens hypertextes = inline linki = il s’agit notamment par ce procédé de faire apparaître dans une page web un seul élement (par exemple une photo) extrait d’un autre site, ce qui économise de l’espace de stockage sur le disque dur de la machine où est hébergé le site et qui a pour effet de dissimuler à un utilisateur non averti l’environnement d’origine auquel appartient cet élément.
Dans l’ordonnance BestWater, il y a eu indifférence de traitement quant au type de liens utilisés.
Le type de liens qu’est la transclusion, ou le framing en anglais, fait apparaître la page ciblée dans un cadre, visible ou non, au sein même de la page du site liant. L’embed, en cause dans l’affaire bestWater International, en fait partie en permettant un aperçu similaire, par l’insertion sur une page, d’une vidéo hébergée sur YouTube.
La société BestWater International a fait produire une vidéo publicitaire de deux minutes mise en ligne sur le site YouTube. Deux agents commerciaux qui assurent la promotion de produits d’une société concurrente insèrent cette vidéo sur leurs sites en utilisant la technique de la transclusion. Les internautes peuvent alors consulter la vidéo directement sur les deux sites tout en ayant l’impression de ne pas les quitter. BestWater International saisit les tribunaux allemands pour cessation de sa diffusion et réparation en dommages et intérêts.
L’unique question dans cette affaire était de savoir si cette technique de framing était à différencier des autres liens au regard de la notion de “communication au public”. Cette question avait déjà été posée dans le cadre de l’arrêt Svensson et le fait est que la transclution ne communique pas davantage l’œuvre à un public nouveau du moment que l’œuvre de départ n’était pas protégée par des mesures de restriction.
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1) La notion de “communication au public” associe deux éléments cumulatifs, à savoir un “acte de communication” d’une œuvre et la communication de celle-ci à un “public”.
De plus, pour être qualifiée de “communication au public”, une œuvre protégée doit être communiquée selon un mode technique spécifique, différent de ceux jusqu’alors utilisés ou, à défaut, auprès d’un « public nouveau », c’est‑à‑dire un public n’ayant pas été déjà pris en compte par les titulaires du droit d’auteur lorsqu’ils ont autorisé la communication initiale de leur œuvre au public.
C’est au regard, notamment, de ces critères qu’il convient d’apprécier si le fait de placer un lien hypertexte vers des œuvres protégées, librement disponibles sur un autre site Internet sans l’autorisation du titulaire du droit d’auteur, constitue une “communication au public”, au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29.
Enfin, il existe des conditions additionnelles qui sont l’absence de protection technique restreignant l’accès au contenu communiqué sur le site-cible (vers lequel pointe l’hyperlien; voir Svensson, §31) ainsi que l’existence d’une autorisation donnée par l’ayant-droit quant à la première mise en ligne du contenu.
2) La jurisprudence antérieure considérait que l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29/CE, devait être interprété en ce sens que les hyperliens ne constituent pas un acte de communication au public. Il faut toutefois un public nouveau (Svensson, §24), condition qui n’est pas remplie si un hyperlien donne accès à des oeuvres déjà directement accessibles sur le web.
L’arrêt GS Media, quant à lui, met l’accent sur le caractère lucratif (§38).
La Cour dit que le placement d’hyperliens vers des œuvres protégées mises en ligne sans autorisation peut constituer une communication au public dans plusieurs hypothèses. Tout d’abord, s’il y a eu connaissance, c’est-à-dire que celui qui a placé l’hyperlien savait ou devait savoir que les liens donnaient accès à une œuvre illicitement publiée sur Internet (§ 49).
Ensuite, il y a une présomption de connaissance si le placement d’hyperliens est effectué dans un but lucratif (§ 51).
3) Les précisions apportées aux conditions des hyperliens pour être considérés comme une “communication au public” me semble plutôt adéquates. Néanmoins, certaines critiques peuvent être faites.
Tout d’abord, tous les sites de presse professionnels tombent dans la présomption de connaissance en raison de leur but lucratif. Ceux-ci voient donc leur responsabilité augmenter de manière considérable. Une trop grande insécurité juridique pèse sur leurs épaules.
De plus, cet arrêt crée une confusion entre les notions d’atteinte directe et indirecte. En effet, il n’y aurait pas d’atteinte directe par le simple placement d’un hyperlien car il n’y pas une reproduction du contenu. Par contre, il y aurait une atteinte indirecte dans le cas où il n’y aurait pas eu d’autorisation de la part de l’auteur pour une publication.
4) Admettons qu’établir un lien ne constitue pas une atteinte directe au droit de communication au public, il possible d’agir contre la personne qui a établi l’hyperlien vers du contenu illicite sur un autre fondement juridique. Le § 53 de l’arrêt GS Media précise que “les titulaires ont en toute circonstance la possibilité d’informer de telles personnes du caractère illégal de la publication de leur œuvre sur Internet et d’agir contre celles-ci dans l’hypothèse où elles refusent d’enlever ce lien sans qu’elles puissent se prévaloir de l’une des exceptions énumérées à cet article 5, paragraphe 3.”
5) Selon la jurisprudence de la Cour de justice, ces trois types de lien sont traités de la même façon.
Un lien en surface renvoit vers la page d’accueil d’un site. Dans ce cas là, pas de problème, un lien de surface est permis.
Un lien profond est un type d’hyperlien qui pointe spécifiquement vers une page ou toute autre ressource d’un site autre que sa page d’accueil. Ce type de lien est également autorisé.
Dans ces deux premiers cas, ces types d’hyperlien, par leur nature même, ne transmettent pas l’œuvre protégée mais ne font que renvoyer l’internaute vers le site contenant l’œuvre protégée.
La technique de transclusion, ou framing, consiste, par le biais d’un lien internet, à donner accès sur un site à un contenu provenant d’une autre page web. Par exemple, dans l’affaire Bestwater, la vidéo provenant de YouTube et apparaissait comme “incrustée” sur les sites internet des agents commerciaux.
La CJUE a accepté la technique de transclusion pour ce qui concerne les œuvres en libre accès sur un site internet, néanmoins une telle décision semble critiquable au vu du caractère commercial de l’opération. La différence avec l’hyperlien est donc le risque de confusion que cela peut susciter chez le navigateur : celui-ci peut ignorer que le contenu du cadre vient d’un autre site.
http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?docid=183124
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1. A quelles conditions un opérateur qui établit des liens vers des contenus protégés par le droit d’auteur commet-il un acte qualifiable de ‘communication au public’?
Dans sa jurisprudence (Svensson et BestWater), la Cour a clairement distingué deux conditions positives pour qu’il y ait une communication au public: il faut (i) qu’il y ait une communication et (ii) que cette dernière vise un “public”. De plus, il faut que ce public soit « nouveau ». Expliquons ces conditions. Premièrement : une communication. La notion de communication est large, couvrant toute communication au public non présent au lieu d’origine de la communication. Il y a une communication car toute transmission (en ce compris la mise à disposition) est une communication. La cour estime qu’il y a une transmission car l’hyperlien permet de transmettre, le fait de mettre du contenu en ligne est aussi une transmission. Deuxièmement : un public nouveau. Pour apprécier la notion de public nouveau, il faut prendre en compte l’existence de mesures techniques de restriction. S’il y a des contraintes sur le site cible, il y a l’accès qui est restreint à un certain public (ceux qui paient ou qui ont un accès en vertu de certaines conditions à respecter). De plus, il faut qu’il y ait une autorisation de mise en ligne sur le site cible au départ pour qu’il y n’y ait pas de nouveau public et qu’il n’y ait pas de communication au public. Dans GS Media, il n’y a pas d’autorisation à la base, il n’est donc pas pertinent de regarder si la condition d’absence de restriction technique est remplie ou non.
S’il y a un mode de transmission différent, comme par la télévision, la cour ne s’interroge pas sur l’existence d’un nouveau public, mais comme ici c’est le même mode de transmission par le web, elle considère qu’on doit vérifier la condition supplémentaire. Si le mode technique de transmission diffère, elle conclut de toute façon qu’il y a une communication au public (avec un public nouveau).
2. L’arrêt GS Media en matière d’hyperlien est-il en continuité avec la jurisprudence antérieure (Svensson, etc.) ou y a-t-il un revirement de jurisprudence?
Ce n’est pas un revirement de jurisprudence mais bien une confirmation et même une étendue de celle-ci. Dans sa jurisprudence antérieure, la CJUE avait jugé qu’un lien hypertexte conduisant à une œuvre protégée par le droit d’auteur pouvait constituer une mise à disposition et un acte de communication de cette œuvre, souvent illégal sans l’autorisation de l’auteur. Mais elle avait limité cette interprétation au cas spécifique où le lien en question permettait de contourner des mesures de restriction d’accès mises en place par un site internet, et donc de donner l’accès à l’œuvre à un public nouveau pas prévu par l’auteur. Dans cette affaire, l’éditeur du site pensait que puisque les fichiers avaient été hébergés par des tiers sur une autre plateforme, c’était cette plateforme qui était responsable légalement, et que mettre un lien vers cette plateforme n’engageait par sa responsabilité. Mais la CJUE va étendre la jurisprudence de l’arrêt Svensson et dire « qu’il ne saurait être déduit de Svensson que le placement sur un site internet de lien hypertexte vers des œuvres protégées qui ont été rendues librement disponibles sur un autre site internet, mais sans l’autorisation des titulaires du droit d’auteur serait exclu du raisonnement conduisant à leur illégalité ».
3. La solution de l’arrêt GS Media vous semble-t-elle aller dans le bon sens ou avez-vous des critiques?
A mon avis, la solution de l’arrêt suit le but poursuivi par la Cour : lutter de manière toujours plus efficace contre la contrefaçon. Il faut néanmoins selon moi rester critique car deux droits sont en balance : d’un côté, la protection des droits d’auteur-qui se trouve encore augmentée dans cette jurisprudence, et de l’autre la liberté d’expression et d’information de chacun-qui risque, elle, d’être réduite… Même si une plus grande protection des auteurs est souhaitable, il faut faire attention à ne pas trop empiéter sur cette liberté d’expression et d’information, puisque les hyperliens contribuent fortement à cet échange d’informations sur internet.
4. Admettons qu’établir un lien ne constitue pas une atteinte directe au droit de communication au public: est-il possible d’agir contre la personne qui a établi l’hyperlien vers du contenu illicite sur un autre fondement juridique? Si oui, expliquez.
Dans cette affaire, on n’avait pas mis directement les photos sur le site, on s’était arrangé avec un tiers pour qu’il publie les photos et puis on se contente de poster un hyperlien. Mais on incite les gens à aller voir les photos, donc on essayer d’obtenir des revenus au détriment de Playboy ! Dans ces cas, il devrait être possible d’agir sur base de la responsabilité civile et de la tierce complicité ! Ici, on parle du fait que celui qui place l’hyperlien sait/devrait savoir qu’il n’en a pas l’autorisation par le titulaire du droit d’auteur. La connaissance n’est pas une condition pour un droit intellectuel sur le plan du droit civil, la bonne foi n’est pas élisible en contrefaçon ; ce n’est pas parce qu’on ne le sait pas, qu’on est de bonne foi et qu’il ne peut exister d’atteinte. Pour la responsabilité indirecte, c’est en revanche un critère important. Si on incite quelqu’un à commettre des actes illicites, il y a un critère de connaissance qui intervient. L’exigence de connaissance qui renvoie à une responsabilité indirecte. Même si ça ne ne rentre pas dans le champ du droit d’auteur, être complice, encourager une atteinte peut être interdit sur base de la tierce-complicité, l’article 1382 CC. On se base sur des concepts nationaux, la responsabilité indirecte n’a jamais été harmonisée. On pourrait donc agir sur base de 1382 en invoquant la responsabilité indirecte de celui qui a placé l’hyperlien. Si c’est une atteinte directe au droit d’auteur, chaque fois que l’on met un hyperlien, on doit demander une autorisation préalable (comme c’est requis dans le droit d’auteur). Si c’est une atteinte indirecte, on ne doit pas demander une autorisation préalable mais si on place des hyperliens vers un contenu que l’on sait ou que l’on doit raisonnablement savoir illicite peut donner lieu à l’application des principes de la responsabilité indirecte basées sur des théories du droit civil.
5. Selon la jurisprudence de la Cour de justice, faut-il traiter autrement un lien simple ou de surface (surface link), un lien profond (deep link) et un lien par transfusion (framing)?
L’arrêt « Cadresonline c. Keljob » dit qu’il y a une autorisation implicite donnée par tout opérateur de faire des liens simples (c’est-à-dire les liens en surface qui nous conduisent à la page d’accueil du site cible). La juridiction dit cependant qu’à côté de cette règle juridique, il y a peut-être une norme non juridique qui conseille de prévenir le propriétaire du site cible avant de placer l’hyperlien. Cette présomption simple d’autorisation des liens de surface peut être renversée notamment si le site cible utilise des moyens techniques qui bloquent la possibilité d’avoir directement accès à la page ou s’il y a des conditions d’utilisation qui interdisent les liens simples sur le site cible. La juridiction dit que les liens profonds (les liens en profondeur par lesquels on est directement dirigé vers une page intérieure du site cible, on contourne la page d’accueil), eux, peuvent constituer une pratique déloyale s’ils ont pour but de : détourner ou dénaturer le contenu ou l’image du site cible, faire apparaître le site cible comme étant le sien, sans mentionner la source, ne pas signaler à l’internaute qu’il est dirigé vers un site ou une page web extérieure au premier site. Finalemet, il y a les liens avec cadrage (framing) ou transclusion, comme dans l’affaire BestWater (CJUE, C-348/13) ou l’affaire TotalNews. Dans ce cas-là, on a du contenu qui apparait dans le cadre du site sur lequel le lien a été posté. Dans ce cadre, le contenu du site cible est inséré. Dans l’affaire TotalNews c. Washington Post, il y a eu une transaction entre les parties dans laquelle on a interdit les hyperliens par cadrage mais on autorise les hyperliens simples.
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Liens hypertextes
1. A quelles conditions un opérateur qui établit des liens vers des contenus protégés par le droit d’auteur commet-il un acte qualifiable de ‘communication au public’?
Il faut tout d’abord qu’il rentre dans la notion de « communication au public » au sens de l’article 3 de la directive 2001/29, qui comprend deux éléments, à savoir l’acte de communication en lui-même et le fait que ce dernier doit s’adresser au public.
En ce qui concerne l’acte de communication, le fait de mettre à disposition d’un certain public une œuvre de sorte que sa composante puisse y avoir accès en l’utilisant (sans pour autant que le fait de l’utiliser ou pas soit déterminant pour qualifier l’acte d’acte de communication) constitue un acte de communication ; or, les hyperliens ou « liens cliquables » présents sur un site renvoyant vers un autre site rentrent dans ce carcan.
Ensuite, on en vient à la notion de « communication au public », qui implique un certain nombre assez importants de destinataires indéterminés et potentiels ; de nouveau, ce critère est rempli dans le cas de l’hyperlien, puisque le public correspond aux personnes qui visitent le site et sont potentiels enclin à cliquer sur ces liens.
Cependant la jurisprudence ajoute une ultime condition quant à cette notion de communication au public ; elle exige de manière constante que le public visé soit nouveau, c’est-à-dire un public qui initialement n’aurait pas été pris en compte par le titulaire du droit d’auteur lorsque ce dernier a exercé son droit de communication au public.
2. L’arrêt GS Media en matière d’hyperlien est-il en continuité avec la jurisprudence antérieure (Svensson, etc.) ou y a-t-il un revirement de jurisprudence?
Oui, il y a une certaine continuité par rapport à la jurisprudence précédente. L’arrêt GS Média se base sur les mêmes raisonnements et va même encore plus loin que ce que la cour l’a fait lors des arrêts Svensson et Best water, dans la mesure où, dans ces arrêt, « la clé » dans le processus ayant mené la cour à déclarer que les hyperliens ne constituaient pas dans le cas d’espèce en question une communication au public était le critère du « public nouveau », qui n’aurait pas été visé expressément par le titulaire du droit, et ce dans la mesure où ce dernier avait donné son consentement quant à la communication au public de son œuvre. Dans le cas où ce critère de « public nouveau » n’était pas rencontré en ce qui concerne le lien, ce dernier ne constituait pas une communication au public.
Dans l’arrêt GS Media, le critère de la nouveauté n’est pas la problématique centrale, à l’inverse du critère du consentement / de l’autorisation du titulaire du droit d’auteur (comprenant ainsi l’illégalité de l’acte de communication au public) quant à la communication au public, mais aussi et c’est plus discutable (on ne peut véritablement parler de fracture ou revirement avec la jurisprudence précédente mais ces critères se rajoutent à cette dernière) le critère du but lucratif éventuellement poursuivi par le créateur des liens hypertextes. La cour estime que l’on ne peut parler véritablement d’acte de communication au public même quand le consentement du titulaire du droit n’a pas été recueilli ( que ce soit par le créateur du lien ou par le tiers dont le site est celui auquel renvoie le lien), lorsque soit le créateur du lien ne poursuit pas de but lucratif, soit lorsque ce dernier est présumé ne pas savoir ou ne devant pas raisonnablement savoir que le contenu auquel ce lien même renvoie, ce qui constitue une nouveauté par rapport à Svensson et bestwater.
3. La solution de l’arrêt GS Media vous semble-t-elle aller dans le bon sens ou avez-vous des critiques?
L’arrêt GS Media laisse transparaitre la mise en balance entre les droits d’auteurs et le respect de la liberté d’expression et il semble que cette solution est relativement douteuse, même si la cour estime qu’elle a trouvé un certain équilibre en interprétant l’article 3 de la directive 2001/29 de la sorte.
Il semble que les seuls critères du « but de lucre » et de la connaissance de l’illégalité de la communication du contenu ne sont pas des plus pertinents dans l’optique de protéger les droits d’auteur. Cela semble seulement apporter des conditions supplémentaires à celles apposées par la jurisprudence Svensson et Bestwater sans pour autant renforcer la position des titulaires de droits d’auteur, que du contraire ; en effet, même sans but de lucre, la personne mettant à disposition cet hyperlien peut n’avoir comme objectif que porter atteinte aux intérêts du titulaire des droits tout en prétendant ne pas avoir connaissance de l’illégalité du contenu ; cela signifie-t-il pour autant que l’on n’est pas en présence d’un acte de communication au public ? Et quant à la preuve de la connaissance ou de la « due » connaissance de l’illégalité, dans quelle configuration se situe-t-on ? Quand peut-on affirmer que l’on devait savoir ou pas que tel ou tel contenu était légalement en ligne, alors que l’internet est vaste à l’infini et qu’il met potentiellement en contact des milliards de personnes en contacts ?
Il me semble que la cour aurait été plus inspirée si cette dernière avait ordonné autrement les appréciations et conclusions qu’elle a tirées de ce cas d’espèce, par exemple en se basant sur les critères combinés de l’illégalité et du préjudice grave et difficilement réparable causé au titulaire des droits.
De cette manière, la liberté d’expression aurait été prise en compte dans la mesure où ce critère est plus facilement appréciable et moins facilement évitable pour la personne mettant à disposition l’hyperlien, qui garderait ainsi une certaine marge de manœuvre lorsqu’elle viendrait à créer des liens de ce genre.
4. Admettons qu’établir un lien ne constitue pas une atteinte directe au droit de communication au public: est-il possible d’agir contre la personne qui a établi l’hyperlien vers du contenu illicite sur un autre fondement juridique? Si oui, expliquez.
Au vu du contenu, on pourrait évidemment agir sur base de la protection de la vie privée (8 CEDH) même si la jurisprudence Svensson prend techniquement en compte ce cas de figure (imaginons un site dévoilant du contenu privé n’étant disponible qu’à certaines personnes selon des critères tels que la personnalité des visiteurs du sites ou même une contribution financière : un lien renvoyant vers ce contenu et permettant de contourner les « mesures de restrictions » constituerait un acte de communication au public (nouveau)).
On pourrait aussi agir de manière générale sur la base de toutes les protections conférées par le droit d’auteur ou autre droits intellectuels, que ce soit en ce qui concerne les droits patrimoniaux ou moraux, dans la mesure où l’hyperlien est un incitant et un moyen de contourner la protection conférées par ces droits et donc de les violer.
5. Selon la jurisprudence de la Cour de justice, faut-il traiter autrement un lien simple ou de surface (surface link), un lien profond (deep link) et un lien par transfusion (framing)?
Un lien de surface est un lien hypertexte externe qui renvoie vers la page d’accueil d’un autre site Web.
Ce lien ne constitue pas au regard de la jurisprudence de la cours une communication au public, dans la mesure où le critère de « nouveauté » du public n’est pas rempli (jurisprudence Svensson).
Un lien profond est un lien qui renvoie non pas vers la page d’accueil mais vers une page spécifique, recherchable ou indexable d’un site Web en particulier.
Ce lien peut selon les cas constituer, de nouveau au regard de la jurisprudence Svensson, une communication au public ; si le lien renvoie à une page web qui est accessible (qui ne fait pas l’objet de conditions d’accès ou ne contient pas de contenu protégé) ou que ce lien ne permet pas de passer outre les éventuelles conditions d’accès, alors le lien ne constitue pas une communication au public.
Le framing consiste à incorporer une page web d’un autre site au sein de son propre site.
La cour se prononce en ces termes en ce qui concerne le framing dans l’arrêt Bestwater : « Le seul fait qu’une œuvre protégée, librement disponible sur un site Internet, est insérée sur un autre site Internet au moyen d’un lien utilisant la technique de la «transclusion» («framing»), telle que celle utilisée dans l’affaire au principal, ne peut pas être qualifié de «communication au public», au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, dans la mesure où l’œuvre en cause n’est ni transmise à un public nouveau ni communiquée suivant un mode technique spécifique, différent de celui de la communication d’origine. »
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1. A quelles conditions un opérateur qui établit des liens vers des contenus protégés par le droit d’auteur commet-il un acte qualifiable de ‘communication au public’?
L’article 3 de la Directive 2001/29 visant une harmonisation dans le droit d’auteur dans la société de l’information consacre un droit exclusif pour l’auteur de s’opposer à toute communication au public de son œuvre.
La notion de « communication au public » n’étant pas définie dans la directive, il convient de se tourner vers la jurisprudence de la CJUE afin d’y trouver une définition. Dans son arrêt du 4 octbre 2011 (Premier League), la CJUE définit la communication au public comme « toute transmission des œuvres protégées, indépendamment du moyen ou du procédé technique utilisé ». Il s’agit d’une interprétation large, dans le but de garantir au maximum la protection du titulaire du droit d’auteur.
Au niveau des conditions, l’on retrouve les des conditions établies dans l’arrêt Svensson (et confirmées par après par l’arrêt Best Water), et qui sont au nombre de deux :
1) Acte de communication ;
2) Visant un public (à entendre par public nouveau).
Les deux conditions sont analysées à la question 2.
Une troisième condition est retenue par après, et qui est plus subsidiaire : il s’agit du caractère lucratif de la communication : la personne ayant placé l’hyper lien retire-il un bénéfice de cela ? Il faut faire une différentiation selon que la personne agit ou non avec un but lucratif (avec une présomption d’action en pleine connaissance de cause si la personne agit dans un but lucratif).
2. L’arrêt GS Media en matière d’hyperlien est-il en continuité avec la jurisprudence antérieure (Svensson, etc.) ou y a-t-il un revirement de jurisprudence ?
Suite à l’analyse des arrêts Svensson (et BestWater, qui constitue une confirmation du premier arrêt) de la CJUE, il ressort que deux conditions cumulatives doivent être remplies pour que l’on parle de communication au public dans le cadre des hyper liens, et, par conséquent, qu’il faille demander l’autorisation à l’auteur lorsque l’on crée un hyper lien qui revoit à son œuvre (tel qu’un article de presse, par exemple).
1) Il doit y avoir un acte de communication
Un hyper lien est -il un acte de communication ? Il semble que oui, c’est en tout cas ce qui ressort de la jurisprudence de la CJUE. Le fait de placer dans une page internet, un lien cliquable qui revoie à un autre site, ce dernier contenant une œuvre d’un auteur librement disponible mais protégée, est un acte de communication. En outre, la personne ayant créé l’hyper lien doit agir avec l’intention délibérée de donner accès à une œuvre en libre accès. Le fait que, sans le lien, les internautes auraient moins facilement accès à l’œuvre de l’artiste, renforce le fait qu’un hyper lien est un acte de communication. Il y a transmission et mise à disposition du public.
2) Qui vise un public (entendu comme un public nouveau)
L’acte de communication doit viser un public, c’est-à-dire un « ensemble indéterminé d’internautes potentiels ».
Ce public doit être nouveau. Et c’est là qu’une difficulté se pose. À la lecture de l’arrêt Svensson (et la confirmation ultérieure par l’arrêt Best Water de la CJUE), les hyper liens font défaut pour cette condition-ci. Les hyper liens revoient vers des sites dit « en libre accès », dès lors, ce type de site à vocation à toucher un public très large, c’est-à-dire en réalité l’ensemble de la communauté d’internautes. Dès lors, le site sur lequel le lien est placé et le site auquel il revoit (contenant l’œuvre) ne vise pas fondamentalement un public différent.
Pour en conclure, pour qu’un opérateur établissant des liens vers des contenus protégés par le droit d’auteur commet un acte qualifiable de ‘communication au public’ lorsqu’il vise un public nouveau. La CJUE considère, dans cet arrêt, qu’il ne vise pas un public nouveau et dès lors, un hyper lien n’est pas une communication au public.
Dans l’arrêt GS Media de la CJUE, l’on peut observer qu’il n’y a pas de confirmation de la jurisprudence antérieure, mais au contraire, il y a un revirement de jurisprudence.
En effet, la CJUE va donner tort au défendeur (qui a mis un hyper lien sur son site, menant à un autre site qui contient des photos contrefaites d’une personne nue, destinées à être publiées dans le magazine « Playboy). L’hyper lien mène vers une œuvre diffusée sans le consentement de l’auteur, mais qui a été publié sur le site vers lequel le lien mène et non pas sur le site sur lequel le lien se trouve.
L’arrêt GS Media va porter sur la notion de « consentement » de l’auteur, c’est-à-dire « le placement de liens hypertexte vers des œuvres qui ont été rendues librement disponibles sur un autre site Internet avec le consentement du titulaire » (arrêt GS Media). L’idée est qui si une personne met un hyper lien sur son site, renvoyant vers un autre site contenant un contenu illicite, cette personne réalise un acte de communication pour lequel le consentement de l’artiste (propriétaire des photos, en l’espèce) est nécessaire.
Etant donné que l’auteur de l’œuvre n’a pas consenti à ce que son œuvre soit publiée sur un site, il y a nécessairement la condition du nouveau public qui est remplie car l’auteur de l’œuvre n’avait pas pris en compte ce public.
Il existe une présomption que le créateur de l’hyper lien agit en connaissance de cause (ce dernier savait qu’il créé un hyper lien menant à un contenu illicite). Selon la CJUE, « pour autant que cette présomption ne soit pas renversée, l’acte consistant à placer un lien cliquable vers une œuvre illégalement publiée sur Internet constitue une communication au public », pour laquelle le consentement de l’auteur est dès lors nécessaire. La présomption n’est, dans le cas d’espère, pas renversée.
Dès lors, le défendeur s’est rendu coupable de contrefaçon car n’avait pas le consentement nécessaire pour faire son hyper lien.
3. La solution de l’arrêt GS Media vous semble-t-elle aller dans le bon sens ou avez-vous des critiques ?
En exerçant un revirement de jurisprudence, la Cour s’est attirée la foudre de la Commission, car rend beaucoup plus restreinte la liberté d’expression et d’information, pourtant reconnue comme une liberté fondamentale par la Charte, en son article 11.
Dans l’optique où on considère qu’il faut toujours l’autorisation de l’auteur pour mettre un lien qui mène à une de ses œuvres, lorsque son œuvre est illicitement publié sur le site auquel le lien renvoi, à chaque fois où l’on agit sans cette autorisation, l’on se rend coupable d’un acte illicite.
Cela va incontestablement à l’encontre de la liberté fondamentale consacrant la liberté d’expression et d’information. La cour est trop restrictive dans cet arrêt GS Media.
Il y a également un risque que les états membres critiquent cette décision.
Mais il faut tout de même garder à l’esprit que les droits des auteurs doivent être protégés, surtout quand leur œuvre est placée de manière illicite sur un site. Le cas qui nous retient (GS Media) est un cas dans lequel les photos sont placées de manière illicite sur le site auquel revoit l’hyperlien, il n’y avait pas eu de consentement de l’auteur des photos.
Je pense tout de même que la Cour est trop sévère dans sa décision. Elle sanctionne trop sévèrement le défendeur, ce dernier n’ayant au final fait qu’ un lien entre son site et le site abritant les photos. La CJUE limite trop la liberté d’expression.
Elle devrait s’atteler à trouver une solution moins stricte envers le défendeur (créateur de l’hyper lien) tout en persistant à protéger les droits de l’artiste.
4. Admettons qu’établir un lien ne constitue pas une atteinte directe au droit de communication au public : est-il possible d’agir contre la personne qui a établi l’hyperlien vers du contenu illicite sur un autre fondement juridique ? Si oui, expliquez.
L’on doit s’écarter de l’atteinte directe du droit d’auteur, en considérant qu’on n’est pas du cadre d’une contrefaçon, en s’orientant plus vers le droit de la responsabilité. Le créateur de l’hyper lien est responsable de son hyper lien, et du contenu auquel il renvoi. Il comment une faute qui créé un dommage dans le chef de l’auteur et/ou de ses ayants droit. Dès lors, il serait redevable de dommages et intérêts envers l’auteur ou ses ayants droit.
Il s’agirait, à mon sens, d’une sanction moins lourde (dommages et intérêts) que la sanction en contrefaçon (qui peut donner lieu à un volet civil ou un volet pénal).
5. Selon la jurisprudence de la Cour de justice, faut-il traiter autrement un lien simple ou de surface (surface link), un lien profond (deep link) et un lien par transfusion (framing) ?
Source : http://www.barreaudeliege.be/actu/hyperliens.pdf
Différence entre les trois types de liens :
1) Le lien simple (surface link) : ce lien, lorsque l’on clique dessus, renvoi directement à la page principale (d’accueil) d’un site. Selon la jurisprudence actuelle, le lien simple ne nécessite aucune autorisation.
2) Le lien profond (deep link) : renvoi vers une page secondaire d’un site internet. La redirection est plus directe, on va plus vite vers l’information recherchée. Ici, la question de l’autorisation est plus complexe. L’on peut en tout cas affirmer qu’il n’existe pas de consentement implicite à la création de liens profonds. Il faut en outre préciser qu’en utilisant un lien profond, on ne peut pas donner l’impression que l’on s’approprie le contenu du site vers lequel le lien renvoi.
Ici, il y aura une analyse casuistique fait par le juge pour savoir, si en l’espèce, en fonction des circonstances, l’autorisation de l’opérateur du site cible aurait dû être donnée lors de la création du lien profond. Il faut en effet éviter, qu’avec le droit d’auteur, le juge se rend coupable d’un abus.
3) Lien de transfusion (framing) : « consiste à afficher des pages d’un autre site dans un cadre de son propre site tout en gardant les outils de navigation de son propre site (l’internaute ne voit pas, par conséquent, qu’il est, en partie, sorti du site d’origine) ». il est très critiquable. Ce lien n’est pas accepté par la CJUE.
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1. La Cour dit qu’il faut tenir compte de « plusieurs critères complémentaires de nature non autonome et interdépendants les uns par rapport aux autres », qui peuvent « être présents avec une intensité très variable » (§34). Les trois critères sont :
a. Le « rôle incontournable joué par l’utilisateur et le caractère délibéré de son intervention » (§35)
b. La notion de « public », qui dont être entendue comme un « nombre indéterminé de destinataires potentiels » (§36). L’œuvre doit en outre être communiquée soit selon un « mode technique spécifique », soit pour un public nouveau (§37)
c. Le « caractère lucratif d’une communication au public » est pertinent (§38)
2. La Cour rappelle les enseignements des arrêts précédents (§§32-40), mais elle précise le fait que dans ces arrêts-là elle n’avait pas considéré le placement sur un site Internet des hyperliens vers des œuvres librement disponibles sur un site internet comme étant des « communications au public » au sens de l’article 3 de la directive. Dans Svensson e.a. la Cour ne s’est exprimée que sur le placement de liens hypertexte vers des œuvres qui ont été rendues librement disponibles sur un autre site Internet avec le consentement du titulaire, la Cour ayant conclu à l’absence d’une communication au public au motif que l’acte de communication en question n’était pas effectué auprès d’un public nouveau (§§41-42). En outre, la Cour considère que ces décisions confirment l’importance d’avoir été autorisé par l’auteur de l’œuvre préalablement à la communication au public. L’arrêt GS Media constitue un revirement de jurisprudence en ce que la cour construit une présomption réfragable de connaissance de la nature protégée de l’œuvre et de l’absence d’autorisation de publication par le titulaire lorsque le placement a un but lucratif. Lorsque la présomption n’est pas renversée, tel placement constitue une communication au public au sens de la directive (§§50-51).
3. Selon l’arrêt GS Media, le placement d’hyperliens vers œuvres protégées mises en ligne sans autorisation peut constituer une communication au public si celui qui a placé l’hyperlien savait (suite à une notification par l’auteur par exemple) ou devait savoir que les liens donnent accès à une œuvre illicitement publiée sur Internet (§ 49). En outre, la présomption de connaissance joue lorsque l’auteur a placé les hyperliens dans un but lucratif (§51).
Je trouve que la présomption de connaissance est trop lourde pour les professionnels, ce qui risque de heurter la liberté d’expression des journalistes. Nombreux sites de presse sur internet utilisent des hyperliens vers des tierces pages. La cour même avait dit qu’il est parfois impossible de vérifier si le site vers lequel leurs hyperliens dirigent donne accès à des œuvres protégés (d’autant plus en cas de sous-licences) (§46). Ce qui mène aussi à beaucoup d’insécurité juridique pour ces professionnels et à des charges excessives pour eux, vu qu’ils doivent demander des autorisations préalables. Selon moi, cette solution n’est pas la meilleure. Je pense que la cour aurait dû garder sa jurisprudence antérieure.
4. Il est possible d’agir contre la personne qui a établi l’hyperlien vers du contenu illicite sur base de l’art. 1382 CCiv. Je pense surtout au cas où la personne qui établit l’hyperlien contribue à la diffusion illicite du contenu qui se trouve sur le site vers lequel l’hyperlien conduit. Agir en contrefaçon n’est pas possible dans ce cas-ci parce que le simple placement d’hyperliens n’est pas une atteinte directe (voy aussi §53 GS Media).
5. Un lien en surface ne fait que renvoyer vers la page d’accueil du site cible, tandis qu’un lien en profondeur renvoie vers une page intérieure du site cible, et un lien par transfusion utilise le cadre du site faisant le lien. Les trois types d’hyperliens aboutissent à la même chose, ils renvoient à des œuvres disponibles (librement ou pas) sur internet (arrêt BestWater pour les liens par transfusion ; arrêt Svensson pour liens de surface et liens en profondeur). La cour semble traiter les trois types de liens de la même façon, ce qui est important finalement c’est si la personne qui les a placés l’a fait dans un but lucratif.
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1. A quelles conditions un opérateur qui établit des liens vers des contenus protégés par le droit d’auteur commet-il un acte qualifiable de ‘communication au public’?
La Cour juge dans les arrêts Bestwater et Svensson qu’un hyperlien qui renvoie à du contenu, protégé par un droit d’auteur, n’est pas une communication au public, car un hyperlien est le même mode de communication que la communication au public originale et que ce n’est pas une communication auprès d’un nouveau public, car le contenu était déjà librement disponible sur internet ;
“14 En effet, il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que, pour être
qualifiée de «communication au public» (…)une œuvre protégée doit être communiquée
→ selon un mode technique spécifique, différent de ceux jusqu’alors utilisés ou,
à défaut,
→ auprès d’un public nouveau, c’est-à-dire un public n’ayant pas été déjà pris en compte par les titulaires du droit d’auteur lorsqu’ils ont autorisé la communication initiale de
leur œuvre au public.
15 S’agissant plus spécifiquement de l’insertion sur un site Internet, par un tiers, au moyen d’un lien Internet, d’une œuvre protégée ayant été déjà librement communiquée au public sur un autre site Internet, la Cour a jugé, au point 24 de l’arrêt Svensson e.a. (C-466/12, EU:C:2014:76), que, étant donné qu’un tel acte de communication utilise le même mode technique que celui déjà utilisé pour communiquer cette œuvre sur cet autre site Internet, pour être qualifié de «communication au public» au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001, cet acte doit être effectué auprès d’un public nouveau.
16 Lorsque tel n’est pas le cas, notamment, en raison du fait que l’œuvre est déjà librement disponible pour l’ensemble des internautes sur un autre site Internet avec l’autorisation des titulaires du droit d’auteur, ledit acte ne saurait être qualifié de «communication au public» au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29 (voir, en ce sens, arrêt Svensson e.a., EU:C:2014:76, points 25 à 28). (CJUE Bestwater International, C-348/13, 21 octobre 2014, point 14, 15 et 16)”
L’arrêt GS Média ajoute et précise les conditions pour ne pas être considéré comme une communication au public illicite. Si le lien renvoie à une communication au public, sans autorisation du titulaire du droit d’auteur, le hyperlien ne consiste pas d’une communication au public, si la personne ne savait pas ou ne pouvait pas savoir raisonnablement, que la communication au public, à laquelle le hyperlien renvoie, n’était pas autorisé (GS Média, point 47 à 49). L’arrêt instaure une présomption de connaissance pour les liens hypertexte publié dans un but lucratif ;
“(…), lorsque le placement de liens hypertexte est effectué dans un but lucratif, il peut être attendu de l’auteur d’un tel placement qu’il réalise les vérifications nécessaires pour s’assurer que l’œuvre concernée n’est pas illégalement publiée sur le site auquel mènent lesdits liens hypertexte, de sorte qu’il y a lieu de présumer que ce placement est intervenu en pleine connaissance de la nature protégée de ladite œuvre et de l’absence éventuelle d’autorisation de publication sur Internet par le titulaire du droit d’auteur (GS Média point 51).”
2. L’arrêt GS Media en matière d’hyperlien est-il en continuité avec la jurisprudence antérieure (Svensson, etc.) ou y a-t-il un revirement de jurisprudence?
L’arrêt GS Média est un continuité avec la jurisprudence, car il y a une différence pertinente entre Svensson et BestWater d’un coté et GS Média de l’autre coté. La communication au public dans GS Média était sans autorisation du titulaire du droit d’auteur. Le hyperlien renvoyait à du contenu, qui n’était pas publié par le titulaire du droit d’auteur (CJUE GS Média, point 41 et 43). Cette différence justifie la nouvelle position de la Cour.
3. La solution de l’arrêt GS Media vous semble-t-elle aller dans le bon sens ou avez-vous des critiques?
The hyperlink is the building block of the World Wide Web.” -Tim Berners-Lee
D’un coté je comprends la position du la CJUE : c’est important de protéger les droits du titulaire du droit intellectuel, mais d’un autre coté, obliger la personne qui publie un lien de contrôler si ce lien renvoie à une communication au public, autorisée par le titulaire du droit d’auteur, est une limitation de la liberté d’expression, d’autres intérêts, droits fondamentaux des utilisateurs et de l’intérêt général. Je ne suis pas sûr que la Cour a trouvé le juste équilibre entre ces intérêts avec cette décision.
4. Admettons qu’établir un lien ne constitue pas une atteinte directe au droit de communication au public: est-il possible d’agir contre la personne qui a établi l’hyperlien vers du contenu illicite sur un autre fondement juridique? Si oui, expliquez.
On peut agir sur pied du principe général de l’article 1382 Code civil ou d’une théorie de la responsabilité indirecte (duty to care, participation ou incitation à l’infraction, etc.) en cas de lien vers des contenus non autorisés (A. Strowel, Note sur C.J.U. (4e ch.) 13 février 2014).
5. Selon la jurisprudence de la Cour de justice, faut-il traiter autrement un lien simple ou de surface (surface link), un lien profond (deep link) et un lien par transfusion (framing)?
Dans l’arrêt Bestwater la Cour s’est prononcé sur les liens par transfusion et la Cour traite les liens de transfusion de la même façon que les liens de surface. (CJUE Bestwater International, C-348/13, 21 octobre 2014, point 17 et 18.)
Dans l’affaire Svensson la Cour a émis une réserve. Dans le paragraphe 31 elle précise que un hyperlien peut être considéré comme un communication à un nouveau public, quand le contenu, à lequel le hyperlien renvoie, est derrière un paywall. Un lien profond renvoie directement à une page spécifique et contourne la page d’accueil où se trouvent possiblement des publicités. La personne qui accède au contenu en venant par la page d’accueil paye indirectement pour le contenu, car elle voit la publicité. Le public qui accède à ce contenu à travers un lien profond pourrait être considéré comme un nouveau public, à mon avis, car il n’a pas vu la publicité et n’a donc pas payé pour voir le contenu. Donc un lien profond pourrait tomber en dessous la réservation de la cour dans le paragraphe 31 de l’arrêt Svensson si on raisonne par analogie.
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I. Conditions pour qu’il y ait communication au public :
Il y a deux éléments cumulatifs à réunir : un acte de communication d’une œuvre ET la communication au public.
Mais cette appréciation doit être individualisée donc il faudra prendre en compte d’autres critères complémentaires qui seront analysés individuellement ainsi qu’au vu de leur interaction.
Ces critères sont les suivants :
– le rôle incontournable joué par l’utilisateur et le caractère délibéré de son intervention.
Il y a communication lorsque l’utilisateur donne accès à ses clients en pleine connaissance des conséquences de son comportement et notamment lorsque, sans son intervention, ses clients n’auraient pas eu accès à cette œuvre.
– Pour qu’il y ait communication au « public », il faut que la communication vise un nombre indéterminé de destinataires potentiels et par ailleurs, un nombre de personnes assez important
– Pour être qualifiée de « communication au public », une œuvre protégée doit être communiquée selon un mode technique spécifique, différent de ceux jusqu’alors utilisés ou, à défaut, auprès d’un « public nouveau », c’est‑à‑dire un public n’ayant pas été déjà pris en compte par les titulaires du droit d’auteur lorsqu’ils ont autorisé la communication initiale de leur œuvre au public
– le caractère lucratif d’une communication au public n’est pas dénué de pertinence
II. Revirement de jurisprudence ?
Dans l’arrêt Svensson, le titulaire avait donné son autorisation pour la publication de son œuvre sur le site auquel le lien renvoyait ; autorisation de publication selon le même procédé (internet) et à l’égard du même public (celui d’internet). Or dans l’affaire GS média, le titulaire n’a pas donné son consentement pour la publication de l’œuvre sur le site internet auquel le lien renvoie. Il s’agit donc de deux hypothèses différentes. L’arrêt GS média n’est pour moi pas un revirement de jurisprudence car il vise une hypothèse distincte de celle de Svensson et ne contredit pas cet arrêt.
III. GS média va dans le bon sens ou est critiquable ?
Selon moi cette décision va dans le bon sens car elle crée un équilibre entre la protection du titulaire et l’utilisation largement répandue de ces hyperliens. Le titulaire a le droit de contrôler la publication initiale de son œuvre sur internet mais également les hyperliens qui y renvoient. Cela lui confère une protection assez importante. D’un autre côté, il ne faut pas aller trop loin dans la protection pour ne pas arriver par exemple à ce qu’un étudiant en établissant un hyperlien dans son mémoire se retrouve acculé devant les tribunaux.
Par cet arrêt, l’équilibre est ainsi réalisé par le rôle de l’utilisateur principalement. Il permet au titulaire d’agir contre l’hyperlien mais ne permet pas d’agir contre des personnes qui sans avoir connaissance de la publication illicite mette à disposition ce type de lien (que ce soit celles sans but lucratif ou avec but lucratif pouvant renverser la présomption).
IV. Si l’hyperlien n’est pas une atteinte à la communication au public, peut-on agir sur une autre base ?
Problème quant au contenu auquel il est renvoyé : violation du droit de la concurrence si le site qui renvoie vers un autre met à disposition gratuitement l’information alors que le site vers lequel le client est renvoyé fait lui payer pour avoir accès.
Problème concernant le pointeur : le pointeur peut contenir le nom de domaine pouvant être protégé par le droit des marques.
V. Distinction jurisprudentielle entre les liens ?
Le lien profond renvoie à une page d’un site autre que sa page d’accueil, une page spécifique. C’est ce dont il est question dans l’affaire Svensson où les liens renvoyaient directement aux articles publiés.
En ce qui concerne le lien « framing », la jurisprudence n’a pas fait de distinction dans l’arrêt BestWater international et a suivi la jurisprudence Svensson.
Il semble donc que la jurisprudence ne fasse pas de distinction quant à ces deux catégories de liens.
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1) Il faut qu’il y a (1) une communication: une transmission via un hyperlien est une communication. C’est dans le but d’assurer la protection que la Cour interprète de manière large le principe de communication. A côté de ça, il faut que cette communication est au public (2): dans l’arrêt Svensson, la Cour a stipulé que c’est un nombre indéterminé des destinataires potentiels et implique, par ailleurs, un nombre assez important (point 21). Il faut aussi que le public est nouveau (3): si le public qui peut avoir accès à l’oeuvre via un hyperlien est le même public que le public qui peut avoir accès aux photos originales, il n’y a pas communication au public parce que l’auteur a déjà donné consentement pour ce public. Le public est nouveau s’il y a des contraintes sur le site cible et n’importe qui peut avoir accès aux photos via l’hyperlien. Dans ce cas là l’auteur n’a pas encore donner consentement pour ce public et il y a communication au public.
2) Dans l’arrêt Svensson: on a le consentement de l’auteur. L’auteur a donné son consentement pour mettre l’oeuvre sur le site original (auquel le hyperlien se réfère). On peut consulter le site sur lequel les articles sont mis avec le consentement de l’auteur et on donne l’hyperlien de ce site. (GS Media: l’auteur n’a pas donné son consentement, via le hyperlien on va envers un site Australian, pour lequel l’auteur n’a pas donné son consentement, ce n’était pas le site orignal de l’auteur)
3) Pour les deux premières questions: oui. Après, il s’agit d’une responsabilité indirecte et de question si les gens, qui établissent des hyperliens, savent ou peuvent raisonnablement savoir comme étant illicites soient responsable. Il ne me semble pas aller dans le bon sens. Premièrement ce sera très difficile à prouver si quelqu’un avait connaissance ou pouvait avoir connaissance. Deuxième remarque: quand a-t-il un but lucratif? C’est très difficile à stipuler et pas bien pour le développement d’internet et difficile à concilier avec le principe de liberté d’expression. Il est difficile pour les gens de vérifier le consentement. Il me semble qu’autres questions préjudicielles suivront de cet arrêt.
4) Oui on peut peut-être agir sur base d’article 1382 CC. C’est possible qu’il est responsable sur base du droit commun Belge: la responsabilité indirecte. Il faut prouver une faute, on doit prouver qu’il avait connaissance que le contenu était illicite ou qu’il pouvait raisonnablement savoir que le contenu était illicite. En plus, il faut prouver dommage et un lien causal.
5) Dans l’arrêt Svensson et BestWater, la Cour a stipulé qu’il n’y a pas communication au publique, “même si l’oeuvre apparait en donnant l’impression qu’elle est montré depuis le site sur lequel se trouve ce lien (p.ex. pour Framing), alors qu’elle vient en réalité d’un autre site”. (point 17 BestWater, 29 et 30 Svensson). Alors, il ne faut pas traiter autrement un lien surface ou framing.
Sources:
– S. Van Voorts, uitspraak GeenStijl is een vervuiling van het auteursrechtelijke systeem, https://tweakers.net/nieuws/115481/uitspraak-geenstijl-is-een-vervuiling-van-het-auteursrechtelijke-systeem.html.
– HVJ EU 8 september 2016, C-160/15 (Svensson)
– CJUE 21 octobre 2014, C-348/13 (BestWater)
– La Cour de justice en quête d’un impossible équilibre?, Revue des affaires européennes, nr. 3, p. 539 e.s.
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L’établissement d’un hyperlien après GS Media: quand y a-t-il une communication au public selon la Cour de justice?
Les questions qui vous sont posées en rapport avec l’arrêt GS Media:
A quelles conditions un opérateur qui établit des liens vers des contenus protégés par le droit d’auteur commet-il un acte qualifiable de ‘communication au public’?
Selon la CJUE, la communication au public, au sens de la directive InfoSoc, est constituée d’un acte de communication (i) et du caractère public de celui-ci (ii), comme elle le rappelle au §32 de l’arrêt (conformément à sa jurisprudence préalable). Il n’existe cependant pas de règle de raison pour juger de ces critères, dont l’appréciation se fait in concreto (§33). Ainsi, dans cet arrêt, la Cour considère notamment que le caractère lucratif de la communication pour la personne qui la réalise (comme ce fut le cas en l’espèce) peut être pertinent (§38).
(i) Acte de communication
Une personne réalise un tel acte lorsqu’elle donne, en connaissance de cause, l’accès à d’autres à une oeuvre protégée par le droit d’auteur (§35). De plus, comme dans le cas d’espèce, il est important d’apprécier si ces dernières pouvaient avoir (facilement) accès à l’oeuvre sans l’intervention de la première (§35).
(ii) Public
Selon la Cour, cette notion représente un certain nombre de personnes auxquelles est destiné l’acte de communication. Bien que ne déterminant pas précisément ce nombre, elle le considère comme devant être « important » (§36).
En outre, ce public doit être « nouveau », c’est à dire non spécifiquement visé par les modes de communication utilisés jusqu’alors par les ayants droit et pour lequel ces derniers n’ont pas donné d’autorisation (§37).
En conclusion, l’établissement de liens vers des contenus protégés sera une communication au public lorsque l’opérateur connaissait le caractère illégal de la source et qu’il l’a effectué afin de donner accès aux oeuvres à un public pour lesquels les ayants droit n’ont pas autorisé la publication. La Cour ajoute que lorsqu’il est fait dans un but lucratif, une telle connaissance est présumée (§dispositif).
L’arrêt GS Media en matière d’hyperlien est-il en continuité avec la jurisprudence antérieure (Svensson, etc.) ou y a-t-il un revirement de jurisprudence?
Dans l’arrêt Svensson, la Cour avait considéré que l’établissement de lien vers une oeuvre librement disponible sur un autre site Internet ne constituait pas un acte de communication au public. Dès lors, l’autorisation des ayants droit n’était pas nécessaire pour procéder à un tel acte. Ce raisonnement fut suivi dans l’arrêt BestWater (GS Media, §40).
Cependant, la jurisprudence de la Cour n’avait pas, jusqu’à l’arrêt GS Media clarifié la notion d’oeuvre librement disponible. Or dans GS Media, la Cour considère qu’est « librement disponible », un contenu qui a été au préalable communiqué à un certain public avec le consentement du titulaire du droit d’auteur. Ainsi, lorsque la communication est faite à un nouveau public (c’est à dire qui n’avait pas accès à l’oeuvre préalablement), il s’agit d’une nouvelle communication au public, qui doit être autorisée par l’ayant droit (§41).
L’arrêt semble, dès lors, conforme à la jurisprudence antérieure qui laissait ouverte la possibilité de protection des ayants droit contre des hyperliens contrefaisants (Svensson, §31). La Cour a ici clarifié ce point des arrêts Svensson et BestWater en confirmant que chaque acte de communication au public doit être autorisé par le titulaire du droit d’auteur (§43).
La solution de l’arrêt GS Media vous semble-t-elle aller dans le bon sens ou avez-vous des critiques?
Cet arrêt confirme une jurisprudence établie et la prolonge en respectant l’objectif de la directive, à savoir la protection maximale des ayants droit. Sur ce point, l’arrêt est satisfaisant puisqu’il permet aux ayants droit une protection appropriée de leurs oeuvres face aux mises à disposition illégales, tout en ne revenant pas sur les avancées de l’arrêt Svensson en matière de liberté d’expression. Ce dernier point était primordial puisque les hyperliens constitue une fonctionnalité indispensable d’Internet qui ne doit pas être soumise au bon vouloir des ayants droit. Du point de vue des auteurs, la Cour semble donc avoir atteint un équilibre entre expression légitime et contrefaçon.
Cependant, du point de vue de la liberté d’expression, l’arrêt peut être considéré de manière plus critique. Sans tomber dans l’excès inverse qui veut que toute restriction sur Internet est forcément une atteinte injustifiée à cette liberté, il faut considérer la difficulté qui apparait pour juger de la légalité d’une expression. Cette difficulté est notamment rencontrée par les utilisateurs qui partagent des liens sans avoir la possibilité de vérifier la présence d’une autorisation préalable des ayants droit. Elle pourrait alors conduire, si l’arrêt venait à être appliqué trop strictement, à une auto-censure de la part des opérateurs.
La Cour n’a pas ignoré ce problème et a mis en place le critère du but lucratif, en présence duquel l’opérateur est présumé connaître l’existence ou l’absence d’une telle autorisation. Il pourrait toutefois s’agir là d’un critère compliqué à apprécier et qui risque de ne pas être pertinent en toutes circonstances. D’une part, tout site présentant de la publicité pourrait être considéré à visée lucrative. D’autre part, même en l’absence d’un tel but, l’opérateur pourrait être tenu comme responsable pourvu que les ayants droit puissent prouver non pas qu’il connaissait le caractère illégal de la présentation du contenu, mais qu’il aurait dû le connaitre. Si des futurs éclaircissements de la Cour sur ces points détermineront vers quel côté penchera la balance, les ayants droit se retrouve aujourd’hui avec un outil supplémentaire de contrôle des contenus sur Internet, face à une liberté d’expression de plus en plus démunie.
Admettons qu’établir un lien ne constitue pas une atteinte directe au droit de communication au public: est-il possible d’agir contre la personne qui a établi l’hyperlien vers du contenu illicite sur un autre fondement juridique? Si oui, expliquez.
Si l’opérateur n’effectue pas une communication au public, il ne peut être accusé de contrefaçon. Par contre, en fonction des circonstances de l’affaire, une action en violation du droit moral de l’auteur ou pour cause de concurrence déloyale (par rapport à la communication au public réalisée par l’ayant droit) pourrait être intentée. Quant aux chances de succès de l’une ou de l’autre, elles paraissent assez maigres. D’une part, un lien vers une mise à disposition réalisée par l’auteur lui-même ou autorisée par lui ne semble pas contrevenir à son droit moral. D’autre part, un raisonnement similaire semble rendre une action en matière de concurrence compliquée, sauf si l’opérateur du lien réalise un bénéfice (critère également mentionné dans le cadre de GS Media, ce qui pourrait rendre cette action inutile). Dans un cas comme dans l’autre, les réponses (futures) de la Cour pourraient dépendre du type de lien (par exemple, la transfusion), bien qu’elle ne se soit pas prononcée jusqu’à présent en faveur d’une différenciation.
(Par contre, les ayants droit disposent d’une action en contrefaçon contre la personne qui a effectivement réalisé un acte de communication au public non autorisé, conformément à la jurisprudence de la CJUE. Cependant, cette personne sera souvent inconnue, comme ce fut le cas en l’espèce.)
Selon la jurisprudence de la Cour de justice, faut-il traiter autrement un lien simple ou de surface (surface link), un lien profond (deep link) et un lien par transfusion (framing)?
Un « lien simple » donne accès à la page d’accueil d’un site Internet. Au contraire, un « lien profond » se réfère à un hyperlien qui donne à l’utilisateur accès à une page d’un site Internet autre que la page d’accueil. En outre, un « lien par transfusion » donne accès à une page web depuis une autre page web, sans devoir se rendre sur la première.
Dans son arrêt BestWater, la Cour avait considéré que la transfusion ne modifiait pas les conditions d’un acte de communication à un public nouveau (§19). En outre, la Cour ne fait pas de différence entre les liens simples et profonds (Svensson, GS Media).
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A quelles conditions un opérateur qui établit des liens vers des contenus protégés par le droit d’auteur commet-il un acte qualifiable de ‘communication au public’?
La notion de communication au public doit être entendue au sens large et doit s’appréciée de manière individualisée, comprenant :
– Un acte de communication d’une œuvre càd toute transmission des œuvres protégées, indépendamment du moyen ou du procédé technique utilisé.
– La communication de cette œuvre à un public càd à un nombre indéterminés de destinataires potentiels et implique un nombre de personne assez large.
L’œuvre doit être transmise à un « public nouveau » càd un public qui n’était pas pris en compte par les titulaires de droits sur les œuvres protégées lorsqu’ils ont autorisé leur utilisateur par la communication au public d’origine. On peut tenir compte aussi du caractère volontaire de l’intervention : est-ce que l’utilisateur pose un acte de communication en pleine connaissance des conséquences de son comportement ?
– Le caractère lucratif de la communication : critère non déterminant mais pertinent.
L’arrêt GS Media en matière d’hyperlien est-il en continuité avec la jurisprudence antérieure (Svensson, etc.) ou y a-t-il un revirement de jurisprudence?
La jurisprudence antérieure de la CJUE concernait uniquement le placement d’hyperliens vers des œuvres rendues disponibles sur un autre site avec le consentement du titulaire. Selon cette jurisprudence antérieure (arrêt Svensson et arrêt C-348/13), un tel type de placement de lien ne constitue pas en une communication au public.
Ce n’est pas pour autant qu’on peut déduire de cette jurisprudence que la notion de « communication au public » n’englobe pas un tel type de placement de lien quand les œuvres en question ont été publiée sur le site sans autorisation du titulaire.
L’arrêt GS Media constitue donc pour moi une continuité de la jurisprudence antérieure puisqu’il va au-delà de ce qui a été dit dans cette jurisprudence, en affinant les critères mais sans pour autant partir dans une autre direction.
La solution de l’arrêt GS Media vous semble-t-elle aller dans le bon sens ou avez-vous des critiques?
La Cour soutient que ce GS Media a fait est une « communication au public », faisant tomber ce type de placement de lien sous le prescrit de l’art. 3 de la directive 2001/29, directive très protectrice des auteurs. En faisant cela, la Cour obligera par la suite tous les moteurs de recherche à contrôler les liens qu’ils indexent, ça risque d’être très compliqué pour les éditeurs qui postent de lien de vérifier si les autorisations ont bien été donnée en amont, à l’auteur de l’autre site. On peut considérer que dans cet arrêt la Cour penche plutôt en faveur des droits d’auteurs qu’en faveur de la liberté d’expression notamment.
De plus, il y a maintenant de nombreux critères à établir pour voir si on a affaire ou non à une communication au public, notamment un élément intentionnel, et je pense que ça risque de poser problème notamment en matière de preuve.
Admettons qu’établir un lien ne constitue pas une atteinte directe au droit de communication au public: est-il possible d’agir contre la personne qui a établi l’hyperlien vers du contenu illicite sur un autre fondement juridique? Si oui, expliquez.
On pourrait peut-être simplement se baser sur le critère de la faute (art. 1382 CC) : il y a une faute (GS Media place des liens en pleine connaissance du caractère illégal de la publication) qui cause un dommage à autrui (atteinte au droit d’auteur de Sanoma), et on peut clairement établir ici un lien entre la faute et le dommage.
Selon la jurisprudence de la Cour de justice, faut-il traiter autrement un lien simple ou de surface (surface link), un lien profond (deep link) et un lien par transfusion (framing)?
Un lien simple est un lien qui renvoie au site concerné. Mais si on veut renvoyer à l’article précisément posté sur telle page du site, il faut le faire via un lien profond. Le lien de transfusion consiste à incorporer la page web d’un site sur son propre site internet. On sent bien une différence dans le degré de communication au public. De base, je pense que tout hyperlien doit respecter la concurrence loyale. Et plus on monte dans le degré de l’identification du contenu illicite, plus on risque de répondre d’une contrefaçon, d’une communication au public, et bien d’autres encore.
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L’article 3 de la directive 2001/29 énonce que « les Etats membres prévoient pour les auteurs le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire tout communication au public de leurs œuvres ». Pourtant, cet article ne précise pas la notion de communication au public.
En regardant les considérants de cette directive, il ressort que celle-ci a pour objectif principal d’instaurer un niveau élevé de protection en faveur des auteurs. Il s’ensuite alors que la notion de communication au public doit être entendue au sens large. Dans des arrêts antérieurs, la Cour a précisé que la notion de communication au public associe deux éléments cumulatifs qui sont un acte de communication d’une œuvre et la communication de cette dernière à un public. Elle a également précisé que cela impliquait une appréciation individualisée.
Pour cela, il faut tenir compte de différents critères supplémentaires, interdépendants les uns des autres et pouvant être présents avec une intensité variable. Le premier critère est le rôle joué par l’utilisateur et le caractère délibéré de son intervention. Le second est la notion de public qui implique un nombre de personnes assez important. Il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour qu’il faut une publication selon un mode technique nouveau ou un public nouveau (pas pris en compte par les titulaires du droit d’auteur). Enfin, le critère du caractère lucratif d’une communication au public est également à prendre en compte.
Dans l’arrêt Svensson du 13 février 2014, la cour a interprété l’article 3 de la directive 2001/29 en ce sens que ne constitue pas une communication au public, le placement sur un site internet de liens hypertexte vers des œuvres librement disponibles sur un autre site internet. Mais cela ne vaut que pour des œuvres qui ont été rendues disponibles sur un autre site internet avec le consentement du titulaire du droit d’auteur. Ce qui dès lors ne correspond plus au critère de public nouveau. Mais on ne peut pas déduire directement que le placement de liens hypertexte vers des œuvres qui ont été rendues disponible sans l’autorisation du titulaire du droit d’auteur est exclu directement de la notion de communication au public. Cela aurait des conséquences restrictives pour la liberté d’expression et d’information.
Si la personne qui place un lien hypertexte savait ou devait savoir que ce lien donne accès à une œuvre illégalement publiée, on peut considérer cela comme une communication au public. Cela comprend également le lien qui permet aux utilisateurs d’accéder à l’œuvre alors que l’accès au public est normalement restreint par le titulaire du droit d’auteur. De plus, lorsque le placement du lien se fait dans un but de lucre, il faut s’assurer que l’œuvre n’est pas illégalement publiée. Il y a donc une présomption que le placement est fait en connaissance de cause. Le titulaire du droit d’auteur peut donc agir contre toute personne qui publie un lien vers une œuvre illégalement publiée à des fins lucratives mais également contre ceux qui ne poursuive pas un but lucratif mais qui savait ou devait savoir que le lien donne accès à une œuvre illégalement publiée.
Cette solution permet une large protection des droits d’auteurs mais permet également le respect de la liberté d’expression sur internet. En effet, un lien vers une œuvre illégalement publiée, posé par une personne de bonne foi sans but de lucre ne pourra pas être considéré comme une communication au public car on ne peut pas attendre de chaque utilisateur privé qu’il se renseigne sur la manière dont l’œuvre a été publié originellement. La liberté d’expression reste donc fort présente. Par contre, lorsque la personne est de mauvaise foi ou, dans le cadre d’un but lucratif, aurait donc dû se renseigner sur l’origine de la publication, poste un lien hypertexte vers une œuvre illégalement publiée, les droits d’auteurs prennent le dessus sur la liberté d’expression.
Selon l’arrêt Cadresonline c. Keljob, il y a une présomption simple d’autorisation des liens de surface même s’il est d’usage de prévenir le propriétaire du site cible. Mais il y a une interdiction des liens profonds comme pratique déloyale, par exemple si les liens ont pour but de « détourner ou dénaturer le contenu ou l’image du site cible », de « faire apparaitre le site cible comme étant le sien, sans mentionner la source », de « ne pas signaler à l’internaute qu’il et dirigé vers un site ou une page web extérieur au premier site ». Selon l’arrêt Washington Post v. Total News, la technique de lien de framing est autorisée sous réserve du droit des sites d’information à retirer leur autorisation moyennant un préavis de deux semaines.
Il y a donc une différence de traitement dans les différentes sortes de liens, notamment en raison de la concurrence déloyale. Un lien en surface est un lien vers la page d’accueil du site tandis qu’un lien en profondeur va vers une page intérieur du site.
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1) Les deux premières conditions classiques sont la communication et un public nouveau.
La communication est une transmission, c’est une notion assez large.
Le caractère délibéré semble être un critère décisif à cet égard. Le caractère délibéré est la pleine connaissance des conséquences de l’acte. Si le lien vise du contenu illicite en toute connaissance de cause, alors on parle d’acte de communication au public (§49).
Le public vise un nombre indéterminé et assez important de personnes (§36). Le public doit être nouveau (lorsque le mode de diffusion est le même). Selon le §37, le public nouveau est le public qui n’a pas été pris en compte par les titulaires du droit d’auteur lorsqu’ils ont autorisé la communication initiale de l’œuvre.
La Cour semble ajouter ici une nouvelle condition : le caractère lucratif.
S’il y a un caractère lucratif, la connaissance de l’illégalité est présumée et dès lors on parle également d’acte de communication au public (sauf si la présomption est renversée). S’il n’y a pas de caractère lucratif et que le « liant » n’était pas au courant de l’absence d’autorisation, alors pas de communication au public.
2) Dans l’arrêt Svensson, la Cour avait considéré qu’un lien hypertexte ne constituait pas un acte de communication au public. Or la Cour juge qu’il y a dans ce cas-ci communication au public.
Il y a eu une évolution de la jurisprudence mais ce n’est pas un revirement car les deux cas d’espèce ne sont pas identiques. Dans le premier, il y avait une autorisation donnée par le titulaire du droit intellectuel, donc la Cour a jugé qu’il n’y avait pas de communication au public. Mais dans le deuxième, donc l’arrêt GS Media, il n’y a pas d’autorisation, c’est donc bien différent. C’est pourquoi on parlerait plutôt de précision de la jurisprudence que de revirement.
Dans cet arrêt-ci, la Cour précise 2 éléments supplémentaires: l’élément de connaissance su caractère licite ou illicite de la publication à laquelle le lien renvoie et le caractère lucratif ou non de l’hyperlien.
3)A mon sens, c’est une bonne décision, car fournir un hyperlien est bien une communication au public dès lors qu’on donne accès à quelque chose que le public n’aurait pas vu sans ce lien.
De plus, la finalité de l’arrêt est louable puisque la Cour vise à lutter contre la contrefaçon de manière plus ferme.
Cependant, on pourrait formuler une première critique par rapport à la notion de connaissance (caractère délibéré). Comme il est indiqué au §46 de l’arrêt, il peut s’avérer difficile pour des particuliers qui souhaitent placer des liens qui renvoient à des sites où les œuvres sont publiées avec autorisation de l’auteur. On peut se demander si ce critère ne relève pas davantage de la responsabilité indirecte.
En outre, la notion d’autorisation semble se rapporter davantage à la question de l’atteinte des MTP. S’il y a eu un contournement des MTP, alors il n’y avait pas d’autorisation du titulaire et dès lors, il y avait un public nouveau.
On pourrait formuler une deuxième critique par rapport à la notion de but lucratif. En effet, la Cour ne précise ce qu’on entend par là. C’est donc une notion assez vague : à partir de quand est-ce lucratif ? Publicités ?
Dès lors cette incertitude peut engendrer un problème par rapport à la liberté d’expression : les gens pourraient avoir peur désormais de partager des hyperliens car ils ne savent pas où se trouve la limite.
4)Oui, on pourrait, sur base d’une atteinte indirecte. Selon nous, le régime d’exonération en faveur des intermédiaires en ligne ne peut pas s’appliquer aux fournisseurs d’hyperliens. Ils ne sont ni des fournisseurs de structure, ni des fournisseurs d’accès, ni des fournisseurs de services. Dès lors, leur responsabilité indirecte peut être engagée. En effet, s’il n’y a pas d’autorisation et qu’on savait ou devait savoir que le contenu est illicite, on peut se demander si placer un lien permettant d’aller vers un contenu illicite (donc faciliter la découverte, le partage ?) peut être vu comme une responsabilité indirecte et donc comme un acte de complicité (fourniture des moyens + savoir avec une certaine précision quelle sera l’infraction commise).
5)Le lien simple renvoie à la page d’accueil d’un site. Le lien profond renvoie à une page bien précise d’un site, ça permet d’aller directement sur la bonne page. Le lien par transfusion est le lien qui permet d’intégrer du contenu provenant d’un autre site sur son propre site tout en dissimulant le site d’origine.
Dans l’arrêt Bestwater, la CJUE semblait faire une différence entre les liens de surface, les liens profonds et les liens par framing. Selon la Cour, le framing ne constituait pas une communication au public en considérant que l’œuvre n’est pas transmise à un public nouveau, malgré le fait que les circonstances étaient floues sur le fait de savoir s’il y avait autorisation ou non des titulaires du droit d’auteur à la 1ère communication sur Youtube.
Mais si on applique GS Media, dès lors qu’il n’y avait pas d’autorisation de l’auteur et que le fournisseur du lien le savait (ou était présumé le savoir si but lucratif), on peut supposer qu’il peut y avoir ici aussi acte de communication au public. L’arrêt GS Media ne parait pas faire pas de différence entre les différents types de liens.
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1. Les deux premières conditions classiques sont la communication et un public nouveau.
La communication est une transmission, c’est une notion assez large.
Le caractère délibéré semble être un critère décisif à cet égard. Le caractère délibéré est la pleine connaissance des conséquences de l’acte. Si le lien vise du contenu illicite en toute connaissance de cause, alors on parle d’acte de communication au public (§49).
Le public vise un nombre indéterminé et assez important de personnes (§36). Le public doit être nouveau (lorsque le mode de diffusion est le même). Selon le §37, le public nouveau est le public qui n’a pas été pris en compte par les titulaires du droit d’auteur lorsqu’ils ont autorisé la communication initiale de l’œuvre.
La Cour semble ajouter ici une nouvelle condition : le caractère lucratif.
S’il y a un caractère lucratif, la connaissance de l’illégalité est présumée et dès lors on parle également d’acte de communication au public (sauf si la présomption est renversée). S’il n’y a pas de caractère lucratif et que le « liant » n’était pas au courant de l’absence d’autorisation, alors pas de communication au public.
2. Dans l’arrêt Svensson, la Cour avait considéré qu’un lien hypertexte ne constituait pas un acte de communication au public. Or la Cour juge qu’il y a dans ce cas-ci communication au public.
Il y a eu une évolution de la jurisprudence mais ce n’est pas un revirement car les deux cas d’espèce ne sont pas identiques. Dans le premier, il y avait une autorisation donnée par le titulaire du droit intellectuel, donc la Cour a jugé qu’il n’y avait pas de communication au public. Mais dans le deuxième, donc l’arrêt GS Media, il n’y a pas d’autorisation, c’est donc bien différent. C’est pourquoi on parlerait plutôt de précision de la jurisprudence que de revirement. Dans cet arrêt-ci la Cour précise deux éléments supplémentaires : l’élément de connaissance du caractère licite ou illicite de la publication à laquelle le lien renvoie et le caractère lucratif ou non de l’hyperlien.
3. A mon sens, c’est une bonne décision, car fournir un hyperlien est bien une communication au public dès lors qu’on donne accès à quelque chose que le public n’aurait pas vu sans ce lien.
De plus, la finalité de l’arrêt est louable puisque la Cour vise à lutter contre la contrefaçon de manière plus ferme.
Cependant, on pourrait formuler une première critique par rapport à la notion de connaissance (caractère délibéré). Comme il est indiqué au §46 de l’arrêt, il peut s’avérer difficile pour des particuliers qui souhaitent placer des liens qui renvoient à des sites où les œuvres sont publiées avec autorisation de l’auteur. On peut se demander si ce critère ne relève pas davantage de la responsabilité indirecte.
En outre, la notion d’autorisation semble se rapporter davantage à la question de l’atteinte des MTP. S’il y a eu un contournement des MTP, alors il n’y avait pas d’autorisation du titulaire et dès lors, il y avait un public nouveau.
On pourrait formuler une deuxième critique par rapport à la notion de but lucratif. En effet, la Cour ne précise ce qu’on entend par là. C’est donc une notion assez vague : à partir de quand est-ce lucratif ? Publicités ?
Dès lors cette incertitude peut engendrer un problème par rapport à la liberté d’expression : les gens pourraient avoir peur désormais de partager des hyperliens car ils ne savent pas où se trouve la limite.
4. Oui, on pourrait, sur base d’une atteinte indirecte. Selon nous, le régime d’exonération en faveur des intermédiaires en ligne ne peut pas s’appliquer aux fournisseurs d’hyperliens. Ils ne sont ni des fournisseurs de structure, ni des fournisseurs d’accès, ni des fournisseurs de services.
Dès lors, leur responsabilité indirecte peut être engagée.
En effet, s’il n’y a pas d’autorisation et qu’on savait ou devait savoir que le contenu est illicite, on peut se demander si placer un lien permettant d’aller vers un contenu illicite (donc faciliter la découverte, le partage ?) peut être vu comme une responsabilité indirecte et donc comme un acte de complicité (fourniture des moyens + savoir avec une certaine précision quelle sera l’infraction commise).
5. Le lien simple renvoie à la page d’accueil d’un site. Le lien profond renvoie à une page bien précise d’un site, ça permet d’aller directement sur la bonne page. Le lien par transfusion est le lien qui permet d’intégrer du contenu provenant d’un autre site sur son propre site tout en dissimulant le site d’origine.
Dans l’arrêt Bestwater, la CJUE semblait faire une différence entre les liens de surface, les liens profonds et les liens par framing. Selon la Cour, le framing ne constituait pas une communication au public en considérant que l’œuvre n’est pas transmise à un public nouveau, malgré le fait que les circonstances étaient floues sur le fait de savoir s’il y avait autorisation ou non des titulaires du droit d’auteur à la 1ère communication sur Youtube.
Mais si on applique GS Media, dès lors qu’il n’y avait pas d’autorisation de l’auteur et que le fournisseur du lien le savait (ou était présumé le savoir si but lucratif), on peut supposer qu’il peut y avoir ici aussi acte de communication au public. L’arrêt GS Media ne parait pas faire pas de différence entre les différents types de liens.
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1. Pour qu’il y ait communication au public, il faut premièrement un acte de communication au public, à savoir un acte par lequel une oeuvre est transmise à un public, de manière directe et non par le truchement d’un support matériel. Il faut, en outre, que cet acte soit mis a disposition d’un public nouveau, à savoir un public n’ayant pas été déja pris en compte par les titulaires du droit d’auteur lorsqu’il a autorisé la communication initiale de leur oeuvre au public (cfr. arrêt BestWater International). Enfin, le caractère lucratif peut être pris en compte.
2. L’arrêt GS Media va dans le même sens que l’arrêt Svensson, tout en apportant plus de précisions et d’étendue. En effet, la cour dit dans son paragraphe 43 qu’il “ne saurait être déduit de l’arrêt Svensson que le placement, sur un site internet, de liens hypertexte vers des oeuvres protégées qui ont été rendues librement disponibles sur un autre site Internet, mais sans l’autorisation des titulaires du droit d’auteur de ces oeuvres, serait exclu, par principe”.
Pour créer un lien hypertexte vers une oeuvre, il faudrait s’assurer que l’auteur a donné son accord à ce que l’oeuvre soit visible par tous les internautes.
3. – Premièrement, il est étonnant de démontrer l’existence d’un élément objectif (la communication au public) à l’aide de faits subjectifs (le but lucratif, la bonne foi, etc…)
– Deuxièmement, le fait que la personne tire profit des liens hyper texte (donc qu’elle poursuive un but lucratif) le place dans une situation de casse-tête.
4. L’on pourrait envisager d’attaquer la personne grâce à certains droits moraux tels que le droit de divulgation ou encore le droit d’attribution ou de paternité.
5. La CJUE c’est posé la question à propos de cette distinction dans plusieurs arrêts (voy. Ticketmaster Corp. v. Microsoft Corp., Shetland Times v. Wills, Ticketmaster Corp. v. Tickets.com). Il en ressort que la responsabilité s’accroît en fonction du caractère automatique et/ou profond du lien, du degré d’intégration des contenus de sites extérieurs et de la nature commerciale des sites.
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1. Les deux critères cumulatifs sont la communication et un public nouveau.
La communication est une transmission, c’est une notion assez large.
Le public vise un nombre indéterminé et assez important de personnes (§36). Le public doit être nouveau (lorsque le mode de diffusion est le même). Selon le §37, le public nouveau est le public qui n’a pas été pris en compte par les titulaires du droit d’auteur lorsqu’ils ont autorisé la communication initiale de l’œuvre (or ici la communication autorisée à Playboy n’impliquait pas les internautes).
La communication parait englober, dans cet arrêt, deux (sous)-critères : le caractère délibéré et le caractère lucratif.
Le caractère délibéré est la pleine connaissance des conséquences de l’acte. Si le lien vise du contenu illicite en toute connaissance de cause, alors on parle d’acte de communication au public (§49).
S’il y a un caractère lucratif, la connaissance de l’illégalité est présumée et dès lors on parle également d’acte de communication au public (sauf si la présomption est renversée).
2. Dans l’arrêt Svensson, la Cour avait considéré qu’un lien hypertexte ne constituait pas un acte de communication au public. Or la Cour juge qu’il y a dans ce cas-ci communication au public.
Il y a eu une évolution de la jurisprudence mais ce n’est pas un revirement car les deux cas d’espèce ne sont pas identiques. Dans le premier, il y avait une autorisation donnée par le titulaire du droit intellectuel, donc la Cour a jugé qu’il n’y avait pas de communication au public. Mais dans le deuxième, donc l’arrêt GS Media, il n’y a pas d’autorisation, c’est donc bien différent. C’est pourquoi on parlerait plutôt de précision de la jurisprudence que de revirement.
3. A mon sens, c’est une bonne décision, car fournir un hyperlien est bien une communication au public dès lors qu’on donne accès à quelque chose que le public n’aurait pas vu sans ce lien.
De plus, la finalité de l’arrêt est louable puisque la Cour vise à lutter contre la contrefaçon de manière plus ferme. Cependant, on pourrait formuler une critique par rapport à la notion de but lucratif. En effet, la Cour ne précise ce qu’on entend par là. C’est donc une notion assez vague : à partir de quand est-ce lucratif ? Publicités ?
Dès lors cette incertitude peut engendrer un problème par rapport à la liberté d’expression : les gens pourraient avoir peur désormais de partager des hyperliens car ils ne savent pas où se trouve la limite.
4. Oui, on pourrait, sur base d’une atteinte indirecte. Selon nous, le régime d’exonération en faveur des intermédiaires en ligne ne peut pas s’appliquer aux fournisseurs d’hyperliens. Ils ne sont ni des fournisseurs de structure, ni des fournisseurs d’accès, ni des fournisseurs de services.
(cfr https://aurelienbamde.com/2016/08/11/la-responsabilite-de-lauteur-dun-lien-hypertexte/)
Dès lors, leur responsabilité indirecte peut être engagée.
En effet, s’il n’y a pas d’autorisation et qu’on savait ou devait savoir que le contenu est illicite, on peut se demander si placer un lien permettant d’aller vers un contenu illicite (donc faciliter la découverte, le partage ?) peut être vu comme un acte de complicité (fourniture des moyens + savoir avec une certaine précision quelle sera l’infraction commise).
5. Le lien simple renvoie à la page d’accueil d’un site. Le lien profond renvoie à une page bien précise d’un site, ça permet d’aller directement sur la bonne page. Le lien par transfusion est celui qui permet d’accéder à un contenu en contournant les mesures de restriction/protection (TPM).
La Cour semble traiter différemment les liens par transfusion des autres (§50). Pour les liens par transfusion, elle estime qu’il y a d’office une communication au public car elle estime que l’intervention est d’office délibérée. Ce n’est pas le cas pour les liens simples et les liens profonds.
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L’établissement d’un hyperlien après GS Media: quand y a-t-il une communication au public selon la Cour de justice?
1. A quelles conditions un opérateur qui établit des liens vers des contenus protégés par le droit d’auteur commet-il un acte qualifiable de ‘communication au public’?
La Cour de Justice considère qu’il faut remplir deux conditions pour qu’un acte soit qualifiable de
communication au public : Il faut tout d’abord avoir un « acte de communication » et que cette
communication soit faite vers un « public »(CJUE, arrêt du 13 février 2014 Svensson, C-466/12,
point 16 et CJUE, arrêt du 7 mars 2013, ITV Broadcasting e.a., C‑607/11, points 21 et 31).
L’acte de communication doit s’entendre de manière large selon la Cour.
La Cour a précisé que la deuxième condition, de la communication à un « public », si cela concerne une communication qui ne soit pas la communication initiale par le titulaire de droit, doit concerné un public « nouveau », c’est-à-dire à un public n’ayant pas été pris en compte par les titulaires du droit d’auteur, lorsqu’ils ont autorisé la communication initiale au public (CJUE, arrêt du 13 février 2014 Svensson, C-466/12, point 24) ou bien être fait via un mode technique non utilisé jusque là
Cependant, dans le cadre de la communication d’hyperlien sur Internent, la Cour a considérée que si la communication au public initiale s’est faite sur internet, celle-ci visait potentiellement tout le public d’Internet. Dès lors, une deuxième communication via un hyperlink ne saurait visé un public nouveau ((CJUE, arrêt du 13 février 2014 Svensson, C-466/12, point 25 et 26).
Cependant, la Cour établit des exceptions à ce principe. Premièrement, dès lors que l’hyperlien permet de contourner des mesures de sécurités limitant l’accès (sous conditions de s’abonner par exemple) sur le site où la communication initiale a été réalisée. Si la publication d’hyperlien permet de contourner cette restriction d’accès, la communication vise dès lors un public nouveau, n’ayant pas normalement accès au contenu protégé.
Deuxièmement, lorsque la première communication au public a été de manière illégale, sans le consentement du titulaire de droit, si la personne postant l’hyperlien savait que cette communication avait été faite illégalement, la Cour considère que cela est une communication au public qui est interdite selon ‘article 3 de la directive 2001/29. La Cour ajoute, dans l’arrêt GS media, que si la communication de l’hyperlien s’est faite dans un but de lucre, celui ayant fait cette communication est présumé savoir, si c’est le cas, que la première communication sur internet de l’oeuvre a été faite sans le consentement du titulaire de droit. Mais une telle présomption n’existe pas si la communication par hyperlink n’a pas été faite dans un but de lucre ( CJUE, arrêt du 8 septembre 2016, GS Media, C-160/15, points 48 à 51).
2. L’arrêt GS Media en matière d’hyperlien est-il en continuité avec la jurisprudence antérieure (Svensson, etc.) ou y a-t-il un revirement de jurisprudence?
L’arrêt GS Media est dans la continuité de la jurisprudence antérieure de la CJUE en matière d’hyperlien et de communication au public. En effet celle-ci rajoute une exception au principe que la communication d’un hyperlien renvoyant vers une oeuvre protégée diffusée sur internet n’est pas une communication au public au sens de l’article 3 de la directive 2001/29. La Cour, avant l’arrêt GS média, n’avait pas envisagé la communication d’un hyperlien renvoyant vers une oeuvre ayant été publiée sur internet sans le consentement de son auteur. Ce faisant, l’arrêt GS Média, via cette précision et l’établissement d’une présomption de connaissance de l’illégalité de la première publication, renforce la sécurité juridique et la prévisibilité en cas de communication sur internet que cela soit pour les auteurs ou ceux partageant du contenu. De plus, elle garde la même ligne d’interprétation provenant des considérants 4 et 9 de la directive 2001/29 qui parlent de garantir un niveau élevé de protection aux titulaires d’un droit d’auteur. Via son interprétation dans GS Média, la Cour agrandi la protection des titulaires d’un droit d’auteur contre des exploitations lucratives illégale de leurs oeuvres sur internet.
3. La solution de l’arrêt GS Media vous semble-t-elle aller dans le bon sens ou avez-vous des critiques ?
– Quant à la distinction opérée par la CJUE entre les hyperliens renvoyant vers des œuvres librement rendues disponibles et avec le consentement de l’auteur et les autres hyperliens :
Selon nous, la solution apportée par l’arrêt GS Media n’est ni complètement bonne, ni tout à fait mauvaise. Si d’une part, elle renforce effectivement la protection des droits d’auteurs (consentement du titulaire du droit intellectuel en question requis), d’autre part, elle restreint encore plus la liberté d’expression, autrement dit, la « communication au public » au sens de l’article 3, §1, de la directive 2001/29.
– Quant à la distinction opérée par la CJUE entre les personnes établissant des hyperliens avec ou sans but de lucre :
Selon nous, cette seconde distinction prend plus de sens que la première. Sachant qu’autour des différents droits intellectuels se trouvent généralement de nombreux enjeux économiques, la solution retenue par la Cour dans l’arrêt GS Media permettra dorénavant de mieux lutter contre la contrefaçon. Néanmoins, restera-t-il encore à démontrer le caractère lucratif ou non lié à l’hyperlien en question. Ce point reste compliqué et l’est d’autant plus sur Internet. En effet, si bien souvent l’accès et l’utilisation des sites sont gratuits, on retrouve toutefois Couramment un but de lucre en toile de fond.
4. Admettons qu’établir un lien ne constitue pas une atteinte directe au droit de communication au public : est-il possible d’agir contre la personne qui a établi l’hyperlien vers du contenu illicite sur un autre fondement juridique ? Si oui, expliquez.
En cas d’établissement d’hyperlien, il se pourrait que l’auteur d’une œuvre protégée, ayant préalablement concédé sur celle-ci une licence à un tiers de manière à la rendre disponible sur son site Internet, se trouve lésé par la perte économique résultant de cet hyperlien. On pourrait dès lors concevoir que l’auteur de ce dernier voie sa responsabilité engagée sur le plan civil. Faute, dommage et lien causal sont les 3 éléments à établir. Ainsi, si l’hyperlien n’avait pas été établi (= faute), aucune perte économique (= dommage) n’auraient été subies par le titulaire des droits d’auteurs.
5. Selon la jurisprudence de la Cour de Justice, faut-il traiter autrement un lien simple ou de surface (surface link), un lien profond (deep link) et un lien par transfusion (framing)?
L’hyperlien placé sur un site internet permet à l’utilisateur, en cliquant dessus, d’atteindre un autre site ou une autre page d’un site. Il peut donc renvoyer vers du contenu qui est protégé par des droits de la propriété intellectuelle et la question qui se pose est de savoir si on peut créer de tels hyperliens sans avoir l’autorisation de l’opérateur du site ciblé. Il existe différents types de liens que l’on peut placer sur un site web: le lien simple ou de surface (surface link), le lien profond (deep link) ainsi que le lien par transfusion (framing). La jurisprudence de la Cour de Justice est donc venue clarifier la position et l’enseignement que l’on peut dégager de cette dernière varie en fonction du type de lien ainsi créé.
Premièrement, nous pouvons analyser le lien simple ou de surface. C’est le lien qui est le plus Couramment utilisé dans la pratique puisqu’il renvoie directement à la page d’accueil d’un autre site web. Ainsi, en cliquant sur ce lien, l’utilisateur sait qu’il quitte le site qu’il consultait afin d’être redirigé vers un autre site, le site cible. Ce type d’hyperlien n’est pas juridiquement problématique au niveau de la propriété intellectuelle. En effet, la jurisprudence admet que la création de ce lien de surface ne requiert pas l’autorisation de l’opérateur du site ciblé et, de ce fait, cette pratique est considérée comme légitime. Cette solution est justifiée par le fait qu’il existerait une sorte de licence implicite, de consentement implicite de l’opérateur du site qui permettrait ainsi à toute personne de créer un hyperlien vers le site en question.
Deuxièmement, il existe le lien profond. Ce type de lien ressemble au lien de surface puisqu’il renvoie également directement à un autre site mais il s’agit ici d’une page secondaire du site ciblé. Ainsi, l’internaute n’est pas redirigé vers la page d’accueil du site cible mais spécifiquement vers une page interne au site. Ce type de lien a donc également posé des questions au niveau de la propriété intellectuelle et la jurisprudence de la Cour de Justice a évoluée ces dernières années. En 2014, la Cour de Justice avait rendu une première décision à ce propos dans l’affaire Svensson. Pour rappel, la Cour avait considéré que la création d’un tel lien sur un site internet ne constituait en principe pas une communication au public au sens du droit d’auteur (et plus particulièrement selon l’article 3 de la directive 2001/29). Ainsi, aucune autorisation ne devait être demandée au titulaire du droit d’auteur du contenu qui était ciblé par l’hyperlien en cause. En 2016, la Cour a à nouveau été amenée à se positionner sur le traitement que l’on doit accorder à l’établissement de tels liens. Dans cette décision, comme nous l’avons établi précédemment, la Cour précise que si le lien permet de contourner des mesures de sécurité limitant l’accès, la communication vise un public nouveau n’ayant pas accès au contenu protégé. De même, si la personne qui créé l’hyperlien avait connaissance que cette communication était illégale (sans le consentement du titulaire du droit), il y a une communication au public qui peut être déduite. Dans les circonstances mentionnées ci-dessus, l’hyperlien sera donc considéré comme une communication au public au sens du droit d’auteur et il contreviendra dès lors à l’article 3 de la directive 2001/29.
Troisièmement, nous pouvons analyser le lien par transfusion. Ce dernier ce distingue des deux autres puisqu’il s’agit ici d’une technique qui permet d’afficher un élément d’un autre site web dans un cadre de son propre site. Ce qui est critiquable avec ce type de lien est qu’il a ainsi pour effet de dissimuler à l’internaute l’environnement d’origine du contenu qu’il consulte. La Cour de Justice a donc été amenée, en 2014, à se prononcer sur l’établissement de tels liens dans l’affaire BestWater. La Cour est arrivée à la conclusion que l’établissement d’un lien par transfusion qui permet d’atteindre une œuvre protégée, librement accessible sur Internet, ne peut être qualifiée de communication au public au sens de l’article 3 de la directive 2001/29 dans la mesure où elle n’est ni transmise à un public nouveau, ni communiquée suivant un mode technique spécifique différent de celui de la communication d’origine. La Cour reste ici dans la position qu’elle avait déjà adoptée dans l’affaire Svensson (supra) tout en précisant cette impossibilité de déroger à l’exigence d’un public nouveau même en présence de cette technique de « framing ».
Par conséquent, nous pouvons conclure que la jurisprudence de la Cour de Justice traite différemment ces différents types d’hyperliens. Le lien simple ou de surface sera toujours considéré comme ne portant pas atteinte à l’article 3 de la directive 2001/29 tandis que le lien profond et le lien par transfusion pourront, parfois être considérés comme une communication au public au sens du droit d’auteur et violé cet article si ces derniers ne respectent pas le cadre posé par les arrêts de la Cour pour l’établissement de tels liens sur un site internet.
Lucie Dubray, Martin Stas de Richelle, Alexis Vandergheynst
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1. il faut une communication (il y a une mise à la disposition permettant aux membres du public d’avoir un accès direct auxdites oeuvres) et au public (nombre indéterminé de destinataires potentiels). Il faut que ce soit un public nouveau! C’est donc un public qui n’a pas eu accès à l’oeuvre via le premier lien mais qui peut y accéder par l’hyperlien en question.
2. Dans mon sens, en concluant qu’il y a eu acte de communication au public, on pourrait penser qu’il y a revirement de jurisprudence. Mais, je pense plutôt qu’il y a eu un affinement sur la question. La CJUE estime que s’il y a fourniture d’un hyperlien dans un but lucratif, sans autorisation et qui renvoie à une oeuvre librement accessible, il y a communication. Elle ajoute de ce fait des conditions (but de lucre, sans autorisation, en connaissance de cause).
3. Pour moi, la Cour a pris une bonne décision. Quand on est un site Internet comme GSMédia, on doit savoir ce que l’on partage. Si le contenu est douteux, autant ne pas le transférer au monde entier. Je pense que c’est normal de devoir assumer ses actes. Maintenant, si le lien vient d’un autre site qui l’a partagé dans les mêmes conditions et qu’il n’est pas puni, je trouve que c’est injuste pour le deuxième de se faire prendre et sanctionner. On devrait prévoir une possibilité pour le deuxième site de se défendre en renvoyant au site sur lequel il a trouvé le lien de base.
4. On peut penser au droit moral de divulgation. Mais à ce moment-là, c’est l’auteur qui doit agir puisque c’est un droit inaliénable. On peut aussi agir sur base du vol. Si les images ne devaient pas sortir de l’ordinateur de l’auteur, c’est que quelqu’un s’est introduit sur le PC pour faire une copie de ces images. Et contre ce quelqu’un, on peut agir sur base de l’infraction de vol, abus de confiance ou autre. Attention à bien respecter les éléments constitutifs de l’infraction. On peut agir peut-être aussi sur base de l’article 1382 CC. Mais il faut une faute, un lien causal et un dommage.
5. Un lien simple est un lien qui renvoie au site concerné. Mais si on veut renvoyer à l’article précisément posté sur telle page du site, il faut le faire via un lien profond. Le lien de transfusion consiste à incorporer la page web d’un site sur son propre site internet. On sent bien une différence dans le degré de communication au public. De base, je pense que tout hyperlien doit respecter la concurrence loyale. Et plus on monte dans le degré de l’identification du contenu illicite, plus on risque de répondre d’une contrefaçon, d’une communication au public, et bien d’autres encore.
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L’arrêt GS Media de la Cour de Justice concernant les hyperliens est un arrêt qui nous interpelle à plusieurs égards. Nous répondons ci-dessous aux questions posées.
1. A quelles conditions un opérateur qui établit des liens vers des contenus protégés par le droit d’auteur commet-il un acte qualifiable de ‘communication au public’ ?
Il existe plusieurs conditions développées au fur et à mesure par la jurisprudence communautaire pour circonscrire la notion, qui n’est pas définie précisément par la directive 2001/29. Ces conditions peuvent être reprises dans un arbre ou un tableau récapitulatif, que je n’ai malheureusement pas pu joindre ici.
Au départ, il faut examiner si l’acte en question constitue la transmission ou la retransmission d’une œuvre ou si, au contraire, il ne permet que de fournir des installations. Dans cette deuxième hypothèse, il ne s’agit tout simplement pas d’un ‘acte de communication’ proprement dit. Il s’ensuit que la première composante de la ‘communication au public’ ne sera pas remplie. Les arrêts de la Cour de Justice considèrent que l’hyperlien constitue d’emblée un ‘acte de communication au public’.
Ensuite, la deuxième condition requise est l’existence d’un ‘public’. Il faudra déterminer si le public est ‘nouveau’ car le mode technique utilisé est identique à celui employé pour la communication initiale. En effet, l’œuvre a déjà été mise en ligne sur Internet. Or, l’hyperlien communique également une information par le biais d’Internet. Dès lors, on requiert un ‘public nouveau’ afin de conclure à la présence d’une ‘communication au public’.
Dans l’arrêt Svensson, le public n’était pas nouveau car le site initial était en libre accès. Dès lors, l’entièreté des internautes avait déjà accès à l’œuvre, et, partant, aucun public nouveau n’était visé par le site secondaire.
Par contre, l’arrêt GS Media concerne une toute autre hypothèse. Il s’agit de la mise en ligne de l’œuvre sans le consentement de l’auteur. Dans ce cas, l’arrêt va distinguer selon le but lucratif de celui qui pose le lien. Si celui-ci poursuit un but de lucre, il sera présumé de mauvaise foi. Dès lors, le placement de l’hyperlien sera considéré comme un ‘acte de communication au public’. Cette présomption peut être renversée si l’auteur du lien prouve qu’il n’avait aucune connaissance de l’illicéité de la mise en ligne de l’œuvre. Si, par contre, le poseur de lien ne poursuit aucun but lucratif, il sera présumé de bonne foi. Il n’y aura alors pas de ‘communication publique’. De nouveau, la présomption peut être renversée si l’auteur de l’hyperlien avait connaissance de l’illicéité de la mise en ligne de l’œuvre.
La jurisprudence de la Cour mentionne le ‘libre accès’ de l’œuvre sur le site initial comme une condition déterminante. En effet, selon que l’œuvre soit licitement ou illicitement mise sur internet, la réponse sera différente. C’est pourquoi, dans l’hypothèse où le site initial est accompagné de mesures de protection, le contournement de celles-ci provoquera la mise à la disposition d’un nouveau public. Il s’agira donc également d’une communication au public (Cf. Svensson).
2. L’arrêt GS Media développe de nouveaux critères mais reste dans la continuité des arrêts précédents. En effet, les circonstances de la cause sont différentes (absence de consentement de l’auteur) et sont à distinguer des circonstances antérieures. C’est pourquoi, l’arrêt adopte de nouvelles solutions.
3. La solution de GS Media est contestable. En effet, si l’on comprend la nécessité de développer de nouveaux critères pour une plus grande protection des auteurs, ces critères ne sont pas très pertinents. En effet, l’apparition de la notion de ‘but lucratif’ nous paraît souhaitable, dans la mesure où les particuliers sont protégés. Cependant, cette notion est floue et n’est pas définie précisément dans la jurisprudence. L’insécurité juridique est donc à prévoir.
L’appréciation de la mauvaise foi de celui qui pose le lien, de la connaissance du caractère illicite de la communication sur le premier site, et de son intention délibérée nous paraissent contestables. En effet, la Cour de Justice introduit des critères subjectifs dans l’appréciation de l’atteinte directe (ou objective) au droit d’auteur. L’ajout de ces critères permet à la Cour de Justice d’observer les circonstances factuelles du cas d’espèce. Ce n’est cependant pas le rôle de la Cour de Justice.
4. Oui, il est possible d’agir contre la personne qui a établi l’hyperlien sur une autre base que l’atteinte directe au droit de communication au public. Il s’agit tout simplement de la responsabilité indirecte pour faute (et le célèbre article 1382 du Code civil). On remarque qu’en introduisant des critères subjectifs pour apprécier l’atteinte directe au droit d’auteur, la Cour de Justice confond différents fondements de responsabilité. En effet, la Cour devrait se limiter à des critères objectifs. Si l’auteur d’un lien ne répond pas aux conditions développées par la jurisprudence, il pourrait néanmoins être poursuivi pour ‘faute’ sur la base de l’article 1382. Dans cette hypothèse, l’intention et la mauvaise foi de l’auteur seront appréciées par les juridictions nationales.
5. Selon la jurisprudence de la Cour de Justice, tous les types de lien doivent être traités de la même manière. Dans Svensson, la Cour de Justice est indifférente au type de lien utilisé. L’arrêt Best Water conclut que le lien par transclusion doit être traité de la même manière qu’un lien simple.
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