La réputation des entreprises est un actif incorporel important, quoiqu’invisible dans la comptabilité, ce serait même selon certains “l’actif stratégique le plus important sur le plan de la création de valeur. Elle procure à la firme un avantage compétitif unique qui lui permet de se différencier de ses concurrents.” (M. Graziani, La réputation de la grande entreprise est-elle un actif spécifique?, 2014). Aujourd’hui, la différentiation nécessaire dans la concurrence ne peut pas toujours s’appuyer sur la domination des coûts et la pratique de prix inférieurs, elle passe souvent par la différenciation des produits et services. A son tour, cette différenciation requiert de créer et entretenir une image de marque. L’image de marque se construit, elle ne se réduit bien entendu pas à la stratégie de dépôt et de préservation d’une marque. L’image de marque résulte de choix entourant le produit, que l’on va par exemple rapprocher du secteur du luxe, ce que pratique Apple, notamment avec son iWatch, pour justifier des prix élevés. Le produit ou service peut aussi être adoubé par des personnalités en vue qui ont leurs “followers”, notamment en ligne, ou supporté par une large communauté de fans, qui vont par exemple anticiper le lancement d’un nouveau modèle. Au-delà, la réputation est associée à l’entreprise elle-même. C’est pourquoi les entreprises vont s’efforcer d’apparaître comme des “citoyens responsables” et promouvoir des programmes en matière de responsabilité sociétale.
Les stratégies sont multiples, mais la réputation s’acquiert par une série d’actions et décisions qui s’inscrivent dans la durée. Peut-elle se perdre très rapidement, comme l’estime Warren Buffet?
La question peut se poser à l’heure où l’image de Volkswagen est sérieusement écornée suite au scandale des logiciels espions intégrés dans les moteurs diesel de nombreux modèles de la marque allemande.
L’immédiateté du scandale affecte en tout cas l’image en ligne de l’entreprise. Si l’on fait aujourd’hui une recherche sur ‘tromperie et diesel’, la sanction de la marque VW est claire:
Une marque aussi réputée que VW continuera très vraisemblablement à rayonner. La forte image construite au fil du temps est dans certains cas la meilleure ancre qui permette de résister à la tempête d’image. La crise sera sans doute plus durable dans le récent cas Volkswagen que dans le cas par exemple de Findus (2013). La société Findus s’était retrouvée au coeur du scandale de la viande de cheval insérée dans les lasagnes, mais c’était la société Spanghero qui avait substitué la viande de cheval à la viande de boeuf à l’insu de Findus. En revanche, Volswagen a sciemment intégré dans les véhicules un dispositif visant à contourner les normes de contrôle des émissions polluantes.
Dans certains cas, l’entreprise en situation de crise de réputation risque de prendre des décisions qui pourraient être contre-productives.
Ainsi, Findus a essayé “de “nettoyer” le web (dont Wikipédia) pour faire disparaître les traces de “l’affaire Findus” en payant des sociétés spécialisées en e-réputation” mais la presse a mis en lumière cette tentative de réécrire l’histoire sur le web (La Tribune, 18 février 2013, cité dans l’article “Findus” sur Wikipedia). Pour redorer le blason de Findus, l’agence de e-réputation va tenter de supprimer les associations entre Findus et l’escroquerie à la viande de cheval. Demander à un moteur de recherche la suppression des liens n’est du reste pas possible car il n’existe pas de droit à l’oubli au profit des personnes morales. L’affaire Findus va aussi donner lieu à une série de détournements sur le web.
Relayant ces bons mots sur le web, une agence de communication dénommée “Rosbeef” (ce n’est pas une blague! voir ici) a lancé, sans l’accord de Findus, une campagne qui utilisera des affiches reprenant la marque avec le slogan:
D’abord dérangée par cette initiative, Findus va, devant le bon accueil du web, changer d’avis et faire appel à l’agence pour poursuivre la campagne. La recherche de la e-réputation peut donc prendre des tours plutôt étonnants et tordus. A quoi s’attendre comme suite en ligne de l’affaire VW?
Les composantes de la réputation sont multiples. Pour étudier ces facettes, Anne Cantéro (consultante en droit des technologies) et moi-même avons mis sur pied, avec la collaboration de la Fédération des Entreprises de Belgique (FEB-VBO), un cycle de conférences consacrées à la e-réputation des entreprises.
La première séance (25 sept. 2015) comportait la présentation de Gabriel Goldberg (Semetis) sur les techniques d’optimisation de l’e-réputation que proposent les firmes spécialisées en référencement web ou SEO (Search Engine Optimization). Gauthier Broze (Thurso et Legally Brand) a montré quelles techniques utiliser pour faire du “power branding ” en ligne (et hors ligne). Le développement d’une communauté en ligne (en l’espèce la Thurso Nation) permettant aux fans de s’identifier à une tribu est une clé pour le démarrage d’une e-réputation positive. Stephanie Misotten (Solvay) a passé en revue les outils de veille et de contrôle juridique de la e-réputation.
Presentation by Gabriel Goldberg, Semetis
Legally Brand, Business by Power Branding. Case study: THURSO by Gauthier Broze
E-reputation, Solvay policy and strategy by Stephanie Missotten
Une seconde séance (23 octobre 2015) est consacrée à l’e-marketing, qui pose notamment des problèmes de vie privée.
Une troisième séance (27 novembre 2015) aborde les risques e-réputation liés aux relations de travail, en particulier l’usage des réseaux sociaux par les employés.
Pour le programme et les informations pratiques, voyez ici.