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Pratiquement jour pour jour, il y a deux mois de cela, la dernière libraire Libris de Bruxelles fermait ses portes. On ne lit plus assez semble-t-il. En cette rentrée littéraire, les divers auteurs tentent tant bien que mal de se distinguer les uns des autres en décrochant les Goncourt, Renaudot ou Femina. Distinction, voici le maître mot. Mais qu’en est-il en cas de confrontation entre deux auteurs, deux livres et mais un seul titre ?
En droit belge, l’article 8 de la Loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins protège les « œuvres littéraires » c’est-à-dire « les écrits de tout genre ». Ce qui inclut en outre de la protection de l’œuvre elle-même, celle de son titre, voire de ses personnages. Pour ce faire, il requiert que le titre soit une création originale, propre à l’auteur et à ouvrage. En effet, un titre aussi descriptif que « Manuel de Droit administratif » ne pourrait bénéficier de la protection des droits d’auteurs. En revanche, l’association inédite de deux ou plusieurs mots, telle que le « Clochemerle » ou « Vol de nuit », est susceptible d’être protégée par les droits d’auteur. Ainsi, ans le courant des années 90, la Cour d’appel de Bruxelles a reconnu que le titre « Les Carnets d’émeraudes » pouvait jouir de la protection légale (Bruxelles, 15 février 1996, Ing.-Cons., 1996, p. 33).
Dans le même ordre d’idée, un titre qui tire son inspiration d’une autre œuvre ne commet pas forcément une violation des droits d’auteur de sorte que le récent livre d’Alice Ferney, Des baleines et des hommes n’est pas un plagiat du célèbre roman de Steinbeck, Des souris et des hommes. Il s’agit simplement d’un clin d’œil à l’auteur américain. On pourrait sans doute étendre ce raisonnement à la situation de Michel Lévy qui s’est inspiré de la formule d’Alfred Korzybski.
Dans l’hypothèse où le critère d’originalité ne serait rempli, il est permis aux auteurs de déposer le titre de leur ouvrage en tant que marque. A priori, associer le titre d’un ouvrage à une marque peut paraître étrange. Car le terme lui-même est imprégné d’une connotation économique. D’autant plus que la Loi uniforme Benelux considère « comme marques individuelles les dénominations, dessins, empreintes, cachets, lettres, chiffres, formes de produits ou de conditionnement et tous autres signes susceptibles d’une représentation graphique servant à distinguer les produits d’une entreprise ». En ce qui concerne les journaux et magazines, nulle doute que ce sont bel et bien des produits d’entreprise (v° C. cass., 5 avril 2001, n° C.98.0563.F, inédit www. juridat.be. Affaire relative à un litige entre les journaux Vers l’Avenir et l’Avenir vert).
Néanmoins, il est clair que d’importants enjeux financiers sont liés aux ouvrages. Par conséquent, un même titre risque que de créer une confusion dans l’esprit des lecteurs et causer des préjudices aux auteurs et aux éditeurs. Notamment, les bandes dessinées Astérix ou les Guides du Routard se sont enregistrés comme des marques. Il convient de souligner que ce régime s’avère plus intéressant pour les collections d’ouvrage puisque les formalités d’enregistrement sont relativement considérables. Par ailleurs, il n’y a aucune certitude quant à la délivrance du titre. Autrement dit, les autorités disposent d’un pouvoir d’appréciation pour juger de chaque cas et examiner s’ils remplissent les critères de recevabilité.
En ce qui concerne la protection des œuvres individuelles, le chemin s’avère plus difficile. En effet, comme l’indique un arrêt du 2 octobre 2002 de la Cour d’appel de Paris (ce n’est pas faute d’avoir cherché dans la jurisprudence belge), concernant la marque « Ces Chers disparus », « peut constituer une marque valable dès lors qu’elle n’est ni nécessaire ni descriptive des produits auxquels elle s’applique, encore faut-il, pour qu’elle puisse être invoquée à titre de marque, qu’elle ait vocation à s’appliquer à un produit. Si le livre, comme les périodiques, peut, par certains de ses aspects, constituer un produit objet de négoce et si la marque peut avoir pour vocation notamment de désigner une collection ou une édition d’une série particulière, signe de ralliement d’une clientèle, il n’en est pas de même du titre qui, l’identifiant en tant qu’œuvre de l’esprit par excellence, procède de son essence et fait partie intégrante de sa personnalité indépendamment de sa mise sur le marché. Le titre d’une œuvre n’ayant pas vocation à être protégé par le droit des marques […] Denis Derrien ne saurait, dès lors que l’expression s’applique non à un produit, mais à l’œuvre elle-même, prétendre qu’une atteinte aurait été portée à ses droits spécifiques de marque ».
Comme souvent en droit, il faut parvenir à trouver un équilibre entre les différents intérêts en présence. En l’occurrence, dans le cas présent, il faut d’une part, prendre en considération les droits de l’auteur à ne pas être plagié. Et d’autre part, il ne faut pas valser dans l’extrême opposé qui limiterait toute nouvelle création. En cela, le droit des marques peut présenter un certain danger car l’utilisation du titre serait pleinement réservée à son auteur. C’est à ce moment que doit intervenir la jurisprudence afin de clarifier au plus cette situation juridique. Autrement dit, ce sont les juges qui ont les cartes en main.
Bibliographie :
CHAMAGNE (C.), « La protection des titres d’ouvrages », LEGICOM, 2001/1 (N° 24), p. 51-63 consulté sur CAIRN (page consultée au 2 novembre 2014), http://www.cairn.info/zen.php?ID_ARTICLE=LEGI_024_0051#re32no181.
VERBIEST (T.), « Journalisme et droit d’auteur en Belgique », [En ligne], http://cpi.robic.ca/Cahiers/12-2/VerbiestThierry.html#sdfootnote35sym (page consultée au 2 novembre 2014).
STROWEL (A.), Droits intellectuels. Syllabus, Bruxelles, USL-B, 2014, p. 122 et s.
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La protection d’un titre d’oeuvre tombe, en ce qui concerne l’ordre juridique Belge, dans une catégorie bien définie (essentiellement dans la doctrine) qui est celle du régime concernant les « œuvres courtes » (regroupant alors les titres d’œuvres littéraires ou artistiques, mais aussi des slogans, jingles musicaux accompagnant des slogans, etc). Il est admis qu’en Belgique, comme en France, un titre de livre ne peut bénéficier des protections offertes par le droit des marques. Toutefois, quelques inflexions et pratiques diverses sont notables dans la jurisprudence : si faire bénéficier un titre de livre unique d’un droit de marque paraît hautement improbable, les titres de certaines œuvres « notoires » peuvent faire l’objet d’un dépôt de marque, ce dépôt de marque servant alors surtout à protéger l’œuvre dans ses nombreuses déclinaisons en produits dérivés mais peut (de manière hautement discutée et discutable, affirme la doctrine) en venir à protéger le titre de l’oeuvre elle-même selon une certaine jurisprudence .
Citons, en guise d’illustration, une affaire concernant une action contre une imitation de l’œuvre Harry Potter, tranchée par le tribunal d’Amsterdam, le 3 avril 2003, au cours de laquelle la défense de J.K. Rowling, l’auteure de Harry Potter, s’est prévalue de son droit de marque sur son œuvre, selon l’article 13 A de a loi Benelux sur les marques, argument contestable si l’on suit l’idée qu’un titre de livre ne peut théoriquement bénéficier d’un droit de marque, mais pourtant suivi par le juge, affirmant que la marque Harry Potter était déposée pour une série de marchandises, dont les livres eux-mêmes.
Il convient toutefois d’insister qu’une telle protection d’un titre de livre par le droit de marque est tout à fait particulière, et quand bien même elle serait synonyme d’inflexion de la part de la jurisprudence, reste le constat que le titre de livre n’est ici qu’un des divers produits couverts par une marque forte, au nom notoirement reconnu, ce qui laisse à supposer qu’un tel type de protection n’est applicable que pour une infime minorité d’œuvres.
En revanche, les titres d’œuvres ne sont néanmoins pas en reste de protection juridique, car ils tombent bel et bien sous le champ du droit d’auteur, à la condition sine qua non toutefois que le titre de l’œuvre soit vu comme « original » au sens du droit d’auteur. Cette originalité, prise dans le contexte du droit d’auteur est explicitée dans l’arrêt infopaq du 16 juillet 2009 rendu par la CJCE, dans laquelle la notion d’originalité est rapprochée avec la création intellectuelle propre de l’auteur ainsi que son expression créatrice personnelle. Ainsi, un titre d’œuvre est protégé par le droit d’auteur si ce dernier est original au sens précité.
En cas d’absence d’originalité, une autre forme de protection est accordée au titre, à la condition que ledit titre soit suffisamment distinctif : une intervention des mesures légales visant à éviter toute concurrence illicite ainsi que les principes de la responsabilité civile sont envisageables, ces règles légales devenant alors des moyens invocables pour se prévaloir de tout titre similaire pouvant mener à une confusion entre les deux œuvres dans le public.
Cette confusion possible entre deux titres est donc un atout essentiel dans toute forme de litige sur une œuvre courte, tant et si bien qu’elle permet pour un titre jugé non original, mais suffisamment distinctif de bénéficier d’une forme de protection, fondant ainsi un second moyen officiant comme un appui efficace à un critère d’originalité parfois complexe à défendre. Reste à aborder le cas d’un titre sans forme aucune de distinction ni originalité : tout logiquement, un tel titre ne peut bénéficier d’aucune forme des protections telles qu’abordées précédemment.
Il est finalement à noter que le législateur Belge ne s’est pas occupé de traiter personnellement la question de la protection des œuvres courtes, contrairement à son homologue français qui consacra la protection des titres dans l’article L 112-4 du Code de la propriété intellectuelle. Il n’en reste pas moins que le juge Belge apprécie le critère de l’originalité pour tout litige concernant une œuvre courte, tel qu’un titre.
Néanmoins, affirmer et prouver l’originalité d’un titre n’est pas chose aisée, la recherche de l’originalité se transformant presque de facto en une analyse du niveau de banalité du titre. Un exemple de la méthodologie suivie en Belgique sur la question de la protection des titres peut se voir dans un arrêt de la cour d’appel de Bruxelles du 15 septembre 2004, le juge précisant bien dans cette affaire que, dans les cadres de revues (tel était l’objet du litige), le titre même de cette dernière (en l’occurrence « Making Money ») était protégé par le droit d’auteur, ainsi que les divers éléments la structurant, telles que les subdivisions, les formats spécifiques de mise en page de la revue, etc…De telle sorte que nous en arrivons à la conclusion que si l’œuvre en elle-même, est logiquement protégée dans sa totalité par le droit d’auteur, ses composantes, même prises individuellement, peuvent bénéficier tout autant de la même protection, pour peu que les conditions requises, élaborées dans ce texte, pour en jouir soient présentes.
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En Belgique on fait bien la distinction entre marque et le droit d’auteur. On voit qu’en France on arrive à tirer des conditions de droit de marque dans la protection d’un titre d’un livre qui est une œuvre littéraire tombant sous le coup du droit d’auteur. Concernant le droit à la concurrence déloyale, nous savons qu’elle joue un rôle prépondérant en Belgique dans la complétude de la protection des droits intellectuels et aussi dans la limitation du principe de la liberté. Il va s’en dire qu’une cloison est bien fixé. Concernant le droit de marque, la loi nous donne une définition non exhaustive de ce qui peut être considéré comme une marque. Cependant, le titre d’un livre pourrait être protégé par le droit de la marque si son objectif tend à éviter aux consommateurs toute confusion. Nous ne pouvons pas négliger que certains titres de livres sont déjà sous la protection du droit d’auteur (voir Bruxelles (5ème ch. bis), 13 septembre 1999, SA Les Editions Albert René c. NV Degila, inédit (admet implicitement que la « dénomination » Astérix est protégée par le droit d’auteur). En effet, ce genre de protection est nécessaire car ce titre est plus qu’un titre. On peut considérer certains titres comme une marque forte en tant qu’elles n’a aucun rapport avec le produit qu’elle désigne. Astérix n’est pas seulement lié au livre mais il y a un parc d’attraction, etc.
Si l’on peut étendre la définition de la marque, on étendrait d’office la protection à d’autres domaines tels que les titres de livres. Je continue de penser que des titres de livres qui restent dans le champ littéraire devraient être subordonnés par le droit d’auteur et rien d’autres et rajouter le droit de marque empièterait sur l’innovation.
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Avant de répondre à la question est-il aisé de protéger le titre d’un livre comme marque ?, il me semble bon de rappeler ce que le droit d’auteur et le droit de marque protège ainsi que de définir ce qu’est une œuvre et ce qu’on entend par signe distinctif.
Tout d’abord, le droit d’auteur concerne la protection des œuvres et plus particulièrement les œuvres artistiques ou littéraires qui sont toutes créations de l’esprit humain réalisées dans un langage soit littéraire soit artistique. Cependant, il y a deux conditions pour qu’une œuvre soit protégée par le droit d’auteur :
-La création doit être mise en forme : L’œuvre doit avoir une forme concrète qui est perceptible par les sens.
-La création doit être originale : Pour pouvoir bénéficier de l’œuvre, l’œuvre ne doit pas être inédite ou nouvelle mais elle doit refléter la personnalité de son auteur.
Il faut savoir qu’une fois les conditions de mise en forme et d’originalité sont rencontrées, la création est protégée par le droit d’auteur sans qu’aucune formalité ne doive être accomplie.
En ce qui concerne, le droit de marque : Par marque, nous entendons cela comme un signe qui est utilisé par une entreprise afin d’identifier ses produits et ses services. Elle permet d’indiquer au public de quelle entreprise un produit ou un service provient. Ce signe peut prendre différentes formes : mots, abréviation, combinaisons de chiffres, slogans, images, formes et couleurs, extraits sonores,… Pour qu’un signe soit enregistré comme marque et qu’il soit protégé par le droit de marque, il faut que ce signe soit susceptible de représentation graphique, avoir un caractère distinctif, être licite et disponible.
Par ces définitions, je me permets de dire qu’un titre d’un livre est protégé par le droit d’auteur en Belgique. Ayant vu qu’une œuvre se voit protéger par le droit d’auteur seulement si elle respecte deux conditions, à savoir l’originalité et la mise en forme, nous pouvons dire que le titre d’un livre, se ralliant à l’œuvre littéraire est protégé par le droit d’auteur.
En ce qui concerne le droit de marque, une question me vient à l’esprit. Sachant que le signe permet à une entreprise d’identifier ses produits et ses services, pouvons-nous dire que l’auteur est une entreprise et que le titre d’un livre peut être considéré comme un service ou un produit de l’auteur ? En Belgique, le rapport de la section belge de l’ALAI (association littéraire et artistique internationale) sur la protection du droit des marques pour les œuvres nous informe sur le fait que « le droit des marques ne refuse la protection qu’à certaines formes affectant la valeur substantielle du produit. Les œuvres visuelles à deux dimensions, les sons et les œuvres à trois dimensions qui ne rentrent pas dans la description de « forme influant sur la valeur essentielle du produit », peuvent être déposées en tant que marques. Cependant, pour bénéficier de la protection par le droit des marques, il sera nécessaire d’obtenir le consentement du titulaire du droit d’auteur sur le signe qu’on veut déposer, puisque le seul fait du dépôt implique la reproduction de l’œuvre, indépendamment de l’usage de la marque. Le droit de marque ne s’oppose pas au cumul de sa protection avec celle du droit d’auteur, il tend juste à limiter les cas où le cumul des protections mettrait en danger les échanges commerciaux normaux par une protection exagérée de certaines formes. ». Cependant, dans les titres d’œuvres, il faut faire une distinction entre les titres d’ouvrages individuels et les titres de journaux périodiques car, seuls les titres de journaux et périodiques font l’objet de la protection du droit des marques et non les titres d’ouvrages individuels, estimés trop liés aux droits de l’auteur sur son œuvre.
De ce fait, par ces définitions et analyse, je pense qu’il est très difficile de protéger le titre d’un livre repris comme ouvrage individuels par le droit des marques ainsi que de considérer le titre d’un livre comme une marque. Cependant, les titres de livre restent bien protégés par le droit d’auteur.
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En Belgique, la loi sur le droit d’auteur ne parle pas spécifiquement de la protection des titres d’ouvrages, contrairement à la loi française. Toutefois, au vu de l’article 8 de la LDA, « les écrits en tout genre » sont compris dans la notion « d’œuvre littéraire », et par conséquence les titres sont susceptibles de relever du droit d’auteur. Un arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles (15 février 1996) a d’ailleurs reconnu la protection d’un titre d’une émission radio (« Les carnets d’émeraude »). La portée de la LDA étant large, elle pourrait donc éventuellement assurer la protection de titres, à défaut d’autres mécanismes.
On pourrait le cas échéant songer à la protection de titres par le biais du droit des marques, et plus particulièrement en vertu de la Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle du 25 février 2005, qui, en son article 2.1., considère comme marques individuelles : « les dénominations, dessins, empreintes (…) et tous autres signes susceptibles d’une représentation graphique servant à distinguer les produits ou services d’une entreprise ».
A mon sens, il serait toutefois judicieux d’insérer une disposition au sein de la LDA qui consacre explicitement, à l’instar de l’article L. 112-4 du Code de la propriété intellectuelle en France, la protection du titre d’une œuvre littéraire, pour éviter le passage éventuel par le droit des marques, qui présente des conditions d’application plus contraignantes que le droit d’auteur. Ainsi, la marque doit-elle répondre à une condition de distinctivité, de licéité et de disponibilité, là où le droit d’auteur n’exige que l’originalité et une certaine mise en forme de la création littéraire. De plus, le droit d’auteur présente l’avantage qu’une œuvre se voit accorder la protection par le simple fait de sa création, tandis que le droit de marque impose un dépôt ainsi qu’un enregistrement préalables.
Il me semble par ailleurs plus logique d’inclure la protection du titre au sein de la LDA, qui a déjà pour objet de protéger l’œuvre dans son intégralité.
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Il n’est pas difficile de se rendre compte qu’il règne, en matière de protection du titre d’un livre, un réel flou juridique. Aussi, il me paraît important de revenir brièvement sur le régime de protection du titre aux Etats-Unis et en France, avant d’avoir égard au régime belge pour mener à bien cette réflexion.
Aux Etats-Unis, le titre d’un livre (tout comme les slogans et autres œuvres littéraires courtes) ne peut être protégé par le droit d’auteur. En effet, les américains estiment que la protection d’une œuvre aussi courte contrevient au droit fondamental du « free speech ». Ainsi, l’auteur américain désireux de protéger le titre de son œuvre ne pourra le faire qu’en vertu du droit des marques. Sachant qu’une marque est un « signe » (qui peut, parmi les multiples possibilités, être un mot voire un ensemble de mots de manière à former le titre), ce signe devra être distinctif pour éviter de semer la confusion auprès du public. Il n’y a aura d’atteinte à la marque que lorsque l’usage du signe identique (en l’espèce, un même titre) pourra induire le consommateur moyen en confusion quant à l’origine des oeuvres. Ainsi, pour reprendre l’exemple de l’article, il est fort à parier que « The Map And The Territory » d’Alan Greenspan ne portera pas atteinte à l’œuvre homonyme de Houellebecq, au regard du droit américain, dans la mesure où le premier ouvrage s’inscrit dans le domaine de l’économie et que le second est un roman de sorte qu’il y ait peu de chance que le lecteur confonde les deux.
En France, le régime est bien plus protecteur pour l’auteur d’une œuvre littéraire puisque les titres des œuvres de l’esprit sont soumis à un régime juridique spécial : une double protection tirée directement de l’article 112-4 du Code de la propriété intellectuelle et à laquelle s’ajoute une troisième possibilité de protection par le droit des marques. La référence au critère de l’originalité du premier alinéa de cette disposition semble envisager la possibilité d’une protection par le droit d’auteur. Le second alinéa semble consacrer une protection proche du droit de la concurrence déloyale en ce qu’il tend à conférer une protection propre à empêcher une réutilisation du titre qui provoquerait un risque de confusion. Et enfin, la Cour de cassation française a validé le fait qu’un titre puisse être déposé en tant que marque : l’auteur bénéficie alors de la protection instaurée par le livre VII pour les produits ou services désignés lors de son dépôt. De plus, ce régime se révèle particulièrement protecteur pour l’auteur en ce que la jurisprudence a reconnu que les trois niveaux de protection qui le constitue pouvaient se cumuler*.
S’il fallait cartographier ces observations de manière grossière, on aurait une carte française avec des îlots d’exclusivité se rapprochant plus de la taille d’un continent dans la mer de la concurrence et une carte américaine où il y aurait une plus grande place pour la mer de concurrence.
Quid en Belgique ?
En Belgique, il n’y a pas de disposition légale spécifique à la protection du titre d’une œuvre littéraire et il n’y a pas de régime bien défini concernant cette problématique juridique. Il semblerait logique que le titre puisse faire l’objet d’une protection par le droit d’auteur (avec la condition d’originalité sous-jacente et toute la difficulté de l’appréciation de ce critère) ainsi que par le biais de l’action en concurrence déloyale. On se situe ici dans une perspective plus économique et l’idée est que le consommateur penserait être en présence de la même œuvre, par confusion du titre, alors même que ce sont deux œuvres totalement distinctes.
Il y a peu de jurisprudence belge en la matière. Il existe cependant quelques exemples dans la jurisprudence française :
– Ainsi, ont été reconnus comme des titres originaux : « les Hauts de Hurlevent », dans le cadre de la traduction du roman d’Emilie Brontë ou encore « Le Père Noël est une ordure ».
– à l’inverse, de nombreuses décisions refusent la protection par le droit d’auteur pour un titre composé d’un seul mot du langage courant ou bien d’expressions déjà utilisées. ex : « Il est 5 heures, Paris s’éveille » ; « La gagne » etc..
Enfin, pour illustrer mes propos par un exemple plus « personnel », « De la pyramide au réseau » de F. Ost ne pourrait pas, à mes yeux, faire l’objet d’une protection du droit d’auteur en ce que la combinaison des mots n’a rien de particulier, et est issue du langage courant. F. Ost ne pourrait engager des poursuites contre un autre auteur que si cet auteur s’inspirait de son titre dans le cas d’un livre consacré au droit de manière à ce qu’une confusion puisse naître dans le chef de l’acheteur quant à l’origine de l’œuvre. Telle démarche ne serait pas possible dans le cas d’un livre portant un titre homonyme et qui serait consacré à l’histoire de l’Egypte ancienne.
* http://junon.univ-cezanne.fr/u3iredic/wp-content/uploads/2014/01/Mémoire-M2-La-protection-du-titre-des-oeuvres-de-lesprit-par-M.-Th.-Decarli.pdf
** http://economie.fgov.be/fr/entreprises/propriete_intellectuelle/Innovation_et_propriete_intellectuelle/droit_applicable/#.VFXwbGCppPM
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En Belgique, contrairement au droit français, la loi du 30 juin 1994 ne fait aucune référence aux titres d’ouvrage. En effet, son article 8 reste très général en désignant les oeuvres littéraires comme les écrits en tout genre, les leçons, conférences, discours, sermons ou toute autre manifestation orale de la pensée.
Cependant les titres d’ouvrage sont bel et bien protégés, à l’instar de tout autre oeuvre, à condition qu’ils soient originaux. Si le critère d’originalité est respecté alors l’auteur pourra bénéficier d’un droit exclusif sur son titre et pourra dès lors en interdire l’utilisation par un tiers.
En revanche, si le titre n’est pas original alors il n’est pas protégé par le droit d’auteur mais l’auteur pourra agir sur base de la concurrence illicite et de la responsabilité civile si l’utilisation de son titre par un tiers est susceptible de créer un confusion dans l’esprit du public.
En ce qui concerne l’appréciation du critère d’originalité, elle appartient au juge, bien qu’il soit difficile de juger l’originalité des titres en raison de leur brièveté. En effet, comme le souligne Claude Colombet, cette appréciation se résume parfois à simplement vérifier que le titre ne soit pas banal. Louis Van Bunnen, quant à lui, analyse certains critères d’originalité retenus par la jurisprudence française. Il retient surtout les mots inventés (cf. affaire Clochemerle), les expressions tenues pour non-banales (cf. affaire Vol de nuit, affaire Félix the cat, ou affaire Les Hauts de Hurlevent), ou encore les titres constitués de nom d’un personnage. Il illustre en revanche avec l’affaire Hors ligne que l’absence d’antériorité ne peut fonder le critère d’originalité.
Nous venons de voir que les titres pouvaient être protégés par le droit d’auteur ou à défaut d’originalité par la concurrence illicite. Cependant, peuvent-ils faire l’objet d’un dépôt en tant que marque ?
L’arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles du 3 octobre 2013 répond à la question.
En l’espèce, c’est la fondation Anne Frank – Fonds qui fait appel du refus d’enregistrement à titre de marque verbal du signe « Het dagboek van Anne Frank » opéré par l’Organisation Benelux de la propriété intellectuelle (O.B.P.I.). Elle demande que « Le journal d’Anne Frank » soit déposé comme marque sur base des classes 9 (vidéo), 16 (produits de l’imprimerie), 39 (visites guidées) et 41 (représentation théâtral et projection de films). Cependant l’O.B.P.I. refuse car pour qu’une marque soit déposée, il faut qu’elle soit pourvue d’un caractère distinctif. Celui-ci permettant de distinguer les produits ou services provenant d’une entreprise de ceux provenant d’autres entreprises afin d’éviter la confusion chez le consommateur. Le titre faisant partie intégrante de l’oeuvre ne peut donc pas constituer une marque car sa fonction n’est pas d’indiquer que tel produit provient de telle entreprise.
Il y a là un but d’intérêt général qui est d’éviter que les auteurs ne détiennent indéfiniment un monopole sur leur oeuvre par le biais du droit de marque qui leur permettrait d’avoir un droit exclusif et permanent alors que le législateur à prévu une limitation du durée du droit d’auteur (vie de l’auteur + 70 ans).
Cependant, un titre d’ouvrage peut malgré tout être déposé en tant que marque s’il en est fait une exploitation commerciale ou industrielle indépendante de celle de l’oeuvre en elle-même, comme par exemple des magazines, des jeux, des produits dérivés, ou encore des slogans publicitaires.
Louis Van Bunnen souligne aussi que les titres de journaux pouvaient eux aussi être déposés en tant que marque dans la classe 16 (produit d’imprimerie) dès lors qu’ils manifestaient de véritables signes distinctifs.
Bien d’avoir identifié l’arrêt Anne Frank, on pourrait en dire davantage.
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En Belgique, on pourrait envisager de procéder à l’enregistrement de son titre de livre en tant que marque à l’office des brevets du Benelux, ce qui permettrait à un auteur de recevoir son Titre de propriété Industrielle ou “marque de fabrique”(un copyright) pendant une durée de 10 ans. Attention cependant que le titre du livre concerné doit comporter une certaine originalité dans la mise en forme, le choix et la disposition des mots. L’office Benelux pourrait très bien accorder une protection sur deux mêmes titres dans des domaines très différents, pour que ne survienne aucune confusion dans l’esprit du consommateur moyen. La France quant à elle, possède son propre Institut National de propriété industrielle, différent donc de l’office Benelux.
Par rapport à l’utilisation des creative commons par M. Houllebecq, il faut se poser la question de l’opposabilité de ces licences, en plus de savoir si ce sont des obligations de paternité ou d’attribution. Or, les licences ont pour effet que les conditions sont applicables à l’œuvre qui reprend le contenu sous creative commons.
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En Belgique, afin de bénéficier de la protection qu’offre le droit d’auteur, l’œuvre doit répondre à plusieurs conditions : celle-ci doit être originale dans le sens où elle est « l’expression de l’effort intellectuel de celui qui l’a réalisée » (Cass., 2 mars 1993, Larcier Cassation, 1993, p.52.), une mise en forme est nécessaire car seule la forme de l’œuvre est protégée (et non les idées), et ladite création doit relever du domaine littéraire ou artistique.
Concernant ce dernier point, l’article 8 de la LDA précise ce qu’il entend par « œuvres littéraires ». Cette catégorie inclut « les écrits de tout genre » et parmi ceux-ci nous pouvons citer les titres. Précisons que, à la différence du droit français (voir art. L 112-4 du Code de la propriété intellectuelle), la législation belge ne fait aucune référence au titre. Néanmoins, les œuvres courtes bénéficient de la protection par le droit d’auteur, à condition que celles-ci soient originales (voir Lyon, 5 juillet 1979, R.I.D.A., 1979, p. 147) car si le titre est banal, il « pourra être utilisé par d’autres œuvres » (A. BERENBOOM, Le nouveau droit d’auteur, Bruxelles, Larcier, 1995, n°48.). Dès lors, si le titre est original, en principe, il n’y a pas lieu de rechercher si une confusion est possible.
En principe, les titres n’ont pas vocation à être protégés par le droit des marques car ceux-ci identifient une œuvre immatérielle et non une marchandise. Cependant, l’originalité d’un titre est difficilement démontrable dans la mesure où celui-ci est souvent bref et il ne permet pas toujours à l’auteur d’y laisser sa touche personnelle.
Les titres pourront cependant et uniquement dans certains cas, bénéficier de la protection liée aux marques. Ce sera le cas des titres de journaux ou les « dénominations de collections de livre » ( Van Bunnen (L.), « La protection des œuvres courtes, titres d’ouvrages et formules publicitaires », A&M, 2004, liv. 2, p.121). En cas de difficulté de démonstration de l’originalité du titre, celui-ci bénéficiera de cette protection s’il est à tout le moins distinctif. Le droit de la concurrence illicite et de la responsabilité civile seront d’application si l’utilisation de ce titre déjà employé comporte un risque de confusion pour le public.
Si le titre n’est ni original ni distinctif, il ne pourra bénéficier d’aucune des deux protections à savoir, la marque et le droit d’auteur.
Ainsi sera admis sous la protection du droit des marques, le terme déposé comme marque « pour différentes classes de marchandises et [dont] la classe “livres” n’est que l’une d’entre elles » (Prés. du tribunal d’Amsterdam, 3 avril 2003, I.E.R., 2003, n°4, p.224, note M. de B.). Ce régime confère donc à l’auteur d’un titre (selon les conditions énoncées ci-dessus) la possibilité de poursuivre un autre auteur qui en ferait l’imitation et en interdire l’emploi sur base de l’article 1382 Cciv et sur les règles relatives à la concurrence illicite. “Harry Potter” ou encore “la cage aux folles” ont bénéficié de cette protection (C.A. Paris, 1er mars 1984, Dalloz, 1986, somm. p.184, note C. COLOMBET).
Il n’est donc pas aisé de protéger un titre d’ouvrage sous le régime du droit d’auteur si le titre n’est pas original ainsi que sous le régime du droit des marques étant donné qu’il faut qu’il engendre un risque de confusion pour le public, qu’il soit distinctif et qu’il appartienne à la catégorie des titres de journaux ou de collections de livres. De plus la législation belge ne prévoit pas explicitement ce type de protection. Cependant, si ces trois conditions sont réunies, le titre bénéficiera de la protection sur base de l’article 1382 du Code civil ainsi que sur le régime de la concurrence illicite.
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À JUSTE TITRE ?
En Belgique, tout comme en France, le titre d’une œuvre peut être protégé par le droit d’auteur. Dans un arrêt Copiepresse c. Google, le tribunal de première instance de Bruxelles énonce clairement qu’ « en reproduisant sur son site des titres ainsi que de courts extraits d’articles, Google reproduit et communique au public des œuvres protégées par le droit d’auteur » (Civ. Bruxelles (cess.), 13 février 2007, RG N° 06/10928/A). En d’autres termes, il suffit que le titre d’un ouvrage présente un trait d’originalité pour bénéficier d’une protection par le droit d’auteur.
Force est de constater, dans la présente affaire, que le titre La carte et le territoire du prix Goncourt remporté par Michel Houellebecq en 2010 n’a rien d’original. L’auteur s’est inspiré du recueil de nouvelles publié par Michel Levy, lui-même s’étant nourri de la formule « une carte n’est pas le territoire » d’Alfred Korzybski. Il est donc pratiquement certain que Michel Houellebecq n’intentera aucune action à l’encontre d’Alan Greenspan et de son bouquin d’économie The map and the territory.
La question se pose alors d’une éventuelle protection du titre de l’ouvrage par le droit des marques. Mais, revenons sur les différentes caractéristiques qui le distinguent du droit d’auteur.
Il faut souligner tout d’abord que le critère de protection en matière de marques n’est pas l’originalité mais bien la distinctivité, à savoir « l’aptitude plus ou moins grande de la marque à identifier les produits ou services pour lesquels elle a été enregistrée comme provenant d’une entreprise déterminée et donc à distinguer ses produits ou services de ceux d’autres entreprises (C.J.U.E., 22 juin 1999, Lloyd, Ing.-Cons., 1999, p. 350) » (Cour d’appel Bruxelles (9e chambre), 3 octobre 2013).
Par ailleurs, le droit de marques ne peut être invoqué par son titulaire que pendant dix ans renouvelables de manière indéfinie et pour autant qu’il en fasse usage, là où le droit d’auteur est protégé jusqu’à septante ans après la mort de l’auteur.
Enfin, si le droit d’auteur n’implique aucune formalité particulière, le droit de marques, en revanche, ne jouira d’une protection que moyennant un enregistrement préalable.
Peut-on protéger le titre d’un livre en tant que marque ? La Cour d’appel de Bruxelles, dans un arrêt du 3 octobre 2013 (het dagboek van Anne Franck), a été amenée à se prononcer à ce sujet. Elle affirme que le titre « fait partie intégrante de l’œuvre littéraire et n’est donc pas apte à indiquer l’origine des produits ou des services visés dans la demande d’enregistrement, du moins lorsqu’ils sont utilisés en relation avec l’œuvre littéraire, au motif qu’il individualise une œuvre intellectuelle, créant ainsi un lien, plus ou moins étroit, entre le titre et l’œuvre elle-même ».
Notons aussi que protéger le titre d’un livre par le droit de marques empêche celui-ci de tomber, à terme, dans le domaine public. Ce qui va à l’encontre de la Directive n° 2008/95 du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres sur les marques (version codifiée) qui « poursuit un but d’intérêt général, lequel exige que les signes visés dans cette disposition puissent être librement utilisés par tous et qu’ils ne peuvent être réservés à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque ». (§7 de la décision précitée).
On peut donc en conclure qu’il est dans l’intérêt de tous de ne pas protéger systématiquement le titre d’un ouvrage par le droit de marques, au risque de paralyser la création artistique.
Affaire Copiepresse : http://www.berenboom.be/pdf/googleNews.pdf
Affaire Anne Franck : http://jlmbi.larcier.be/gen/jlmb-article-2201410005.htm#
Bien, bonne recherche.
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De tous les exemples d’œuvres dont le titre est protégé par le droit d’auteur (en raison de sa seule originalité et sans qu’aucune autre formalité ne soit nécessaire) mais pour laquelle il y a eu un dépôt comme marque (avec pour critère la nécessaire distinction et l’absence d’atteinte à des droits anterieurs), “Tintin” est sans doute l’avatar le plus manifeste.
Concernant le titre du livre de Lévy, l’originalité ne peut sans doute pas être invoquée comme la base d’une action contre un plagiat supposé de Houellebecq – dont au surplus il n’est pas certain qu’il ait eu connaissance du titre, puisque Lévy se serait lui même inspiré du travail de Korzybski… Le moyen avancé n’est donc pas fondé en droit français.
A la lumière du droit anglo-saxon, on peut toutefois déplorer que la générosité avec laquelle des associations pourtant courantes de mots sont acceptées en dépôt de marques en France soit le reflet des contraintes toujours plus étroites dans l’élaboration du contenu de ces oeuvres – l’inspiration et la consultation d’une variété de sources dans la rédaction devant se plier à leur fastidieux référencement, ce mouvant contrastant avec l’explosion du nombre de publications collaborative.
Il semble que la raison l’emporte outre-Atlantique, avec l’impossibilité de protéger un titre court ou usuel par le droit d’auteur, car le bon sens se perd à protéger ce qui dans son essence est dépourvu de toute originalité. Nonobstant ces considérations, un détour par l’univers artistique ready-made de Marcel Duchamp, en particulier sa Fontaine (un vulgaire urinoire dont l’art s’empare) démontre le caractère conventionnel et sémantique de ladite “originalité”.
A cet égard, l’occupation (donc usage) du signe à titre de dessin et modèle semble effectivement résoudre l’équation juridique au dépôt de marque de ce signe. Quant à l’utilisation par Allan Greenspan du titre litigieux, n’y a-t-il pas une exception pour traduction?
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Le premier contact que l’on a avec une œuvre se fait par la lecture du titre. A partir de cette réalité, il faut prendre conscience de toute l’importance que le titre revêt dans le monde littéraire et artistique. Dans le cas présent, le fait qu’un même titre ait été utilisé pour plusieurs ouvrages pose la question de l’applicabilité de la protection du droit d’auteur.
Un titre peut être considéré comme une œuvre à part entière, qu’il convient de protéger, s’il respecte les conditions classiques d’originalité et de mise en forme. L’arrêt Infopaq reconnaît qu’une combinaison de mots assemblés de manière originale peut être une création intellectuelle caractérisée par une certaine originalité.
La question suivant concerne le titulaire de la protection. Il n’est pas possible d’attribuer à Houellebecq ni à Levy l’originalité de la création. On voit alors apparaître les limites de la protection du titre, à savoir qu’il est difficile de remonter à la véritable origine du titre. Il semblerait que Levy soit le premier à avoir formuler l’expression « La carte et le territoire » de cette manière. Houellebecq n’aurait donc pas de moyen d’action contre la reprise du titre qui est lui-même repris d’un autre auteur.
Cependant, on ne peut jamais vraiment détacher le titre du contenu de l’œuvre qui se cache derrière. Ainsi, il ne suffirait pas que les titres soient identiques pour crier à la contrefaçon, mais il faudrait en outre que les titres similaires entretiennent une confusion, comme le confirme l’article L112-4 de CPI français. C’est là qu’apparaît la dimension de protection du titre sur base du régime des marques. Dès lors qu’un titre est de nature à confondre l’œuvre avec une autre, il y aurait une violation au regard du droit des marques. Le titre serait donc la « marque » du livre et il serait inacceptable qu’un auteur futur utilise la même marque pour tirer profit de la réputation de l’œuvre précédente.
Pour que ce régime ne soit pas une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression au profit de la protection contre la concurrence déloyale, plusieurs conditions s’imposent. Il faudrait que les œuvres opèrent dans le même registre. Une œuvre artistique ayant le même titre qu’une œuvre économique ne risque pas d’entretenir une quelconque confusion. La reprise par Greenspan du titre de Houellebecq ne peut donc pas être une violation au droit d’auteur. De plus, il ne peut être octroyé une protection de droit d’auteur sur base du régime du droit des marques que si le titre à un caractère distinctif. A partir de quand peut-on cependant déterminer qu’il se distingue suffisamment des autres ? Sur base de ce critère, on pourrait être amené à dire qu’un titre totalement identique à un autre ne bénéficiera jamais d’aucune protection, contrairement à un titre qui s’inspire d’un autre sans pour autant faire du copier/coller. Houellebecq n’a donc sous cet angle aucune chance d’intenter quelque action que ce soit.
J’en conclurai en disant que si le titre est l’identité de l’œuvre, il faut accepter le risque d’avoir des homonymes, comme c’est le cas chez les êtres humains également. S’il ne faut pas en arriver à des abus et une confusion inévitable entre deux œuvres, notons que le risque de confusion n’est souvent que temporaire. En effet, il suffit de creuser pour voir que derrière un titre se cache une œuvre à part entière.
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Suite à la lecture de l’article « La carte et le territoire : une copie n’est jamais l’original », un bref passage par le droit comparé s’impose. Dans un premier temps, nous constatons qu’aux Etats-Unis, la protection des titres d’ouvrage par les droits d’auteur n’est pas permise au motif que la protection d’un si petit nombre de mots n’est pas justifiée. De ce fait, seule l’atteinte à la marque pourra être invoquée.
Du côté de nos voisins français, l’article L. 112-4 du Code de la propriété intellectuelle autorise quant à lui l’invocation des droits d’auteur, à l’inverse de la position américaine qui met en avant le critère de l’originalité: en effet, tout titre d’ouvrage est protégé par le droit d’auteur dès qu’il est original.
Quid alors de la situation en Belgique ? Dans notre pays, les titres d’ouvrage tombent sous la catégorie des œuvres littéraires et sont, de ce fait, placés sous la protection des droits d’auteur. Ils sont donc soumis aux conditions relatives au droit d’auteur, notamment celle de l’originalité. Tout comme en France, cette notion d’originalité, définie à maintes reprises tant au niveau européen (cf. arrêt Infopaq) qu’au niveau national, est fondamentale pour bénéficier de la protection des droits d’auteur. De ce point de vue-là, la position adoptée par la Belgique s’assimile de manière aisée à celle que l’on retrouve en France.
Une autre interrogation reste à soulever : est-il possible, comme aux Etats-Unis, de se prévaloir de la protection de droit de marque concernant les titres d’ouvrage ? Nous serions tentés de répondre par l’affirmative, tout en étant conscient de la difficulté que constitue sa revendication. Cela nous est confirmé par un arrêt rendu par la Cour d’appel du 3 octobre 2013 (*). En l’espèce, la fondation « Anne Franck Fonds » a déposé une demande d’enregistrement à titre de marque verbale du signe « HET DAGBOEK VAN ANNE FRANK » ainsi qu’une demande d’enregistrement du signe « HET ACHTERHUIS » correspondant au titre principalement employé en néerlandais pour désigner l’œuvre littéraire d’Anne Frank. Cette demande lui a été refusée.
Nous concluons donc que en l’espèce, Monsieur Houllebecq n’est pas en droit d’attaquer Monsieur Greenspan et ce malgré que la doctrine reste encore divisée sur les conditions de protection du titre d’une œuvre : une ambiguïté persiste dans le monde juridique entre droit d’auteur et droit de la marque…
(*) http://www.ie-forum.nl/backoffice/uploads/file/IE-forum%20nl%20Cour%20d%27appel%20de%20Bruxelles%203%20oktober%202013,%202012-AR-2166%20%28Het%20dagboek%20van%20Anne%20Frank%29.pdf
Show lessBien, vous auriez pu creuser un peu l’arrêt Anne Frank.