Read more
(1) “a fundamental clash over culture, policy and copyright law“
A mon sens, la Cour veut relever que l’affaire qui lui est soumise met en perspective des enjeux fondamentaux (culturels, politiques et les droits d’auteur).
En effet, dans sa défense, Redigi, pour se voir reconnaitre la légalité de son site, cherche à obtenir de la Cour qu’elle fasse preuve d’une nouvelle lecture du Copyright Act. Autrement dit, elle veut obtenir une sorte d’amendement judiciaire.
Cependant, une politique saine – et l’histoire même- exige pour la cohérence du système que la Cour se soumette à la position du Congrès quand des progrès techniques majeurs viennent perturber le marché des produits protégés par des droits d’auteur.
Le Congrès a seul l’autorité constitutionnelle et la compétence institutionnelle pour faire cohabiter de façon compatible les différentes modifications d’intérêts concurrents qu’impliquent inévitablement l’arrivée des nouvelles technologies.
Une telle soumission prescrit une interprétation restrictive de la protection garantie par les droits d’auteur.
En l’espèce, en raison de cette soumission, la Cour ne peut pas admettre la défense fondée sur « the fist sale » à la sphère digitale alors que le Congrès a lui-même rejeté cette possibilité.
L’affaire met donc bien en évidence des principes fondamentaux culturels et politiques du système américain et confronte ces principes au droit d’auteur.
(2) Selon la décision américaine, y a-t-il une atteinte directe ou indirecte au droit d’auteur
– L’atteinte directe consiste en un comportement volontaire permettant de générer la reproduction ou la distribution. Cartoon Network, 536 F.3d at 131.
– Alors que l’atteinte indirecte a lieu quand une personne a contribué ou a profité de l’atteinte commise par un tiers de manière telle qu’il apparait « juste » prendre en considération cet individu pour l’atteinte commise. Sony, 464 U.S. at 435.
Selon la décision américaine, il y aussi bien une atteinte directe qu’indirecte au droit d’auteur.
Atteinte directe ?
Pour démontrer cette atteinte directe, il faut prouver que Redigi a entrepris des comportements volontaires démontrant suffisamment que Redigi a violé activement un des droits d’exclusivité du plaignant.
La cour considère que les agissements de Redigi ont permis de passer d’un rôle de fournisseur passif d’un espace dans lequel les atteintes avaient lieu à un participant actif dans le processus d’atteinte au droit d’auteur. Usenet.com, 633 F. Supp. 2d at 148. En effet, Redigi impose à ses utilisateurs d’installer un software qui sélectionne les musiques protégées achetées légalement sur Itunes. Cela démontre bien le comportement volontaire.
Atteinte indirecte ?
Selon la Cour, Redigi est responsable d’atteintes indirectes sur la base de deux fondements : « la contribution à l’atteinte » et l’atteinte « vicarious ».
– « La contribution à l’atteinte » : la Cour considère que Redigi savait ou devait savoir que ses services encourageraient des atteintes au droit d’auteur. A l’appui de son affirmation, la Cour cite notamment une lettre du « Recording Industry Association of America (“RIAA”) » signalant l’atteinte. La Cour précise que ce sont bien des faits objectifs qui sont déterminants pour confirmer « la contribution à l’atteinte » et non des éléments subjectifs.
– l’atteinte « vicarious » : Celle-ci est présente dans le chef de Redigi selon la Cour car Redigi a le droit et la capacité de contrôler le comportement produisant l’atteinte (puisque tout se fait via le site internet et que le cloud de Redigi permet de stocker les musiques) et par la rémunération que Redigi touche a également un intérêt financier lié à ces activités.
(3) Situation en Europe
En Europe, on peut penser que Redigi pourrait prendre appui sur les enseignements tirés d’un arrêt de principe (Oracle c. UsedSoft rendu le 3 juillet 2012 (C-128/11) de la CJUE.
Dans cette affaire, la Cour a été amenée à se prononcer sur l’interprétation de l’article 4, § 2 de la directive 2009/24 concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur qui prévoit l’épuisement du droit de distribution exclusif d’une copie d’un programme d’ordinateur à partir de sa première vente dans l’Union européenne.
Cet arrêt porte donc sur l’épuisement du droit exclusif de distribution des titulaires de droits d’auteur.
L’enseignement de cet arrêt- et qui anticipe la situation s’annonçant pour Redigi si il vient à s’exporter en Europe – est le suivant : selon la CJUE, il est interdit aux ayants droits d’empêcher la vente d’un programme téléchargé de façon légale, et ce quand bien même le contrat de licence prévoirait le contraire (point 89 de l’arrêt).
Redigi devra cependant faire preuve de prudence face aux enseignements à tirer de cette jurisprudence. La CJUE parle effectivement de programme informatique dans son espèce et non de fichiers musicaux.
Pour en être arrivée à une telle assertion, la Cour relève en l’espèce que l’acquéreur qui télécharge une copie du programme d’ordinateur et qui conclut un contrat de licence avec la société Oracle, reçoit un droit d’utilisation de cette copie d’une durée illimitée moyennant le paiement d’un prix destiné à permettre au titulaire du droit d’auteur d’obtenir une rémunération correspondante à la valeur économique de la copie du logiciel (point 88 de l’arrêt). La Cour en déduit que la société Oracle transfert à l’acquéreur un droit de propriété sur la copie du programme d’ordinateur et ce peu importe la nature du support permettant cette mise à disposition. Dans ces conditions, l’acquéreur initial peut donc se prévaloir de l’épuisement du droit de distribution.
(4) Les conditions générales prévues par iTunes
Les conditions générales d’utilisation d’iTunes accordent par le processus d’achat « une licence […] uniquement destinée à l’utilisateur final ».
Or l’utilisateur final serait la personne ayant payé via iTunes pour acquérir le fichier téléchargé.
Par conséquent, conformément aux conditions générales d’utilisation d’iTunes, les fichiers téléchargés ne pourraient donc pas être cédés !
L’incessibilité prévue par iTunes semble donc aller à contre-courant avec la position de la CJUE relativement à la règle d’épuisement du droit d’auteur dans le cadre des programmes informatiques.
Show lessSynthèse et commentaires très clairs, parfait.
Read more
Dans les conditions générales d’iTunes, il y a la phrase suivante : « You shall be authorized to use iTunes Products only for personal, noncommercial use ». Donc la pratique de revendre des fichiers achetés sur iTunes est interdite selon les conditions générales car cela serait un usage commercial.
Toutefois ReDigi invoque la doctrine de first-sale aux US (en Europe nous avons la théorie de l’épuisement des droits). Un particulier peut alors revendre le fichier dont il est propriétaire.
Néanmoins l’épuisement des droits dans le droit européen ne concerne que les biens physiques. Et aucune transposition n’existe actuellement pour ce qui concerne le domaine du numérique. Cette doctrine ne peut donc pas être appliquée au cas d’espèce. C’est pour ces raisons que le juge de première instance de New York a jugé que revendre un fichier musical téléchargé légalement est une infraction au droit d’auteur.
L’industrie musicale s’était opposée à ReDigi avec comme argument principal, que celui qui revend de seconde main un fichier revend une copie, et non l’original.
On remarque, dès lors, que l’industrie musicale revendique une exclusivité du droit de copie. L’industrie musicale a peur de perdre le contrôle des fichiers musicaux.
En réalité, le débat doit s’ouvrir sur la circulation des biens dématérialisés. La décision rendue aux US n’a pas de réel impact en Europe.
D’ailleurs la CJUE, dans l’arrêt Oracle c. Usedsoft, a souligné l’importance de la première vente et son application directe à des transactions numériques. Elle a donc estimé qu’un programme pouvait bien être légalement revendu. Certes l’arrêt concerne une affaire de revente de logiciels téléchargeables mais il semble que cet arrêt pourrait s’appliquer également aux fichiers numériques. Ce qui peut donc donner espoir à ReDigi. Difficile alors de savoir si les pratiques de ReDigi sont légales ou non actuellement en Europe, le débat reste ouvert et une position claire du législateur devrait être prise.
Merci. L’analyse en droit européen pourrait être nettement plus développée.
Read more
Question n°5 IPDIGIT
Le juge américain déclare que l’affaire Capitol Records c. ReDigi illustre un affrontement fondamental entre la culture et la réalité économique actuelle et la réglementation en matière de droit d’auteur. En effet, lorsque le Copyright Act a été créé en 1976, et que la doctrine du « first sale » y a été insérée, le Congrès vivait dans un monde « (…) where the ease and speed of data transfer could not have been imagined » (p. 19 de l’arrêt). Internet et le téléchargement de fichiers n’existaient pas. Toutes les œuvres étaient au contraire matérialisées dans un support tangible. Cependant, nous vivons aujourd’hui dans le monde du virtuel et, comme le souligne la Cour, le Copyright Act doit être modernisé pour répondre aux problèmes actuels de la société. D’où l’affrontement entre ces différents éléments.
L’atteinte directe aux droits d’auteur requiert, selon la Cour, «[a] ‘volitional conduct’ that ‘causes’ the reproduction or distribution to be made ». Une responsabilité directe suppose donc un comportement volontaire qui est suffisant pour démontrer que la personne concernée a activement violé l’un des droits du défendeur (p. 13). La Cour estime que ReDigi est directement responsable de la violation des droits de reproduction et de distribution de Capitol étant donné (1) que le software Media Manager repère et choisit uniquement les chansons protégées par le droit d’auteur qui ont été téléchargées légalement et (2) que Redigi a fourni une véritable infrastructure pour les ventes illégales de ses utilisateurs et a négocié des ventes en mettant en contact des acheteurs à la recherche de chansons indisponibles avec des revendeurs potentiels. L’atteinte indirecte aux droits d’auteur peut être décidée par la Cour sur base de trois doctrines de common law. Il s’agit des doctrines de « contributory infringement, inducement of infringement and vicarious infringement ». La Cour estime que l’atteinte contributive et l’atteinte par le fait d’autrui sont avérées.
Nous sommes d’avis que ReDigi arrivera bientôt en Europe parce que le contexte actuel nous rend demandeurs de ce type de service. D’une part, le prix d’une chanson en seconde main est d’autant plus attractif de par la crise économique et, d’autre part, de plus en plus de personnes téléchargent de la musique de manière légale.
A ce titre, nous pensons que la CJUE sera plus clémente avec ReDigi que ne l’a été la Cour américaine. En effet, nous pensons qu’étant donné que les utilisateurs de ReDigi ne peuvent faire autrement que de reproduire la chanson sur une portion de leur disque dur, il n’y pas d’atteinte du moins volontaire au droit de reproduction. De plus, il y a là un intérêt à porter à la techologie du cloud computing qui ne justement ne transfère pas le fichier sur le disque dur de l’acheteur.
L’argument de la Cour est trop « facile » étant donné que, comme elle le souligne par ailleurs, cette idée est confirmée par les lois de la physique. Il s’agit d’un argument qui nous semble d’abord un peu dépassé et qui n’est ensuite pas aussi pertinent dans notre droit européen comme il peut l’être en Common Law.
Si le Congrès décide de ne pas moderniser le Copyright Act, il faudra donc attendre l’invention de la machine à télétransportation pour qu’un site comme ReDigi puisse être légal. Par contre, nous sommes d’accord que ReDigi porte atteinte par son activité au droit de reproduction de Capitol mais nous pensons que la doctrine du « first sale » l’absout de toute responsabilité. Là encore, la Cour estime que la doctrine ne protège pas ReDigi en reprenant l’argument que nous avons critiqué ci-dessus et qui consiste à dire que l’exemplaire de la chanson que le second acheteur possède n’est pas le même que celui que le premier acheteur avait sur son ordinateur. Nous pensons que l’arrêt de la Cour permet à la société Capitol de contrôler la revente des copies numériques des chansons et, de ce fait, d’exiger une rémunération pour chaque revente alors que la première vente a déjà permis de lui en procurer une (arrêt UsedSoft §63).
Enfin, nous pensons qu’une clause qui interdirait à l’acheteur de revendre sa copie est contraire au principe fondamental selon lequel le propriétaire détient l’usus, le fructus et l’abusus sur le bien concerné. S’il en est propriétaire, il a le droit de revendre le bien s’il le souhaite. Cela fait partie de ses prérogatives fondamentales. Néanmoins, nous rejoignons l’avis de la CJUE en ce que le distributeur du produit peut, s’il le souhaite, employer des mesures techniques de protection afin de s’assurer que le fichier ne se trouve plus sur l’ordinateur du premier acheteur lorsque ce dernier l’a revendu à une autre personne. Si le fichier subsiste, il y aurait atteinte à son droit de reproduction en tant que titulaire du droit d’auteur (§79 et §87 de l’arrêt UsedSoft).
Show lessRead more
Excellent dans les premiers paragraphes qui répondent bien à plusieurs questions posées. La fin du texte est moins limpide. Quelques enchaînement/phrases ne sont pas évidents par exemple lorsque vous écrivez: “De plus, il y a là un intérêt à porter à la techologie du cloud computing qui ne justement ne transfère pas le fichier sur le disque dur de l’acheteur.”. Est-ce que le cloud computing est affecté par le débat sur l’épuisement numérique? Non, précisément.
Show lessRead more
Revendre des fichiers musicaux de “seconde main” par l’entremise de ReDigi: licite ou pas?
1) Aux Etats Unis
a) Atteinte directe et indirecte au droit d’auteur
Aux Etats-Unis, l’affaire ReDigi a été jugée par la District Court de New York (S.D.) dans une décision du 30 mars 2013. Elle a considéré que le service de ReDigi n’était pas compatible avec le droit d’auteur. En effet, la Cour a établi que ReDigi avait violé la règlementation en matière de droit d’auteur aussi bien de manière directe qu’indirecte.
L’atteinte directe au droit d’auteur est la situation où la personne pose un acte volontaire qui suffit à démontrer qu’elle a activement violé un des droits exclusifs du titulaire du droit d’auteur.
L’atteinte indirecte est la situation dans laquelle une personne a contribué ou a bénéficié de l’infraction commise par un tiers et ce de manière suffisante pour que cette personne soit déclarée responsable de l’activité illicite. Cette atteinte indirecte est envisageable sur base de trois théories du common law : la complicité d’infraction, l’incitation à l’infraction et l’infraction par procuration (responsabilité du fait d’autrui). La complicité d’infraction est la situation où la personne, tout en ayant connaissance de l’infraction, induit, cause ou contribue matériellement au comportement illicite d’un autre. L’incitation à l’infraction est la situation où la personne demande ou induit à une tierce personne de commettre une infraction. L’infraction par procuration (responsabilité du fait d’autrui) est la situation où la personne a le droit et la capacité de surveiller l’activité illicite et un intérêt financier direct dans ces activités.
Dans le cas qui nous occupe Redigi a été considéré comme étant un participant actif dans le processus de violation du droit d’auteur (atteinte directe) mais a également été condamné du chef de complicité d’infraction (contributory infringement) et d’infraction par procuration (vicarious infringement) (atteinte indirecte).
b) Conflit fondamental
Dans son arrêt le juge reconnaît que cette affaire met en lumière un conflit fondamental entre la culture, la politique et le droit d’auteur. Par là il veut dire que cette affaire revêt une grande importance car elle traite des innovations technologiques et met en avant les problèmes juridiques que ceux-ci peuvent poser. Cette situation nouvelle ne peut être réglée que par une décision politique, qui doit décider comment doivent être traitées les nouvelles technologies, en faisant le difficile choix entre promotion de la culture ou défense des droits d’auteur. Dans ce cas-ci le juge n’a fait que suivre la direction prise par le congrès américain en la matière.
2) Dans l’Union européenne
a) L’épuisement du droit d’auteur
La première question à se poser est de déterminer si le téléchargement légal d’une musique sur internet constitue une première vente et donne donc lieu à l’épuisement du droit d’auteur sur la copie téléchargée.
Pour répondre à cette question, l’arrêt Oracle est tout à fait éclairant, même s’il ne traite pas totalement du même sujet (dans l’affaire, il est question de programme d’ordinateur).
Dans cette affaire, deux questions sont principalement posées.
(1) Est-ce que le téléchargement légal d’une copie de programme sur un ordinateur épuise le droit d’auteur ?
Pour la Cour de justice, dans le cas où il y a téléchargement d’une copie du programme d’ordinateur et conclusion d’un contrat de licence d’utilisation entre le titulaire et l’acheteur, il y a transfert du droit de propriété et donc première vente du programme. (points 44 à 46 de l’arrêt). Le droit de distribution de la copie d’un programme d’ordinateur est épuisé si le titulaire du droit d’auteur, qui a autorisé, fût-il à titre gratuit, le téléchargement de cette copie sur un support informatique au moyen d’Internet, a également conféré, moyennant le paiement d’un prix destiné à lui permettre d’obtenir une rémunération correspondant à la valeur économique de la copie de l’œuvre dont il est propriétaire, un droit d’usage de ladite copie, sans limitation de durée. Le fait qu’il y ait « première vente » impliquant de facto l’épuisement du droit de distribution.
Le transfert de propriété permet, selon la Cour, de considérer qu’il y a vente et donc épuisement du droit de distribution, que l’on regarde la situation à l’aune de la directive 2009/24 traitant des programmes d’ordinateur (qui parle de première vente) ou de la directive 2001/29 (qui parle d’acte de distribution) (point 52 de l’arrêt).
Notons également que la Cour précise que cet épuisement est valable que la copie soit matérielle ou immatérielle, sur base du principe d’égalité de traitement. Interdire la revente des copies téléchargées sur internet serait aller plus loin que la volonté de protection du droit d’auteur (point 59 et suivants de l’arrêt).
La Cour met toutefois en avant deux conditions pour que la revente de ces copies dont le droit de distribution est épuisé soit valable. Premièrement, l’acquéreur initial doit rendre inutilisable sa copie (point 70), sous peine de violer le droit exclusif à la reproduction de la copie en question. Deuxièmement, il est interdit de scinder la revente d’une copie qui serait valable pour plusieurs personnes (point 69). En pratique, il est évident qu’il ne sera pas facile pour le titulaire des droits d’auteurs de vérifier si l’acquéreur initial n’a pas créé des copies du programme d’ordinateur qu’il continuerait à utiliser après avoir vendu son support matériel.
Il faudra toutefois également faire attention aux dispositions contractuelles, qui peuvent empêcher la cession du programme acheté (comme nous le verrons ci-après).
(2) Est-ce que l’acheteur d’une copie de ce téléchargement bénéficie aussi de l’épuisement du droit
La deuxième question qui se pose dans l’affaire Oracle est celle de la situation du deuxième acheteur.
Concernant celui-ci, la Cour précise que si toutes les conditions précisées au point précédent sont respectées, la revente à un tiers est totalement légale et celui-ci, ainsi que tout acquéreur ultérieur constitue un acquéreur légitime, qui bénéficie donc aussi de l’épuisement du droit de distribution.
b) Les dispositions contractuelles
Comme évoqué précédemment, les dispositions contractuelles du contrat de licence doivent être prises en compte dans l’optique de la revente. En effet, quand bien même il y aurait épuisement du droit de distribution du titulaire du droit d’auteur, si le contrat de licence prévoit l’interdiction de la revente du produit, l’acquéreur ne pourra que s’y tenir, à peine de violer le contrat et de s’exposer à des poursuites juridiques.
Si nous regardons les conditions générales d’un site de téléchargement légal comme Itunes store, nous voyons qu’il y est clairement prévu l’interdiction de revendre les fichiers téléchargés. Les conditions générales prévoient un paragraphe complet relatif à la propriété intellectuelle, qui dit notamment ceci : « Vous acceptez de n’utiliser ces informations ou éléments que dans le cadre de l’utilisation du Service, conformément aux dispositions du présent Contrat. Aucune partie du Service ne peut être reproduite sous quelque forme ou par quelque moyen que ce soit, sauf dans les limites expressément prévues aux présentes. Vous vous engagez à ne pas modifier, louer, donner en crédit-bail, prêter, vendre, distribuer ou créer des œuvres dérivées du Service, de quelque façon que ce soit ». Il est donc normalement interdit de revendre les fichiers téléchargés sur Itunes.
Quant à ReDigi, il est prévu dans ses « terms of service » un article 5 très fourni, ayant pour but de lui enlever toute responsabilité concernant les fichiers qui y sont vendus. Dans cet article, il peut être intéressant de mettre en avant les points suivants :
– le point b) qui dispose que la responsabilité pour le contenu des fichiers sur le site est du ressort l’utilisateur qui l’y met
– le point d) qui prévoit quant à lui que les utilisateurs sont censés être propriétaires des contenus qu’ils mettent sur le site et qu’ils sont censés ne pas l’avoir altérés et avoir détruit toute copie éventuelle.
– le point e) prévoit que les utilisateurs assumeront tous les risques quant aux questions de propriété des fichiers médias
– le point f) prévoit que ReDigi n’est en aucun cas propriétaire des fichiers contenus sur son site.
Cet article montre bien que ReDigi tente de se protéger contre les recours éventuels qui pourraient venir des ayants-droits ou d’Itunes en mettant toute la responsabilité sur les utilisateurs du site.
Dans les arrêts Dior et Kanzi de la Cour de justice il est question de déterminer si les titulaires des droits d’auteurs peuvent utiliser ce manquement contractuel dans le but d’empêcher l’épuisement de leurs droits. L’arrêt Dior concerne une marque, mais établit que la violation du contrat de licence peut impliquer le non épuisement du droit du titulaire (ici de la marque) et donc une action de celui-ci contre le licencié. L’arrêt Kanzi, quant à lui, dispose qu’une action contre les acquéreurs ultérieurs est possible du fait de la violation du contrat de licence par le premier acquéreur.
3) Conclusion
Pour en revenir à la question de la légalité de ReDigi, nous pouvons dire qu’aux Etats-Unis, l’affaire ReDigi a montré qu’il n’y avait pas pour l’instant la volonté de permettre la revente d’occasion de fichiers immatériels. En Europe, la situation est plus confuse. La Cour de justice a eu l’occasion de déclarer légale (sous respect de conditions évidemment) la revente d’occasion en matière de programmes d’ordinateurs, ce qui laisse la porte ouverte à l’avenir à l’autorisation de la revente de fichiers musicaux. Toujours est-il que, même s’il y a en principe épuisement du droit de distribution, il faut faire attention aux dispositions contractuelles qui accompagnent l’achat de fichiers musicaux sur internet, car ces dispositions peuvent être un obstacle à la revente et pourraient donner lieu à une action des titulaires du droit d’auteur.
Show lessExcellent tour d’horizon!! Vraiment très riche et dense!
Read more
Au USA : La décision du 30 mars 2013 de la District Court de New York.
1) « a fundamental clash over culture, policy and copyright law“.
Dans cette affaire, c’est deux mondes qui s’opposent, deux générations qui se font face. D’un coté on a une « major » de la musique qui a fait fortune grâce à la vente de supports physiques (d’abord les vinyles, puis les CD), de l’autre une jeune compagnie avec un business modèle basé uniquement sur le virtuel. En toute logique, leurs visions du droit d’auteur son elles aussi opposées.
2) Atteinte directe ou indirecte ?
– ReDigi a directement porté atteinte au droit de reproduction et au droit de distribution de Capitol.
– ReDigi a également indirectement porté atteinte au droit d’auteur en permettant à ses utilisateurs de porter directement atteinte à ce même droit.
En effet, la Cour a considéré que ReDigi avait parfaitement conscience du fait que son service permet à ses utilisateurs de porter atteinte au droit de reproduction et au droit de distribution de Capitol.
En outre, la Cour a considéré que ReDigi avait le droit et la capacité de contrôler les activités litigieuses et qu’il avait un intérêt financier direct dans le déroulement de ces activités. (Vicarious Infrigment).
En Europe :
1) UsedSoft c. Oracle, arrêt C 128/11 de la CJUE.
Dans cet arrêt, la Cour a considéré que le principe de l’épuisement des droits s’appliquait à la vente de licences logicielles d’occasion : « Lorsque le titulaire du droit d’auteur met à la disposition de son client une copie – qu’elle soit matérielle ou immatérielle – et conclut en même temps, contre paiement d’un prix, un contrat de licence accordant au client le droit d’utiliser cette copie pour une durée illimitée, ce titulaire vend cette copie au client et épuise ainsi son droit exclusif de distribution »
La Cour a donc jugé qu’UsedSoft avait parfaitement le droit de vendre des licences d’occasion des produits Oracle, tant que celles-ci ont été valablement acquises et que le propriétaire original s’est débarrassé du logiciel. Du point de vue des ayants droit, l’arrêt leur interdit de s’opposer à la revente d’un contenu téléchargé légalement.
En raisonnant par analogie, on peut affirmer que cette décision est applicable à tous les fichiers et donc aux fichiers musicaux. En outre, la CJUE a considéré que l’acquéreur initial d’une copie d’un programme d’ordinateur doit « rendre inutilisable la copie téléchargée sur son propre ordinateur au moment de la revente. », ce qui est précisément le modèle proposé par ReDigi. ReDigi pourra donc s’appuyer sur cet arrêt pour lancer son service en Europe.
2) L’interaction entre la règle d’épuisement du droit d’auteur et les dispositions contractuelles.
Dans les conditions générales d’utilisation du logiciel Itunes, il est dit que :
« iTunes est le fournisseur du Service qui vous permet d’acheter ou de louer une licence pour des téléchargements de contenu numérique […] uniquement destinés à l’utilisateur final.
Vous acceptez que les Produits iTunes ne vous sont concédés que sous forme de licence.
Vous êtes autorisé à utiliser les Produits iTunes uniquement pour un usage personnel et non commercial.
[…]
Vous ne pouvez pas louer, donner en crédit-bail, prêter, vendre, céder, redistribuer ou concéder une sous-licence de l’Application sous Licence »
De ces passages, on peut relever deux observations :
1) Apple insiste bien sur le fait que l’utilisateur achète une licence d’utilisation d’un fichier musical et non le fichier musical en lui même. Cette clause a pour but d’empêcher l’application de la théorie de l’épuisement des droits.
Or, la Cour a considéré que « le transfert par le titulaire du droit d’auteur d’une copie d’un programme d’ordinateur à un client, accompagné de la conclusion, entre ces mêmes parties, d’un contrat de licence d’utilisation, constitue une «première vente d’une copie d’un programme d’ordinateur» », Apple tombe donc sous le coup de la règle de l’épuisement malgré les efforts consentis pour y échapper. (Sous réserve du point suivant)
2) L’interdiction contractuelle de revendre qui pourrait être prévue dans le contrat de licence/achat d’un fichier musical sur iTunes empêche-t-elle l’application de la règle de l’épuisement ?
Dans l’arrêt UsedSoft, la Cour se contente de dire que « nonobstant l’existence de dispositions contractuelles interdisant une cession ultérieure, le titulaire du droit concerné ne peut plus s’opposer à la revente de cette copie. » Ainsi, selon cet arrêt, même si la licence interdit une cession ultérieure, le titulaire du droit d’auteur ne peut plus s’opposer à la revente de cette copie de son logiciel. Les clauses d’incessibilité des licences informatiques sont donc sans effets.
Dans l’arrêt Greenstar-Kanzi c. Jan Husti, la Cour a considéré qu’il n’y avait pas épuisement si la condition contenue dans le contrat de licence qui a été violée porte directement sur les éléments essentiels de la protection communautaire des obtentions végétales. La logique est la même en matière de marque. (Arrêt Copad c. Christian Dior).
Ainsi, la violation d’une condition du contrat de licence n’implique pas automatiquement l’absence de consentement du titulaire du droit d’auteur. La violation d’une clause quelconque du contrat de licence ne suffit pas pour conclure à l’absence de consentement. Pour qu’il y ait absence de consentement et donc non application de la règle de l’épuisement, il faut que la condition contenue dans le contrat de licence qui a été violée porte directement sur les éléments essentiels de la protection communautaire en matière de droit d’auteur.
La question fondamentale est donc de savoir si l’interdiction de revente est ou non un des éléments essentiels de la protection communautaire en matière de droit d’auteur.
Si c’est le cas, alors il n’y aura pas épuisement du droit de distribution et la revente sans autorisation sera illégale.
Excellents vos développements, vraiment! (seul petit bémol: l’accord de vos participes en cas de verbe “avoir”…j’en ai corrigés quelques-uns).
Read more
Le site web ReDigi propose un système de revente des fichiers musicaux digitaux légalement acquis sur iTunes. Dans un procès américain, le juge en première instance a déclaré que cette opération est contraire au droit d’auteur. En fait, il a retenu une double atteinte.
Premièrement, le site web est une atteinte indirecte au droit d’auteur. Le site web offre tous les moyens pour que des internautes puissent commettre des violations du droit d’auteur. Ainsi la société ReDigi a contribué à la violation du droit d’auteur par autrui (les utilisateurs du site web), conscient que cette conduite était contraire au droit. La proposition des moyens matériels pour l’atteinte au droit d’auteur est jugée substantielle et une utilisation du site web qui ne violerait pas les droits d’autrui est considérée impossible. Par ailleurs, la société avait le pouvoir et la possibilité de superviser les opérations illicites et a tiré des bénéfices financiers de ces opérations.
Deuxièmement ReDigi a commis une atteinte directe au droit d’auteur. La société elle-même a violé des droits d’auteur. Le tribunal a jugé que la contribution à la violation des droits d’auteur était trop profonde. Le site web de ReDigi ne pouvait être utilisé que pour un service de revente des fichiers protégés par le droit d’auteur. Ainsi, la contribution à l’atteinte au droit d’auteur était substantielle. En programmant le site web en ce sens qu’il n’accepte que des fichiers protégés, la société a joué un rôle fondamental et délibératif dans le processus de l’atteinte au droit d’auteur. Par conséquent, le tribunal a jugé qu’une atteinte directe était commise.
Le tribunal américain parle d’un « fundamental clash over culture, policy and copyright law ». Le tribunal réfère aux circonstances de l’affaire. Le site web ReDigi est un nouvel élément dans l’évolution de la technologie. Ceci pose des problèmes quant à la protection du droit d’auteur et d’autres droits intellectuels. L’Internet a rendu tout plus accessible, moins géographiquement limité, etc. Bref, l’évolution technologique pose des questions culturelles, de politique et de droits intellectuels, qui devraient être traitées par les législateurs.
Dans l’arrêt, il est clair que le tribunal distingue entre le monde que l’on connaissait auparavant et le monde digital. Les règles applicables aux deux systèmes ne sont pas toujours les mêmes. Ainsi, l’argument de ReDigi que la règle de « first sale » est applicable à la revente des fichiers digitaux est rejeté. Cette règle consiste en donner au acquéreur d’un phonogramme la possibilité de revendre ce phonogramme sans l’autorisation du titulaire du droit d’auteur. En vendant le phonogramme, le titulaire du droit d’auteur a en quelque sorte épuisé son droit d’interdire la distribution de cette copie matérielle. Le tribunal dit que par mettre le fichier digital sur un ‘cloud’ sur le web, ou sur le ‘hard drive’ d’un autre ordinateur, le fichier n’est plus le même. Il n’est plus le même bien matériel et par conséquent, il n’est pas soumis à la règle de « first sale ». La protection du droit d’auteur joue toujours et n’est en aucun cas épuisé. Ainsi, le tribunal distingue les biens matériaux des biens digitaux.
En Europe, il existe une règle similaire. Le cadre réglementaire au sujet des droits intellectuels relatifs aux programmes d’ordinateur est décrit dans l’affaire UsedSoft GmbH c. Oracle International Corp. de la Cour de Justice de l’Union européenne. Les considérants 28 et 29 et l’article 4, paragraphe 2 de la directive 2001/29 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information contiennent une règle d’épuisement du droit de contrôler la distribution d’un œuvre après la première vente de cette œuvre avec le consentement du titulaire du droit d’auteur. Une exception est faite pour les services en ligne. Ainsi, la directive distingue aussi en quelque sorte le monde digital du monde ‘matériel’.
Cependant la CJUE ne donne pas la même interprétation à cette règle que le tribunal américain. Dans l’affaire UsedSoft c. Oracle, cette question est évoquée dans le paragraphe 53 e.s. En se basant sur d’autres articles et sources européens, la Cour démontre que la volonté du législateur est d’assimiler les œuvres immatérielles aux œuvres incorporées au matériel. Ainsi, les deux formes d’œuvres sont soumises à la règle de l’épuisement du droit de distribution (§ 59). Dans le paragraphe 70, la Cour précise que l’épuisement du droit de distribution ne s’étend pas à des droits d’utilisation. Il est nécessaire pour la revente des œuvres et pour l’épuisement du droit de distribution que l’œuvre vendue soit inutilisable par le vendeur après la vente. En ce sens, on peut se demander si ReDigi respecte cette condition, étant donné que le site web ne peut pas éviter que le vendeur du fichier digital ait une copie de l’œuvre quelque part. Le programme ne peut que contrôler les machines liées à l’ordinateur sur lequel le programme de ReDigi est installé. Cependant, il convient de dire qu’un tel contrôle s’avère difficile (§ 79). La Cour demande que tous les moyens techniques à sa disposition sont utilisés pour que l’on puisse s’assurer que l’œuvre vendue soit devenue inutilisable par le vendeur (§ 87), ce que ReDigi me paraît faire.
La Cour considère que l’épuisement du droit de distribution, prévu par la directive, est applicable si les conditions sont remplies, nonobstant une clause dans un contrat de licence qui interdit la cession de l’œuvre (§ 84).
Il convient d’examiner les conditions générales de ReDigi, notamment l’article 5. Dans l’article 5, b, vous déclarez que vous êtes responsable pour tout ce que vous faites en utilisant le site web. En plus vous déclarez que vous ne violez pas de droits d’autrui. Cette dernière phrase me paraît bizarre, compte tenu de la décision du tribunal américain, qui dit que le service de ReDigi ne peut pas être utilisé pour des fins licites et que ReDigi est, par son rôle fondamental et décisif, aussi responsable pour les atteintes aux droits d’autrui. Dans l’article 5, c et d ReDigi exige que le vendeur installe le programme et qu’il rend inutilisable les contenus qu’il a vendu. Cela est en concordance avec le raisonnement de la CJUE. Dans l’article 5, f et g la société dit qu’elle n’a pas le pouvoir de contrôler le contenu sur le site. Le tribunal américain a jugé autrement.
En conclusion, la vente de seconde main des fichiers musicaux digitaux me paraît licite dans l’Union européenne, compte tenu de l’épuisement du droit de la distribution que la CJUE interprète largement et qu’elle applique aux biens matériaux ainsi qu’aux biens immatériaux.
Show lessTrès bon! Je suis moins convaincu que vous quant à la licéité d’un tel service en Europ.
Read more
Selon la décision américaine, y a-t-il une atteinte directe ou indirecte au droit d’auteur?
Pour qu’il y ait atteinte directe au droit d’auteur, il faut établir qu’il y a eu une conduite délibérée qui montre suffisamment qu’elle viole les droits exclusifs du propriétaire des droits d’auteur. Il faut que le lien de causalité entre la conduite en cause et la violation du domaine exclusif du propriétaire des droits d’auteur soit suffisamment direct.
Selon la décision américaine, il y a une atteinte directe des droits de distribution et de reproduction de Capitol Records.
Il y a atteinte indirecte lorsque la personne en cause a, ayant connaissance du caractère illicite de l’activité, contribué matériellement, provoqué ou causé, un comportement illicite dans le chef d’une autre personne.
Ici aussi ReDigi a été reconnu coupable d’une atteinte indirecte aux droits de distribution et de reproduction de Capitol Records.
“A fundamental clash over culture, policy and copyright law“. Expliquez ce qu’il faut entendre par cet “affrontement fondamental” ?
Sur base de la lecture de l’arrêt du 30 mars 2013 de la cour new yorkaise, on se trouverait devant un affrontement fondamental entre la culture, le politique et le droit d’auteur (aux USA tout du moins).
D’un côté, on a une volonté de rendre la culture accessible à tous et de supprimer les obstacles à son accès. Ainsi, sur base de la doctrine du « fair use » le but du droit d’auteur serait de promouvoir le progrès de la Science et de l’Art, en autorisant son utilisation, et non de l’en empêcher. Ainsi, il faudrait profiter des possibilités mises à disposition par Internet pour faciliter l’accès à la culture et la connaissance.
De l’autre côté, on a le Droit qui évolue très lentement (même si le système du Common Law est sans doute le système juridique qui s’adapte le mieux aux changements actuels que connait notre civilisation) et qui se base encore sur des notions qui ne tiennent pas compte du domaine virtuel comme moyen de transmission de la musique (dans le cas qui nous concerne, mais cela est aussi valable pour les logiciels, jeux vidéos,…).
Dans l’affaire Capitol v. ReDigi, la Cour n’hésite pas à renvoyer la balle au Congrès américain pour modifier la loi.
Peut-on s’attendre à une arrivée rapide de ce service en Europe?
Selon la CJUE dans son arrêt UsedSoft c. Oracle du 3 juillet 2012, la directive du 23 avril 2009 (art. 4 et 5) « doit être interprétée en ce sens que le droit de distribution de la copie d’un programme d’ordinateur est épuisé si le titulaire du droit d’auteur, qui a autorisé, fût-il à titre gratuit, le téléchargement de cette copie sur un support informatique au moyen d’Internet, a également conféré […], un droit d’usage de ladite copie, sans limitation de durée ». De plus, la cour ajoute que « le second acquéreur de ladite licence ainsi que tout acquéreur ultérieur de cette dernière pourront se prévaloir de l’épuisement du droit de distribution prévu à l’article 4, paragraphe 2 ». Par conséquent la revente en ligne de logiciels d’occasion est autorisée.
Par cet arrêt on peut donc conclure qu’il y a une porte ouverte pour la revente en ligne de biens immatériels d’« occasion ».
Même si personnellement je ne pense pas que cela permettra une arrivée rapide de ce type de service vu l’état actuel de la législation sur les droits d’auteur dans l’Union européenne.
Nous sommes encore dans des sociétés qui protègent fort le droit d’auteur (à raison pour l’auteur mais au grand dam du public avide de savoir).
Observation personnelle
Je considère que la motivation de la Cour dans l’affaire Capitol v. ReDigi ne me semble pas tout à fait cohérente concernant la violation du droit de reproduction.
Concernant le moyen invoqué par Capitol de la violation de son droit de reproduction, la Cour considère que la reproduction comprend l’ensemble des sons et non le medium sur lequel les sons se trouvaient. Elle se base sur une certaine jurisprudence afin que l’on doive effectivement tenir compte du droit de reproduction de Capitol. Elle a donc permis ici une interprétation large de la notion « phonorecords » à la section 106(3) du Copyright Act.
Tandis que pour l’analyse du moyen avancé par ReDigi concernant la théorie du « first sale defense » contenu dans la section 109(a) du Copyright Act, la Cour considère que cet article tient à s’appliquer uniquement en interprétant strictement « phonorecords » dans son aspect matériel et non son contenu immatériel, afin d’exclure l’application de la protection que confère cet article.
Show lessBeau tour d’horizon!! Merci
Read more
QUESTION 1 : Affrontement fondamental entre culture, politique et droit d’auteur
L’affrontement fondamental a lieu entre d’une part les droits d’auteur tels qu’on les connait, notamment, dans la décision, dans le Copyright Act, et d’autre part l’évolution de la technologie internet. Des sites tels que ReDigi semblent faire partie de l’évolution, car ils permettent une utilisation de seconde main de musique qu’on leur revend. Cependant, le « Capitol », dans la décision américaine, invoque une violation du Copyright Act par ReDigi.
Cependant, dans le ‘Copyright Act’, figure un article dans lequel il est prévu que: “These include phonorecords, which are the “material objects in which sounds . . . are fixed by any method now known or later developed, and from which the sounds can be perceived, reproduced, or otherwise communicated, either directly or with the aid of a machine or device.»
Le juge déboute ReDigi sur la base de l’interprétation stricte des textes de loi. L’approche a été purement légale. La société ReDigi cherchait à obtenir un amendement juridique de la loi sur les droits d’auteur (via un jugement et une interprétation du juge qui auraient fait jurisprudence).
Le juge souligne que c’est le rôle du pouvoir politique (le congrès américain), qui détient l’autorité constitutionnelle et la capacité institutionnelle de modifier les lois en fonction des évolutions technologiques et culturelles.
La Cour doit se référer à la loi et limiter strictement son interprétation, même s’il semble que loi, culture, technologie et politique ne sont pas tout à fait en phase.
QUESTION 2 : Atteinte directe et indirecte au droit d’auteur
Selon la décision américaine il y a en effet atteinte directe et indirecte au droit d’auteur. En effet, la Cour a reconnu que :
-) ReDigi avait enfreint les droits de reproduction et de distribution de Capitol Records;
-) ReDigi ne pouvait se prévaloir d’une utilisation équitable (fair Use) des droits d’auteurs qui permet dans certains cas précis de contourner les dispositions légales;
-) La requête de ReDigi d’utiliser la loi “first Sale Defense” n’était pas justifiée.
a. L’atteinte directe au droit d’auteur
Pour qu’il y ait atteinte directe, il faut démontrer que le défendeur a adopté des comportements volontaires et conscients qui ont violé au moins un des droits exclusifs du plaignant.
Dans le cas de ReDigi, selon la cour, il y a une attitude consciente qui enfreint les droits de reproduction et de distribution de capitol Records. Il y a donc bel et bien atteinte directe.
b. L’atteinte indirecte au droit d’auteur
On parle d’atteinte indirecte quand le défendeur contribue ou bénéficie de la violation du droit par une tierce personne et qu’il est donc juste de considérer le défendeur comme responsable de cette violation du droit.
Le droit d’auteur ne rend pas explicitement quelqu’un responsable pour une violation commise par un tiers. Cependant, la doctrine autorise la Cour à reconnaître la responsabilité indirecte quand cela est juste et approprié.
Dans le cas de ReDigi, la Cour a estimé que cette société était coupable d’une :
atteinte partagée : quand une personne, en toute connaissance de cause, induit, cause ou contribue matériellement au comportement illégal d’un tiers;
atteinte indirecte : quand le défendeur a le droit et la capacité de superviser l’activité illégale et a en plus un intérêt financier dans cette activité.
QUESTION 3 :
Arrêt Usedsoft c. Oracle
Les faits
Oracle développe et commercialise des programmes d’ordinateur dont la plupart sont téléchargés par les clients au moyen d’internet. En effet, le client télécharge directement une copie du programme sur son ordinateur. Le droit d’utiliser ces programmes est octroyé par un contrat de licence qui prévoit que le paiement des services donne un droit d’utilisation à durée indéterminée, non exclusif, non cessible et gratuit réservé à un usage professionnel interne, pour tous les produits et services qu’Oracle développe et met à la disposition des utilisateurs. Dans le cadre d’un contrat de maintenance, les clients peuvent télécharger des mises à jour du programme ainsi que des programmes permettant de corriger les erreurs.
Usedsoft commercialise des licences d’occasion de programmes d’ordinateur et notamment des licences d’utilisation se rapportant aux programmes d’ordinateur d’Oracle.
Oracle désire empêcher Usedsoft de poursuivre ses activités. Il obtient gain de cause devant le Landgericht München . Usedsoft interjette appel devant le Bundesgerichtshof qui surseoit à statuer et pose trois questions préjudicielle à la Cour :
«1) La personne qui peut se prévaloir d’un épuisement du droit de distribution de la copie d’un programme d’ordinateur est-elle un ‘acquéreur légitime’, au sens de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2009/24?
2) En cas de réponse affirmative à la première question: le droit de distribution de la copie d’un programme d’ordinateur est-il épuisé, au sens du premier membre de phrase de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 2009/24, lorsque l’acquéreur a réalisé la copie, avec l’autorisation du titulaire du droit, en téléchargeant le programme sur un support informatique au moyen d’Internet?
3) En cas de réponse affirmative à la deuxième question également: la personne qui a acquis une licence de programme d’ordinateur ‘d’occasion’ peut-elle aussi se prévaloir, pour la réalisation d’une copie du programme en tant qu’‘acquéreur légitime’, en application de l’article 5, paragraphe 1, et du premier membre de phrase de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 2009/24, de l’épuisement du droit de distribution de la copie du programme d’ordinateur que le premier acquéreur a, avec l’autorisation du titulaire du droit, réalisée en téléchargeant le programme sur un support informatique au moyen d’Internet, lorsque ce premier acquéreur a effacé sa copie ou ne l’utilise plus?»
Sur la deuxième question
Selon les termes de l’article 4, §2 de la directive 2009/24, la première vente d’une copie d’un programme d’ordinateur dans l’Union, par le titulaire du droit d’auteur ou avec son consentement, épuise le droit de distribution de cette copie dans l’Union. Dès lors, le titulaire du droit d’auteur ne peut plus s’opposer à la revente de cette copie.
Est-ce que le téléchargement d’un programme d’ordinateur au moyen d’internet peut donner lieu à l’épuisement du droit de distribution ? D’après Oracle la réponse doit être négative. En effet, Oracle soutient qu’elle ne procède pas à la vente de copies de programmes d’ordinateur puisque seule la copie du programme est gratuite ; pour l’utiliser le client doit avoir conclu un contrat de licence avec l’utilisateur. Selon Oracle, ni la mise à disposition gratuite du programme, ni la conclusion du contrat de licence d’utilisation n’impliquent un transfert du droit de propriété de cette copie.
La Cour rejette cette argumentation et conclut logiquement que le téléchargement d’une copie d’un programme d’ordinateur et la conclusion d’un contrat de licence s’y rapportant forment un tout indivisible. De plus, la mise à disposition d’une copie d’un programme d’ordinateur et la conclusion d’un contrat d’utilisation visent à rendre la copie utilisable, de manière permanente par les clients moyennant un prix destiné à permettre au titulaire du droit d’auteur d’obtenir une rémunération correspondant à la valeur économique de la copie de l’œuvre dont il est propriétaire. Par conséquent, « le transfert par le titulaire du droit d’auteur d’une copie d’un programme d’ordinateur à un client, accompagné de la conclusion d’un contrat de licence d’utilisation, constitue la première vente d’une copie d’un programme d’ordinateur, au sens de l’article 4, §2 de la directive 2009/24 ».
Oracle va alors soutenir que la mise à disposition d’une copie d’un programme d’ordinateur sur le site du titulaire du droit d’auteur constitue une mise à disposition du public au sens de l’article 3, §1 de la directive 2001/29. Or, cette directive n’affecte pas les dispositions du droit de l’Union qui se rapportent à la protection juridique des programmes d’ordinateur. En l’occurrence, la directive 2009/24 constitue un lex specialis par rapport à la directive 2001/29. Dès lors, même si la disposition d’une copie d’un programme d’ordinateur sur le site du titulaire du droit d’auteur relevait de la notion de communication au public, il demeurait que « la première vente d’une copie d’un programme d’ordinateur donne lieu à l’épuisement du droit de distribution de cette copie ». De plus, il ressort de l’article 6, §1 du traité sur le droit d’auteur que le transfert du droit de propriété transforme « l’acte de communication au public » en un « acte de distribution » tel que défini à l’article 4 de la directive 2009/24.
Par ailleurs, Oracle soutient que l’épuisement du droit de distribution au sens de l’article 4 de la directive 2009/24 ne vise que des biens tangibles et non des copies immatérielles de programmes d’ordinateur téléchargés au moyen d’internet. La Cour rétorque en affirmant que l’article 4 ne fait aucune différence sur la forme utilisée qu’elle soit matérielle ou immatérielle lorsqu’il énonce « la vente d’une copie d’un programme d’ordinateur ». La Cour va procéder à une analyse fonctionnelle : le téléchargement en ligne est l’équivalent fonctionnel de la remise d’un support matériel ; la vente d’un programme d’ordinateur sur CD-ROM ou DVD est économiquement similaire à une vente par téléchargement au moyen d’internet. L’épuisement du droit de distribution concerne donc aussi bien les copies matérielles qu’immatérielles. En conséquence, l’épuisement du droit de distribution vaut non seulement lorsque le titulaire du droit d’auteur commercialise les copies de programmes d’ordinateur à partir d’un support matériel mais également lorsqu’il commercialise des copies de programmes d’ordinateur, « qui à l’occasion de leur première vente, ont été téléchargées au moyen d’internet, sur l’ordinateur du premier acquéreur ».
Enfin, Oracle prétend que la conclusion d’un contrat de maintenance empêche l’épuisement du droit de distribution car la copie qui aurait été cédée par le premier acquéreur au second acquéreur serait différente de celle acquise par le premier acquéreur. La Cour récuse cet argument au motif que les fonctionnalités corrigées/modifiées font partie intégrante de la copie initiale. En vertu de ce raisonnement, l’épuisement du droit de distribution prévu à l’article 4, § 2 de la directive 2009/24 s’étend à la copie du programme d’ordinateur corrigée ou modifiée.
Sur les première et troisième questions
A travers ces questions, la juridiction de renvoi cherche à savoir si l’acquéreur de licences d’occasion portant sur des programmes d’ordinateur (comme celles vendues par Usedsoft) peut être considéré comme un « acquéreur légitime » au sens de l’article 5 de la directive 2009/24. Si la réponse est affirmative alors il bénéficie du droit de reproduction du programme d’ordinateur concerné pour lui permettre d’utiliser ledit programme d’une manière conforme à sa destination. L’article 5 de la directive précitée ne mentionne pas de conditions auxquelles serait soumise la reproduction d’un programme d’ordinateur, lorsqu’une telle reproduction est nécessaire pour permettre à l’acquéreur légitime d’utiliser le programme d’ordinateur d’une manière conforme à sa destination.
Pour rappel, la première vente dans l’Union, par le titulaire du droit d’auteur ou avec son consentement, d’une copie matérielle ou immatérielle d’un programme d’ordinateur épuise le droit de distribution dudit titulaire.
L’acquéreur initial d’une copie (matérielle ou immatérielle) d’un programme d’ordinateur, à propos duquel le droit de distribution est épuisé, doit rendre inutilisable la copie téléchargée sur son ordinateur lorsqu’il procède à la revente de cette copie. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que le second acquéreur (ainsi que tout acquéreur ultérieur) est « un acquéreur légitime » au sens de l’article 5 de la directive 2009/24.
Le téléchargement par le second acquéreur de la copie qui lui a été vendue par le premier acquéreur constitue la reproduction nécessaire d’un programme d’ordinateur devant permettre au second acquéreur d’utiliser ce programme d’une manière conforme à sa destination.
Dès lors, le second acquéreur (ou tout acquéreur ultérieur) pourra se prévaloir de l’épuisement du droit de distribution prévu par l’article 4, §2 de la directive 2009/24 lors de la revente d’une copie d’un programme d’ordinateur pourvu que la licence initialement octroyé au premier acquéreur sans limitation de durée et moyennant le paiement d’un prix destiné à permettre au titulaire du droit d’auteur d’obtenir une rémunération correspondant à la valeur économique de ladite copie de son œuvre.
Cet arrêt est crucial. D’une part la Cour consacre l’épuisement du droit de distribution de la copie d’un programme d’ordinateur si le titulaire du droit d’auteur, qui a autorisé (gratuitement ou non) le téléchargement de cette copie sur un support informatique au moyen d’Internet, a également conféré, moyennant le paiement d’un prix destiné à lui permettre d’obtenir une rémunération correspondant à la valeur économique de la copie de l’œuvre dont il est propriétaire, un droit d’usage de ladite copie, sans limitation de durée.
D’autre part la Cour consacre le statut « d’acquéreur légitime » au second acquéreur (ainsi qu’à tout acquéreur ultérieur). Dès lors, en cas de revente d’une licence d’utilisation emportant la revente d’une copie d’un programme d’ordinateur téléchargée à partir du site Internet du titulaire du droit d’auteur, le second acquéreur (ou tout autre acquéreur ultérieur) pourra se prévaloir de l’épuisement du droit de distribution prévu à l’article 4, paragraphe 2, de cette directive et, partant, pourront être considérés comme des acquéreurs légitimes d’une copie d’un programme d’ordinateur, au sens de l’article 5, paragraphe 1, de ladite directive, et bénéficier du droit de reproduction prévu à cette dernière disposition. Néanmoins, la licence initiale doit avoir été octroyée au premier acquéreur par le titulaire du droit sans limitation dans le temps et moyennant le paiement d’un prix destiné à permettre à ce dernier d’obtenir une rémunération correspondant à la valeur économique de ladite copie de son œuvre.
Arrêt Copad SA c. Christian Dior Couture
Les faits
SIL a conclu avec Dior un contrat de licence de marque pour la fabrication et la distribution de produits de corseterie sous l’égérie revêtu de la marque Dior. Suite à quelques difficultés financières, SIL désire vendre des produits de la marque Christian Dior à Copad (entreprise exerçant une activité de soldeur). Nonobstant toute opposition de la part de Dior, SIL a vendu des produits Dior à Copad.
Dior assigne SIL et Copad en contrefaçon de marque devant le tribunal de Bobigny puis interjette appel devant la Cour d’appel de Paris. Aucune des deux juridictions ne considèrent que SIL et Copad se sont rendus coupables de contrefaçon. Néanmoins, la cour d’appel de Paris a jugé que les ventes effectuées par SIL n’emportaient pas l’épuisement des droits de marque de Dior. L’affaire est portée devant la Cour de cassation qui va poser trois questions à la CJUE :
1) L’article de la directive 89/104 doit-il être interprété en ce sens que le titulaire de la marque peut invoquer les droits conférés par cette marque à l’encontre du licencié qui enfreint une clause du contrat de licence interdisant la vente de soldeurs ?
2) L’article de ladite directive doit-il être interprété en ce sens que la mise dans le commerce de des produits sous une marque, par le licencié, en méconnaissance d’une clause du contrat de licence interdisant la vente à des soldeurs est faite sans le consentement du titulaire de la marque ?
3) Dans l’hypothèse d’une réponse négative, le titulaire peut-il invoquer une telle clause pour s’opposer à une nouvelle commercialisation des produits, en se fondant sur l’article 7, paragraphe 2, de la [directive]?
Sur la première question
Pour rappel, la fonction principale de la marque est de permettre au consommateur d’identifier l’origine du produit/service afin qu’il puisse distinguer sans confusion possible ce produit/service d’un autre ayant une provenance différente. L’article 8 , §2 de la directive prévoit que le titulaire de la marque peut invoquer les droits conférés par cette marque à l’encontre du licencié qui a enfreint l’une des clauses du contrat de licence en ce qui concerne sa durée, la forme couverte par l’enregistrement sous laquelle la marque peut être utilisée, la nature des produits ou des services pour lesquels la licence est octroyée, le territoire sur lequel la marque peut être apposée ou la qualité des produits fabriqués ou des services fournis par le licencié. D’après la Cour, cette liste présente un caractère exhaustif.
La qualité des produits est constituée par les caractéristiques des produits ainsi que par l’allure et l’image de prestige associées aux produits qui lui donnent une « sensation de luxe ». Par conséquent, une atteinte à la sensation de luxe peut constituer une atteinte à la qualité même des produits. Est-ce que la vente de produit de prestige à des soldeurs (n’appartenant pas au réseau de distribution sélective) peut être considérée comme une atteinte ?
Dans un arrêt du 11 décembre 1980, la Cour a déjà eu l’occasion d’expliquer que les caractéristiques et les modalités d’un système de distribution sélective sont susceptibles de préserver la qualité et d’assurer le bon usage de tels produits.
Par conséquent, la vente de produits à des tiers qui ne font pas partie du réseau de distribution sélective affecte la qualité même des produits et dès lors, le titulaire du droit de marque peut invoquer les droits conférés par cette marque à l’encontre du licencié qui a enfreint l’une des clauses du contrat en vendant des produits à des soldeurs pour autant que la violation porte atteinte à l’allure et à l’image de prestige qui confèrent à ces produits une sensation de luxe.
Sur la deuxième question
La Cour va se pencher sur la question de savoir dans quelles circonstances la mise dans le commerce de produits par le licencié a été faite sans le consentement du titulaire de la marque. Le consentement du titulaire de la marque est un point crucial : il constitue l’élément déterminant de l’épuisement du droit exclusif d’interdire à tout tiers d’importer, de mettre dans le commerce, de les offrir ou de les définir à ces fins.
La mise dans le commerce de produits revêtus de la marque Dior par un licencié doit être considérée comme effectuée avec le consentement du titulaire de la marque. Néanmoins, la Cour insiste sur le fait qu’un contrat de licence n’implique pas forcément un consentement absolu et inconditionné du titulaire de la marque.
Dès lors, la mise dans le commerce par le licencié de produits revêtus de la marque, en méconnaissance d’une clause du contrat de licence, est faite sans le consentement du titulaire à condition que cette clause corresponde à l’une de celles prévues par l’article 8 de la directive.
Sur la troisième question
Selon une jurisprudence bien établie, il est admis que l’atteinte portée à la renommée d’une marque constitue, en principe, un motif légitime permettant au titulaire de la marque de s’opposer à la commercialisation ultérieure des produits de prestige qu’il a mis dans le commerce.
Il appartient au juge national si la commercialisation ultérieure de produits de prestige revêtus de la marque effectuée par le tiers, porte atteinte à la renommée de la marque.
Par conséquent, le titulaire du droit de marque ne pourra s’opposer à une revente des produits de prestige par le licencié que lorsqu’une telle revente porte atteinte à la renommée de la marque, et ce même si la mise dans le commerce est effectuée en violation d’une clause du contrat de licence et considérée comme faite avec le consentement du titulaire de la marque.
Arrêt Greenstar –Kanzi Europe NV c Hustin et Goossens
Les faits
Nicolaï est l’obtenteur d’une nouvelle variété de pommiers « Nicoter » qui est commercialisé sous la marque Kanzi. Better3fruit est devenu le titulaire de la protection communautaire des variétés végétales. Better3fruit est également le titulaire de la marque Kanzi. Nicolaï va vendre 7000 pommiers « Nicoter » à Mr Hustion. Le contrat de licence entre Better3fruit et Nicolaï est rompu quelques temps plus tard. GKE a obtenu pour les pommiers « Nicoter » les droits d’exploitation exclusifs prévus par la protection communautaires des obtentions végétales ; ce qui implique que GKE est devenu licencié à la place de Nicolaï. Il a été constaté que Mr. Goossens vendait des pommes sous la marque Kanzi alors que ses pommes étaient fournies par Mr Hustin.
GKE introduit une action en contrefaçon de la protection communautaire des obtentions végétales à l’encontre de Mr Hustin et Mr. Goossens, devant le rechtbank van koophandel, qui lui donne raison. La hof van beroep te Antwerpen va réformer cette décision. GKE forme un pourvoi en cassation qui va poser deux questions préjudicielles à la CJUE :
1) L’article 94 du règlement n° 2100/94 […], lu conjointement avec les articles 11, paragraphe 1, 13, paragraphes 1 à 3, 16, 27 et 104 [de ce] règlement […], doit-il être interprété en ce sens que le titulaire ou le licencié peut intenter une action en contrefaçon contre toute personne qui accomplit des actes portant sur le matériel vendu ou cédé à cette dernière par le licencié lorsque les limitations stipulées dans le contrat de licence conclu entre le licencié et le titulaire de la protection communautaire des obtentions végétales n’ont pas été respectées dans le cadre de la vente de ce matériel?
2) Si oui, s’agissant d’apprécier l’infraction, importe-t-il de déterminer si la personne qui accomplit les actes précités était informée ou aurait dû être informée des limitations précitées contenues dans le contrat de licence?
Sur la première question préjudicielle
Est-ce que GKE a le droit d’intenter une action en contrefaçon contre Mr Hustin et Mr Goosens ? Il est à noter que le droit du licencié d’intenter une action dépend de celui du titulaire ; dès lors il convient de déterminer les conditions d’exercice de ce droit tel qu’il est prévu par le règlement 2100/94. Ce règlement prévoit différentes protections et diverses voies de recours.
D’une part, il existe la protection « primaire » qui couvre les constituants variétaux et la protection « secondaire » qui couvre le matériel de récolte. D’autre part, plusieurs possibilités de recours sont offertes ; une action en contrefaçon peut être introduite à l’égard de tout personne qui accomplit, sans y avoir été autorisée, un des actes visés à l’article 13 du règlement 2100/94 à l’égard d’une variété faisant l’objet d’une protection communautaire. Dans le cadre d’un contrat de licence, le titulaire « peut invoquer les droits conférés par la protection communautaire des obtentions végétales à l’encontre d’une personne détenant une licence d’exploitation et qui enfreint l’une des conditions ou limitations attachées à sa licence ». De plus, en vertu du règlement, le licencié est habilité à introduire une action en contrefaçon à la place du titulaire.
Néanmoins, eu égard à ce même règlement, le recours du licencié (GKE) à l’encontre de Mr Hustin et Goossens n’est possible que si le droit du titulaire n’est pas épuisé.
La notion d’épuisement, tel qu’énoncé par l’article 16 dudit règlement, n’a pas encore fait l’objet d’interprétation de la part de la Cour. La Cour va procéder à une analyse analogique en appliquant la jurisprudence en matière de droit des marques. Selon les termes de l’arrêt Copad, la mise dans le commerce par un licencié des produits revêtus de la marque est censée être effectuée avec le consentement du titulaire de la marque. Toutefois, cet arrêt précise que le contrat de licence n’équivaut pas à un consentement absolu et inconditionné. L’article 27, §2 du règlement prévoit la possibilité pour le titulaire d’invoquer les droits conférés par la protection des obtentions végétales lorsque le licencié a enfreint l’une des clauses du contrat.
Better3fruit, le titulaire, a conclu un contrat de licence avec Nicolaï qui contenant certaines limitations, notamment l’interdiction de ne céder aucun produits faisant l’objet d’une licence sans que le tiers concerné ne s’engage à respecter lesdites limitations.
En ce qui concerne l’action en contrefaçon, visée à l’article 94 du règlement, la protection est plus restreinte. La violation d’une clause quelconque du contrat ne saurait entrainer de facto l’absence de consentement de la part du titulaire. « En particulier, ce consentement ne saurait être considéré comme faisant défaut dans l’hypothèse où le licencié enfreindrait une disposition du contrat de licence qui n’affecte pas le consentement à la mise dans le commerce et donc pas non plus l’épuisement du droit du titulaire ».
Il reviendra au juge de renvoi de qualifier les dispositions du contrat de licence en cause. S’il juge que le licencié a violé une condition ou une limitation du contrat de licence et se rapportant directement à des éléments essentiels de la protection communautaire des obtentions végétales, et que par conséquent la cession de matériel protégé a été réalisée sans le consentement du titulaire, dans ce cas, le droit du titulaire n’est pas épuisé.
Sur la deuxième question préjudicielle
La question de savoir s’il importe de déterminer si le tiers a accompli des actes sur le matériel vendu ou cédé était informé (ou aurait du être informé) des conditions contenues dans le contrat de licence est sans importance. En effet , l’article 94, §1 ne fait aucune mention d’un élément subjectif dans le chef du tiers qui a accompli les actes.
QUESTION 4 :
L’interaction entre la règle d’épuisement du droit d’auteur (telle qu’interprétée par la jurisprudence de la Cour de justice) et les dispositions contractuelles devra être prise en compte. Car, si l’on peut éventuellement plaider qu’il y a épuisement du droit, qu’en est-il de l’interdiction contractuelle de revendre qui pourrait être prévue dans le contrat de licence/achat d’un fichier musical sur iTunes.
Analysez donc les conditions générales d’un site comme iTunes (ou d’un autre site de musique en ligne à downloader). Il sera également utile de faire référence aux conditions générales (“terms of service”) proposées sur le site de ReDigi, en particulier les conditions à l’article 5. Qu’en pensez-vous?
a) Conditions générales d’ITunes :
Si iTunes transmet des fichiers musicaux aux utilisateurs, ceux-ci peuvent-ils les utiliser dans un but commercial par exemple en les revendant à ReDigi? Et qu’en est-il si le droit de l’auteur est épuisé ? Il faut aller consulter les conditions générales d’iTunes pour trouver une réponse.
Dans les règles relatives à l’utilisation d’iTunes, il est prévu un article selon lequel « (i) Vous êtes autorisé à utiliser les Produits iTunes uniquement pour un usage personnel et non commercial . » il y a donc une interdiction contractuelle de revendre les fichiers musicaux achetés via ITunes. Il convient de préciser que quand on « achète » de la musique via iTunes, on ne bénéficie que d’une licence et pas de l’entièreté des droits sur la musique. Dès lors, vendre ces fichiers créerait une violation du droit d’auteur en sus d’une violation des conditions générales d’iTunes.
Même si le droit d’auteur est épuisé, les utilisateurs ne peuvent pas utiliser la musique dans un but lucratif.
b) Conditions générales de ReDigi
Quel est le concept même de ReDigi? « The same concept applies to a pre-owned song you sell through ReDigi. ReDigi has the technologies in place to ensure that once you sell a song, you no longer have access to it. This is how ReDigi stays legit, and how you now have access to a new marketplace where rights long accepted in the physical world may now be applied to digital goods. »
Selon l’article 5, (b), les utilisateurs sont seuls responsables des fichiers qu’ils vendent à ReDigi. Ils doivent garantir que les fichiers n’entraîneront pas une violation des droits d’une tierce personne ou une violation de la loi, ne conduiront pas à un comportement illégal ou ne comporteront rien à caractère obscène.
(b) L’utilisateur postant sa musique sur ReDigi lui soumet une licence entière, sans royalties et non exclusive, sans qu’il n’y ait aucune compensation ou obligation envers l’utilisateur.
(c) L’utilisateur doit impérativement effacer les copies qu’il possède du fichier musical transmit à ReDigi.
(f) ReDigi ne se prétend pas propriétaire : il s’impose comme intermédiaire mais à aucun moment il dispose de la propriété ou de la responsabilité des fichiers musicaux.
(d)Par conséquent, l’utilisateur sera seul tenu pour responsable s’il ne respecte pas les ‘terms of service’ de ReDigi. Ainsi, s’il revend via ReDigi des fichiers obtenus, l’utilisateur garantit valablement qu’il en est propriétaire. « You agree that (i) your [sic] are the lawful owner of such Digital Media [fichiers musicaux, par exemple, Ndlr]. »
En redant via ReDigi des fichiers obtenus via iTunes, l’utilisateur viole ainsi non seulement les conditions générales d’iTunes interdisant la revente des fichiers, et par conséquent les conditions générales de ReDigi car il n’est en aucun cas propriétaire de l’œuvre.
En conclusion, si ReDigi veut s’implanter au sein de l’Union Européenne, il faudra compter sur la provenance des fichiers musicaux et donc sur les conditions générales de contrats de licence/achat d’un fichier musical via, par exemple, iTunes.
Superbes développements qui témoignent d’un travail très sérieux, bravo! (Juste un peu long peut-être…)
Read more
Que faut-il entendre par « affrontement fondamental »?
Dans cette affaire, ReDigi base sa défense sur la doctrine américaine du “first sale”. Cette doctrine enseigne que le droit d’auteur s’épuise avec le premier achat. Ainsi, l’auteur ne peut plus exercer ses droits sur une vente suivante, sur une vente d’occasion. Attention, cette théorie ne vaut que pour les biens matériels. Mais, ReDigi se défend en transposant celle-ci, par analogie, aux biens immatériels, numériques.
Toutefois, le juge a préféré aller à l’encontre de cet argument.
En effet, il a estimé que la règle du “first sale” ne s’appliquait pas aux fichiers numériques car ces derniers, n’étant pas ‘physique’, pouvaient être copiés à l’infini. De plus, il a été jugé que ReDigi ne vendait pas des fichiers musicaux originaux, mais seulement des copies. Le juge new yorkais ajoute que ” l’achat d’un fichier musical n’est pas une appropriation, mais une location de licence d’utilisation”
Le tribunal de New York a donc estimé que: ” comme les droits de reproduction s’appliquent quand une œuvre est reproduite dans un nouvel objet matériel, et comme les chargements de musique numérique doivent être reproduits dans un nouvel objet matériel après leur transfert par internet, la cour estime donc que le chargement de musique numérique sur un nouveau disque dur est une reproduction telle que déterminée par la loi sur le droit d’auteur” Revendre ce type de fichier constituerait donc une nouvelle reproduction de l’oeuvre et constituerait ainsi une violation au droit d’auteur sur les reproductions de son oeuvre.
Ainsi, le tribunal de New York a estimé que l’activité qu’offrait ReDigi était contraire aux lois sur les droits d’auteur et est assimilable à de la reproduction illégale
Analyse de l’arrêt Oracle :
Les contrats d’Oracle comprennent cette clause :
«Le paiement des services vous donne un droit d’utilisation à durée indéterminée, non exclusif, non cessible et gratuit, réservé à un usage professionnel interne, pour tous les produits et services qu’Oracle développe et met à votre disposition sur le fondement du présent contrat.»
Le droit d’utilisation des programmes d’Oracle est non cessible. Donc les clients d’Oracle ne sont pas autorisés à transmettre à des tiers le droit de reproduction de ces programmes.
La juridiction de renvoi estime au §30 qu’une personne, autre d’un client de Usesoft, est considérée comme acquéreur légitime de la copie du programme d’ordinateur et qu’elle peut dès lors se prévaloir de l’épuisement du droit de distribution d’une copie du programme. « L’utilisation d’un programme d’ordinateur exige en règle générale la reproduction du celui-ci à la différence de l’utilisation d’autres œuvres protégées par un droit d’auteur. »
Ensuite la juridiction traite la question de savoir si le droit de distribution de la copie d’un programme d’ordinateur est épuisé. Il y a plusieurs hypothèses où l’article 4§2 de la Directive 2009/24 pourrait être applicable :
– Contrat de licence : le titulaire du droit d’auteur autorise un client à réaliser une copie du programme d’ordinateur au moyen d’un téléchargement. L’épuisement serait associé à la première vente d’une copie du programme.
– Contrat de vente d’un programme en ligne : L’article 4§2 s’applique de la même manière que pour le contrat de licence car il y a une lacune dans la directive à propos de la transmission en ligne de programme d’ordinateur.
– L’épuisement ne s’appliquerait de dans le cas où il y aurait une mise en circulation d’une copie physique du programme d’ordinateur.
Enfin, elle s’interroge sur le fait de savoir si un sous-acquéreur peut se prévaloir de l’épuisement du droit de la distribution pour la copie du programme dans l’hypothèse où le premier acquéreur a effacé sa copie ou n’utilise plus le programme.
La juridiction a décidé de poser 3 questions préjudicielles à la Cour :
– Le droit de distribution de la copie d’un programme d’ordinateur est-il épuisé lorsque l’acquéreur a réalisé la copie, avec l’autorisation du titulaire du droit, en téléchargeant le programme sur un support informatique au moyen d’Internet?
La Cour répond que le droit de distribution de la copie d’un programme est épuisé si le titulaire du droit d’auteur qui a autorisé le téléchargement de cette copie sur un support informatique au moyen d’Internet, a également conféré moyennant une rémunération un droit d’usage de ladite copie.
– La personne qui peut se prévaloir d’un épuisement du droit de distribution de la copie d’un programme d’ordinateur est-elle un ‘acquéreur légitime’ ?
– La personne qui a acquis une licence de programme d’ordinateur ‘d’occasion’ peut-elle aussi se prévaloir, pour la réalisation d’une copie du programme en tant qu’‘acquéreur légitime’ de l’épuisement du droit de distribution de la copie du programme d’ordinateur que le premier acquéreur a, avec l’autorisation du titulaire du droit, réalisée en téléchargeant le programme sur un support informatique au moyen d’Internet, lorsque ce premier acquéreur a effacé sa copie ou ne l’utilise plus?
La Cour estime que le second acquéreur de ladite licence ainsi que tout acquéreur ultérieur pourront se prévaloir de l’épuisement du droit de distribution et seront considérés comme des acquéreurs légitimes d’une copie d’un programme d’ordinateur.
Dans l’arrêt Greenstar-Kanzi c. Jan Hustin, la Cour rappelle que le contenu d’un contrat de licence va régler la question de l’épuisement (Exemple : clause relative au consentement du titulaire).
Dans l’arrêt Copad c. Dior, en droit des marques, le consentement du titulaire du droit est requis pour l’épuisement de ce droit (article 7 de la Directive 89/54/CEE).
Analyse des conditions générales de ReDigi et ITunes :
Nous avons analysé les dispositions contractuelles des sites Redigi et Itunes, celles-ci doivent être prises en compte afin de faire un parallélisme avec le droit d’épuisement.
Il en ressort que les utilisateurs de ces services devront accepter ceux-ci tout en respectant les lois relatives à la propriété intellectuelle et autres, notamment le droit d’auteur.
Itunes prévoit que les utilisateurs doivent se conformer au contrat de licence et n’utiliser les informations ou services fournis par Itunes que dans le cadre de l’utilisation de ce Service.
Tous les droits d’auteur liés à ces services sont la propriété d’ITunes et ce dernier prohibe toute utilisation non autorisée en ce qu’elle constituerait une violation des droits de propriété intellectuelle.
ReDigi quant à lui indique dans ses conditions générales que tous fichiers musicaux postés sur le site seront postés sous la responsabilité entière de l’utilisateur du site. De plus il rappelle que cet utilisateur n’enfreindra pas les droits d’autres parties.
L’utilisateur du site s’engage à donner une licence non exclusive et à n’attendre aucune compensation de la part de ReDigi. Tout utilisateur doit également garantir qu’il a abandonné tous les droits desquels il était titulaire avant de faire la licence. De plus il certifie avoir détruit toutes copies du fichier musical en question. Si une autre copie était trouvée ultérieurement celle-ci devra être également supprimée.
“ReDigi transpose le mécanisme habituel de la vente d’un objet physique (un CD, un livre, une Cadillac…) à l’ère numérique”. Et à en croire la société, un tel service était très attendu par les internautes. ReDigi serait fréquenté par des “milliers de personnes”.
Selon ReDigi, une fois qu’une vente est effectuée, le fichier original est retiré de l’ordinateur du vendeur. Celui-ci est en effet scanné, via une application, pour repérer les fichiers musicaux. Ce processus doit permettre d’éviter la gruge, en soumettant des MP3 dupliqués. Mais EMI ne croit pas à la viabilité du service, le fichier MP3 pouvant être dupliqué par exemple sur un autre support amovible ”
Sources:
http://www.igen.fr/itunes/affaire-redigi-la-revente-de-mp3-jugee-illegale-aux-etats-unis-105679
http://www.ecrans.fr/Revente-de-mp3-occasion-manquee,16169.html
Show lessBeau travail final sur ipdigit!
Read more
Dans la décision américaine du 30 mars 2013, la District Court de New York avance qu’ « Accordingly, and for the reasons stated above, the Court GRANTS Capitol’s motion for summary judgment on its claims for ReDigi’s direct, contributory and vicarious infringement of its distribution and reproduction rights ». Elle soutient donc que la pratique de revente de fichiers «licitement acquis» par ReDigi est une atteinte directe aux droits d’auteur.Pour rappel, l’atteinte directe au droit d’auteur consiste en une reproduction ou une communication au public du contenu référencé. Le juge Richard Sullivan a estimé qu’en effet la revente violait à la fois le contenu de la licence par laquelle le fichier était acheté et à la fois le Copyright Act car il ne revend pas des fichiers originaux aux consommateurs, mais des copies qui ne peuvent bénéficier du principe dit du «first sale». Le juge en première instance souligne qu’il faudrait pour cela modifier la loi sur le droit d’auteur pour rendre licite le service de ReDigi. Selon lui, c’est au Congrès que revient le pouvoir constitutionnel et la capacité institutionnelle de procéder aux permutations nécessaires nées de ces nouvelles technologies. Il reconnaît au passage que l’affaire met en lumière “a fundamental clash over culture, policy and copyright law“. Par «affrontement fondamental», il souligne selon moi les innovations technologiques majeures qui modifient de plus en plus le marché des matériaux protégés par le droit d’auteur mais auxquelles la majorité des lois ne sont pas encore adaptées. En effet, de telles technologies impliquent inévitablement le besoin de nouvelles protections et de modifications des lois en vigueur. Comme l’affirme le juge, c’est au Congrès de prendre ces initiatives législatives et non à la Cour, de son propre gré, de cautionner une telle approche à la sphère numérique, en particulier lorsque le Congrès a lui même refusé de prendre cette mesure. En attendant, il est vrai que de nombreux artistes considèrent déjà la technologie comme une menace réelle pour leur marché après avoir vu leurs revenus baisser précipitamment suite aux préférences des consommateurs de passer de «médias réels» aux «médias virtuels». Le site de ReDigi annonce sa venue prochaine en Europe. En effet, le site affirme : Coming soon to the EU: Due to popular demand, European music lovera will soon be able to buy and sell pre-owned music on ReDigi. En Europe, si on présuppose que le site est licite, ReDigi va certainement se baser sur l’arrêt du 3 juillet 2012, Oracle c. UsedSoft. Cet arrêt concerne le principe de l’épuisement du droit exclusif de distribution des titulaires de droits d’auteur. L’arrêt s’oppose précisément à ce que les ayants droit puissent éviter la revente d’un contenu téléchargé de manière légale et ce, même si le contrat de licence prévoirait le contraire. En effet, la Cour affirme que : « Lorsque le titulaire du droit d’auteur met à la disposition de son client une copie – qu’elle soit matérielle ou immatérielle – et conclut en même temps, contre paiement d’un prix, un contrat de licence accordant au client le droit d’utiliser cette copie pour une durée illimitée, ce titulaire vend cette copie au client et épuise ainsi son droit exclusif de distribution. En effet, une telle transaction implique le transfert du droit de propriété de cette copie. Dès lors, même si le contrat de licence interdit une cession ultérieure, le titulaire du droit ne peut plus s’opposer à la revente de cette copie » (source : http://curia.europa.eu/jcms/upload/docs/application/pdf/2012-07/cp120094fr.pdf). Cependant, il convient également de tenir compte des arrêts Greenstar-Kanzi c. Jan Hustin et Copad c. Christian Dior. Dans le premier arrêt, rendu en juillet 2011, le problème concernait une licence dont l’une des clauses prévoyait une interdiction de vendre ou de céder le produit qui faisait l’objet de la licence en question, sans un accord préalable écrit du premier titulaire, conformément à l’article 8 de la directive. Cependant, le licencié a vendu des pommiers, objet de la licence, à des tiers sans accord préalable, violant ainsi la clause prévue dans le contrat de licence. La question que devait se poser la Cour était dès lors de savoir si le titulaire était en droit d’introduire ou non une action en contrefaçon (responsabilité extra-contractuelle) et si l’épuisement communautaire allait jouer ou non. Coexistent ainsi deux régimes juridiques, à savoir le droit des contrats d’une part et le droit de la propriété intellectuelle d’autre part. Aucune primauté entre ces deux régimes n’étant établie, la Cour se doit de statuer au cas par cas. Dans ce cas, la Cour a suivi les arguments qu’elle avait déjà tenus dans l’affaire Copad c. Christian Dior, autorisant le titulaire de droit d’obtentions végétales et de marque à faire valoir les clauses conventionnelles prévues avec son licencié afin de bloquer l’épuisement à l’égard d’un tiers. En d’autres termes, la Cour rappelle que pour qu’il y ait épuisement du droit, le consentement de son titulaire est indispensable et cela malgré l’effet relatif du contrat de licence. A défaut de ce consentement, le droit ne serait pas épuisé, et l’action en contrefaçon serait dès lors envisageable. Dans les conditions générales d’Itunes, on peut lire : Vous acceptez que les Produits iTunes ne vous sont concédés que sous forme de licence. Vous reconnaissez en outre que votre utilisation des Produits iTunes, qu’ils soient ou non protégés par une technologie de sécurité, est limitée à certaines règles d’utilisation fixées par iTunes et ses concédants (« Règles d’Utilisation ») et que toute autre utilisation des Produits iTunes peut constituer une violation des droits d’auteur. RÈGLES D’UTILISATION (i) Vous êtes autorisé à utiliser les Produits iTunes uniquement pour un usage personnel et non commercial. Les fichiers téléchargés par achat sur iTunes ne peuvent être destinés qu’à l’utilisateur final. Les conditions générales de vente d’iTunes Store sont très claires : un utilisateur final ne peut donc céder sa licence, dont il n’est que locataire. Cependant, le site américain ReDigi permet de revendre sa musique en ligne. Il va même encore plus loin puisque l’article 5(b) des conditions générales du site prévoit qu’en affichant, soumettant ou publiant du contenu sur le site, l’utilisateur accorde à ReDigi une licence mondiale libre de redevance, non exclusive d’utilisation dudit contenu dans le cadre du service ReDigi, sans aucune compensation ni obligation envers l’utilisateur. De plus, il est prévu que ReDigi mettra fin à la licence dans un délai commercialement raisonnable après la dés-inscription d’un utilisateur sur le site. Cependant, que faut-il entendre par délai commercialement raisonnable? Cela est critiquable. ReDigi, article 5 (b) By submitting, posting or displaying User Content on the Site, you grant ReDigi a worldwide, royalty-free, non exclusive license to use such User Content as part of the ReDigi services, without any compensation or obligation to you. ReDigi will discontinue this licensed used within a commercially reasonable period after such user content is removed from the site. Selon moi, la Cour, dans son arrêt le plus récent, a proposé un véritable changement et a donné priorité au droit intellectuel, plutôt qu’au droit contractuel puisque « même si le contrat de licence interdit une cession ultérieure, le titulaire du droit ne peut plus s’opposer à la revente de cette copie ». Elle a donc rappelé que le principe de première vente s’applique à la vente de licences logicielles d’occasion. Cependant, la question est de savoir si cette règle s’applique également aux autres contenus numériques, comme un morceau de musique (dans le cas de ReDigi) ou un e-book par exemple ? Dans cette optique, il semblerait que le modèle ReDigi serait alors parfaitement légal en vertu du droit de l’Union Européenne. Il reste cependant encore de nombreux points à éclaircir. En effet, comment s’assurer que la revente d’un fichier se traduise toujours par la suppression de l’original des appareils électroniques de son premier propriétaire ? Dans son article 5(d), ReDigi impose en effet aux utilisateurs de détruire toutes les copies du média numérique autre que le fichier téléchargé. (d) You acknowledge and agree that if you transfer Digital Media on the site (…) (ii) you have to your knowledge destroyed all copies of such Digital Media other than the uploaded file. Pour l’instant en tout cas, bien que la revente de licences matérielles soit théoriquement légalement possible en Europe, aucune plateforme ne permet encore de le faire à grande échelle. Cependant, tout laisse à penser que ce type de service se développera bientôt. Selon cet article, (http://www.publishersweekly.com/pw/by-topic/digital/retailing/article/56004-sale-of-used-e-books-getting-closer.html), Amazon vient de déposer un brevet sur le sujet concernant les livres et Apple également, qui a, selon cet article (http://consomac.fr/news-1827-vends-mp3-bon-etat-peu-servi.html) imaginé un système qui permettrait à l’utilisateur de revendre son contenu par le biais d’iTunes. Cependant, cela porte à réflexion car cela serait défavorable pour Apple. En effet, «alors qu’un fichier ne se dégrade pas, il n’y a aucune raison de dépenser plus pour du “neuf” s’il est possible d’obtenir de l’occasion à moins cher pour la même qualité ! Mais Apple a aussi certainement conscience que si elle ne le fait pas, une autre société s’en chargera, ce qui éloignera les utilisateurs d’iTunes ».
Il reste dès à présent à attendre l’implantation de ReDigi dans nos contrées, afin d’examiner comment la Cour prendra position par rapport à ce nouveau système : en faveur de la propriété intellectuelle ou le droit des contrats ?
Show lessUn beau travail, vraiment sérieux. Merci
Read more
Atteinte directe ou indirecte :
Pour qu’une atteinte directe soit établie, il faut que le défendeur ait eu un comportement volontaire, démontrant une violation des droits d’auteur du demandeur. Il faut donc qu’il ait eu un comportement actif, entrainant cette violation. La Cour cite un exemple : ainsi il ne suffit pas d’être propriétaire d’une machine, permettant de copier des fichiers, il faut effectivement l’utiliser personnellement, pour qu’une telle atteinte soit établie.
En ce qui concerne ReDigi, la Cour estime qu’il a réellement un comportement actif et qu’il ne s’agit pas juste d’une plateforme, mettant en liens des vendeurs et des acheteurs potentiels. En effet, il va spontanément et de manière indépendante rechercher des fichiers musicaux (protégés par le droit d’auteur) sur les ordinateurs de ses utilisateurs. Il y a donc bien, selon la Cour, un comportement actif, et dès lors une atteinte directe au droit d’auteur.
En ce qui concerne l’atteinte indirecte, celle-ci réside dans le fait que bien qu’une première personne ait commis activement une atteinte (atteinte directe), le comportement d’une seconde personne a contribué à celle-ci. Pour reprendre l’exemple de la machine, celui qui utilise la machine pour copier les fichiers commet une atteinte directe, tandis que celui qui prête cette machine réalise une atteinte indirecte.
Pour ReDigi, la Cour retient deux des trois types d’atteintes indirectes que le demandeur (Capitol Records) invoquait.
Premièrement, il y a une atteinte contributive (« contributory infringement ») : malgré le fait que la personne connaissait ou devait connaître l’activité frauduleuse, elle va tout de même contribuer à réaliser l’atteinte. La contribution ne doit pas constituer un élément d’une petite importance, mais au contraire, doit être un élément substantiel de l’atteinte.
La Cour estime que ReDigi est intimement impliqué dans les différentes étapes permettant de rendre la musique disponible et de la vendre. Dès lors, elle estime qu’il y a une « contributory infringement ».
Deuxièmement, la Cour estime qu’il y a une « vicarious infrigement » : celle-ci consiste dans le fait, d’avoir un intérêt financier direct dans une activité contrefaisante, dont on a la capacité de superviser.
La Cour relève que ReDigi a la maîtrise du contenu du site, de l’accès par les utilisateurs, ainsi que des ventes.
En conclusion, la Cour condamne le site pour atteinte directe et indirecte, sur base des éléments que nous venons d’exposer.
A fundamental clash over culture, policy and copyright law :
A nos yeux, le « fundamental clash » désigne un débat important qui concerne tant la culture et son évolution, à savoir les nouvelles atteintes au droit d’auteur rendues possibles par l’évolution des technologies (les atteintes au droit d’auteur par internet notamment…), que la politique et sa production législative (qui se base sur un texte de 1976, qui n’est donc plus à jour avec les nouvelles problématiques), et que les droits d’auteur qui sont confrontés à de nouvelles menaces liées à cette évolution et à ce retard dans la production législative.
Concernant l’arrivée de ReDigi en Europe :
L’affaire Oracle évoque le mécanisme de l’épuisement, qui implique qu’une fois un droit de propriété intellectuelle mis sur le marché, par une première vente, le titulaire ne peut plus s’opposer à la revente d’une copie de cette œuvre, quel que soit le support. Notons que la présence d’une clause dans le contrat de licence, interdisant la cession du droit, n’a aucune influence sur ce principe.
La Cour précise également qu’on ne peut pas scinder ce droit, dans le but de le revendre en partie.
La Cour précise aussi qu’il faut distinguer le droit de distribution, du droit de reproduction qui ne s’épuise pas à la première vente.
La Cour énonce en outre que : « l’épuisement du droit de distribution prévu à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 2009/24 concerne à la fois les copies matérielles et immatérielles d’un programme d’ordinateur ».
Au regard de ces éléments, l’arrivée de ce service en Europe dépendra de la position de la Cour de justice européenne sur la question de savoir s’il s’agit d’un service de distribution ou de reproduction. En fonction de la réponse, il y aura épuisement du droit d’auteur ou non. A cet égard, relevons que ReDigi reverse 20% du prix obtenu à un fond en faveur de l’artiste (équivalent de la Sabam), ce qui semble indiquer qu’il s’agit d’un service de distribution. Dans ce cas, il y aurait bien épuisement du droit d’auteur, la Cour pourrait donc permettre l’arrivée de ce service sur le continent.
Enfin en ce qui concerne l’interaction entre la règle de l’épuisement et les conditions contractuelles, nous avons déjà évoqué plus haut que la Cour considère que la présence d’une clause dans le contrat de licence, interdisant la revente, n’a pas d’influence sur ce principe.
Lorsque l’on regarde les conditions générales d’iTunes, on voit que les produits vendus ne peuvent être utilisés que sur 5 ordinateurs. Cette clause semble aller à l’encontre de la position de la Cour. En effet, pour ce qui est de l’utilisation sur les 5 ordinateurs, iTunes suit cette position, mais pour tous les autres ordinateurs qui suivent, la clause est en contradiction puisque c’est comme si iTunes considérait qu’il n’y a pas d’épuisement du droit d’auteur.
Il semblerait préférable de légiférer en la matière, compte tenu des évolutions dans celle-ci, plutôt que de toujours se référer à une position de la Cour, sujette à insécurité juridique. Cette insécurité juridique réside dans le fait que des sites tels que ReDigi peuvent être créés et restent valables jusqu’au moment où une décision juridique vient dire le contraire. Voilà pourquoi un cadre législatif, dans lequel ces sites pourraient s’inscrire, serait le bienvenu.
Show lessBonnes réflexions (mais il n’est pas clair que l’enseignement de UsedSoft soit applicable à l’épuisement numérique d’autres fichiers que des programmes d’ordinateur). Je ne suis pas sûr que votre avant-dernier paragraphe soit pertinent pour le sujet traité ici.
Read more
Il ressort des considérants 28 et 29 et de l’article 4 de la directive 2001/29 que la protection du droit d’auteur mise en place comprend le droit exclusif de contrôler la distribution, notamment par la vente, d’une œuvre. Cependant, la première vente dans la Communauté de l’original de l’œuvre ou des copies de celle-ci par le titulaire du doit ou avec son consentement épuise le droit de contrôler la revente dans ladite communauté.
La Cour entend par « vente » une convention par laquelle une personne cède, moyennant le payement d’un prix, à une autre personne ses droits de propriété sur un bien corporel ou incorporel lui appartenant.
Il s’ensuit que la Cour estime (par interprétation analogique de l’arrêt C-128/11) que le transfert par le titulaire du droit d’auteur d’une musique/chanson à un client, accompagné par la conclusion, entre ces mêmes parties, d’un contrat de licence d’utilisation, constitue « une première vente ». Dès lors un transfert d’un fichier audio ainsi que la conclusion d’un contrat de licence avec un site tel qu’Itunes ou Spotify épuise bien à première vue le droit de distribution, étant donné que ces actes constituent bel et bien selon la cours « une première vente ». L’avocat général rajoute au point 59 de ses conclusions qu’il faut prôner une interprétation large du terme « vente », car à contrario il suffirait que les fournisseurs qualifient un contrat de vente en un contrat de licence pour échapper à l’application des règles juridiques.
Bien que la Commission confirmait que la question de l’épuisement du droit ne se pose pas dans le cadre des services, en particulier lorsqu’il s‘agit de services en ligne, l’avis de la Cour diverge car elle certifie que la volonté du législateur européens a été d’assimiler, aux fins de protection prévue par la directive 2009/24, les copies matérielles et immatérielles de l’œuvre. Cela sous entend que le fait que l’œuvre musicale soit sous une forme numérique ou matérielle n’a aucun impact sur le fait qu’on puisse invoquer l’épuisement du droit.
La cour précise également qu’un contrat de licence n’équivaut pas à un consentement absolu et inconditionné du titulaire à la mise dans le commerce de l’œuvre faisant l’objet du contrat, par le licencié. Dans le règlement n° 2100/94, l’article 27 précise que le titulaire a la possibilité d’invoquer les droits que cette protection confère à l’encontre d’un licencié lorsque ce dernier enfreint l’une des clauses du contrat de licence.
Il faudra dès lors faire la distinction entre :
– la situation ou une œuvre musicale aura été cédée par un licencié en violation d’une condition ou d’une limitation contenue dans le contrat de licence et portant directement sur les éléments essentiels de la protection communautaire du droit d’auteur. Cette cession effectuée par le licencié à un tiers a eu lieu sans le consentement du titulaire, de sorte que le droit de ce dernier ne soit pas épuisé.
– La situation identique mais ou la violation porte sur des dispositions contractuelles de toute autres nature dans le contrat de licence, qui épuiserait bien le droit du titulaire.
Au niveau des marques, la Cour s’était déjà posé la question dans l’arrêt Dior, en reprenant les dispositions de l’article 8 de la directive dont elle souligne d’ors et déjà que la liste qu’elle comprend est exhaustive. Il faudrait donc, pour que le titulaire d’une marque dispose encore de ce droit malgré le fait qu’il a concédé un licence à un tiers que celui-ci aurait violer une des clauses contractuelles et que cette violation porte sur un des éléments de la liste exhaustive de l’article 8. Le titulaire de la marque dispose d’un recours subsidiaire lorsque celle-ci peut être qualifiée de marque de prestige et que les circonstances propres du litige démontrent que la violation par le licencié d’une clause lui interdisant la revente porte atteinte à la sensation de luxe des produits de prestige, en affectant ainsi leur qualité. De plus, il ressort de la jurisprudence de la Cour que dans certains cas l’épuisement du droit exclusif au sens de l’article 5 de la directive relative à la protection des marques joue lorsque la commercialisation des produits st effectuée par un sujet lié économiquement au titulaire de la marque, comme par exemple le licencié. En effet dans une telle situation le titulaire pourra toujours contrôler la qualité des produits vendus par le licencié en insérant dans le contrat de licence des clauses spécifiques. La cour fait cependant attention à ne pas aller trop loin en rappelant que le contrat de licence n’est pas synonymes de consentement absolu et inconditionné du titulaire de la marque.
Pour revenir au cas de Redigi, bien que le concept soit réjouissant, certains détails sont tout de même à revoir. Par exemple Redigi prône dans les FAQ de son site qu’elle dispose des technologies nécessaires garantissant qu’une fois que vous avez vendu une musique son site, vous n’y avez plus accès. Personnellement cela me semble un peu crédule étant donné que de nos jours il me suffit de 3 clics de souris pour télécharger des musiques mise en ligne sur des sites mondialement connus tel que Youtube ou encore Souncloud alors qu’ils limitent la jouissance de l’œuvre sur leur site à la simple écoute de l’œuvre.
Je comprend par « affrontement fondamental » la confrontation entre d’une part la culture de la revente, de la vente d’occasion, en effet on s’accorde depuis des siècles qu’une fois qu’un bien est notre, on en devient total propriétaire et donc cela ne revient qu’à nous de décider si on souhaite le revendre, et d’autre part les clauses contractuelles mise en place dans les contrats de licence mais également les dispositions législatives actuelles qui limitent justement la jouissance du bien, de part la protection de la propriété intellectuelle. Pour prendre l’exemple d’Itunes, il y a bel et bien actuellement une clause « propriété intellectuelle » dans les conditions générales par laquelle on doit s’engager à ne pas revendre les œuvres achetées.
Bon survol de la question.
Read more
ReDigi est un service de revente de fichiers musicaux légalement téléchargés sur I-Tunes store. Ce service assure la disparition du fichier original acheté sur I-Tunes de l’ordinateur du vendeur (premier acheteur). Ce service a d’abord été lancé en 2011 aux Etats-Unis. Dans une décision du 30 mars 2013 la District Court de New York a considéré ce service comme incompatible avec les règles applicables en matière de droits d’auteur. Selon la District Court, ce service ne peut être comparé à un magasin de revente de disques d’occasion. Selon le juge américain, la « first-sale doctrine », comparable à la règle de l’épuisement en Europe, qui entraine après la première vente d’un objet culturel l’extinction de certains droits reconnus à son auteur, n’est pas applicable à la vente en ligne. La District Court considère en effet qu’il n’y a pas de vente en matière de téléchargement, mais bien de « location d’un droit d’utilisation » (« http://www.libération.fr », consulté le 24/04/2013).
ReDigi annonce qu’il s’implantera très prochainement en Europe. Au regard de la jurisprudence « Usedsoft » du 3 juillet 2012 de la Cour de justice, nous pensons qu’en Europe, le marché de location s’étendra à la vente en ligne. En effet, contrairement à la District Court, la Cour a considéré, dans cet arrêt concernant la vente en ligne de logiciels d’occasion, que le téléchargement sur Internet peut être assimilé à la vente.
Alors que la District Court fait justement la distinction entre une appropriation et une location, la Cour de justice estime cependant que le contrat de licence est l’accessoire du logiciel et que le logiciel et le contrat de licence doivent être considérés comme un tout indivisible.
Pour finir, la Cour précise que le revendeur de la première licence d’un logiciel doit bien sûr rendre sa propre copie inutilisable afin d’éviter la contrefaçon.
En conclusion, contrairement à ce que certains auraient pu espérer, la règle de l’épuisement des droits peut être considérée comme étant applicable aux ventes en ligne, ce qui ouvre la porte au marché d’occasion sur Internet.
Qu’en est-il des clauses contractuelles conclues par le titulaire des droits et le premier acheteur ? Nous avons à cet égard analysé les conditions générales d’iTunes qui prévoient que les droits concédés le sont sous la forme de licence. En effet, « le Service et certains Produits iTunes comprennent un dispositif de sécurité recourant à une technologie et protège l’information numérique » (Conditions Générales iTunes). Seul l’usage personnel et non commercial est donc autorisé au regard des conditions générales d’iTunes.
Dans l’affaire Copad, la Cour de justice s’est justement prononcée sur une question relative à la revente de produits de marque. La Cour considère que « l’atteinte portée à la renommée de la marque peut, en principe, être un motif légitime au sens de la directive, justifiant que le titulaire de la marque puisse s’opposer à la commercialisation ultérieure des produits de prestige qu’il a mis dans le commerce au sein l’E.E.E. ou qui l’ont été avec son consentement » (Copad c. Christian Dior, C-59/08). En effet, l’article 8, §2, de la Directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, prévoit que:
« Le titulaire de la marque peut invoquer les droits conférés par cette marque à l’encontre d’un licencié qui enfreint l’une des clauses du contrat de licence en ce qui concerne:
a) sa durée;
b) la forme couverte par l’enregistrement sous laquelle la marque peut être utilisée;
c) la nature des produits ou des services pour lesquels la licence est octroyée;
d) le territoire sur lequel la marque peut être apposée; ou
e) la qualité des produits fabriqués ou des services fournis par le licencié. »
On comprend bien que l’interdiction de la revente pour des raisons de prestige de la marque a été considérée comme étant un motif légitime permettant, par le biais des clauses contractuelles, la limitation de la revente.
Nous avons constaté qu’aucun article similaire à l’article 8 de la Directive sur les marques n’était présent dans la Directive sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information du 22 mai 2001. Dès lors, nous pensons qu’aucune clause contractuelle ne pourrait venir interdire la revente de contrats de licence portant sur des fichiers musicaux téléchargés sur iTunes. En effet, la réglementation concernant les droits d’auteur n’autorise pas une telle interdiction.
En conclusion, nous pensons que ReDigi pourrait, au regard de la jurisprudence et de la réglementation européenne, s’implanter en Europe et être considérée comme légal.
Inès d’Aspremont & Colombe Steisel
Show lessBien, merci à vous!
Read more
1ère Partie : Décision de la District Court de New York du 30 mars 2013.
1) Expliquez ce qu’il faut entendre par cet « affrontement fondamental »
La District Court de New York (S.D.) débute sa décision du 30 mars 2013 en précisant que le litige opposant Capitol Records LLC à ReDigi Inc. a mené à un « fundamental clash » entre la culture, la politique et le droit d’auteur.
Au titre de conclusion, le juge Richard Sullivan soulève que ReDigi cherche en réalité un amendement judiciaire au Copyright Act afin de rendre ses opérations légales. Toutefois, une telle modification entraînant des changements substantiels dans le marché du matériel copyrighté suppose une déférence au Congrès Américain, seul institutionnellement et constitutionnellement habilité à effectuer une telle réforme. Ce dernier n’a cependant pas souhaité franchir le pas.
Un des premiers pans de ce « clash fondamental » est donc ici exposé, celui entre la volonté politique et celle des acteurs « indépendants » du milieu musical. Dans ce domaine s’opposent en effet régulièrement l’industrie musicale, représentée par de grands labels protégés par une élite politique, et des acteurs plus modestes tentant de proposer une alternative moins onéreuse de partage de la musique.
En ce qui concerne le clivage fondamental entre la politique et le droit d’auteur stricto sensu, on remarque que tout au long de l’arrêt, le juge extrapole sur base de précédents en tentant de donner aux termes du Copyright Act un sens plus large que le leur. Plusieurs interprétations peuvent porter à controverse, notamment celle sur la reproduction. Assez pertinemment selon nous, ReDigi soulève que si l’on venait à considérer qu’une reproduction d’un fichier musical vers un autre répertoire ou un autre support -alors qu’il existe toujours à l’endroit précédent, constitue une violation au droit d’auteur, il ne serait plus permis au titulaire « légal » de droits sur un fichier audio de défragmenter son ordinateur ou de trier ses dossiers musicaux. La Cour écarte toutefois cet argument en considérant qu’il est certainement couvert par d’autres défenses en droit. Cela démontre du vieillissement parfois indésirable du droit d’auteur face à la réalité pratique.
Le clash fondamental reste donc, selon notre lecture, la volonté politique de protéger un marché lucratif -partagée par l’industrie musicale, face à l’avènement d’acteurs tiers souhaitant l’ouvrir au partage et à une démocratisation de ce marché ayant également subi le ravage inflationniste.
2) Selon la décision américaine, y a-t-il une atteinte directe ou indirecte au droit d’auteur (distinguez les diverses formes d’atteinte) ?
(i) Atteinte directe
Dans un second temps, la Cour se questionne sur l’atteinte aux droits d’auteur. Selon ses propres termes, une atteinte directe suppose des comportements volontaires directement à l’origine d’une reproduction ou d’une distribution litigieuse. Une atteinte indirecte suppose, quant à elle, qu’une personne ait contribué ou bénéficié de l’infraction d’une partie tierce, à tel point qu’il soit juste de la considérer également comme responsable.
La Cour considère que ReDigi a commis une atteinte directe au droit d’auteur, dans le sens où non seulement la société a mis à disposition un outil permettant l’atteinte aux droits de distribution et de reproduction de Capitol LLC, mais elle a également programmé le Media Manager ad hoc de telle sorte qu’il scanne uniquement les morceaux protégés sur iTunes. Ce dernier critère empêche la Cour d’absoudre ReDigi d’atteinte directe aux droits, de par « le rôle fondamental et délibéré » qu’elle a joué dans la mise en place d’une infrastructure attentatoire aux droits de Capitol.
(ii) Atteinte indirecte
Sur la question de l’atteinte indirecte, la Cour se positionne sur les trois griefs invoqués par Capitol : la violation indirecte par contribution, l’incitation à la violation et l’atteinte du fait d’autrui. Elle retient la violation indirecte et du fait d’autrui, en rejetant l’incitation.
a) Contribution à la violation
La District Court de New York (S.D.) précise que la contribution à la violation se produit lorsqu’une personne, ayant connaissance d’une activité illicite, induit, cause ou contribue matériellement à cette activité illicite d’une manière ou d’une autre.
La condition de connaissance est objective et satisfait lorsque la personne connaissait -ou avait une bonne raison d’être au courant de cette activité. La contribution doit, de surcroît, être substantielle. Il est d’abord considéré que ReDigi avait en effet connaissance de cette infraction, malgré le fait que la société ait insisté plusieurs fois sur le caractère légal de son site, en tant qu’ « alternative légale », et ait précisé que la loi restait encore sibylline sur ce genre de procédés. ReDigi avait reçu plusieurs mises en demeures d’associations de protection des droits d’auteur et était évidemment au fait des opérations sur des matériaux protégés sur son site. La consultance juridique préalable des développeurs du site sur la légalité de leur montage fait également pencher le juge R.J. SULLIVAN en faveur de Capitol.
Sur la question matérielle, il est considéré que ReDigi -plus que n’importe quel autre site du même acabit, a accompagné les utilisateurs dans leurs activités illicites en guidant pas-à-pas la revente et l’achat de matériaux « copyrightés ». Sans le « Cloud Locker », aucune infraction n’aurait pu avoir lieu. La contribution est donc substantielle.
b) Atteinte du fait d’autrui
L’atteinte du fait d’autrui suppose in casu que ReDigi ait eu le pouvoir de superviser l’activité illicite en ayant un intérêt financier direct.
Sur la question de la supervision, la Cour considère que ReDigi a exercé un contrôle manifeste sur le contenu de son site, l’accès des utilisateurs et sur les ventes.
En bénéficiant de 60% des produits de chaque vente, l’intérêt financier était également manifeste.
Pour les raisons qui précèdent, la Cour considère ReDigi comme également responsable pour cette atteinte indirecte.
2ème partie : Arrivée de ReDigi en Europe.
1) Analyse de la jurisprudence de la CJUE
– Arrêt Oracle c. Used Soft, 3 juillet 2012 (C-128/11)
Dans quelles conditions, le téléchargement au moyen d’Internet d’une copie d’un programme d’ordinateur, autorisé par le titulaire du droit d’auteur, peut donner lieu à un épuisement du droit de distribution de cette copie dans l’Union européenne (art. 4, §2 de la directive 2009/24) ?
Pour rappel, la première vente d’une copie d’un programme d’ordinateur dans l’Union, par le titulaire du droit d’auteur ou avec son consentement, épuise le droit de distribution de cette copie dans l’Union (art. 4, § 2 de la directive 2009/24).
Pour déterminer si le droit de distribution du titulaire du droit d’auteur est épuisé, il convient de vérifier les points suivants :
1° La relation contractuelle entre le titulaire du droit d’auteur et son client peut-elle être qualifiée de « première vente d’une copie de programme d’ordinateur » au sens de l’article 4, § 2 de la directive 2009/24 ?
La Cour se réfère (point 42) à une définition de la vente consistant en « une convention par laquelle une personne cède, moyennant le paiement d’un prix, à une autre personne ses droits de propriété sur un bien corporel ou incorporel lui appartenant ». Selon cette définition, l’opération commerciale donnant lieu à un épuisement du droit de distribution relatif à une copie d’un programme d’ordinateur implique que le droit de propriété sur cette copie a été transféré.
La Cour estime, selon l’arrêt Club Hotel Loutraki, C-145/08 et C-149/08, que le téléchargement d’une copie d’un programme d’ordinateur est dépourvu d’utilité si cette copie ne peut pas être utilisée par son détenteur. Le téléchargement d’une copie d’un programme d’ordinateur et la conclusion d’un contrat de licence d’utilisation de cette copie forment un tout indivisible devant être examinés dans leur ensemble aux fins de leur qualification juridique. (point 45)
Dans les circonstances de l’espèce, la Cour a estimé que les opérations commerciales effectuées par Oracle et ses clients impliquent le transfert du droit de propriété. (point 46)
La Cour considère (point 47-48) que le transfert par le titulaire du droit d’auteur d’une copie d’un programme d’ordinateur à un client accompagné de la conclusion, entre ces mêmes parties, d’un contrat de licence d’utilisation, constitue une « une première vente d’une copie d’un programme d’ordinateur », au sens de l’article 4, § 2, de la directive 2009/24.
2° La mise à la disposition du public (points 50 à 52).
Il ressort de l’article 6, § 1er, du traité sur le droit d’auteur que l’existence d’un transfert du droit de propriété transforme l’acte de communication au public (article 3 de la directive) en un acte de distribution (article 4 de la directive) lequel peut donner lieu, si les conditions du § 2 sont réunies, à l’épuisement du droit de distribution.
3° L’épuisement du droit de distribution (article 4, §2, de la directive 2009/24) concerne les copies matérielles et immatérielles d’un programme d’ordinateur et également les copies de programmes d’ordinateur qui, à l’occasion de leur première vente, ont été téléchargées au moyen d’Internet, sur l’ordinateur du premier acquéreur. (point 59).
La Cour ajoute que : « Limiter, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, l’application du principe de l’épuisement du droit de distribution prévu à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 2009/24 aux seules copies de programmes d’ordinateur vendues sur un support matériel permettrait au titulaire du droit d’auteur de contrôler la revente des copies qui ont été téléchargées au moyen d’Internet et d’exiger, à l’occasion de chaque revente, une nouvelle rémunération alors que la première vente de la copie concernée aurait déjà permis audit titulaire d’obtenir une rémunération appropriée. Une telle restriction à la revente des copies de programmes d’ordinateur téléchargées au moyen d’Internet irait au-delà de ce qui est nécessaire pour préserver l’objet spécifique de la propriété intellectuelle en cause » (voir, arrêt Football Association Premier League e.a., précité, points 105 ainsi que 106). (Point 63).
4° L’existence d’un contrat de maintenance, conclu par le premier acquéreur, empêche t’-elle, en tout état de cause, l’épuisement du droit prévu à l’article 4, § 2 de la directive 2009/24, dès lors que la copie du programme d’ordinateur que le premier acquéreur est susceptible de céder à un deuxième acquéreur correspondrait non plus à la copie qu’il aura téléchargée, mais à une nouvelle copie dudit programme ?
La cour souligne que l’épuisement du droit de distribution s’étend à la copie du programme d’ordinateur vendue telle que corrigée et mise à jour par le titulaire du droit d’auteur (point 68). La Cour ajoute que : « même dans l’hypothèse où le contrat de maintenance est de durée déterminée, il doit être constaté que les fonctionnalités corrigées, modifiées ou ajoutées sur la base d’un tel contrat font partie intégrante de la copie initialement téléchargée et peuvent être utilisées par l’acquéreur de celle-ci sans limitation de durée, et ceci également dans le cas où cet acquéreur décide ultérieurement de ne pas renouveler son contrat de maintenance. Dans de telles conditions, il y a lieu de considérer que l’épuisement du droit de distribution prévu à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 2009/24 s’étend à la copie du programme d’ordinateur vendue telle que corrigée et mise à jour par le titulaire du droit d’auteur. » (point 67).
La Cour répond (point 72) que l’article 4, § 2, de la directive 2009/24 doit être interprété en ce sens que le droit de distribution de la copie d’un programme d’ordinateur est épuisé si le titulaire du droit d’auteur, qui a autorisé, fût-il à titre gratuit, le téléchargement de cette copie sur un support informatique au moyen d’Internet, a également conféré, moyennant le paiement d’un prix destiné à lui permettre d’obtenir une rémunération correspondant à la valeur économique de la copie de l’œuvre dont il est propriétaire, un droit d’usage de ladite copie, sans limitation de durée.
Dans la 2ème partie de l’arrêt, la Cour s’interroge si l’acquéreur de licences d’occasion peut, par l’effet de l’épuisement du droit distribution, être considéré comme un acquéreur légitime
.
Selon l’article 5, §1er de la directive 2009/24, l’acquéreur légitime bénéficie du droit de reproduction du programme d’ordinateur concerné pour lui permettre d’utiliser ledit programme d’une manière conforme à sa destination. Sauf dispositions contractuelles spécifiques, la reproduction d’un programme d’ordinateur n’est pas soumise à l’autorisation de l’auteur du programme, lorsqu’une telle reproduction est nécessaire pour permettre à l’acquéreur légitime d’utiliser le programme d’ordinateur d’une manière conforme à sa destination, y compris pour corriger des erreurs. (point 74).
La Cour rappelle que le droit de distribution du titulaire du droit d’auteur est épuisé, conformément à l’article 4, § 2, de la directive 2009/24, à l’occasion de la première vente dans l’Union, par ce titulaire ou avec son consentement, de toute copie, matérielle ou immatérielle, de son programme d’ordinateur. Il s’ensuit que, en vertu de cette disposition et nonobstant l’existence de dispositions contractuelles interdisant une cession ultérieure, le titulaire du droit concerné ne peut plus s’opposer à la revente de cette copie. (point 77).
Néanmoins, la Cour rappelle que « l’acquéreur initial d’une copie matérielle ou immatérielle d’un programme d’ordinateur pour laquelle le droit de distribution du titulaire du droit d’auteur est épuisé, conformément à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 2009/24, qui procède à la revente de celle-ci, doit, aux fins d’éviter la violation du droit exclusif de ce titulaire à la reproduction de son programme d’ordinateur, prévu à l’article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive 2009/24, rendre inutilisable la copie téléchargée sur son ordinateur au moment de la revente de celle-ci. » (point 78).
La Cour conclut que les articles 4, paragraphe 2, et 5, paragraphe 1, de la directive 2009/24 doivent être interprétés en ce sens que, en cas de revente d’une licence d’utilisation emportant la revente d’une copie d’un programme d’ordinateur téléchargée à partir du site Internet du titulaire du droit d’auteur, licence qui avait été initialement octroyée au premier acquéreur par ledit titulaire du droit sans limitation de durée et moyennant le paiement d’un prix destiné à permettre à ce dernier d’obtenir une rémunération correspondant à la valeur économique de ladite copie de son œuvre, le second acquéreur de ladite licence ainsi que tout acquéreur ultérieur de cette dernière pourront se prévaloir de l’épuisement du droit de distribution prévu à l’article 4, paragraphe 2, de cette directive et, partant, pourront être considérés comme des acquéreurs légitimes d’une copie d’un programme d’ordinateur, au sens de l’article 5, paragraphe 1, de ladite directive, et bénéficier du droit de reproduction prévu à cette dernière disposition.
– Copad c. Christian Dior 23 avril 2009 (C-59/08)
Première question : Une clause d’un contrat de licence interdisant au licencié, pour des raisons de prestige de la marque, de vendre à des soldeurs des produits revêtus de la marque ayant fait l’objet de ce contrat relève de l’article 8, § 2 de la directive.
Dans son considérant 37, la C.J.U.E. dit que « l’article 8, §2 de la directive doit être interprété en ce sens que le titulaire de la marque peut invoquer les droits conférés par cette dernière à l’encontre d’un licencié qui enfreint une clause du contrat de licence interdisant pour des raisons de prestige de la marque, la vente à des soldeurs de produits tels que ceux en cause au principal, pour autant qu’il soit établi que cette violation, en raison des circonstances propres à l’affaire au principal, porte atteinte à l’allure et à l’image de prestige qui confèrent auxdits produits une sensation de luxe ».
Deuxième question : Dans quelles circonstances la mise dans le commerce par le licencié, en violation d’une clause du contrat de licence interdisant la vente à des soldeurs, de produits revêtus de la marque doit être regardée comme étant faite sans le consentement du titulaire de la marque au sens de l’article 7, § 1er de la directive.
Dans son considérant 51, la C.J.U.E. répond que « l’article 7, §1 de la directive doit être interprété en ce sens que la mise dans le commerce de produits revêtus de la marque par le licencié, en méconnaissance d’une clause du contrat de licence, est faite sans le consentement du titulaire de la marque, lorsqu’il est établi que cette clause correspond à l’une de celles prévues à l’article 8, § 2 de cette directive ».
Troisième question : Lorsque la mise dans le commerce de produits de prestige, effectuée par le licencié en violation d’une clause du contrat de licence, est considérée comme faite avec le consentement du titulaire de la marque, ce dernier peut néanmoins invoquer une telle clause pour s’opposer à une nouvelle commercialisation des produits, en se fondant sur l’article 7, § 2 de la directive.
Dans son considérant 59, la C.J.U.E. répond que « lorsque la mise dans le commerce de produits de prestige par le licencié en violation d’une clause du contrat de licence doit néanmoins être considérée comme faite avec le consentement du titulaire de la marque, ce dernier ne peut invoquer une telle clause pour s’opposer à une revente de ces produits sur le fondement de l’article 7,§2 de la directive dans le cas où il est établi, compte tenu des circonstances propres à l’espèce, qu’une telle revente porte atteinte à la renommée de la marque ».
– Greenstar-Kanzi c. Jan Hustin du 20 octobre 2011 (C-140/10)
(36) La C.J.U.E. va préciser la portée du principe de l’épuisement (art. 16 du règlement n°2100/94) en procéder par analogie avec la jurisprudence de la Cour relative à ce principe de l’épuisement en matière de droit des marques (arrêt Copad du 23 avril 2009).
(38) En ce qui concerne les relations entre le titulaire d’une marque et son licencié, il ressort que la mise dans le commerce de produits revêtus de marque par un licencié doit être considérée, en principe, comme effectuée avec le consentement du titulaire de la marque (point 46 de l’arrêt Copad). Toutefois, le contrat de licence n’équivaut pas à un consentement absolu et inconditionné du titulaire de la mise dans le commerce, par le licencié, des produits revêtus de cette marque (arrêt Copad, point 47).
Concernant la protection des obtentions végétales, le titulaire peut invoquer les droits que cette protection lui confère à l’encontre d’un licencié lorsque ce dernier enfreint l’une des clauses du contrat de licence (art.27, § 2 du Règlement n°2100/94).
La Cour conclut que :
1° le titulaire ou le licencié peut intenter une action en contrefaçon contre un tiers qui a obtenu le matériel par l’intermédiaire d’un autre licencié ayant enfreint les conditions ou les limitations figurant dans le contrat de licence que ce dernier licencié a précédemment conclu avec le titulaire pour autant que les conditions ou les limitations en question portent directement sur les éléments essentiels de la protection communautaire des obtentions végétales concernée, ce qu’il revient à la juridiction de renvoi d’apprécier. (art. 94 Règlement n°2100/94 et articles 11, §1, 13, §§ 1 à 3, 16, 27, 104 du Règlement n°2100/94).
2° S’agissant d’apprécier la contrefaçon, il est sans importance que le tiers qui a accompli des actes sur le matériel vendu ou cédé était informé ou aurait dû être informé des conditions ou des limitations contenues dans le contrat de licence.
Conclusion :
S’agissant de la compatibilité de ReDigi avec la législation européenne et son rapport avec d’autres plateformes telles qu’Itunes, aux termes de l’arrêt UsedSoft GmbH c. Oracle International Corp. C-128/11, « il ressort de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2009/24 que, sauf dispositions contractuelles spécifiques, la reproduction d’un programme d’ordinateur n’est pas soumise à l’autorisation de l’auteur du programme, lorsqu’une telle reproduction est nécessaire pour permettre à l’acquéreur légitime d’utiliser le programme d’ordinateur d’une manière conforme à sa destination, y compris pour corriger des erreurs. (…) Lorsque le client du titulaire du droit d’auteur procède à l’achat d’une copie d’un programme d’ordinateur se trouvant sur le site Internet dudit titulaire du droit, il effectue, en téléchargeant ladite copie sur son ordinateur, une reproduction de celle-ci qui est autorisée au titre de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2009/24. Il s’agit, en effet, d’une reproduction nécessaire pour permettre à l’acquéreur légitime d’utiliser le programme d’ordinateur d’une manière conforme à sa destination (…) Par ailleurs, le considérant 13 de la directive 2009/24 indique «que les opérations de chargement et d’exécution nécessaires à l’utilisation d’une copie d’un programme légitimement acquis […] ne peuvent pas être interdites par contrat ».
Un regard aux conditions générales d’Itunes montre que les morceaux sont seulement concédés sous licence. Le genre d’opérations prévues par ReDigi semble a priori interdit par iTunes, qui prévoit que l’exploitation des fichiers est régie par ses conditions d’utilisation. Toutefois, ReDigi, à l’article 5 de ses « Terms of Services », prévoit également la cession d’une licence. La licence étant cessible, et l’arrêt UsedSoft s’opposant à une contrainte contractuelle à bonne destination d’un morceau, il y a fort à parier que si le procédé de ReDigi s’avérait légal, iTunes devrait –à tout le moins en Europe, s’y plier.
Show lessRead more
À propos de l’affrontement fondamental soulevé par le juge de première instance de la District Court entre la culture, la politique et les droits d’auteurs, celui-ci s’exprime sur l’aspect nouveau de ce type d’affaires. Effectivement, les tribunaux n’avaient encore jamais tranché la question de savoir si le transfert non autorisé d’un fichier de musique numérique dans le cas où un seul fichier existe avant et après le transfert constitue une reproduction au sens de la loi sur les droits d’auteurs. Ce tribunal de New York l’a énoncé par l’affirmative le 30 mars 2013.
Du point de vue culturel, deux philosophies s’opposent. La première, celle défendue par les maisons de disques prône leur modèle économique conventionnel consistant à être seul bénéficiaire des ventes de leurs produits. L’autre, propre à l’ère nouvelle de l’informatique propose de mettre au centre de l’action le consommateur qui pourra, à condition de se les être procurés légalement, revendre des morceaux de musique sur une plateforme communautaire en faisant fonctionner le réseau alternatif de « l’occasion », tenu en méfiance par les maisons de disques qui n’y voient qu’une perte d’argent et de clientèle vis-à-vis de leurs services.
Du point de vue politique, cette technique de redistribution légale oppose également sur le terrain juridique de l’interprétation de la loi sur les droits d’auteurs. Plus précisément, cette opposition se joue sur l’interprétation de la doctrine first sale. Le « United States Copyright Office » considère que cette doctrine ne doit pas s’appliquer au domaine numérique mais uniquement pour ce qui relève du tangible. Un facteur important influant sur la possibilité d’appliquer ou non la doctrine first sale aux fichiers numériques est celui de la désirabilité d’un produit. En effet, en ce qui concerne les choses tangibles, chaque reproduction d’une chose entrainera sa dégradation, et en conséquence, en ressortira une chose toujours diminuée par rapport à l’original, ce qui donne du sens à la complémentarité des marchés du neuf et de l’occasion Dans le domaine numérique, il est tout à fait possible (et même systématique) de reproduire un fichier numérique sans l’amoindrir dans ses propriétés et de ce fait le rendre tout aussi attractif que l’original.
Dans ce cas de figure, la dualité des marchés « du neuf et de l’occasion » perd tout son sens et ramène de manière proche du néant l’intérêt d’opter pour la formule du neuf en cas d’achats numérique.
À propos de l’atteinte (in)directe aux droits d’auteurs, il est nécessaire de définir en premier lieu la notion d’atteinte directe aux droits d’auteurs. Celle-ci consiste en ce que le défendeur pose des actes indiscutablement intentionnels qui porteraient atteinte aux droits du demandeur. Une atteinte indirecte consiste en ce qu’une personne (morale dans le cas qui nous intéresse) soit considérée comme responsable pour une autre qui aurait atteint aux droits d’auteurs d’un tiers. En principe, la loi sur les droits d’auteur ne retient pas de responsabilité pour les atteintes indirectes mais la doctrine s’en est chargée, et propose son application en cas de situations juste et appropriée. La maison de disques Capitol Records, à ce titre énonce comme responsable la société ReDigi à trois titres : celui de contrefaçon, d’incitation à la contrefaçon et de violation indirecte. Seule l’incitation à la contrefaçon ne sera pas retenue par le tribunal de New York.
Le tribunal de New York considère que de par le choix de ReDigi d’axer son système de fonctionnement sur les fichiers soumis à Copyright, celui-ci pose un acte intentionnel et enfreignant les droits d’auteurs et porte donc atteinte directement aux droits d’auteurs des maisons de disques.
Quant à l’arrivée de ReDigi en Europe, il faut en observer la possibilité au regard de l’arrêt UsedSoft c. Oracle du 3 juillet 2012. La notion principale est celle de l’épuisement du droit de distribution. Il s’agit dans cette affaire de revente en ligne de logiciels « d’occasion ». L’idée même qu’un logiciel (bien non tangible) puisse faire l’objet de commerce sur le marché de l’occasion ramène à l’application de la doctrine first sale vue précédemment. Cependant, ici, il s’agit de droit européen, et d’un juge européen, dont la vision des choses est tout autre de la vision américaine. En effet, La Cour va expliquer que le principe d’épuisement du droit de distribution s’applique non seulement lorsque le titulaire du droit d’auteur commercialise les copies de ses logiciels sur des supports matériels (CD, DVD, etc., comme cela était déjà parfaitement connu), mais également lorsqu’il les distribue à partir de son site internet. « Que la copie soit matérielle ou immatérielle, si l’éditeur a mis un logiciel à disposition de son client contre rémunération pour une certaine durée, tout en appelant cette opération la conclusion d’un contrat de licence, l’éditeur vend en réalité cette copie à son client : il y a donc « transfert du droit de propriété » de la copie et épuisement, pour l’éditeur, du droit d’en contrôler les ventes ultérieures, même si le contrat de licence interdisait pareilles opérations ou cessions à des tiers ».
(Triaille J.-P., « Enfin des arrêts de la Cour de justice en matière de protection des logiciels », J.T., 2012, p.834) (http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?docid=124564&doclang=en)
Suivant ce constat, il est plausible que le service ReDigi soit tout à fait accepté dans les états membres de l’Union Européenne sous réserve de législation nationale qui s’opposerait à l’idée contenue dans cette décision. En effet, suivant l’idée défendue par la Cour, malgré des clauses contractuelles s’opposant à la revente, l’épuisement du droit permettrait au consommateur de disposer comme il l’entend de ses fichiers musicaux, et de notamment les revendre sur le marché de l’occasion. Cependant, Apple, dans les conditions générales d’iTunes, précise que le fichier obtenu sur la plateforme ne peut être utilisé qu’à titre personnel et non commercial, en concédant une licence d’exploitation sans permettre de revendre le fichier sur lequel la licence a été établie. A priori, ces conditions semblent s’opposer clairement au mode de fonctionnement de ReDigi, ce qui ne pourra être établi que lors de la venue de ce service en Europe.
Show lessRead more
Certes, l’arrêt Oracle c. UsedSoft rendu le 3 juillet 2012 par la Cour de justice de l’UE (C-128/11) démontre qu’il y a effectivement épuisement du droit de distribution prévu à l’article 4 §2 de la directive en cas d’une revente d’une licence d’utilisation emportant la revente d’une copie du programme téléchargé à partir du sire internet du titulaire du droit d’auteur qualifiant ainsi tout acquéreur ultérieur comme étant des acquéreurs légitimes. Il n’en demeure pas moins de préciser que la Cour permet au titulaire de s’assurer par tous les moyens que la copie dont dispose encore le vendeur soit rendue inutilisable.
Par ailleurs, dans le cas où l’épuisement du droit de distribution doit être reconnu, l’arrêt Copad c. Christian Dior (C-59/08) présente quant à lui un grand intérêt dans le cas où un licencié viole une clause du contrat de licence.
A titre d’exemple, parmi les conditions générales d’Itunes, l’on retrouve le libellé suivant : « Vous vous engagez à ne pas modifier, louer, donner en crédit-bail, prêter, vendre, distribuer ou créer des œuvres dérivées du Service iTunes, de quelque façon que ce soit, et vous vous interdisez d’exploiter le Service iTunes de façon non autorisée »
Dès lors, c’est selon nous avec raison que l’arrêt précité précise que le titulaire ne peut invoquer les droits conférés par l’article 8 §2 de la directive que pour autant que la violation de la clause, qui interdisait pourtant la vente à des soldeurs de produits, ait porté atteinte à l’allure et à l’image de prestige qui confèrent aux produits une sensation de luxe.
Si par contre, la mise dans le commerce de produit en violation d’une clause contractuelle a eut lieu avec le consentement du titulaire de la marque, celui-ci peut revendiquer la clause pour s’opposer à la revente du produit que si la renommée de la marque serait ébranlée. En effet, l’on comprend aisément que, dans certaines circonstances particulières, des motifs légitimes peuvent inciter le licencié, comme dans l’arrêt précité, à enfreindre une clause du contrat de licence. C’est avec raison que la Cour précise les conditions qui permettraient au titulaire de se prévaloir de l’article 8 de la directive.
Le clash fondamental dont il s’agit dans l’arrêt Capitol Records v. ReDigi, concerne la définition qu’il faut donner au mot « reproduction », qui est déterminant pour savoir dans quelles conditions on se trouve dans un cas de protection du droit d’auteur .
Redigi qui est une plate forme virtuel, sur laquelle on peut vendre et acheter de la musique d’occasion, soutient que son service ne reproduit pas la musique qui passe sur son marché , en effet elle affirme que la musique ne fait que « migrer » du vendeur à l’acheteur , en passant par la plateforme.
Capitol pour sa part estime , et c’est la position qui est soutenu par la Cour, qu’il est « impossible, d’après les lois de la physique, qu’un même objet matériel soir transféré sur internet », que de ce fait il s’agit forcément d’une reproduction qui est protégée par le droit d’auteur. La Coura de ce fait décidé que la vente de la vente de musique via le site Redigi viole le droit exclusif de reproduction de Capitol et rend inapplicable le principe du « first sale » dans ce cas.
C’est un clash fondetmental entre les parties car cette décision a un impact important, en effet
Pour être en présence d’une atteinte directe, il faut pouvoir démontrer que le défendeur ait volontairement et activement contribué à la violation de l’un des droits exclusifs du titulaire. En d’autres mots, c’est bien plus qu’une atteinte au droit de propriété qui permettrait de faire des copies illégales du produit qui est en jeu. Il faut démontrer un comportement avec un lien suffisamment proche et étant la cause directe de la copie illégale du produit.
La violation indirecte fait , quant à elle, référence aux personnes qui utilisent des exemplaires contrefaits, ou qui, sans autorisation légale, permettent l’exécution publique d’une œuvre.
Dans le cadre de la décision américaine, nous nous trouvons dans un cas d’atteinte directe , puisque , comme nous l’avons souligné plus haut, Redigi a violé le droit exclusif de reproduction de Capitol, en faisant ce que seul le titulaire(Capitol) avait le droit d’autoriser , id est , la reproduction de musique lui appartenant.
Show lessRead more
L’article 3 de la directive 2001/29 dispose:
«1. Les États membres prévoient pour les auteurs le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire toute
communication au public de leurs œuvres, par fil ou sans fil, y compris la mise à la disposition du
public de leurs œuvres de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il
choisit individuellement.
[…]
3. Les droits visés aux paragraphes 1 et 2 ne sont pas épuisés par un acte de communication au
public, ou de mise à la disposition du public, au sens du présent article.»
L’article 4 de ladite directive, intitulé «Droit de distribution», énonce:
«1. Les États membres prévoient pour les auteurs le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire toute
forme de distribution au public, par la vente ou autrement, de l’original de leurs œuvres ou de copies
de celles-ci.
2. Le droit de distribution dans la Communauté relatif à l’original ou à des copies d’une œuvre
n’est épuisé qu’en cas de première vente ou premier autre transfert de propriété dans la
Communauté de cet objet par le titulaire du droit ou avec son consentement.»
il ressort de l’article 6 paragraphe 1er du traité sur le droit d’auteur que l’existence
d’un transfert du droit de propriété transforme l’acte de communication au public prévu à
l’article 3 de cette directive en un acte de distribution visé à l’article 4 de la même directive.
En vertu de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 2001/29, la première vente d’une oeuvre dans l’Union, par le titulaire du droit d’auteur ou avec son consentement, épuise le droit de distribution de cette copie dans l’Union. Il faut donc que les fichiers musicaux aient été vendus, qu’il y ait eu transfert de propriété. On peut conclure que revendre ses fichiers musicaux dont on a la propriété à Redigi est légal car il y a eu épuisement du droit de distribution de l’auteur.
Cependant, Redigi est-il un acquéreur légitime et peut-il revendre ces fichiers musicaux?
Le considérant 29 de la directive 2001/29 stipule que la question de l’épuisement du droit ne se pose pas dans le cas des services, en particulier lorsqu’il s’agit de services en ligne. L’article 4, paragraphe 2, de la même directive ne fait aucune distinction en fonction de la forme matérielle ou immatérielle de la copie en cause. Cependant, les considérants 28 et 29 de cette même directive tendent à supposer que l’épuisement du droit de distribution ne concerne que des objets tangibles. Est-il possible de se référer à l’arrêt Oracle c. UsedSoft en matière de programme d’ordinateur? Dans cet arrêt, la Cour soutient que d’un point de vue économique la vente d’un programme d’ordinateur sur CD-ROM ou DVD ou la vente d’un programme par téléchargement sur internet sont similaires. Le mode de transmission en ligne est l’équivalent
fonctionnel de la remise d’un support matériel. Peut-on procéder par analogie? De plus la Commission va dans le même sens en soutenant que “l’objectif du principe de l’épuisement du droit de distribution des œuvres protégées par le droit d’auteur est de limiter, afin d’éviter le cloisonnement des marchés, les restrictions à la distribution desdites œuvres à ce qui est nécessaire pour préserver l’objet spécifique de la propriété intellectuelle concernée. Limiter l’application du principe de l’épuisement aux seuls oeuvres vendus sur un support matériel permettrait au titulaire du droit d’auteur de contrôler la revente des copies qui ont été téléchargées au moyen d’Internet et d’exiger, à l’occasion de chaque revente, une nouvelle rémunération alors que la première vente de la copie concernée aurait déjà permis audit titulaire d’obtenir une rémunération appropriée. Une telle restriction à la revente des copies de programmes d’ordinateur téléchargées au moyen d’Internet irait au-delà de ce qui est nécessaire pour préserver l’objet spécifique de la propriété intellectuelle en cause.” Si l’intention du législateur et de la Cour est d’aller dans le même sens, le droit de distribution est épuisé en vertu de l’article 4 paragraphe 2 de la directive 2001/29 et Redigi est en droit de revendre les fichiers musicaux.
Read more
Revendre des fichiers musicaux de “seconde main” par l’entremise de ReDigi: licite ou pas?
1) L’ « affrontement fondamental » dont parle le juge est celui entre Capitol, label de grands classiques sur disques vinyles (comme Frank Sinatra, les Beatles,…) et ReDigi, une société du 21ème siècle qui se définit comme un marché virtuel pour les musiques digitales d’occasion. Dans cette affaire, Capitol poursuit ReDigi pour violation de droit d’auteur. C’est un choc des générations, des technologies autour d’un procès en matière de droits intellectuels (sachant que le Copyright Act date de 1976, époque à laquelle le vinyle était connu et Internet inconnu).
2) En matière de droit d’auteur, une atteinte directe se produit lorsqu’une personne reproduit, distribue une œuvre protégée ou prépare une œuvre dérivée basée sur une œuvre protégée sans l’autorisation de l’auteur.
L’atteinte indirecte se produit quand la personne contribue, facilite ou incite l’infraction directe d’un tiers. Celle-ci peut être une contrefaçon par incitation, une complicité de contrefaçon ou une violation du fait d’autrui.
La Cour a décidé que ReDigi avait commis une atteinte directe et indirecte (elle reconnait la complicité de contrefaçon et la violation du fait d’autrui mais pas la contrefaçon par incitation) au droit d’auteur de Capitol.
3) Dans l’arrêt Oracle c. UsedSoft, la Cour a dit qu’il fallait interpréter l’article 4, paragraphe 2 de la directive 2009/24 « en ce sens que le droit de distribution de la copie d’un programme d’ordinateur est épuisé si le titulaire du droit d’auteur, qui a autorisé, fût-il à titre gratuit, le téléchargement de cette copie sur un support informatique au moyen d’Internet, a également conféré, moyennant le paiement d’un prix destiné à lui permettre d’obtenir une rémunération correspondant à la valeur économique de la copie de l’œuvre dont il est propriétaire, un droit d’usage de ladite copie, sans limitation de durée » (point 72).
Mais la Cour précise qu’il faut cependant que la copie matérielle ou immatérielle de l’acquéreur initial soit rendue inutilisable, afin d’éviter une violation du droit exclusif à la reproduction (point 78).
Ensuite, la Cour dit que « le téléchargement sur le serveur du client de la copie du programme d’ordinateur se trouvant sur le site Internet du titulaire du droit et la conclusion d’un contrat de licence d’utilisation se rapportant à cette copie forment un tout indivisible qui doit être qualifié, dans son ensemble, comme une vente » (point 84). Par conséquent, vu le lien entre la copie et la licence d’utilisation se rapportant à celle-ci, la revente de la licence d’utilisation emporte la revente de la copie. Ainsi, la vente bénéficie de l’épuisement du droit de distribution prévu à l’article 4, paragraphe 2 de la directive 2009/24 (la Cour souligne qu’il ne faut pas tenir compte de la clause contenue dans le contrat de licence) (point 84).
Pour conclure, la Cour dit que « les articles 4, paragraphe 2, et 5, paragraphe 1, de la directive 2009/24 doivent être interprétés en ce sens que, en cas de revente d’une licence d’utilisation emportant la revente d’une copie d’un programme d’ordinateur téléchargée à partir du site Internet du titulaire du droit d’auteur, licence qui avait été initialement octroyée au premier acquéreur par ledit titulaire du droit sans limitation de durée et moyennant le paiement d’un prix destiné à permettre à ce dernier d’obtenir une rémunération correspondant à la valeur économique de ladite copie de son œuvre, le second acquéreur de ladite licence ainsi que tout acquéreur ultérieur de cette dernière pourront se prévaloir de l’épuisement du droit de distribution prévu à l’article 4, paragraphe 2, de cette directive et, partant, pourront être considérés comme des acquéreurs légitimes d’une copie d’un programme d’ordinateur, au sens de l’article 5, paragraphe 1, de ladite directive, et bénéficier du droit de reproduction prévu à cette dernière disposition » (point 88).
En analysant cet arrêt, on remarque que la Cour serait plutôt favorable à l’arrivée de ReDigi, vu que le système permet de supprimer le contenu de l’utilisateur initial. Cependant, il faudra que les licences octroyées aux utilisateurs répondent aux conditions dégagées par la Cour. Si elles sont similaires à la licence d’Oracle, il n’y aura aucun souci, sinon un avis contraire de la Cour est toujours possible.
4) Dans les conditions générales d’iTunes, il est souligné dans la partie « Utilisation du contenu acheté ou loué » que les produits iTunes ne sont concédés que sous forme de licence. De plus, il est écrit que l’utilisation de ces produits est limitée aux « Règles d’Utilisation » et que toute autre utilisation peut constituer une violation des droits d’auteur. Ensuite, dans la partie « Propriété intellectuelle », il est clairement indiqué que « Aucune partie du Service ne peut être reproduite sous quelque forme ou par quelque moyen que ce soit, sauf dans les limites expressément prévues aux présentes. Vous vous engagez à ne pas modifier, louer, donner en crédit-bail, prêter, vendre, distribuer ou créer des œuvres dérivées du Service, de quelque façon que ce soit » (le Service comprenant les produits iTunes). Par conséquent, la revente de fichiers achetés sur iTunes pourra être constitutive d’une faute contractuelle et surtout, d’une atteinte au droit d’auteur.
ReDigi, quant à lui, se dégage de toute responsabilité dans ses conditions générales. Il prévoit en son article 5 que tout le contenu fourni est et reste sous la responsabilité de celui qui a fourni le fichier (d’ailleurs, ReDigi ne garantit pas la véracité, l’exactitude ou la fiabilité des contenus, voy. point F). Les conditions générales listent les comportements interdits : il ne faut pas favoriser ou encourager des comportements illégaux, enfreindre des droits, contrefaire ou violer les droits d’une autre partie, être obscène choquant ou de mauvais gout (point B). Ensuite, au point D, il est expliqué que l’utilisateur doit fournir une attestation qui prouve qu’il est le propriétaire légitime, qu’il n’a pas altéré ou modifié les médias, qu’il a détruit toutes les copies de ces médias autres que le fichier téléchargé, et que, lors de l’achat, il y aura un transfert des droits et titres de propriété du média en question. Enfin, par la mise en ligne du fichier, l’utilisateur déclare et garantit qu’il a les droits d’accorder une licence.
ReDigi essaie d’éviter par tous les moyens que sa responsabilité puisse être engagée. Le site veut être sûr que le contenu fourni soit légal et qu’il est fourni dans le respect d’éventuelles conventions. Par ailleurs, pour enlever tout doute de coopération, ReDigi explique clairement qu’il n’a aucun lien avec iTunes (ou Youtube) dans le point E.
Show lessMerci. L’un des points essentiels de l’arrêt ReDigi (pourquoi le first sale est inapplicable au fichier téléchargé?) est maintenant résumé sur le ppt pour ce cours.
Read more
Lorsque le juge de première instance énonce un “fundamental clash over culture, policy and copyright law“, il veut dire par là qu’il s’agit d’un nouveau type de service, sans support matériel et que les gens sont habitués depuis longtemps à manipuler des fichiers numériques sur un support matériel. Avant, ils pouvaient revendre leurs CD’s comme tout autre objet matériel, alors que l’importance du CD ne réside pas dans son aspect matériel mais dans son aspect immatériel, à savoir les chansons qui s’y retrouvent. Cela provoque donc une incompréhension lorsqu’ils ne peuvent revendre leurs chansons numériques.
D’autre part, la « copyright law » tend à protéger la création et empêche une transmission disparate des fichiers musicaux sans que l’auteur ne soit rémunéré.
Enfin, la règle du “first sale” qui s’applique hors ligne n’est pas applicable en ligne. Pour le juge de la District Court, revendre un fichier numérique serait une atteinte au droit d’auteur car les médias numériques ne peuvent être revendus sans accord préalable du détenteur du copyright. Selon lui, le site Redigi crée des copies de fichiers de musique afin de pouvoir les remettre en vente, ce qui constitue un acte illégal de reproduction si le titulaire du droit d’auteur n’y donne pas son accord (source : http://www.developpez.com/actu/53617/Revendre-un-media-numerique-serait-une-atteinte-au-droit-d-auteur-la-justice-condamne-ReDigi-qui-revend-les-MP3-achetes-sur-iTunes-ou-Amazon/). C’est donc un autre objet matériel que le fichier acheté au départ qui se retrouve sur l’ordinateur de celui qui l’a téléchargé (downloadé) après l’avoir acheté “en seconde main”. Cependant, le juge en première instance souligne qu’il faudrait modifier la loi sur le droit d’auteur pour rendre licite le service de ReDigi.
Il y a atteinte directe au droit d’auteur lorsqu’est reproduit une œuvre protégée. En effet, seul le titulaire du droit d’auteur a le droit de reproduire ou d’autoriser la reproduction d’une œuvre protégée. L’atteinte directe consiste donc à créer soi-même des copies illégales d’un bien protégé par droit d’auteur.
L’atteinte indirecte, quant à elle, comprend les opérations commerciales comme la vente de copies d’œuvres protégées. C’est par exemple le cas de certaines plateformes qui facilitent la copie illégale de fichiers numériques. Aux Etats-Unis, Napster a été condamné pour cette raison et s’est vu infligé une interdiction d’exploitation de son système de partage de fichiers. (sources : http://www.wipo.int/sme/fr/e_commerce/internet_content.htm et http://www.cjam.info/index.php/fr/infos-juridiques/droit-dauteur2/163-violation-du-droit-d-auteur). Dans le cas de Redigi, nous pouvons penser qu’il s’agit d’une atteinte directe au droit d’auteur puisque c’est le site lui-même qui crée les copies des fichiers musicaux.
Concernant la notion d’épuisement des droits, elle peut se comprendre comme la situation dans laquelle un produit protégé a été mis sur le marché et le propriétaire du droit de propriété intellectuelle ne peut plus décider ce qui en sera fait. Il ne peut donc pas s’opposer à la revente de son produit. Selon cette théorie, il serait donc légal de pouvoir revendre les chansons achetées sur Itunes. Mais il faut savoir si l’épuisement s’applique aux biens numériques.
La jurisprudence européenne se montre controversée à ce sujet, notamment les arrêts Usedsoft-Oracle et Greenstar-Kanzi c. Jan Hustin.
En effet, dans l’arrêt Usedsoft-Oracle, il est précisé que « L’article 4, paragraphe 2, de la directive 2009/24/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur, doit être interprété en ce sens que le droit de distribution de la copie d’un programme d’ordinateur est épuisé si le titulaire du droit d’auteur, qui a autorisé, fût-il à titre gratuit, le téléchargement de cette copie sur un support informatique au moyen d’Internet, a également conféré, moyennant le paiement d’un prix destiné à lui permettre d’obtenir une rémunération correspondant à la valeur économique de la copie de l’œuvre dont il est propriétaire, un droit d’usage de ladite copie, sans limitation de durée ».
Ensuite, il est explicité que « Les articles 4, paragraphe 2, et 5, paragraphe 1, de la directive 2009/24 doivent être interprétés en ce sens que, en cas de revente d’une licence d’utilisation emportant la revente d’une copie d’un programme d’ordinateur téléchargée à partir du site Internet du titulaire du droit d’auteur, licence qui avait été initialement octroyée au premier acquéreur par ledit titulaire du droit sans limitation de durée et moyennant le paiement d’un prix destiné à permettre à ce dernier d’obtenir une rémunération correspondant à la valeur économique de ladite copie de son œuvre, le second acquéreur de ladite licence ainsi que tout acquéreur ultérieur de cette dernière pourront se prévaloir de l’épuisement du droit de distribution prévu à l’article 4, paragraphe 2, de cette directive et, partant, pourront être considérés comme des acquéreurs légitimes d’une copie d’un programme d’ordinateur, au sens de l’article 5, paragraphe 1, de ladite directive, et bénéficier du droit de reproduction prévu à cette dernière disposition. »
Suivant cet arrêt, il devrait donc y avoir épuisement lorsqu’une chanson a été vendue pour la première fois. En tout cas, en ce qui concerne les logiciels, une fois qu’il a été vendu, y compris par téléchargemet, son acquéreur est libre de le revendre (source : http://www.numerama.com/magazine/23097-il-est-illegal-d-interdire-la-revente-d-un-contenu-telecharge-legalement.html). Si nous mettons de côté les conditions Itunes, le site Redigi pourrait donc être autorisé, sachant qu’une fois la chanson vendue au moyen de ce site, le vendeur ne peut plus l’écouter, et qu’il s’agit donc de la revente d’une chanson comme lorsqu’un CD était revendu. Notons également que 20% du prix de vente des fichiers musicaux sur Redigi son alloués à un fonds en faveur de l’artiste.
Mais il faut également regarder ce qui est stipulé dans les conditions Itunes, et tenir compte des termes du contrat que l’utilisateur accepte lorsqu’il achète un fichier musical sur Itunes. Il y est stipulé dans les règles d’utilisation que :
– « Vous acceptez que les Produits iTunes ne vous sont concédés que sous forme de licence. Vous comprenez que le Service et certains Produits iTunes comprennent un dispositif de sécurité recourant à une technologie qui protège l’information numérique et limite votre utilisation des Produits iTunes à certaines règles d’utilisation (« Dispositif de Sécurité ») fixées par iTunes et ses concédants. Vous reconnaissez en outre que votre utilisation des Produits iTunes, qu’ils soient ou non protégés par une technologie de sécurité, est limitée à certaines règles d’utilisation fixées par iTunes et ses concédants (« Règles d’Utilisation ») et que toute autre utilisation des Produits iTunes peut constituer une violation des droits d’auteur. Toute technologie de sécurité constitue une partie indissociable des Produits iTunes. »
– « Vous êtes autorisé à utiliser les Produits iTunes uniquement pour un usage personnel et non commercial. »
– « Aucune partie du Service ne peut être reproduite sous quelque forme ou par quelque moyen que ce soit, sauf dans les limites expressément prévues aux présentes. Vous vous engagez à ne pas modifier, louer, donner en crédit-bail, prêter, vendre, distribuer ou créer des œuvres dérivées du Service, de quelque façon que ce soit et vous n’exploiterez pas le Service de façon non autorisée, y compris notamment, en portant atteinte ou en surchargeant la capacité du réseau. »
– « Tous les droits d’auteur liés au Service, y compris la compilation de contenus, d’affichages, de liens vers d’autres ressources Internet et les descriptions de ces ressources sont la propriété de iTunes et/ou de ses concédants. L’utilisation de toute partie du Service, exceptée l’utilisation du Service telle qu’autorisée par les présentes, est strictement prohibée et constitue une violation des droits de propriété intellectuelle de tiers et peut vous exposer à des sanctions civiles et pénales, y compris des dommages et intérêts, pour violation de droit d’auteur. »
Suivant ces conditions, nous pourrions plutôt pencher pour le fait qu’une revente des produits Itunes constitue une violation du contrat que l’utilisateur a accepté, et donc une violation des droits d’auteur. Lorsqu’on achète une chanson sur Itunes, on achète en fait une licence d’utilisation de celle-ci, mais on n’en est pas le titulaire. Ceci pourrait donc remettre en cause la légalité du site Redigi, puisque les chansons y sont revendues sans l’accord d’Itunes.
Par ailleurs, l’arrêt Greenstar-Kanzi c. Jan Hustin se situe plutôt dans une perspective protectionniste et va dans le sens contraire de l’arrêt Usedsoft-Oracle en prévoyant une action en contrefaçon. « L’article 94 du règlement (CE) n° 2100/94 du Conseil, du 27 juillet 1994, instituant un régime de protection communautaire des obtentions végétales, tel que modifié par le règlement (CE) n° 873/2004 du Conseil, du 29 avril 2004, lu conjointement avec les articles 11, paragraphe 1, 13, paragraphes 1 à 3, 16, 27 et 104 dudit règlement, dans des conditions telles que celles en cause au principal, doit être interprété en ce sens que le titulaire ou le licencié peut intenter une action en contrefaçon contre un tiers qui a obtenu le matériel par l’intermédiaire d’un autre licencié ayant enfreint les conditions ou les limitations figurant dans le contrat de licence que ce dernier licencié a précédemment conclu avec le titulaire pour autant que les conditions ou les limitations en question portent directement sur les éléments essentiels de la protection communautaire des obtentions végétales concernée, ce qu’il revient à la juridiction de renvoi d’apprécier. »
« S’agissant d’apprécier la contrefaçon, il est sans importance que le tiers qui a accompli des actes sur le matériel vendu ou cédé était informé ou aurait dû être informé des conditions ou des limitations contenues dans le contrat de licence. » (Arrêt Greenstar-Kanzi c. Jan Hustin)
Vu que les conditions d’Itunes prévoient que l’utilisateur s’engage à ne pas modifier, louer, donner en crédit-bail, prêter, vendre, distribuer ou créer des œuvres dérivées du Service, cet arrêt nous dit que le site Redigi ne pourrait pas être légal en Europe.
Cependant, comme stipulé plus haut, les utilisateurs ne trouvent pas logique qu’ils ne puissent pas revendre leurs fichiers musicaux de la même manière qu’ils pouvaient revendre leurs Cd’s à l’époque des supports matériels. Nous pouvons ajouter à cela l’arrêt Usedsoft-Oracle, qui va en faveur de l’épuisement. Cependant, cet arrêt concerne uniquement les logiciels. Il devrait donc être élargi au reste des fichiers numériques. On pourrait donc imaginer une réglementation en cette matière pour l’Europe. Le juge américain préconisait d’ailleurs également une modification de la loi afin de rendre ce service de revente de fichiers numériques légal. On pourrait envisager la même chose en Europe.
Show lessBonne analyse!
Read more
A propos de cette problématique, je pense que la question du statut de la revente n’aura pas d’intérêt et poserait beaucoup de problèmes. La Vente est héritée du droit romain où le principe de « possession vaut titre » en était un des fondements. Actuellement, il n’est plus possible de se limiter à ce principe. En effet, la Vente a pris des formes bien différentes et variées dans ces procédures. Dans le monde digital, la Vente ne peut plus être considérée comme une transmission d’objet contre sa contrepartie, ni par la transmission effective de cet objet. Cette transmission effective de l’objet représentait la transmission des droits de propriétés. Dans notre cas, l’objet digital (le fichier digital de musique) peut se copier indéfiniment car immateriel. Appliquer une législation visant à interdire le droit à la revente remettrait en cause le principe même de la Vente et de ses effets. La transmission de la propriété par la vente se fait de manière totale càd avec tous ses attributs, y compris le droit d’en disposer et de revendre son bien. Cette problématique n’a, je pense pas lieux d’être, car les sites de ventes en ligne de musique sont en train de se tourner non plus vers la vente de musique en ligne mais se «convertirait » en loueur de musique en ligne. Une musique ne serait plus achetée mais louée. Or, on sait que tout propriétaire d’un bien mis en location peut en interdire la sous-location. Cela permettrait de ne pas devoir remettre en cause le statut de la Vente et cela règlerait le problème de la revente. Je pense que les progrès technologiques permettent actuellement de tracer un fichier et d’en empêcher son partage. Cependant, je trouve que la revente via Redigi permet aux artistes de toucher à nouveau un droit d’auteur et ainsi de les faire vivre ce qui est une bonne chose.
A propos de l’avenir de Redigi en Europe, je ne pense pas que cela aura le même succès qu’en Amérique. L’Amérique est un pays fait pour le « buzz », contrairement à l’Europe. L’Amérique est unie dans sa culture, dans ses valeurs, dans sa façon de vivre, de sa législation,etc. Une idée qui fonctionne peut donc se répandre très vite aux millions d’américains. La même idée en Europe devra faire face aux différentes cultures, législations,…ce qui impliquerait plus de coûts (attentes, publicités différentes selon l’endroit, plus de recherches à effectuer, etc). L’apparition de Redigi en Europe me paraît compromise ou en tout cas, elle va prendre plus de temps (bcp) pour s’installer en Europe.
Vous avez identifié quelques points mais manque l’analyse de la jurisprudence manque encore dans votre réponse.
Read more
I. LE DROIT AMERICAIN
Dans son jugement relatif à la vente de fichiers musicaux de seconde main, la District Court de New York (DCNY ci-après) a déclaré malgré l’existence du principe de « first sale defense » que la société ReDigi était coupable d’infraction aux droits d’auteur. Ce principe aujourd’hui entériné par la section 109 (a) du Copyright Act dispose que dès le moment où un bien protégé par le droit d’auteur est mis dans le commerce, le titulaire de celui-ci perd son droit exclusif de contrôle de la distribution du bien. Le propriétaire du bien peut alors, sans l’accord de l’auteur, vendre ou disposer de la propriété du bien comme il l’entend. Dans le cas d’espèce, le juge a considéré que l’activité de revente de musiques via Internet tombait hors du champ d’application de ce principe notamment car la plateforme internet revendait en l’occurrence une « reproduction du code protégé par le droit d’auteur dans un nouvel objet matériel » et non pas le bien en particulier.
Cet argumentaire cadenasse l’exception posée par le principe de « first sale », limitant son champ d’application aux objets matériels. Toutefois, même s’il est possible de regretter la consécration de cet obstacle au transfert de fichiers informatiques de seconde main, il y a néanmoins lieu de saluer la clarté de cette décision. En effet, si la revente de bien de seconde main est autorisée, s’assurer qu’un fichier informatique ne soit plus en la possession du vendeur est une tâche extrêmement difficile.
Dans son jugement, la DCNY déclare ainsi ReDigi coupable tant d’atteinte directe qu’indirecte aux droit d’auteur de Capitol.
(1) Au niveau de l’atteinte directe, celle-ci survient en droit américain lorsque volontairement, une personne a agi d’une manière telle que comportement permet de montrer qu’elle a activement violé l’un des droits exclusifs découlant du droit d’auteur. Dans le cas d’espèce, le fait pour ReDigi de scanner les disques durs de leur client à la recherche uniquement de contenu protégé par des droits d’auteurs fait passer la société du statut d’intermédiaire passif à celui de participant actif.
(2) Du point de vue de l’atteinte indirecte, « le Copyright Act ne rend pas expressément quelqu’un responsable des infractions commises par un autre. Néanmoins, la doctrine permet aux Cours et Tribunaux d’imposer une responsabilité pour atteinte indirecte lorsque celle-ci est juste et appropriée ». Dans les cas d’espèce, cette atteinte indirecte est justifiée selon le juge par trois doctrines différentes : l’infraction dite de contribution, celle de l’incitation et celle de la responsabilité pour autrui.
II. LE DROIT EUROPEEN
Du point de vue du droit européen, l’apparition sur le marché de la société Redigi est sans doute plus probable. En effet, si l’on se penche sur la jurisprudence de la CJUE, force est de constater que celle-ci est beaucoup moins drastique lorsqu’il s’agit des protections accordées par les droits de propriété intellectuelle. En effet, dans son arrêt Copad c. Christian Dior, la Cour énonce que « lorsqu’un licencié vend à un soldeur des produits en violation d’une clause du contrat de licence, il convient de mettre en balance, d’une part, l’intérêt légitime du titulaire de la marque ayant fait l’objet du contrat de licence à être protégé contre un soldeur, n’appartenant pas au réseau de distribution sélective, qui emploie cette marque à des fins commerciales d’une manière qui pourrait porter atteinte à la renommée de celle-ci et, d’autre part, l’intérêt du soldeur à pouvoir revendre les produits en question en utilisant les modalités qui sont usuelles dans son secteur d’activité. (§56)». Il semble donc qu’au niveau des biens matériels, même si le contrat de licence prévoit une clause interdisant au licencié de commercialiser le bien protégé, il est encore nécessaire pour les cours et tribunaux d’opérer une balance des intérêts avant de statuer. Dans le cas d’espèce, il apparaît que si la vente en question n’est pas susceptible d’écorner l’image de marque de la société titulaire du droit d’auteur, celle-ci ne peut être interdite en vertu d’une clause contractuelle.
Néanmoins, c’est réellement dans son arrêt Oracle c. Usedsoft que la Cour se prononce sur le fait de savoir si une personne détenant une licence sur un bien immatériel (un software dans le cas d’espèce) peut la revendre en seconde main même si le contrat de licence exclut une telle possibilité. Oracle justifiait ici que « ni la mise à la disposition gratuite de la copie [du software] ni la conclusion du contrat de licence d’utilisation n’impliquent un transfert du droit de propriété de cette copie (§43)» et prônait dès lors qu’il était illégal, pour la société Usedsoft, de transférer en seconde main le software puisque celle-ci ne disposait d’aucun titre de propriété. Néanmoins, la Cour a considéré qu’eu égard à la mise à disposition du software pour une durée illimitée et au prix rémunérateur de la licence, il s’agissait en l’occurrence bien d’un transfert de propriété.
La Cour précise ensuite que la théorie de l’épuisement est applicable tant pour les programmes sur support matériel qu’immatériel (en l’espèce, le transfert se faisait via un téléchargement sur une plateforme internet) et s’éloigne ici de manière significative de l’argumentaire prôné par le juge de la DCNY.
Pour finir, la Cour statue que « en cas de revente d’une licence d’utilisation emportant la revente d’une copie d’un programme d’ordinateur téléchargée à partir du site Internet du titulaire du droit d’auteur, licence qui avait été initialement octroyée au premier acquéreur par ledit titulaire du droit sans limitation de durée et moyennant le paiement d’un prix destiné à permettre à ce dernier d’obtenir une rémunération correspondant à la valeur économique de ladite copie de son œuvre, le second acquéreur de ladite licence ainsi que tout acquéreur ultérieur de cette dernière pourront se prévaloir de l’épuisement du droit de distribution prévu à l’article 4, paragraphe 2, de cette directive et, partant, pourront être considérés comme des acquéreurs légitimes d’une copie d’un programme d’ordinateur, au sens de l’article 5, paragraphe 1, de ladite directive, et bénéficier du droit de reproduction prévu à cette dernière disposition (§88) » et ce même dans le cas où il existerait une clause interdisant au licencié d’agir de la sorte (§84).
Au vu de ce qu’il vient d’être exposé, il est possible de penser que la société Redigi pourrait sans doute proposer légalement ses services dans l’Union européenne. En effet, si l’on regarde les conditions générales relatives aux services proposés par iTunes par exemple, force est de constater qu’il s’agit en l’espèce effectivement d’un service de vente (référence constante via des termes comme « achats », « contrat de vente », etc., prix pouvant être considéré comme rémunérateur et durée illimité de la disponibilité des titres achetés). Ensuite, même si une clause interdisait le transfert de propriété de la licence, il est possible d’imaginer que comme dans l’affaire Oracle, cette interdiction ne constituerait pas un réel obstacle. Néanmoins, il y a tout de même lieu de se poser la question de savoir si les fichiers musicaux seront traité de la même manière que des softwares. En effet, les caractéristiques inhérentes de l’un ne sont pas automatiquement transposables à l’autre.
En conclusion, il est possible de constater ici que contrairement au droit américain, le droit européen ne fait lui pas de réelle distinction au niveau de la théorie de l’épuisement entre les biens matériels et immatériels et que dès lors, il sera intéressant de voir si, en cas de conflit, le raisonnement adopté par la CJUE dans l’arrêt Oracle c. Usedsoft sera applicable pour des fichiers musicaux.
Show lessMerci, c’est tout juste à temps que je le reçois.