Comments for “Marques à vendre”: les contrats en matière d’AdWords portent-ils atteinte aux fonctions des marques?

Martin Carlier  
En mon sens, si la question de savoir si « les AdWords portent atteinte aux fonctions des marques » est tout à fait pertinente, celle-ci devrait néanmoins être appréciée dans un contexte beaucoup plus vaste que celui des droits de propriété intellectuelle. En effet, la problématique lancée par les AdWords et l’usage qu’une société peut faire de la marque d’autrui…
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En mon sens, si la question de savoir si « les AdWords portent atteinte aux fonctions des marques » est tout à fait pertinente, celle-ci devrait néanmoins être appréciée dans un contexte beaucoup plus vaste que celui des droits de propriété intellectuelle.

En effet, la problématique lancée par les AdWords et l’usage qu’une société peut faire de la marque d’autrui doit notamment sa complexité au fait qu’elle touche à la fois au droit de la propriété intellectuelle et au droit de la concurrence, domaines du droit prônant chacun des impératifs opposés tant au niveau de leurs objectifs (propriété et sécurité de l’investissement afin de soutenir l’innovation vs. liberté d’action des entreprises afin d’augmenter le « bien commun ») qu’au niveau de leurs acteurs (entreprise vs. consommateurs). Il paraît dès lors inévitable, au vu du contexte sensible dans lequel la CJUE a du se prononcer, que sa jurisprudence ne fasse pas l’unanimité.

Tout d’abord, au niveau du droit de la propriété intellectuelle, il semble en effet que la solution proposée par la Cour soit discutable. De fait, si l’on se tient au texte de l’article 5 de la Directive et au texte de l’article 9 du Règlement, ce raisonnement enlève à la marque une grande partie de son utilité (du moins au niveau du contenu et de la publicité internet qui, comme nous le savons, prennent une place de plus en plus importante dans la vie des entreprises). En effet, en permettant au plus offrant de référencer presque n’importe quel contenu sous un mot clefs, la Cour empêche (ou à tout le moins rend difficile) la privatisation des profits découlant des montants investis par une entreprise dans son image, sa stratégie publicitaire, etc. Afin de pouvoir pleinement capter ces bénéfices, une entreprise ne devrait de fait non seulement investir dans sa stratégie communicationnelle, mais également s’assurer d’être la plus offrant au niveau du référencement internet. On assisterait alors à une surenchère inéquitable dans l’achat d’AdWords puisqu’une société ayant déjà investi des montants considérable dans la construction de son image de marque serait inévitablement moins encline à payer un montant élever pour un mot clefs qu’une société n’ayant pas ou peu investi. En ce sens, il pourrait être intéressant d’obliger les intermédiaires tels que Google à réserver aux titulaires de marques un droit de préférence sur l’achat d’AdWords et ce à un prix de marché normal.

Du point de vue du droit de la concurrence maintenant, l’analyse faite par la Cour est beaucoup moins étonnante. Celle-ci adopte en effet une position constante par rapport à sa jurisprudence précédente. Elle décide de fait à nouveau non pas de protéger les entreprises mais bien de sauvegarder un climat de concurrence profitable aux consommateurs finaux. En effet, si l’on s’en tient d’ailleurs au considérant 95 de l’arrêt Interflora selon lequel : « le titulaire d’une marque renommée n’est pas habilité à interdire, notamment, des publicités affichées par des concurrents à partir de mots clés correspondant à cette marque et proposant, sans offrir une simple imitation des produits ou des services du titulaire de ladite marque, sans causer une dilution ou un ternissement et sans au demeurant porter atteinte aux fonctions de la marque renommée, une alternative par rapport aux produits ou aux services du titulaire de celle-ci », il y a lieu de constater que seul un comportement entrant dans le jeu de la concurrence loyale sera accepté. Dans le cas d’espèce, on peut donc tout à fait imaginer que la Cour ne se prononcera pas de la même manière si une société utilise un AdWord afin de référencer un site proposant des contrefaçons.

En conclusion, s’il est possible de considérer que la position adoptée par la Cour n’est pas parfaite, celle-ci peut s’expliquer par la complexité du problème ainsi que par le caractère multidisciplinaire de celui-ci. C’est donc sans doute plus l’inadéquation entre les différentes législations européennes en vigueur qui pose question et il serait sans doute opportun pour le législateur européen d’opérer une clarification quant aux règles européennes régissant le rapport entre le droit de la concurrence et le droit de la propriété intellectuelle.

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Alain Strowel

Remarques intéressantes sur le rapport avec le droit de la concurrence (déloyale). L’idée que le service de référencement devrait offrir un droit de préférence aux titulaires de marques est aussi à explorer. Bien d’avoir vu que le cas de l’acheteur d’AdWords proposant des contrefaçons est fondamentalement différent.

Alexandre Tonnelier  
À l’heure actuelle, L’application du droit des marques est soumise, selon que la marque invoquée est une marque nationale au Benelux, à l’article 5 de la directive 2008/95/CE ou une marque communautaire l’article 9 du règlement 207/2009/CE. Dans le cas du Benelux, la directive a été transposée à l’article 2.20, § 1er, de la Convention Benelux en matière de propriété…
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À l’heure actuelle, L’application du droit des marques est soumise, selon que la marque invoquée est une marque nationale au Benelux, à l’article 5 de la directive 2008/95/CE ou une marque communautaire l’article 9 du règlement 207/2009/CE. Dans le cas du Benelux, la directive a été transposée à l’article 2.20, § 1er, de la Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle.

Tout d’abord, la Cour et la législation s’accordent d’une même voix pour énoncer qu’il n’y a d’atteinte à la marque au sens de l’article 5, § 1er, sous a), de la directive ou de l’article 9, § 1, a), du règlement que pour autant que l’usage reproché « porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque ». La première fonction d’une marque, celle de l’identification est reconnue par la jurisprudence tout comme la fonction de qualité, gage d’un bon produit pour le consommateur. Les fonctions de communication, d’investissement et de publicité sont moins développées par la jurisprudence.

Quant au fait de savoir si la jurisprudence AdWords de la CJUE est conforme aux textes applicables, il faut analyser l’arrêt vis-à-vis de la portée juridique qu’est donnée par la législation européenne de l’usage de la marque. La cour va considérer la marque de deux manières, la première étant celle de l’usage dans la vie des affaires, la seconde, celle de l’usage pour des produits ou services. Cette distinction opérée respecte la logique du contenu de la directive sur les marques et du règlement sur la marque communautaire. Sur une précision, la cour va néanmoins aller plus loin que les textes applicables, en indiquant que le prestataire de service de référencement devrait utiliser le signe dans sa propre campagne commerciale pour qu’il y ait utilisation d’une marque. Cependant, Google en vendant ses Adwords ne va pas utiliser ses mots-clés directement pour sa campagne publicitaire mais bien les revendre aux différents concurrents intéressés par l’achat de mots-clés. Sur ce point, la jurisprudence Adwords est conforme aux textes mais approfondit ce que ces derniers prévoient.
D’ailleurs, l’article 5 § 5, de la directive 89/104 offre la possibilité de demander une interdiction d’usage d’une marque pour une autre raison que celle se basant sur la distinction des produits et des services. Il s’agit d’une protection permettant aux titulaires d’une marque de la protéger non pas sur sa fonction d’identification mais contre des tiers bénéficiant sans droit de la renommée de la marque en question ou atteignant au pouvoir d’attraction de la marque. Cependant, en ajoutant la précision vue au paragraphe précédent, la Cour empêcherait Google de bénéficier de la protection visée à l’article 5 §5 de la directive 89/104 étant donné que celui-ci n’utilise pas les marques pour sa campagne mais vend l’usage des signes aux annonceurs.

Sur le sujet de la confusion entre deux marques avec utilisations de signes différents mais proches dans leur conception, la législation et la Cour ne se rejoignent pas. Dans le cas de la législation, celle-ci tend à déterminer comme identique à la marque, un signe quasiment identique qui pourrait tromper le consommateur moyen tant les différences seraient minimes. Si les différences ne sont pas insignifiantes, il faudra observer les critères de l’article 5 de la directive 2008/95/CE en prenant en compte le risque de confusion.
La cour va dès lors considérer qu’il y a confusion dès qu’un consommateur ne pourra identifier un signe dans une annonce comme provenant du titulaire du signe ou au contraire d’un tiers.

Quant au point de vue selon lequel la jurisprudence de la Cour sur ce point conduit à des conséquences étonnantes tant au regard du libellé de ces dispositions que de l’intention du législateur de l’Union, il faut se rendre compte de l’intention qu’a eu le législateur en édictant ces normes. Sachant que la Cour rajoute aux critères des directives la notion d’un risque de confusion, Emmanuel Cornu semble avoir raison étant donné que cette interprétation de la Cour tend à s’éloigner de ce que le législateur a voulu et casse la dynamique mise en place par ce même législateur quant à la protection de l’usage des signes similaires. Cette notion de confusion qui risque d’être appliquée fréquemment entraînerait une complexification du système mis en place par le législateur européen.

(CRUQUENAIRE A., « Google AdWords : la Cour de justice a-t-elle rendu un arrêt de principe ? », R.D.T.I., 2010, pp.140-150).
(CORNU E. “Usage de la marque d’un tiers et systèmes de référencement sur Internet”, J.T., 2012, p. 821-827).

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Alain Strowel

Merci pour cette lecture de la jurisprudence et du commentaire repris en note. Vous pourriez encore utilement clarifier certains aspects de votre développement.

Aurélie Burion, Maxime Durant, Florence Prudhomme  
A titre liminaire, deux articles des textes européens retiennent l’attention au sujet des droits conférés par la marque: l’article 5 de la directive 89/104/CEE sur l’harmonisation du droit des marques (ci après « la Directive »), et l’article 9 du règlement 207/2009 sur la marque communautaire (ci après « le Règlement »). Le premier précise que: « 1. La marque enregistrée…
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A titre liminaire, deux articles des textes européens retiennent l’attention au sujet des droits conférés par la marque: l’article 5 de la directive 89/104/CEE sur l’harmonisation du droit des marques (ci après « la Directive »), et l’article 9 du règlement 207/2009 sur la marque communautaire (ci après « le Règlement »).
Le premier précise que:

« 1. La marque enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage, dans la vie des affaires: a) d’un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée; b) d’un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque et le signe, il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion qui comprend le risque d’association entre le signe et la marque.
2. Tout État membre peut également prescrire que le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d’un signe identique ou similaire à la marque pour des produits ou des services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d’une renommée dans l’État membre et que l’usage du signe sans juste motif tire indument profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ou leur porte préjudice.
3. Si les conditions énoncées aux paragraphes 1 et 2 sont remplies, il peut notamment être interdit:
a) d’apposer le signe sur les produits ou sur leur conditionnement;
b) d’offrir les produits, de les mettre dans le commerce ou de les détenir à ces fins, ou d’offrir ou de fournir des services sous le signe;
c) d’importer ou d’exporter les produits sous le signe;
d) d’utiliser le signe dans les papiers d’affaires et la publicité.
4. Lorsque, antérieurement à la date à laquelle les dispositions nécessaires pour se conformer à la présente directive entrent en vigueur, le droit de cet État ne permet pas d’interdire l’usage d’un signe dans les conditions visées au paragraphe 1 point b) ou au paragraphe 2, le droit conféré par la marque n’est pas opposable à la poursuite de l’usage de ce signe.
5. Les paragraphes 1 à 4 n’affectent pas les dispositions applicables dans un État membre et relatives à la protection contre l’usage qui est fait d’un signe à des fins autres que celle de distinguer les produits ou services, lorsque l’usage de ce signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ou leur porte préjudice »
Le second raisonne en des termes analogues. Le titulaire du droit exclusif sur une marque est donc habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage (i) d’un signe identique pour des produits ou services identiques à ceux proposés par le titulaire et (ii) d’un signe susceptible de créer, dans l’esprit du public, un risque de confusion, comprenant notamment le risque d’association entre le signe et la marque du titulaire.

Emmanuel CORNU (in E. CORNU, « Usage de la marque d’un tiers et systèmes de référencement sur Internet », J.T., 2012, p. 821-827 ») relève que la CJUE a poussé l’exigence plus loin que ne le prévoyaient les textes précités en rajoutant la condition d’une atteinte –consommée ou simplement potentielle, aux fonctions de la marque. Si cette atteinte à la fonction de la marque n’est pas expressément prévue dans la législation européenne, elle figure pourtant par exemple dans l’arrêt Google France SARL & Google Inc. c. Louis Vuitton Malletier SA e.a. C-236/08.
Ses paragraphes 75 et suivants précisent notamment que « le droit exclusif prévu aux articles 5, paragraphe 1, sous a), de la directive 89/104 et 9, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 40/94 a été octroyé afin de permettre au titulaire de la marque de protéger ses intérêts spécifiques en tant que titulaire de cette marque, c’est-à-dire d’assurer que cette dernière puisse remplir ses fonctions propres. Dès lors, l’exercice de ce droit doit être réservé aux cas dans lesquels l’usage du signe par un tiers porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque (voir, notamment, arrêts précités Arsenal Football Club, point 51; Adam Opel, points 21 et 22, ainsi que L’Oréal e.a., point 58)”. De poursuivre : « Il résulte de cette jurisprudence que le titulaire de la marque ne saurait s’opposer à l’usage d’un signe identique à la marque, si cet usage n’est susceptible de porter atteinte à aucune des fonctions de celle-ci (arrêts précités Arsenal Football Club, point 54, ainsi que L’Oréal e.a., point 60) (…) Parmi ces fonctions figurent non seulement la fonction essentielle de la marque qui est de garantir aux consommateurs la provenance du produit ou du service (ci-après la «fonction d’indication d’origine»), mais également les autres fonctions de celle-ci, comme notamment celle consistant à garantir la qualité de ce produit ou de ce service, ou celles de communication, d’investissement ou de publicité (arrêt L’Oréal e.a., précité, point 58) ».
Le droit exclusif prévu tant par la directive que par le Règlement permet donc au titulaire des droits sur une marque de protéger ses intérêts spécifiques, s’assurant qu’elle remplisse ses fonctions propres. L’exercice de ce droit serait donc réservé aux cas où l’usage du signe porterait –ou serait susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque. La CJUE semble donc plus sévère quant à l’exercice dudit droit que ne l’était le législateur européen à l’origine.
Une dichotomie subsiste toutefois entre l’interprétation que donne la Cour et les textes tels qu’ils ont été originellement édictés. Le législateur européen semblait vouloir accorder au titulaire un droit « absolu », exclusif, tandis que la Cour semble vouloir diminuer les prérogatives de ce dernier.
Alors que le titulaire était supposé pouvoir interdire tout usage, dans la vie des affaires, d’un signe qui, associé à certains produits, serait susceptible de créer une confusion dans le chef du consommateur, risque présumé en cas de signe identique pour des produits ou services identiques (l’article 16 des ADPIC précise en effet que : « Le titulaire d’une marque de fabrique ou de commerce enregistrée aura le droit exclusif d’empêcher tous les tiers agissant sans son consentement de faire usage au cours d’opérations commerciales de signes identiques ou similaires pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque de fabrique ou de commerce est enregistrée dans les cas où un tel usage entraînerait un risque de confusion. En cas d’usage d’un signe identique pour des produits ou services identiques, un risque de confusion sera présumé exister. Les droits décrits ci-dessus ne porteront préjudice à aucun droit antérieur existant et n’affecteront pas la possibilité qu’ont les Membres de subordonner l’existence des droits à l’usage »), l’étau se resserre aux termes de la Cour et il est plus difficile de s’opposer aux AdWords.
Ces derniers semblent poursuivre plusieurs buts, au rang desquels l’utilisation de la marque d’autrui pour se procurer un avantage, et la possibilité de nuire à son/ses concurrent(s).
L’admissibilité de ces pratiques est critiquable sous le prisme du droit purement positif, et nous pouvons donner crédit à E. CORNU pour son analyse dans l’article précité, où il conclut que la jurisprudence de la CJUE s’égare et crée des conséquences inattendues par rapport aux textes applicables.
Toutefois, et comme il est pertinemment relevé dans le billet, plusieurs autres enjeux sous-jacents sont à prendre en considération. Le marché Internet étant en pleine expansion, la CJUE lisse sans doute le terrain pour une future évolution, face à l’échec pratique de certaines ambitions européennes relatives au net, à l’instar des plateformes internet dans les réseaux de distribution, de certaines difficultés relatives à la vente et à la facturation en ligne, etc.
Au regard de ce qui précède, la jurisprudence semble donc aller à contre-sens de la volonté positive du législateur européen, mais semble appréhender les textes applicables d’une manière plus réaliste afin de ne pas paralyser l’entièreté du réseau et l’économie « online » afin de protéger de manière abusive les titulaires de droits sur des marques.

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Alain Strowel
Le développement est clair au début, la fin du texte devient plus complexe à comprendre et à suivre. Si l'on peut admettre que l'atteinte doit être appréciée par rapport aux fonctions de la marque, on peut en tout cas reprocher à la Cour de rester vague sur ces fonctions, ce qui crée une forte insécurité quant à l'étendue de la…
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Le développement est clair au début, la fin du texte devient plus complexe à comprendre et à suivre. Si l’on peut admettre que l’atteinte doit être appréciée par rapport aux fonctions de la marque, on peut en tout cas reprocher à la Cour de rester vague sur ces fonctions, ce qui crée une forte insécurité quant à l’étendue de la protection.

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Ingabire Céline, Singa Lukombe  
Certes, il n’est fait nulle part mention dans l’article 5 §1er a) de la directive ni dans l’article 9 §1er a) du règlement de la nécessité d’un risque de confusion dans le chef du consommateur, cela dit le raisonnement qu’entreprend la Cour paraît juste au regard du jeu de la concurrence qu’il faut également protéger. En effet, quel est l’intérêt…
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Certes, il n’est fait nulle part mention dans l’article 5 §1er a) de la directive ni dans l’article 9 §1er a) du règlement de la nécessité d’un risque de confusion dans le chef du consommateur, cela dit le raisonnement qu’entreprend la Cour paraît juste au regard du jeu de la concurrence qu’il faut également protéger. En effet, quel est l’intérêt de conférer un droit exclusif permettant d’interdire l’usage comme mot clé d’un signe identique à la marque en l’absence d’un risque de confusion pour le consommateur ? En effet, l’on reconnaît aisément la solution de la Cour, puisque si le consommateur ne peut être trompé, cela reviendrait à admettre qu’aucune atteinte n’est portée à la fonction distinctive de la marque. Pourquoi faudrait-il alors protéger une marque alors que sa fonction distinctive n‘a pas été atteinte ? Dès lors, selon nous, le raisonnement de la Cour ne contredit pas le libellé des articles précités mais ne fait qu’apporter une précision qui, selon nous, s’avère nécessaire au regard du jeu de la concurrence.

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Laurence Marescaux, Lisa Van Durmen et Olivia Dubaere  
La question principale qui se pose est de savoir si la jurisprudence de la CJUE s’écarte du libellé de l’article 5 de la Directive et 9 du Règlement ? Dans les affaires « Google c. Louis Vuitton Malletier », « Interflora » et « Portakabin », la jurisprudence a estimé que les articles 5 de la Directive et 9 du Règlement…
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La question principale qui se pose est de savoir si la jurisprudence de la CJUE s’écarte du libellé de l’article 5 de la Directive et 9 du Règlement ?

Dans les affaires « Google c. Louis Vuitton Malletier », « Interflora » et « Portakabin », la jurisprudence a estimé que les articles 5 de la Directive et 9 du Règlement devaient être interprétés de la manière suivante :
« Le titulaire d’une marque est habilité à interdire à un concurrent de faire, à partir d’un mot clé identique à cette marque que ce concurrent a sans le consentement dudit titulaire sélectionné dans le cadre d’un service de référencement sur Internet, de la publicité pour des produits ou services identiques à ceux pour lesquels ladite marque est enregistrée, lorsque cette publicité ne permet pas ou permet seulement difficilement à l’internaute moyen de savoir si les produits ou les services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’un tiers. »

Cette interprétation nous mène donc à une deuxième question : l’usage d’AdWords est-il susceptible de porter atteinte à l’une des fonctions de la marque ?
En effet, la Cour a par le biais de sa jurisprudence dégagé les principales fonctions de la marque.

La fonction d’identification d’origine :
Une première fonction est l’identification d’origine des produits ou des services. Selon la Cour, « en vue de déterminer la portée exacte de ce droit exclusif reconnu au titulaire de la marque, il faut tenir compte de la fonction essentielle de la marque qui en est de garantir au consommateur l’identité d’origine du produit ». Tant la jurisprudence que la doctrine s’accordent pour dire que la fonction d’origine de la marque doit être interprétée de manière large.

Pour savoir s’il y a atteinte à la fonction d’identification de la marque, il faut que l’annonce ne permette pas ou permette seulement difficilement à l’internaute normalement informé et raisonnablement attentif de savoir si les produits ou services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’un tiers (arrêt Google point 84, arrêt Portakabin point 34 et arrêt Interflora point 44).
Il importe dès lors de vérifier si l’usage attaqué est de nature à accréditer l’existence d’un lien matériel dans la vie des affaires entre les produits ou services concernés et le titulaire de la marque.

Selon E. Cornu, il est important de distinguer la notion de risque de confusion du lien matériel dans la vie des affaires entre le produit concerné et le titulaire de la marque.
En effet, il estime que la notion exprimée dans l’arrêt Google d’une ‘possibilité d’accréditer l’existence d’un lien matériel entre les produits concernés et le titulaire de la marque’ doit être interprétée plus largement.

Il y aura donc une atteinte à cette fonction lorsque l’annonce ne permet pas aux internautes de savoir s’il existe un lien commercial entre le titulaire de la marque et l’annonceur.

La fonction de publicité :
La marque a également une fonction plus économique telle que la fonction de publicité. Selon l’arrêt Google le titulaire d’une marque peut interdire l’usage de sa marque lorsque celui-ci porte atteinte à l’emploi de la marque en tant qu’élément de promotion des ventes ou de stratégie commerciale (arrêt Google, point 92).

Ce qui est regrettable c’est que la Cour n’offre qu’une protection limitée à cette fonction de publicité. Ainsi il ressort de sa jurisprudence que le fait que le titulaire de la marque doive intensifier ses efforts publicitaires pour maintenir ou augmenter sa visibilité auprès des consommateurs ne suffit pas dans tous les cas pour qu’il y ait atteinte à la fonction de publicité de ladite marque. Nous soutenons la thèse de E. Cornu qui déclare que cette situation est trop contraignante pour le titulaire de la marque.

Ainsi, nous estimons que les AdWords portent atteinte à cette fonction de publicité car nous ne voyons plus l’intérêt d’être titulaire d’une marque s’il faut constamment surenchérir son concurrent direct.

La fonction d’investissement :
Une troisième fonction de la marque soulevée par la Cour est la fonction d’investissement. Par cette fonction, le titulaire de la marque tente d’attirer et de maintenir une clientèle ainsi qu’une réputation. La marque peut ainsi être atteinte de deux manières: lorsqu’un tiers utilise un signe identique à celui du titulaire ou lorsque le tiers tire profit de la réputation de la marque.

A nouveau, la Cour n’offre qu’une protection limitée à cette fonction ce qui est regrettable selon nous. Selon la Cour, il n’y a atteinte à la fonction d’investissement que lorsque l’utilisation de la marque par un tiers ne respecte pas les conditions de concurrence loyale et respectueuse de la fonction d’indication d’origine de la marque (arrêt Interflora point 64).
Nous rejoignons l’idée de E. Cornu selon qui il serait préférable de protéger la fonction d’investissement indépendamment de la fonction d’origine.

Conclusion :
Nous concluons que les AdWords portent atteinte au droit de la marque et à ses fonctions essentielles. Nous nous joignons à E. Cornu dans son analyse jurisprudentielle et estimons que la Cour s’écarte des libellés des articles 5 de la Directive et 9 du Règlement, ce qui amènerait donc à défavoriser la titulaire de la marque.

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Verstraete Annelore, De Mattia Bastian, Wolbling Bastian, Picquet Xavier, Dartevelle Pauline  
Afin de répondre à la question de savoir si la jurisprudence de la CJUE est conforme au droit applicable, la première remarque que nous aimerions exprimer est le principe selon lequel la Cour est souveraine pour interpréter le droit européen. Son interprétation prévaut sur celles que peuvent donner les auteurs de doctrine. Pris au sens propre, elle ne se «…
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Afin de répondre à la question de savoir si la jurisprudence de la CJUE est conforme au droit applicable, la première remarque que nous aimerions exprimer est le principe selon lequel la Cour est souveraine pour interpréter le droit européen. Son interprétation prévaut sur celles que peuvent donner les auteurs de doctrine. Pris au sens propre, elle ne se « trompe » donc pas dans les avis qu’elle donne sur la manière d’interpréter le droit applicable (étant entendu : le droit européen). Cependant, nous restons conscients que la souveraineté qui orne son interprétation ne dispense pas cette dernière des critiques dont elle peut faire l’objet.

Ensuite, si l’on veut répondre à la question posée, il faut avant tout préciser quel est le droit applicable aux AdWords. D’un côté, nous avons le droit des marques. En l’espèce, il s’exprime par les articles 5, §§1 et 2 de la directive 89/104/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 (abrogée par la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008) et 9, §1 du règlement n°40/94 du Conseil du 20 décembre 1993 en ce qui concerne la marque communautaire. D’un autre côté, nous trouvons la directive sur le commerce électronique (directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 sur le commerce électronique) et plus précisément son article 14 en vertu duquel la Cour statue sur la question de savoir si Google bénéficie ou pas du régime d’exonération de responsabilité des hébergeurs.

Nous proposons de nous pencher d’abord sur le droit des marques avant d’aborder la conformité à la directive sur le commerce électronique. Tout au long de sa jurisprudence, la Cour opère un jugement de valeur entre liberté de concurrence et protection du droit de la marque. On se pose la question de savoir s’il n’y a pas moyen de faire mieux que cette surprenante mise en balance des intérêts. Notre opinion, quant à la question de savoir si la Cour penche trop du coté de la libre concurrence au détriment des titulaires de droits de marque, est la suivante : concernant le phénomène des AdWords, la Cour applique le droit des marques sans élément particulier lorsqu’elle empêche ce phénomène en ce qu’il concerne des imitations de produits (arrêt L’Oréal). A côté, quand il s’agit de produits concurrents, nous trouvons normal d’appliquer la libre concurrence entre des entreprises qui sont situées toutes plus ou moins sur le même pied (et dont la réputation est notoire). Ce n’est ni plus ni moins qu’une compétition pour un meilleur emplacement publicitaire. C’est la même situation, toute proportion gardée (mais internet reste toujours du fait aux yeux du droit), que pour l’affichage en rue. L’AdWord n’est donc pas, selon nous, une pratique qui en tant que telle porterait atteinte au droit des marques.

Nous passons maintenant à la question que vous posez de manière spécifique : savoir si nous partageons le point de vue selon lequel “la jurisprudence de la Cour … conduit à des conséquences étonnantes tant au regard du libellé de[s articles 5 de la Directive et 9 du Règlement] que de l’intention du législateur de l’Union. Nous y avons déjà répondu en partie ci-dessus. Si nous pensons que le phénomène des AdWords est conforme au droit des marques, nous partageons le point de vue de l’auteur de cet article concernant les conséquences surprenantes de la jurisprudence de la Cour au regard des articles de la Directive et du Règlement mais également de l’intention du législateur de l’Union et afin d’appuyer notre point de vue nous allons nous baser sur le point 5 de ce texte. Ce point 5 précise la jurisprudence de la CJUE concernant l’usage d’un mot clef correspondant à une marque renommée dans le cadre d’un service de référencement sur internet.

Comme nous l’avons déjà mentionné, nous trouvons que ces marques font l’objet d’une protection accrue comparé aux marques ordinaires car cet usage va permettre de tirer un profit important de par la renommée de cette marque. Cependant, la jurisprudence de la Cour spécifie que cette protection n’existe que lorsqu’il y a usage et la sélection de mots clés correspondants à des marques renommées par un annonceur sur internet offrant à la vente « des services ou produits qui sont des « imitations » des produits du titulaire de la marque renommée » (§ 103 de l’arrêt Google). Lorsque nous parlons de conséquences surprenantes engendrées par la jurisprudence de la Cour, nous pensons au mécanisme que la Cour applique afin de savoir s’il y a atteinte au droit des marques : comme nous l’avons déjà épinglé, elle met en balance la liberté de concurrence avec le droit des marques. Ces dernières années nous constatons que la Cour fait pencher la balance au profit de la liberté de concurrence. En effet, dans son arrêt Google la Cour précise que lorsque « la publicité affichée sur internet à partir d’un mot clef correspondant à une marque renommée propose, sans offrir une simple « imitation » des produits ou des services du titulaire de cette marque, sans causer une dilution ou un ternissement, (…) un tel usage pourra se prévaloir d’un « juste motif » permettant de faire exception aux droits du titulaire de la marque » (C.J.U.E, 2 septembre 2011, Interflora, point 91). Une imitation n’est donc pas un produit ou un service et elle ne peut donc, par-là, bénéficier de ce « juste motif ».

En ce qui concerne la conformité de la jurisprudence de la Cour à l’article 14 de la directive sur le commerce électronique, nous notons qu’a priori l’article 14 ne s’applique pas à Google car celui-ci n’est pas un hébergeur. Cependant, au §113 de son arrêt Google, la Cour assimile le moteur de recherche à un hébergeur. Nous validons cette assimilation car nous sommes d’avis que Google « n’[a] pas plus de contrôle sur les informations qu’[il référence] que les hébergeurs sur les sites qu’ils hébergent » (PIRLOT DE CORBION S., « La responsabilité des fournisseurs… », Google et les nouveaux services en ligne. Impact sur l’économie du contenu et questions de propriété intellectuelle, Bruxelles, Larcier, 2008, p. 17). Ensuite, le régime d’exonération de responsabilité dont peut bénéficier le prestataire intermédiaire de la société de l’information est conditionné au fait que son activité revête « un caractère purement technique, automatique et passif, qui implique que le prestataire (…) n’a pas la connaissance ni le contrôle des informations transmises ou stockées » (considérant n°42 de la directive). Nous rejoignons par ailleurs l’avis d’Etienne Montero selon lequel le critère de l’existence de la rémunération que reçoit Google en contrepartie et au prorata du nombre de clics sur lesdits liens commerciaux n’entre pas en ligne de compte pour juger la question de savoir si le prestataire peut bénéficier de l’exemption ou pas (MONTERO E., « Adwords de Google devant le (sic) C.J.C.E. », Droits intellectuels, 2009, p. 238 et THOUMSIN P.-Y., « Don’t shoot the messenger. L’arbitrage des conflits entre marques et liens commerciaux à la lumière des arrêts récents de la CJUE », Droits intellectuels, 2010, p. 350). La Cour a d’ailleurs confirmé elle-même ce principe au §116 de l’arrêt Google. Etant donné que le système d’Adwords est un service entièrement automatisé et technique dans lequel Google n’intervient pas (caractère passif) et que ce dernier a adapté sa procédure de réclamation qui est maintenant ouverte aux seuls titulaires de marques et par laquelle il peut être averti de contenus illicites qu’il lui appartient dès lors de retirer de la toile (THOUMSIN Pierre-Yves, « Don’t shoot the messenger. L’arbitrage des conflits entre marques et liens commerciaux à la lumière des arrêts récents de la CJUE », Droits intellectuels, 2010, p. 351), nous sommes d’avis que la jurisprudence de la Cour est conforme au droit applicable en ce qu’elle juge que Google bénéficie du régime d’exonération de responsabilité des hébergeurs conformément à l’article 14 de la directive sur le e-commerce.

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Alain Strowel

Bien mais quelques formules mériteraient d’être expliquées/mieux formulées (par ex. quand vous écrivez: “la Cour applique le droit des marques sans élément particulier lorsqu’elle empêche ce phénomène en ce qu’il concerne des imitations de produits”).

Cristine Munaro de Leão  
Google offre le service Adword par lequel les entreprises peuvent acheter des « mots-clés » que, quand recherchés, seront associés à l'entreprise contractant à travers l'exposition de leur site ou leur publicité. Très souvent le mot-clé acheté porte une marque et, par conséquent, implique les droits que le sont relatives. La situation problématique est que les entreprises achètent du Google les mots-clés…
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Google offre le service Adword par lequel les entreprises peuvent acheter des « mots-clés » que, quand recherchés, seront associés à l’entreprise contractant à travers l’exposition de leur site ou leur publicité.
Très souvent le mot-clé acheté porte une marque et, par conséquent, implique les droits que le sont relatives. La situation problématique est que les entreprises achètent du Google les mots-clés que représentent marques de tiers, en faisant leur usage non-autorisé.
Les textes légaux applicables à l’usage des marques sont la directive 2008/95/CE et le règlement 207/2009/CE, notamment les articles 5 et 9, respectivement.
La CJ considère que le Google n’utilise pas la marque ou leur signe pour lui-même, mais rendre possible que ses clients fassent tel usage (C.J.U.E., 23 mars 2010, C-238/08, Google c. Louis Vuitton Malletier, point 55 et s.).
Donc, la responsabilité est de l’entreprise qui utilise la marque de façon non-autorisé, en détournant le consommateur que fait la recherche vers son propre site ou produit. Cet acte signifie aussi dévier la fonction de la marque quand amène à une confusion sur l’identité ou l’origine du produit. De plus, tel usage interdit de la marque de tiers peut aussi détourner les fonctions économiques que portent la marque, y compris de publicité et d’investissement que pourront avoir comme effet la dilution de leur valeur (E. Cornu, Usage de la marque d’un tiers et systèmes de référencement sur Internet, J.T., 2012, p. 823). La jurisprudence rappelle aussi que cela pourra signifier une concurrence déloyale quand profit de la notoriété de la marque pour attirer l’attention vers l’entreprise que fait l’usage (C.J.U.E., 18 juin 2009, C-487/07, L’Oréal v. Bellure, point. 79). Ainsi, la CJ reconnaît l’exclusivité que la marque confère à son titulaire, selon la législation citée.
D’autre part, la CJ admet une exception à l’usage des marques renommées de tiers au contexte du Google Adwords sur la justification de promotion de la concurrence. C’est le cas de l’utilisation de la marque pour tiers au but de présenter au consommateur une alternative de produit et que ne pas permettre confusion à qui fait la recherche (utilisateur moyen, raisonnable et informé) sur la marque protégée, bien que ne détourne pas les fonctions de la marque (C.J.U.E., 22 sept. 2011, C-323/09, Interflora c. Marks & Spencer, p. 83 et s.).
Il est possible raisonner que la jurisprudence de la CJ a fragilisé l’application du texte légal, laissant que tous cas soient appréciés concrètement, en demandant temps et une procédure que pourra causer mauvaises implications économiques en détriment de la protection d’exclusivité de la marque.

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Alain Strowel

Merci pour vos efforts de rédaction en français qui n’est pas votre langue maternelle. (On vous comprend mais il serait utile de demander à un francophone de repasser le texte en revue pour identifier les fautes les plus récurrentes, notamment d’articles).

Osman Yarsuvat, Gilles Dubois, Benoit Magis  
Question - AdWords : la jurisprudence AdWords de la CJUE est-elle conforme aux textes applicables? Avec le temps, les différents moyens d’atteindre les consommateurs évoluent. Jusqu’aux années 50, un des moyens de faire de la publicité, c’était les annonces dans les journaux ou encore les affiches sur les murs. À cette époque, la dépense faite pour ces publicités représentait un coup…
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Question – AdWords : la jurisprudence AdWords de la CJUE est-elle conforme aux textes applicables?

Avec le temps, les différents moyens d’atteindre les consommateurs évoluent. Jusqu’aux années 50, un des moyens de faire de la publicité, c’était les annonces dans les journaux ou encore les affiches sur les murs. À cette époque, la dépense faite pour ces publicités représentait un coup énorme pour les entreprises. De nos jours, internet a permis d’atteindre des millions de consommateurs avec très peu de moyens. Si la technologie a facilité la publicité, la concurrence ne cesse de devenir de plus en plus cruelle.

Le géant Google, offre à ses clients (en principe seulement les entreprises) un service visant à promouvoir leur publicité (Adwords). En effet, le client va choisir un ‘mot’. Dès qu’un internaute entre ce mot dans le moteur de recherche (Google), le site de ce client va apparaitre à la tête de la liste des résultats (d’une couleur distinguée par rapport aux autres). Si l’internaute venait à cliquer sur le site du client (bien qu’il puisse chercher autre site), ce dernier devra payer Google. En effet, Google va annoncer un prix à son client qui sera tenu de le payer s’il veut atteindre de nouveaux consommateurs. Le géant Google détient donc pour l’instant un pouvoir important. Les contrats qu’il propose à ses clients sont à laisser ou à accepter, quitte à payer des milliers voir des millions (contrat d’adhésion). C’est alors que le client qui aurait des moyens pourrait diriger tous les mots nécessaires vers son site. On pourrait affirmer qu’à ce niveau, la concurrence est loin d’être loyale.

La pierre angulaire de notre commentaire concerne les relations entre le droit des marques et ses Adwords. En effet, que faire dans le cas où ces «mots» choisis (achetés) sont identiques à une marque déposée ou bien prêtent à confusion avec celle-ci ?

Il est essentiel de revenir un instant sur les différentes fonctions d’une marque.
Une marque déposée peut avoir une fonction d’identification, de qualité, de publicité, d’économie, d’instrument stratégique commerciale (jurisprudence) et d’investissement.
Sans entrer dans les détails, nous désirons insister sur certains points.

La CJCE a reconnu une nouvelle fonction à la marque, celle de représenter un instrument de stratégie commerciale. Celle-ci serait utilisée à des fins publicitaires et cela pour fidéliser le consommateur (arrêt interflora). En outre, la fonction première de la marque est celle d’identification. Celle-ci est essentielle, car la marque vise à guider le consommateur, lui démontrer que telle marque est un gage de qualité. Quand une consommatrice entend le mot «Hermès», elle peut directement penser à la société produisant des vêtements et maroquineries de qualités.

Le service d’Adwords est examiné au regard de la directive de 1989, de 2008 et du règlement de 2009. Ceux-ci définissent les bases du droit de la marque, encadrent les fonctions et la protection accordée aux titulaires de marques. Ces textes exigent qu’autrui ne puisse pas utiliser une marque déposée, dans ses affaires (c’est-à-dire qu’il n’en tire pas un profit patrimonial ou extra-patrimonial) sans le consentement du titulaire.
Du point de vue de la pratique, une société qui fait recourt au service d’Adwords vise à faire de la publicité et atteindre des nouveaux clients. Il y a donc une volonté de trouver des nouveaux moyens de marketing.
Le droit de la marque reconnait au titulaire d’une marque déposée un droit exclusif. Ce dernier devrait être valable dans tous les cas. En effet, l’internet ne devrait pas représenter une exception. Sur le marché des capitaux, sur internet ou bien dans la rue, utiliser, faire des bénéfices sur une marque déposée sans l’accord du déposant est une contrefaçon.

Une marque vise à «garantir au consommateur l’identité finale, l’origine du produit marqué» (E. CORNU, Usage de la marque d’un tiers et systèmes de référencement sur internet, J.T., 2012, pp.821-827.). Imaginons un instant qu’un internaute entre le mot «Hermès» dans le moteur de recherche google. Poussons encore notre imagination et estimons qu’il existe un hôtel de jour en Grèce sous le nom d’ «Hermès» (écrit de la même façon que le premier). Ainsi dès qu’on entre ce mot, le site Google pourrait afficher en premier lieu le site internet de cet hôtel et si ce dernier travail avec le site Booking.com.

La société évolue, on dit que la jurisprudence doit s’y adapter. La CJCE, bien qu’elle soit tenue d’appliquer à la lettre la directive et le règlement sur les marques, elle a prouvé indirectement qu’il est nécessaire d’adapter ces normes souvent trop radicales aux pratiques du marché. Lors de ses jugements, la CJCE a reconnu une nouvelle fonction aux marques, celle d’identification d’origine. Cette jurisprudence fait appel à la raison de l’internaute qui devrait être capable de comprendre que le site affiché en premier lieu ne serait pas d’office celui qui est véritablement recherché. En effet, il est considéré que l’internaute pourrait identifier lui-même le site recherché. Le problème est celui de la publicité indirecte. Ainsi, il arrive que grâce à un Adword, l’internaute puisse d’abord cliquer sur le site affiché en premier lieu et seulement ensuite cliquer sur le site recherché. Cette situation pourrait être caricaturée par un exemple où une agence d’intérim qui mettrait à la tête de la liste des chercheurs d’emploi tous les candidats de sexe féminin, bien que l’employeur s’intéresse seulement aux candidats masculins. Il y a donc selon nous une publicité indirecte.

Dans sa contribution, E. Cornu affirme que les liens (référencement) fournis par les Adwords se contentent d’un «simple renvoi». Nous estimons que cet argument n’est pas toujours vrai. Il arrive pour certain Adword de désigner un site et d’y afficher une «phrase accrochante». Si l’on prend le cas du site «Booking.com», ce dernier propose les hôtels. Ce site s’enrichit grâce aux publicités qu’il réalise au profit de divers hôtels. Dès lors, ce service de référence n’est pas un révélateur de divers sites, mais aussi un moyen de publicité indirecte.

Si l’on devait appliquer les normes communautaires à la lettre, le service Adwords pourrait voir le nombre de clients diminuer. Cependant, les pratiques du marché démontrent que le législateur européen, ainsi que la CJCE doivent faire la balance des intérêts entre la libre concurrence et le droit des marques (accorde-t-il vraiment un droit absolu). Ce qui est sur, c’est qu’il faut respecter les droits des internautes et ne pas les induire en erreur, et cela sous peine de faire de la publicité.

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Alain Strowel

Merci, vous auriez pu mieux exploiter l’exemple de Booking.com que vous avez sélectionné. Essayez d’être plus précis et clair quand vous développez votre point de vue.

Tang Prescillia  
Au regard des différents arrêts rendus par la Cour de Justice de l'Union européenne depuis l'arrêt Google contre Louis Vuitton Malletier du 23 mars 2010, nous pouvons tirer différentes conclusions: * Tout d'abord selon la Cour, les articles 5 paragraphe 1er de la directive marques et l'article 9 paragraphe 1er du règlement sur la marque communautaire doivent être interprétés en…
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Au regard des différents arrêts rendus par la Cour de Justice de l’Union européenne depuis l’arrêt Google contre Louis Vuitton Malletier du 23 mars 2010, nous pouvons tirer différentes conclusions:

* Tout d’abord selon la Cour, les articles 5 paragraphe 1er de la directive marques et l’article 9 paragraphe 1er du règlement sur la marque communautaire doivent être interprétés en ce sens que “le titulaire d’une
marque est habilité à interdire à un annonceur de faire, à partir d’un mot clé identique à ladite marque que cet annonceur a sans le consentement dudit titulaire sélectionné dans le cadre d’un service de référencement sur Internet, de la publicité pour des
produits ou des services identiques à ceux pour lesquels ladite marque est enregistrée,
lorsque ladite publicité ne permet pas ou permet seulement difficilement à l’internaute
moyen de savoir si les produits ou les services visés par l’annonce proviennent du
titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au
contraire, d’un tiers” et “lorsque cet usage est susceptible de porter atteinte à l’une des fonctions de la marque. Un tel usage:
– porte atteinte à la fonction d’indication d’origine de la marque lorsque la publicité affichée à partir dudit mot clé ne permet pas ou permet seulement difficilement à
l’internaute normalement informé et raisonnablement attentif de savoir si les
produits ou les services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque
ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d’un tiers;
– ne porte pas atteinte, dans le cadre d’un service de référencement ayant les
caractéristiques de celui en cause au principal, à la fonction de publicité de la
marque, et
– porte atteinte à la fonction d’investissement de la marque s’il gêne de manière
substantielle l’emploi, par ledit titulaire, de sa marque pour acquérir ou conserver
une réputation susceptible d’attirer et de fidéliser des consommateurs.”

* Les articles 5, paragraphe 2, de la directive marques et 9, paragraphe 1, sous c), du
règlement sur la marque communautaire doivent être interprétés en ce sens que “le titulaire d’une marque
renommée est habilité à interdire à un concurrent de faire de la publicité à partir d’un
mot clé correspondant à cette marque que ce concurrent a, sans le consentement dudit
titulaire, sélectionné dans le cadre d’un service de référencement sur Internet, lorsque
ledit concurrent tire ainsi un profit indu du caractère distinctif ou de la renommée de la
marque (parasitisme) ou lorsque ladite publicité porte préjudice à ce caractère distinctif
(dilution) ou à cette renommée (ternissement).
Une publicité à partir d’un tel mot clé porte préjudice au caractère distinctif de la
marque renommée (dilution), notamment, si elle contribue à une dénaturation de cette
marque en terme générique.
En revanche, le titulaire d’une marque renommée n’est pas habilité à interdire,
notamment, des publicités affichées par des concurrents à partir de mots clés
correspondant à cette marque et proposant, sans offrir une simple imitation des
produits ou des services du titulaire de ladite marque, sans causer une dilution ou un
ternissement et sans au demeurant porter atteinte aux fonctions de la marque
renommée, une alternative par rapport aux produits ou aux services du titulaire de
celle-ci.”

* Le prestataire d’un service de référencement sur Internet qui stocke en tant que mot clé
un signe identique à une marque et organise l’affichage d’annonces à partir de celui-ci,
ne fait pas un usage de ce signe au sens de l’article 5, paragraphes 1 et 2, de la directive
marques ou de l’article 9, paragraphe 1, du règlement sur la marque communautaire.

* L’article 14 de la directive sur le commerce électronique doit être interprété en ce sens que “la règle y énoncée s’applique au prestataire d’un service de référencement sur Internet lorsque ce
prestataire n’a pas joué un rôle actif de nature à lui confier une connaissance ou un
contrôle des données stockées. S’il n’a pas joué un tel rôle, ledit prestataire ne peut être
tenu responsable pour les données qu’il a stockées à la demande d’un annonceur à
moins que, ayant pris connaissance du caractère illicite de ces données ou d’activités de
cet annonceur, il n’ait pas promptement retiré ou rendu inaccessibles lesdites données.”

Il ressort de cette jurisprudence dite AdWords que la Cour s’éloigne un peu des textes législatifs appicables. Bien que consciente de l’importance de la marque et des ses fonctions économiques et publicitaires, il semblerait qu’elle ait préféré privilégier dans son interprétation des textes la libre concurrence sur internet.

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Moreau de Bellaing  
La CJCE autorise un annonceur de faire de la publicité à partir d’un mot clé identique d’une autre marque tant que l’internaute sait de quelle entreprise les produits/services proviennent, il faut éviter toute confusion. La CJCE a par ailleurs exigé que le titulaire de la marque prouve qu’il existe un risque de confusion entre les deux sociétés. Cela a été…
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La CJCE autorise un annonceur de faire de la publicité à partir d’un mot clé identique d’une autre marque tant que l’internaute sait de quelle entreprise les produits/services proviennent, il faut éviter toute confusion. La CJCE a par ailleurs exigé que le titulaire de la marque prouve qu’il existe un risque de confusion entre les deux sociétés. Cela a été développé par les arrêts de la CJUE du 23 mars 2010, la société Google a été considéré comme ne faisant pas un usage à titre de marque lorsqu’elle propose à des annonceurs de réserver ces marques via son système de régie publicitaire Adwords. Considérant que le concurrent n’apportait pas la preuve contraire de ce que son référencement serait dû à la réservation de la marque et dénomination sociale mais d’une requête large sur un terme générique contenu dans les signes distinctifs. Il a été jugé que l’utilisation d’une marque ou de la dénomination sociale d’un concurrent comme mot clé dans le système de référencement Adwords n’est pas fautif en soi.

La CJCE a dit pour droit : « le titulaire d’une marque est habilité à interdire à un annonceur de faire, à partir d’un mot clé identique à ladite marque que cet annonceur a sans le consentement dudit titulaire sélectionné dans le cadre d’un service de référencement sur Internet, de la publicité pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels ladite marque est enregistrée, lorsque ladite publicité ne permet pas ou permet seulement difficilement à l’internaute moyen de savoir si les produits ou les services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d’un tiers ».

L’utilisation du nom d’une autre société par son concurrent à titre de mots clés dans le système de référencement Adwords ne caractérise pas plus aux yeux de la CJCE un acte de concurrence déloyale ou de parasitisme économique, uniquement si cet usage n’engendre pas un risque de confusion dans l’esprit des internautes sur l’origine des produits/services.

Toutefois, la position de la CJCE nous paraît contestable. En effet, quel est l’intérêt pour une société d’utiliser un mot clé d’un concurrent si ce n’est que pour détourner sa clientèle ? Un nouveau entrant sur le marché utilisant un mot clé de son concurrent, ne profiterait il pas de cette marque plus connue pour se développer lui même ? En effet, un consommateur recherchant une marque sur internet le fait car celle-ci a déjà fait un effort considérable de reconnaissance pour le public, la marque a mis des moyens en œuvre pour se faire connaître. Il serait plus efficace de protéger ces titulaires et de valoriser leurs efforts à faire connaître et reconnaître leur marque.

Le législateur, quant à lui, a voulu sanctionner l’usage d’une marque identique sans autorisation de son titulaire. On retrouve cela à travers l’article 5 de la directive sur l’harmonisation du droit des marques et l’article 9 du règlement sur la marque communautaire qui définissent l’étendue du droit de marque en spécifiant à quelles conditions on peut interdire l’usage d’un signe protégé.

Dès lors, il est clairement indiqué que sauf autorisation du propriétaire, sont interdits la reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour des produits/services identiques à ceux désignés dans l’enregistrement.

Le législateur a voulu sanctionner l’usage d’une marque identique sans l’autorisation de son titulaire ainsi que l’usage d’une marque identique accompagné de termes permettant de préciser qu’il ne s’agit pas des produits authentiques mais de produits provenant de concurrents.

De plus, ne pourrait-on pas considérer que la simple utilisation d’une marque d’un concurrent en tant que mot clé constitue une confusion dans l’esprit de l’internaute ? Car l’internaute, lorsqu’il effectue une recherche sur un produit déterminé, tape la marque du produit dans le moteur de recherche. Il peut donc raisonnable s’attendre à ce qu’on lui présente uniquement les sites vendant cette marque et non des produits concurrents. Pour nous, cela constitue donc une confusion dans l’esprit de l’internaute car il ne peut pas savoir si les produits/services visés par l’annonce proviennent réellement du titulaire de la marque. En effet, s’il peut être légitime, dans l’exercice du libre jeu de la concurrence, de proposer des alternatives aux internautes à la recherche d’une marque, il n’en demeure pas moins que des limites doivent être fixées dans l’utilisation de la marque appartenant à un tiers, particulièrement lorsque cette marque jouit d’une certaine notoriété.

La jurisprudence actuelle sur l’utilisation de ces Adword n’est pas favorable aux titulaires de droits ce qui peut paraître critiquable.

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Alain Strowel

Il est difficile de partager votre remarque: “quel est l’intérêt pour une société d’utiliser un mot clé d’un concurrent si ce n’est que pour détourner sa clientèle”. Un nouvel entrant sur le marché est toujours préjudiciable à l’entreprise déjà installée mais ne constitue pas pour autant un acte de concurrence déloyale/à proscrire.

Marina DALLAPICCOLA, Ludivine GRÉGOIRE, Julie JANSEMME, Olivier SIMONS, Nathalie TARANTI, Marie VESCERA  
L’application du droit des marques est soumise aux articles 5 de la directive 2008/95/CE et 9 du règlement 207/2009/CE sur la marque communautaire. Ces différents textes confèrent un droit exclusif au titulaire du droit de marque, mais ce droit est limité à certains usages. Il diffère totalement du droit de propriété que l’on retrouve à l’article 544 du Code civil.…
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L’application du droit des marques est soumise aux articles 5 de la directive 2008/95/CE et 9 du règlement 207/2009/CE sur la marque communautaire. Ces différents textes confèrent un droit exclusif au titulaire du droit de marque, mais ce droit est limité à certains usages. Il diffère totalement du droit de propriété que l’on retrouve à l’article 544 du Code civil. Le titulaire du droit de marque « peut interdire de faire usage dans la vie des affaires ; a) d’un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée et b) d’un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque et le signe, il existe dans l’esprit du public, un risque de confusion qui comprend le risque d’association entre le signe et la marque ». Est-ce que le service « AdWords » proposé par Google viole ces dispositions ? Selon la Cour de Justice des Communautés européennes, il faut que l’usage reproché de la marque porte atteinte ou soit susceptible de porter atteinte aux fonctions essentielles de la marque. Les fonctions essentielles étant la fonction d’identification de l’origine des produits avec pour conséquence, une fonction de garantie de la qualité des produits, une fonction de publicité et enfin, une fonction d’investissement.

Dans ses différents arrêts, la Cour de Justice rappelle qu’il y a atteinte à la fonction essentielle de la marque lorsqu’il n’est pas possible pour un internaute « normalement informé et raisonnablement attentif de savoir si les produits ou les services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci ou au contraire, au tiers ». La Cour permet de cette manière que la concurrence entre les acteurs économiques puisse opérer et permet aussi une offre plus variée pour les consommateurs. En effet, le fait de rechercher une marque dans le moteur de recherche et de trouver d’autres offres de marques pour des produits similaires provenant d’autres sites, et donc d’autres acteurs commerciaux, participe au jeu de la concurrence auquel tout acteur économiquement actif sur le territoire de l’Union européenne doit se plier. Ces techniques seront prohibées lorsqu’il y aura un risque de confusion pour le consommateur moyen puisqu’il y aura alors atteinte à une fonction essentielle de la marque qui est celle d’identification de l’origine des produits et services. C’est ce qui a été décidé dans l’arrêt Interflora car la Cour a considéré qu’il y avait un risque de confusion important pour le consommateur avec la société Marks & Spencer, le consommateur pouvait penser que cette dernière faisait partie du réseau commercial d’Interflora car l’origine de la société de distribution de fleurs Marks & Spencer n’était pas très claire. La jurisprudence telle qu’exposée dans cette affaire nous paraît conforme à la législation européenne dans la mesure où les usages portant clairement atteinte à la marque sont prohibés. Seuls sont autorisés les usages permis par le droit de la concurrence, qui est assez marqué en Europe (publicités comparatives autorisées, etc.).

En ce qui concerne la fonction de publicité, la Cour considère qu’il n’y a pas atteinte à cette fonction spécifique, et ce, même dans le cas où le titulaire de la marque doit payer davantage que ses concurrents pour figurer dans le haut de la liste lorsque l’on insère le nom de la marque dans le moteur de recherche. Cette décision nous paraît un peu plus contestable dans la mesure où il doit verser de l’argent pour contrer ses concurrents dans l’usage de sa propre marque. Le titulaire de la marque devrait figurer en haut de la liste dès le début et ne devrait pas avoir à payer pour figurer dans le haut du classement. Nous sommes, sur ce point, en accord avec Emmanuel CORNU, l’atteinte à la fonction de publicité est bien présente dans ce cas.

Enfin, la fonction d’investissement permet à la marque de créer et de conserver des clients, il y a là un objectif de fidélisation de la clientèle. La Cour de Justice suit le même raisonnement que pour la fonction d’origine et considère qu’il n’y aura atteinte à la fonction d’investissement que si l’usage intervient dans des conditions de concurrence déloyale et que la fonction d’indication d’origine de la marque n’est pas respectée. Encore une fois, nous sommes d’accord avec cette interprétation, car en respectant les deux conditions de respect de l’indication d’origine et du respect du droit de la concurrence, les articles 5 de la directive 2008/95/CE et l’article 9 du règlement 207/2009/CE sont, selon nous, respectés.

Pour ce qui est des marques renommées, la Cour de Justice considère qu’il y aura atteinte au pouvoir distinctif de la marque si on utilise le système de référencement pour vendre des imitations et contrefaçons de produits et services. Dans le cas contraire, la Cour laisse libre cours à la libre concurrence et favorise celle-ci au détriment de la protection du signe distinctif. Nous ne pensons pas que cette jurisprudence viole les textes européens. En effet, ces derniers n’offrent pas de protection absolue aux différents titulaires de droit de marques. Ils sont protégés contre certains usages, mais le référencement Internet n’étant pas expressément visé par les textes, il faut s’en référer à l’appréciation de la Cour de Justice qui tente au mieux de mettre les différents intérêts en balance. Il faut tenir compte des intérêts des titulaires de la marque, mais également de l’intérêt des consommateurs, des producteurs ou encore des distributeurs.

Nous considérons donc que la jurisprudence de la Cour de Justice est conforme aux textes en vigueur et qu’il convient de reconnaître comme parfaitement légal le système de référencement AdWords, pour autant qu’il n’y ait pas d’atteinte aux différentes fonctions de la marque, qu’elle soit nationale ou communautaire.

* * *

Marina DALLAPICCOLA
Ludivine GREGOIRE
Julie JANSEMME
Olivier SIMONS
Nathalie TARANTI
Marie VESCERA

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Pierre Humblet, Géraldine Struyf et Maité Zambrano Braun  
Selon les articles 5 de la directive 2008/95/CE et 9 du règlement 207/2009, le titulaire d’une marque communautaire est habilité à interdire tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage d’un signe identique à cette marque ou pour lequel il existe un risque de confusion dans l’esprit du public, lorsque cet usage : (1) a lieu dans la…
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Selon les articles 5 de la directive 2008/95/CE et 9 du règlement 207/2009, le titulaire d’une marque communautaire est habilité à interdire tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage d’un signe identique à cette marque ou pour lequel il existe un risque de confusion dans l’esprit du public, lorsque cet usage : (1) a lieu dans la vie des affaires, (2) est fait pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, et (3) porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque.

Dans chacun de ses arrêts, la CJUE va tenter de définir, au vu des trois conditions susmentionnées, si l’emploi de signes correspondant à des marques en tant que mots clés ayant pour objet et pour effet de déclencher l’affichage de liens promotionnels vers des sites sur lesquels sont proposés des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels lesdites marques sont enregistrées constitue, oui ou non, une atteinte à ladite marque.

Dans les arrêt Google c. Louis Vuitton Malletier SA du 23 mars 2010 et Portakin Ltd c. Primakabin BV du 8 juillet 2010 , la Cour décide que « le titulaire d’une marque est habilité à interdire à un annonceur de faire, à partir d’un mot clef identique à ladite marque que cet annonceur a sans le consentement dudit titulaire sélectionné dans le cadre d’un service de référencement sur Internet, de la publicité pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels ladite marque est enregistrée, lorsque ladite publicité ne permet pas ou permet seulement difficilement à l’internaute moyen de savoir si le produits ou les services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d’un tiers ».

Dans son argumentation, la Cour confirme que la sélection d’un signe identique à une marque en tant que mot clé par un concurrent du titulaire de la marque dans le but de proposer aux internautes une alternative par rapport aux produits ou aux services dudit titulaire est bel et bien un usage dudit signe pour les produits ou les services dudit concurrent. Cela dit, elle choisit de limiter la protection de la marque à la seule hypothèse du risque de confusion avec le produit d’origine.

De plus, dans l’arrêt Google, la Cour opère une distinction avec le prestataire d’un service de référencement sur Internet qui stocke en tant que mot clé un signe identique à une marque et organise l’affichage d’annonces à partir de celui-ci. Selon elle, ce prestataire ne fait pas usage de ce signe au sens des articles 5 de la directive 2008/95/CE et 9 du règlement 207/2009.

En outre, la Cour attire l’attention sur les différentes fonctions de la marque. Parmi celles-ci, on retrouve notamment les fonctions d’indication d’origine, celles garantissant la qualité du produit ou service, celles de communication, d’investissement ou de publicité. La Cour dit que le titulaire de la marque ne saurait s’opposer à l’usage d’un signe identique à la marque, si cet usage n’est susceptible de porter atteinte à aucune des fonctions de celle-ci. A cet égard, elle soutient qu’ « il n’y a atteinte à la fonction d’indication d’origine de la marque lorsque l’annonce ne permet pas ou permet seulement difficilement à l’internaute normalement informé et raisonnablement attentif de savoir si les produits ou les services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’un entreprises économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d’un tiers ».

A la lecture de ces arrêts, on remarque donc que la protection accordée au titulaire d’une marque n’est pas aussi étendue que ce que les articles 5 de la directive 2008/95/CE et 9 du règlement 207/2009 pourrait permettre en matière de services payants tels que les AdWords. La Cour a décidé de limiter cette protection à certains cas bien définis, en insistant particulièrement sur le fait qu’il est essentiel que l’information communiquée aux consommateurs ne crée pas de confusion.

Dans l’arrêt Interflora Inc. c. Marks & Spencer plc du 22 septembre 2011, la Cour dit que « le titulaire d’une marque est habilité à interdire à un concurrent de faire, à partir d’un mot clef identique à cette marque que ce concurrent a, sans le consentement dudit titulaire, sélectionné dans le cadre d’un service de référencement sur Internet, de la publicité pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels ladite marque est enregistrée, lorsque cet usage est susceptible de porter atteinte à l’une des fonctions de la marque ». Elle spécifie qu’ « un tel usage : (1) porte atteinte à la fonction d’indication d’origine de la marque lorsque la publicité affichée à partir dudit mot clé ne permet pas ou permet seulement difficilement à l’internaute normalement informé et raisonnablement attentif de savoir si les produits ou les services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d’un tiers ; (2) ne porte pas atteinte à la fonction de publicité de la marque ; (3) porte atteinte à la fonction d’investissement de la marque s’il gêne de manière substantielle l’emploi, par ledit titulaire, de sa marque pour acquérir ou conserver une réputation susceptible d’attirer et de fidéliser des consommateurs ».

Dans cet arrêt, la Cour se concentre essentiellement sur les différentes fonctions de la marque et les effets qu’un service de référencement sur Internet peut avoir sur ceux-ci. Elle soutient que le titulaire d’une marque renommée (in casu, interflora) doit être habilité à interdire à un concurrent de faire de la publicité à partir d’un mot clef correspondant à cette marque lorsqu’il tire ainsi un profit indu de la renommée de cette marque (ce qu’on appelle « parasitisme ») ou lorsque cette publicité porte préjudice à cette renommée (ce qu’on appelle « ternissement »). A contrario, la Cour précise que les publicités affichées par des concurrents qui n’ont aucun de ces effets ne peuvent être sanctionnés d’interdiction par le titulaire de la marque.

Ainsi, la protection accordée par la Cour sur base des articles 5 de la directive 2008/95/CE et 9 du règlement 207/2009 semble ici plus large que dans les arrêts précédents. La Cour, tout en n’interdisant pas la pratique consistant à acheter des AdWords constitués de marques de tiers, permet au titulaire d’une marque d’interdire – sans qu’il y ait nécessairement confusion dans le chef du consommateur – toute publicité qui aurait un impact sur la renommée ou le caractère distinctif de sa marque. Cela dit, cette jurisprudence ne fait que confirmer la jurisprudence bien établie qui offre une protection plus large aux marques renommées qu’aux marques ordinaires.

A la lecture de ces différents arrêts, l’opinion d’Emmanuel Cornu dans son article « Usage de la marque d’un tiers et systèmes de référencement sur internet » paru au J.T.T me semble en grande partie fondée. En effet, bien qu’il se réjouisse que, par l’intermédiaire de ces arrêts, la Cour ait formellement reconnu les fonctions économiques et publicitaires de la marque, il regrette de constater qu’elle a « allégrement sacrifiés ces fonctions au nom du libre jeu de la concurrence sur l’internet ». Il se plaint en outre de l’incompatibilité de ces décisions avec la volonté du législateur européen, qui mentionne très clairement dans le considérant 11 de la directive 2008/95/CE que « la protection conférée par la marque enregistrée, dont le but est notamment de garantir la fonction d’origine de la marque, devrait être absolue en cas d’identité entre la marque et le signe et entre les produits ou services ».

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Alain Strowel

Votre commentaire a été bien reçu à temps, sorry pour un petit bug dans wordpress. Essayez de prendre plus de distance par rapport aux sources citées, donc moins de citations et une écriture plus spontanée en dépit de la haute technicité de la matière. Merci

Danneels Sylvain  
Selon Emmanuel Cornu, « la jurisprudence de la Cour … conduit à des conséquences étonnantes tant au regard du libellé des articles 5 de la Directive et 9 du Règlement que de l’intention du législateur de l’Union ». En effet, la jurisprudence de la Cour ajoute une condition d’application à l’article 5, §1, a) de la DIRECTIVE 2008/95/CE DU PARLEMENT EUROPÉEN…
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Selon Emmanuel Cornu, « la jurisprudence de la Cour … conduit à des conséquences étonnantes tant au regard du libellé des articles 5 de la Directive et 9 du Règlement que de l’intention du législateur de l’Union ».
En effet, la jurisprudence de la Cour ajoute une condition d’application à l’article 5, §1, a) de la DIRECTIVE 2008/95/CE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres sur les marques.

Cet article est énoncé comme suit : « 1. La marque enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires:

a) d’un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée. »

Le libellé de l’article est clair, le titulaire du droit de marque peut interdire à tout tiers l’utilisation d’un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée.
Mais la Cour a ajouté une condition d’application à cet article. En effet, il convient selon elle de vérifier si l’usage attaqué est de nature à « accréditer l’existence d’un lien matériel dans la vie des affaires entre les produits ou services concernés et le titulaire de la marque ».
Ainsi, il y a atteinte à la fonction d’identification de la marque lorsque « l’annonce ne permet pas ou permet difficilement à l’internaute normalement informé et raisonnablement attentif, de savoir si les produits ou services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci ou au contraire d’un tiers. »

Par ailleurs, lorsque l’annonce du tiers, tout en ne suggérant pas l’existence d’un lien économique, reste à un tel point vague sur l’origine des produits ou des services en cause qu’un internaute normalement informé et raisonnablement attentif n’est pas en mesure de savoir, sur la base du lien promotionnel et du message commercial, qui y est joint, si l’annonceur est un tiers par rapport au titulaire de la marque, ou bien au contraire, économiquement lié à celui-ci, il convient de conclure qu’il y a également atteinte à la fonction d’indication d’origine de la marque.

Or, le onzième considérant de la directive précise que : « La protection conférée par la marque enregistrée, dont le but est notamment de garantir la fonction d’origine de la marque, devrait être absolue en cas d’identité entre la marque et le signe et entre les produits ou services ». Cet ajout n’est donc manifestement pas conforme au texte de la directive.

Par contre, cette notion d’une « possibilité d’accréditer l’existence d’un lien matériel dans la vie des affaires entre les produits ou services concernés et le titulaire de la marque » peut très bien être retenue comme une condition d’application de l’article 5, §1, b) de la directive. (Qui concerne l’usage d’un signe non identique à une marque mais similaire et le risque de confusion qui en découle).

Mon avis personnel :

Selon moi, cette condition d’application ajoutée à l’article 5, §1, a) permet à la Cour d’exclure un très grand nombre d’atteintes en cas d’utilisation d’un signe identique à la marque pour un produit ou un service identique. Sans cet ajout dans la jurisprudence de la Cour, c’est vraisemblablement le principe même du système ADWORDS de GOOGLE qui aurait été remis en question.

L’objectif sous-jacent à cet ajout est sans doute de favoriser la libre concurrence sur internet. Mais à trop vouloir favoriser la libre concurrence sur internet au dépend de la protection des marques dans l’intérêt des ayants droits, la Cour a été au-delà de ce que prévoient les articles 5 de la Directive et 9 du Règlement. L’analyse de monsieur Emmanuel Cornu me semble donc correcte et pertinente.

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Alain Strowel

Merci pour votre envoi retrouvé. Très synthétique. Bien d’avoir conclu avec vos propres mots. La question du bon équilibre avec la libre concurrence demeure. L’application automatique de 5, §1, a) aurait empêché non pas le principe des AdWords, mais la réservation d’AdWords correspondant à des marques.

Charlotte Braeckman et Pascaline de Meeûs  
Pascaline de Meeûs et Charlotte Braeckman- IPDIGIT- DEVOIR 3 : « Marque à vendre : les contrats en matière d’Adwords portent-ils atteinte aux fonctions des marques ? » Afin de confirmer ou non la conformité de la jurisprudence Adwords de la CJUE aux textes applicables, il convient d’abord de les énoncer. Ces textes applicables sont l’article 2,20° §1er c de…
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Pascaline de Meeûs et Charlotte Braeckman-
IPDIGIT- DEVOIR 3 : « Marque à vendre : les contrats en matière d’Adwords portent-ils atteinte aux fonctions des marques ? »

Afin de confirmer ou non la conformité de la jurisprudence Adwords de la CJUE aux textes applicables, il convient d’abord de les énoncer. Ces textes applicables sont l’article 2,20° §1er c de la CBPI et l’article 9 §1 c du RMC.

Pour résumer, les articles interdisent à tout tiers « de faire usage dans la vie des affaires, d’un signe identique ou similaire à la marque pour des produits qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, lorsque cette marque jouit d’une renommé à l’intérieur du territoire Benelux et que l’usage du signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ou leur porte préjudice ».
La jurisprudence quant à elle dit que ce mécanisme Adwords est licite et la protection de la marque renommée ne joue pas pour ce service.

La marque renommée est une marque connue d’une part significative du public et celle-ci bénéficie d’une protection plus large qu’une marque ordinaire dans le sens où il n’est pas nécessaire (indispensable) qu’il s’agisse de produits identiques.
Selon les textes applicables, il y a 6 conditions qui doivent être remplies pour qu’il y ait atteinte au droit exclusif du titulaire :
1. Il faut un usage du signe couvert par la marque
2. L’usage doit avoir lieu dans la vie des affaires
3. Le signe utilisé doit être identique ou ressemblant à la marque enregistrée
4. Cette marque doit être renommée
5. L’usage fait doit l’être sans juste motif
6. L’usage de la marque donc doit tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ou porter préjudice au titulaire de la marque

Ce qu’il ne faut pas perdre de vue est qu’il est possible de porter atteinte aux fonctions des marques. En effet, le droit de marque implique plusieurs fonctions, à savoir ; permettre l’identification des produits ou services qui y sont revêtus, la fonction de qualité (intimement lié à la fonction de garantie de provenance), les fonctions économiques de communication, investissement et publicité.

En ce qui concerne la première fonction, il y a atteinte lorsque l’annonce ne permet pas ou permet seulement difficilement à l’internaute normalement informé et raisonnablement attentif de savoir si les produits ou services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement lié à celui-ci, ou, au contraire, d’un tiers.
Pour la fonction de publicité, le titulaire de la marque peut interdire à partir du moment où ça porte atteinte à sa promotion de vente ou à sa stratégie commerciale.
Concernant la fonction d’investissement qui implique d’acquérir ou conserver une réputation susceptible d’attirer ou de fidéliser des consommateurs, la Cour a décrété qu’il ne suffisait pas que le titulaire de la marque soit gêné. Il faut donc que l’usage ne se soit pas fait dans des conditions de concurrence loyale et non respectueuse de la fonction d’indication d’origine de la marque.

D’un point de vue purement personnels, nous partageons l’avis d’Emmanuel Cornu, en ce sens que le service Adwords porte atteinte, non seulement aux fonctions de la marque, mais permet également au concurrent de tirer indument profit de la réputation de la marque enregistrée. Il tente de la sorte, d’attirer un maximum de clientèle en ce compris, celle du concurrent et porte donc atteinte à la fonction d’investissement de la marque. De plus, au regard d’un consommateur moyen, il est évident qu’il associe le produit concurrent au produit originaire de la marque enregistrée, ce qui porte atteinte à la fonction d’identification.

Et pour terminer, ceci reflète difficilement l’intention du législateur qui était de protéger un investissement fourni pour la promotion, l’attraction de clientèle et la réputation d’une marque par son titulaire et certainement pas de favoriser les concurrents en leur permettant de tirer indument profit de cette marque via un service de référencement.

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Pauline Castiaux & Mathieu Goffinet  
Le droit des marques (directive et règlement européens) confère un droit exclusif au titulaire d'une marque et lui permet d'en interdire l'usage à certaines conditions : 1) L'usage de la marque doit avoir lieu dans la vie des affaires 2) L'usage de la marque par le concurrent doit être de nature à désigner des produits ou des services identiques à ceux…
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Le droit des marques (directive et règlement européens) confère un droit exclusif au titulaire d’une marque et lui permet d’en interdire l’usage à certaines conditions :
1) L’usage de la marque doit avoir lieu dans la vie des affaires
2) L’usage de la marque par le concurrent doit être de nature à désigner des produits ou des services identiques à ceux du titulaire de la marque OU doit provoquer un risque de confusion dans l’esprit du public entre les produits ou services du concurrents et ceux du titulaire de la marque

Le risque de confusion ne doit donc, selon la directive, pas nécessairement être établi pour permettre au titulaire d’une marque d’en interdire l’usage par l’un ou l’autre concurrent.

La Cour de Justice ajoute à ces deux conditions une troisième qui stipule que l’usage de la marque par un concurrent doit porter atteinte ou être susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque.

La CJUE a considéré que le système de référencement sur Internet était conforme au droit des marques et que le titulaire d’une marque ne pouvait pas interdire Google de vendre un mot-clé reprenant le nom de la marque. Elle a considéré que Google ne faisait pas usage de la marque puisqu’il n’était qu’un intermédiaire permettant à des annonceurs d’utiliser la marque d’un autre.

Quant à l’usage de la marque par l’annonceur achetant un mot clé contenant le nom de la marque sur un système de référencement sur Internet, il n’est, selon nous, pas répréhensible puisqu’il n’aura pour effet que d’offrir une alternative au consommateur. En effet, le fait d’acheter un mot clé contenant une marque pour avoir la possibilité d’apparaitre sur la même page que les résultats correspondant directement au mot clé recherché par le consommateur, aura seulement pour conséquence de permettre au consommateur de comparer les produits ou services du titulaire de la marque et ceux de l’annonceur ayant acheté le mot clé. A notre sens, l’usage de la marque en achetant un mot clé la contenant ne devrait donc pas être interdit tant qu’il n’existe pas de réel risque de confusion entre les produits ou services du titulaire de la marque et du concurrent, ce qui porterait atteinte à la fonction d’identification d’origine de la marque et doit donc pouvoir être empêché par le titulaire de la marque.

Nous sommes donc d’accord avec le raisonnement de la Cour qui n’a pas suivi au pied de la lettre le droit des marques sur ce point. Nous estimons cependant qu’Internet est une technologie à part et qu’une adaptation de certaines dispositions est nécessaire dans ce cas.

Quant au risque évoqué dans le billet que les moteurs de recherche diminuent la qualité de l’information offerte au public en donnant la possibilité à des annonceurs de payer pour se retrouver en tête des résultats objectifs engendrés par un certain mot clé, nous estimons que ce risque est moindre car le moteur de recherche prendrait le risque de défidéliser ses utilisateurs. En effet, les résultats ne répondraient plus de manière efficace à la recherche effectuée par les consommateurs et cela pourrait porter atteinte à la réputation du moteur de recherche.

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Alain Strowel

Bien d’avoir pris position, notamment en finale sur la contrainte de la pertinence pour la clientèle comme limitation du risque de désinformation. C’est une vaste question de savoir s’il faut réguler pour éviter ce genre de perte de qualité de l’information ou si l’on peut faire confiance aux contraintes du marché et de la clientèle.

Thomas Gougnard
Les contrats en matière d’AdWords portent-ils atteinte aux fonctions des marques? Comme dit dans l’énoncé de la question, seuls les usages réservés par la loi aux titulaires de la marque sont susceptibles d’être interdits aux concurrents. La question est donc de déterminer si en matière d’adwords nous sommes face à une situation protégée ou non. Pour cela, il faut regarder, selon qu’il…
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Les contrats en matière d’AdWords portent-ils atteinte aux fonctions des marques?

Comme dit dans l’énoncé de la question, seuls les usages réservés par la loi aux titulaires de la marque sont susceptibles d’être interdits aux concurrents. La question est donc de déterminer si en matière d’adwords nous sommes face à une situation protégée ou non.

Pour cela, il faut regarder, selon qu’il s’agisse d’une marque communautaire ou non, l’article 5 de la directive sur l’harmonisation du droit des marques (Directive 2008/95/CE) ou l’article 9 du règlement sur la marque communautaire (règlement 207/2009).

Ces articles, qui régissent les droits conférés aux titulaires de marques, conditionnent tout d’abord leur application à la nécessité de se trouver « dans la situation des affaires ». Ce qui est le cas en matière d’adwords, comme la Cour de justice a eu plusieurs fois l’occasion de le préciser (arrêt Interflora, point 30, arrêt Google point 49 et arrêt Bergspechte point 18).

Ces articles conditionnent également leur application à l’utilisation du signe en cause « pour des produits ou des services ». Cela sera toujours le cas pour les annonceurs, conformément à ce que dit la Cour dans les arrêts Interflora (point 31) et Bergspechte (point 19).

Pour le reste, les articles en question établissent trois cas de figure dans lesquels le droit exclusif du titulaire peut s’appliquer : en cas d’identité au niveau des signes et des produits/services en cause, en cas d’identité ou de similitude au niveau des signes et des produits/services en cause et en cas d’identité ou de similitude avec les signes d’une marque renommée.

a) signe et produit/service identiques (article 5, 1, a) de la directive et article 9, 1, a) du règlement)

Dans ce cas-là, selon la Cour de justice, il est nécessaire pour que la protection joue de prouver que l’utilisation du signe porte atteinte aux fonctions de la marque (arrêt Google point 79, arrêt Bergspechte, point 21 et arrêt Interflora, point 34).

Ceci étant, la jurisprudence a établi clairement qu’il suffisait pour que le droit exclusif s’applique qu’il soit porté atteinte à l’une des fonctions de la marque (indication d’origine, publicité ou investissement) et non uniquement à la fonction d’indication d’origine comme certains le laissait penser (arrêt L’Oréal, point 63, arrêt Google point 75 et s., et arrêt Interflora point 38 et s.)

Concernant la fonction d’indication d’origine, il ne sera considéré qu’il y a atteinte à la fonction d’indication d’origine de la marque que « lorsque la publicité affichée à partir dudit mot clé ne permet pas ou permet seulement difficilement à l’internaute normalement informé et raisonnablement attentif de savoir si les produits ou les services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d’un tiers »(arrêt interflora, point 66). Ce faisant, la Cour subordonne donc en réalité l’application de la protection à l’existence d’un lien matériel avec le titulaire de la marque, ce qui n’est pas sans poser problème au regard des dispositions évoquées ci-avant qui, en la matière, prévoient normalement une protection absolue (voir le 11ème considérant de la directive sur l’harmonisation du droit des marques).

Concernant la fonction de publicité, il est admis par la Cour de justice qu’il n’y a pas d’atteinte à celle-ci en matière d’adwords (arrêt Google, point 98, et arrêt Bergspechte, point 33).

Enfin, concernant la fonction d’investissement, il est admis qu’il y a atteinte à celle-ci si l’usage de l’adword « gêne de manière substantielle l’emploi, par le titulaire, de sa marque pour acquérir ou conserver une réputation susceptible d’attirer et de fidéliser des consommateurs » (arrêt Interflora, point 66). Mais il convient de le prouver, car l’utilisation du signe en question n’est pas systématiquement synonyme d’atteinte (arrêt Interflora, point 64 et s.)

b) signe et produit/service similaires (article 5, 1, b) de la directive et article 9, 1, b) du règlement)

Dans ce cas de figure, l’article 5 de la directive et l’article 9 du règlement prévoient la nécessité d’un « risque de confusion » pour l’application de la protection (arrêt Google point 78, et arrêt Bergspechte point 22). C’est normalement cette exigence de risque de confusion qui différencie la situation de similitude et la situation d’identité, qui devrait être protégée de manière plus large. Mais comme nous l’avons signalé, cela n’est plus vraiment le cas depuis que la Cour exige, concernant la fonction d’indication d’origine, un lien économique, critère qui se confond avec celui de « risque de confusion », les deux critères étant appréciés en pratique de la même façon par la Cour de justice.

c) marque renommée (article 5, 2 de la directive et article 9, 1, c) du règlement )

Pour la marque renommée, la protection est plus forte, il n’est pas nécessaire d’y avoir risque de confusion. La simple utilisation du signe suffit, pour autant qu’il tire profit du caractère distinct ou de la renommée de la marque ou lui porte préjudice (arrêt Interflora, point 67 et s. et arrêt l’Oréal point 36 et s.). L’atteinte portée au caractère distinct est appelée dilution, l’atteinte à la renommée est appelée ternissement et le profit indu tiré du caractère distinct ou de la renommée est appelée parasitisme. Une seule de ces atteintes suffit pour que la protection s’applique.

Conclusion

Nous pouvons conclure en disant que l’utilisation d’un signe identique ou similaire à une marque en matière d’adwords n’est pas automatiquement sanctionnée au nom du droit des marques. Alors que les dispositions en la matière laissent penser qu’il y a une protection absolue en cas de double identité, la Cour de justice a décidé de conditionner l’application à une atteinte à l’une des fonctions de la marque, et la pratique a montré que cela n’était possible que concernant la fonction d’indication d’origine et la fonction d’investissement.

Pour ce faire, elle exige qu’il y ait un certain lien économique entre la publicité et la marque. Ce qui revient à confondre le cas de la double identité et le cas où il n’y a que des similitudes, cas qui exige, quant à lui, un « risque de confusion ». Ceci étant, nous ne pouvons qu’abonder dans le même sens qu’E. Cornu, quand il dit que la jurisprudence de la Cour est sans doute allée trop loin dans l’établissement de conditions, en exigeant le même risque de confusion que l’on soit face à la première situation (double identité) ou la deuxième (similitude). En cela elle est sans doute allée plus loin que la volonté du législateur européen, qui prévoyait bien une différence entre les deux situations.

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Laurent Cochaux
“Marques à vendre”: les contrats en matière d’AdWords portent-ils atteinte aux fonctions des marques? Le droit de marque sur internet est très différent de celui applicable au droit de marque « physique ». La problématique ici est celle du référencement sur internet : dans quelle mesure peut-on utiliser des mots clefs représentant des sociétés sans que cela ne soit qualifié d’atteinte…
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“Marques à vendre”: les contrats en matière d’AdWords portent-ils atteinte aux fonctions des marques?

Le droit de marque sur internet est très différent de celui applicable au droit de marque « physique ». La problématique ici est celle du référencement sur internet : dans quelle mesure peut-on utiliser des mots clefs représentant des sociétés sans que cela ne soit qualifié d’atteinte au droit de marque de ces sociétés ?
La principale distinction entre la jurisprudence de la Cour et les textes applicables est que ni l’article 5 de la directive ni l’article 9 du règlement sur la marque communautaire ne précise expressément qu’il est nécessaire que cet usage porte atteinte ou soit susceptible de porter atteinte aux « fonctions de la marque ». Les fonctions de la marque seront très utiles à la Cour afin de rendre ses décisions. Nous citons les critères précédant l’analyse : le service de référencement est considéré comme intermédiaire et est soumis à la loi sur le commerce électronique et l’annonceur qui ne fait qu’offrir une alternative au produits/services sera soumis aux règles relatives aux publicités comparatives.
Les fonctions de la marque joue un rôle important dans la prise de décision de la Cour. Elle en distingue plusieurs : le fonction d’identification, de qualité, économiques (publicitaires, d’investissements),…
A la lecture du texte d’Emmanuel Cornu, on comprend sa conclusion disant que la Cour de Justice avait placé la concurrence sur internet de façon prioritaire à la protection du droit des marques. En effet, on constate que la protection des marques est « absolue » pour le titulaire du droit. Seulement, l’interprétation des textes par la Cour de Justice est plus restrictive. « Selon la Cour la qualification de protection « absolue » doit être mise en perspective au regard des fonctions propres de la marque. » La Cour ne se base plus uniquement sur les textes mais s’adapte aux pratiques. Elle a détourné les textes pour ajouter de façon judicieuse ou non des critères afin de déterminer s’il y a risque de confusion ou non, afin de savoir si il y a signe identique ou non mais plus particulièrement elle a ajouté le critère du lien matériel. L’existence de ce lien matériel est requise en ce qui concerne la fonction d’indication d’origine. En effet, « il y a atteinte à la fonction d’origine lorsque l’annonce ne permet pas ou permet difficilement à l’internaute normalement informé et raisonnablement attentif de savoir si les produits ou les services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci, ou, au contraire, d’un tiers ». La logique de la Cour veut que le consommateur sache s’il a affaire au titulaire de la marque du produit (j’y assimile les entreprises liées à celui-ci) ou à une personne à un tiers (contrefaçon ou seconde main ou concurrent ou …). L’interprétation de la Cour est très large comme pour l’interprétation du risque de confusion. L’interprétation de l’usage ne se fait plus in concreto mais elle prend en compte un risque de création d’un lien indirect avec le titulaire de la marque.

Pour ma part, je pense que la Cour a raison de placer en priorité la concurrence sur internet. Je suis d’accord pour dire qu’il faut de la protection mais je pense que l’utilisation de mots clefs de référencement ne devrait pas faire partie du droit des marques. En effet, il y a une quantité énorme de mots et de marques, il devient presque impossible de savoir qui est le premier à avoir penser à cela ou ceci. Je trouve scandaleux la pratique des gens qui prennent les mots clés des autres mais je ne l’interdirais pas pour autant. En effet, il y a bien des façons pour une entreprise de se faire remarquer ou de se démarquer des autres. Etant économiste en herbe, je pense que le droit à la concurrence est plus bénéfique que le droit aux marques (en l’occurrence ici, le droit à protéger son nom de marque sur internet ou le droit à interdire le référencement d’autres sociétés sous le même mot clé). La concurrence prime sur la publicité faite via internet par l’utilisation des moteurs de recherches. Je comprends l’envie de protéger mais il faut réussir à garder une dynamique dans le monde de la concurrence et de la création d’entreprise. Bien trop souvent, la protection empêche la création et l’innovation. Pour cela, je suis d’accord avec l’interprétation de la Cour. L’article 5 de la directive et l’article 9 du règlement sur la marque communautaire font référence à un usage par un tiers sans consentement du titulaire d’un signe identique à la marque. Cet usage est pour moi très différent sur internet. Une marque apellée « chocolat » pourrait interdire l’utilisation du mot chocolat sur une moteur de recherche ? Improbable. Je trouve qu’il faudrait donc se focaliser sur le site qui utilise des mot qui se réfèrent à des concurrents. Il faudrait simplement s’assurer que ces sites ne dévient/détournent ces informations à mauvais escient (contrefaçon, publicités comparatives abusives,…).

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Isabelle Bertels, Aurélie Burion
La jurisprudence d’AdWords de la CJUE est-elle conforme aux textes applicables ? Tant l’article 5 directive 89/104/CEE sur l’harmonisation du droit des marques (la Directive) que l’article 9 du règlement 207/2009 sur la marque communautaire (le Règlement) confèrent au titulaire d’une marque un droit absolu. Celui-ci est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire…
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La jurisprudence d’AdWords de la CJUE est-elle conforme aux textes applicables ?

Tant l’article 5 directive 89/104/CEE sur l’harmonisation du droit des marques (la Directive) que l’article 9 du règlement 207/2009 sur la marque communautaire (le Règlement) confèrent au titulaire d’une marque un droit absolu. Celui-ci est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage, dans la vie des affaires, (i) d’un signe identique pour des produits ou services identiques à ceux proposés par le titulaire et (ii) d’un signe susceptible de créer, dans l’esprit du public, un risque de confusion, ce qui comprend le risque d’association entre le signe et la marque.

La CJUE, lorsqu’elle est amenée à se prononcer sur la demande d’un détenteur d’interdire un comportement d’un tiers, va plus loin que ce qui est prévu par la loi en exigeant une atteinte, consommée ou juste possible, aux fonctions de la marque. A ce sujet, voy. par exemple les § 75 et suivants de l’affaire Google c. Louis Vuitton Malletier SA e.a. (C-236/08 à C-238/08).

Selon la cour, le droit absolu prévu par la Directive et le Règlement a été octroyé afin de permettre au titulaire de la marque de protéger ses intérêts spécifiques en tant que titulaire de cette marque, c’est-à-dire d’assurer que cette dernière puisse remplir ses fonctions propres. Dès lors, l’exercice de ce droit doit être réservé aux cas dans lesquels l’usage du signe par un tiers porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque. (§ 75 de l’affaire Google c. Louis Vuitton précitée).

Comme le souligne E. Cornu, cette exigence n’est pas précisée expressément dans la législation européenne. La cour semble donc ajouter une condition supplémentaire, et ce faisant, elle se montre plus sévère que la législation en la matière.

Dans les arrêts proposés en lecture, la cour reconnaît généralement les éléments constitutifs légaux, et c’est sur base de l’atteinte à la fonction de la marque qu’elle rejette le recours porté devant elle.

Selon nous, E. Cornu a raison en disant que la jurisprudence de la cour conduit à des conséquences étonnantes au regard de la législation en la matière. Si la volonté du législateur était d’accorder au titulaire du titre un « droit absolu », il nous semble qu’il n’appartient pas à la cour d’ajouter des conditions supplémentaires, et dès lors de se montrer plus sévère.

L’objectif du législateur européen était d’octroyer un droit absolu au détenteur de droit, afin d’interdire un usage, dans la vie des affaires, d’un certain signe qui, associé à certains produits, est susceptible de créer un risque de confusion dans le chef du consommateur (risque de confusion étant, en outre, présumé exister en cas d’usage d’un signe identique pour des produits ou services identiques – article 16 ADPIC). Aucune référence n’est fait quant à l’effet réel que cet usage doit avoir sur le détenteur même.

Nous sommes d’avis que l’usage d’AdWords poursuit potentiellement deux buts : (i) utiliser la marque d’autrui pour s’octroyer un avantage et/ou (ii) utiliser la marque d’autrui afin de nuire à son concurrent. Dans les deux cas, c’est une pratique qui nous apparait contraire à la législation exposée ci-dessus.

Isabelle Bertels et Aurélie Burion

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Colombe Steisel et Inès d'Aspremont
Il existe plusieurs législations en matière de droit des marques. L’application de ces réglementations varie en fonction du type de marque invoqué, celle-ci peut être une marque communautaire ou une marque Benelux. - En Europe, on trouve l’article 5 de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des Etats membres sur la marque ainsi que l’article 9 du…
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Il existe plusieurs législations en matière de droit des marques. L’application de ces réglementations varie en fonction du type de marque invoqué, celle-ci peut être une marque communautaire ou une marque Benelux.
– En Europe, on trouve l’article 5 de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des Etats membres sur la marque ainsi que l’article 9 du règlement 207/2009/CE du 26 février sur la marque communautaire.
– Au Benelux, l’article 5 de la directive a été transposé à l’article 2.20, § 1er, de la Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle.

Ces dispositions sont néanmoins en substance similaires quant à leur conditions d’application.

Ces dispositions confèrent au titulaire d’une marque enregistrée un droit exclusif, lui permettant d’interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires :

– d’un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée ;
– d’un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque et le signe, il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion qui comprend le risque d’association entre le signe et la marque.

Afin que le titulaire de la marque puisse invoquer ces droits lorsqu’il s’agit de l’usage d’un signe identique à sa marque en tant que mot clef d’un service de référencement du type « AdWords », il faut que l’usage reproché soit considéré comme un usage « dans la vie des affaires » au sens de l’article 5 de la directive. Ensuite, il faut de déterminer la personne responsable de cet usage, celui-ci devant intervenir pour distinguer « des produits ou des services ». . Enfin, la Cour de Justice enseigne dans sa jurisprudence qu’il est nécessaire que cet usage porte atteinte ou soit susceptible de porter atteinte aux « fonctions de la marque » (fonction d’identification, fonction d’origine ou fonction de publicité et d’investissement).

C’est justement concernant ces fonctions de la marque que la jurisprudence de la Cour nous semble critiquable au regard des dispositions applicables.

L’usage d’un signe identique à une marque en tant que mot clef dans un service de référencement a été considéré par la Cour comme entrant dans la vie des affaires à partir du moment ou cet usage entre dans le contexte d’une activité commerciale dont l’objectif est d’obtenir un avantage économique. L’usage d’un tel signe en vue de l’affichage d’un lien promotionnel permettant à l’annonceur de vendre ses produits ou services entre bien dans un contexte commercial permettant d’en retirer un avantage commercial.

S’agissant de l’atteinte à la fonction d’identification d’origine d’une marque, lorsqu’est montrée aux internautes, à partir d’un mot clef identique à cette marque, une annonce d’un tiers, la Cour dit qu’il y a atteinte « lorsque l’annonce ne permet pas ou permet seulement difficilement à l’internaute normalement informé et raisonnablement attentif de savoir si les produits ou les services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci, ou, au contraire, d’un tiers » (C.J.U.E., 23 mars 2010, Google, Rec., I, p. 2417, point 84). Selon la Cour, il convient dès lors de vérifier si l’usage attaqué est de nature à « accréditer l’existence d’un lien matériel dans la vie des affaires entre les produits ou services concernés et le titulaire de la marque » (C.J.U.E., Google, précité, point 85).
L’exigence de ce « lien matériel » dégagé par la Cour de justice paraît critiquable. En effet, la cour semble ajouter aux conditions d’application de l’article 5, § 1er, a) de la directive qui précise en son onzième considérant que « cette protection est absolue en cas d’identité entre la marque et entre les produits et services ». Emmanuel Cornu y voit donc une « contradiction entre l’enseignement de la Cour et le texte de la directive ou celui du règlement ». Cette notion doit selon lui être interprétée largement et se distinguer du « risque de confusion » au sens strict.
En outre, la jurisprudence de la Cour reste selon lui « difficilement conciliable avec les exigences de l’article 16 de l’Accord A.D.P.I.C., à la lumière duquel la directive sur les marques doit être interprétée. » L’article 16 dispose qu’ «en cas d’usage d’un signe identique pour des produits ou signes identiques, un risque de confusion sera présumé exister ».

La protection que la Cour a conféré à la fonction de publicité de la marque dans sa jurisprudence en matière d’usage comme mot clef dans un système de référencement reste quant à elle très limitée. En effet, la Cour a, de façon récurrente, considéré que l’usage d’un signe identique à une marque d’autrui dans le cadre d’un service de référencement tel que le service « AdWords » de Google ne porte pas atteinte à cette fonction spécifique de la marque. La Cour reconnaît certes qu’un tel usage peut avoir des répercussions sur l’emploi publicitaire de la marque mais considère cependant qu’il s’agit d’une conséquence inhérente au jeu de la libre concurrence (C.J.U.E., 22 septembre 2011, Interflora, C-323/09, point 57). Cet argument ressortit de la jurisprudence « Interflora » : lorsque le titulaire de la marque inscrit sa propre marque en tant que mot clef auprès du même fournisseur de service de référencement sur internet en vue de faire apparaître une annonce dans la rubrique « liens commerciaux » et que sa marque a également été sélectionnée en tant que mot clef par un de ses concurrents, il sera parfois contraint de payer un prix par un « clic » plus élevé que celui-ci s’il veut voir son annonce apparaître devant celle de son concurrent. Ce mécanisme d’enchérissement sur sa propre marque afin d’éviter que des tiers ne s’en emparent à des fins publicitaires est vu comme une conséquence normale du jeu de la concurrence. Selon Emmanuel Cornu, la position de la Cour est critiquable tant l’atteinte à la fonction publicitaire paraît dans ce cas manifeste.

Concernant l’atteinte à la fonction d’investissement de la marque, à nouveau la Cour s’est montrée peu protectrice et considère que l’usage comme mot clef d’un signe identique à la marque d’un titulaire ne portera atteinte à la fonction d’investissement de la marque que pour autant qu’il n’intervienne pas dans des « conditions de concurrence loyale et respectueuse de la fonction d’indication d’origine de la marque » (C.J.U.E., Interflora, précité). Encore une fois, ce n’est que si cet usage « accrédite l’existence d’un lien matériel entre les produits ou les services de l’annonceur et ceux du titulaire de la marque » que le droit d’interdiction s’appliquera.

Dans l’hypothèse de l’usage d’un signe similaire à une marque comme mot clef dans le cadre d’un système de référencement publicitaire sur internet, il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’il existe un risque de confusion « lorsqu’est montrée aux internautes, à partir d’un mot clé similaire à une marque, une annonce d’un tiers qui ne permet pas ou permet seulement difficilement à l’internaute normalement informé et raisonnablement attentif de savoir si les produits ou les services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d’un tiers ». (C.J.U.E., 25 mars 2010, C-278/08, Die BergSpechte Outdoor Reisen, Rec., p. I-2517, point 39). La Cour reprend alors le même critère que celui qu’elle retient pour « admettre une atteinte à la fonction distinctive de la marque en cas d’usage comme mot clef d’un signe identique à la marque pour désigner des produits identiques » (E., CORNU, Usage de la marque d’un tiers et systèmes de référencement sur Internet, J.T., 2012, p. 825.).
Cependant, au regard du prescrit des articles 5, §1er, a) de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des Etats membres sur la marque et 9, §1er, a) du règlement 207/2009/CE du 26 février sur la marque communautaire, la jurisprudence de la Cour semble, selon E. Cornu, conduire à des conclusions étonnantes, étant entendu qu’aucun de ces articles ne requière ce risque de confusion.

Concernant la marque renommée, celle-ci bénéficie d’une protection plus large et n’exige pas l’existence d’un risque de confusion. Trois types d’atteinte sont protégés :
– le risque d’une atteinte portée à son caractère distinctif ou la dilution
– le risque d’atteinte à sa renommée et le ternissement
– le risque qu’il soit indument tiré profit du caractère distinctif ou de la renommée de cette marque.
La Cour a eu à plusieurs reprises l’occasion de se positionner quant à l’usage d’un signe identique ou similaire à une marque renommée dans un système de référencement. Dans son arrêt L’Oréal c. Bellure la Cour considère que « lorsqu’un tiers tente par l’usage d’un signe similaire à une marque renommée de se placer dans le sillage de celle-ci afin de bénéficier de son pouvoir d’attraction, de sa réputation et de son prestige, ainsi que d’exploiter, sans aucune compensation financière et sans devoir déployer des efforts propres à cet égard, l’effort commercial déployé par le titulaire, le profit résultant de cet usage doit être considéré comme indument tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque » (E.CORNU,“Usage de la marque d’un tiers et systèmes de référencement sur Internet”, J.T., 2012, p. 825). Cependant, cette protection ne sera valable seulement dans les cas ou des annonceurs font usage de ce signe similaire dans un service de référencement afin de proposer des imitations des produits offerts par le titulaire de la marque renommée. Cette protection a donc une portée assez limitée, car la Cour fait prévaloir la liberté de concurrence sur les droits que confère cette marque renommée à son titulaire. De fait, si la publicité affichée par l’annonceur à l’aide d’un mot clef correspondant à une marque renommée ne fait que présenter une alternative aux produits et services proposés par le titulaire de la marque renommée, cette protection ne jouera pas, dans la mesure ou cet usage ne cause pas une dilution ou un ternissement et ne porte pas atteinte aux fonctions de cette marque renommée.
La Cour a également considéré, dans son arrêt Interflora, que l’utilisation d’un mot clef correspondant à une marque dans un système de référencement n’est pas de nature à entrainer à une dégénérescence de la marque ou à mettre en péril la capacité distinctive de la marque.
A nouveau, dans cet arrêt la Cour fait primer la liberté de concurrence sur les droits du titulaire de la marque.

Le droit des marques s’applique également aux places de marché en ligne. Dans ces marchés en ligne, il y a d’une part les exploitants et les clients de l’exploitant.

Si l’exploitant d’une place de marché en ligne fait usage, dans un système de référencement, d’un mot clef correspondant à la marque d’un tiers, afin de « promouvoir des produits mis en ventes par ses clients sur son site de marché en ligne » (E.CORNU,“Usage de la marque d’un tiers et systèmes de référencement sur Internet”, J.T., 2012, p. 826), il risque de voir son usage limité par la protection du titulaire de la marque si cette publicité ne permet pas « ou permet seulement difficilement à l’internaute normalement informé et raisonnablement attentif de savoir si lesdits produits proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci » (E.CORNU,“Usage de la marque d’un tiers et systèmes de référencement sur Internet”, J.T., 2012, p. 826). La Cour a souligné l’importance de la publicité et de la transparence des annonces et ce afin de communiquer l’identité de l’exploitant et d’informer l’internaute que « les produits de marque faisant l’objet de l’annonce sont mis en vente au moyen de la place de marché » (E.CORNU,“Usage de la marque d’un tiers et systèmes de référencement sur Internet”, J.T., 2012, p. 826).

Il sera par contre plus difficile pour le titulaire d’une marque de faire valoir ses droits à l’encontre d’un vendeur, ayant recours au site de marché en ligne. En effet, si ce vendeur est une personne physique et que l’usage qu’il fait ne se situe pas dans le cadre d’une activité commerciale, l’usage ne pourra pas être considéré comme étant un “usage de la vie des affaires” et la législation relative à la protection des marques ne trouve dès lors pas à s’appliquer.

Pour conclure, nous partageons l’avis de l’auteur qui considère que la jurisprudence de la Cour de justice conduit à des conséquences étonnantes tant au regard du libellé des articles 5 de la Directive et 9 du Règlement que de l’intention du législateur de l’Union. En effet, comme nous l’avons analysé ci-dessus, la Cour semble ajouter des conditions aux textes du législateur européen dans le but, chaque fois, de privilégier le droit de la concurrence économique aux droits du titulaire de la marque de sorte que celui-ci ne bénéficie plus d’une protection absolue, exclusive comme le lui reconnaissent les articles 5 de la Directive et 9 du Règlement.

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Hennebicq Marine
Les articles 5 de la directive 2008/95/CE et 9 du règlement 207/2009/CE confèrent une protection absolue en matière de marque en cas d'identité et en cas de risque de confusion entre un signe utilisé pour une marque et pour d'autres produits et services. Qu'est-ce que cela signifie exactement? La Cour, afin d'appliquer ces articles, va vérifier si le fait…
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Les articles 5 de la directive 2008/95/CE et 9 du règlement 207/2009/CE confèrent une protection absolue en matière de marque en cas d’identité et en cas de risque de confusion entre un signe utilisé pour une marque et pour d’autres produits et services. Qu’est-ce que cela signifie exactement? La Cour, afin d’appliquer ces articles, va vérifier si le fait d’utiliser un mot clé appartenant à un concurrent pour faire de la publicité pour ses propres produits est de nature à laisser penser qu’il existe un lien matériel entre les produits et les services proposés et la marque.

Selon l’auteur de l’article “Usage de la marque d’un tiers et systèmes de référencement sur internet” cette démarche n’est pas conforme à ce que les deux articles précités prescrivent. En effet, il considère qu’on ne peut pas assimiler le risque de confusion, qui doit s’interpréter de manière stricte, avec l’existence d’un lien matériel, qui doit lui s’interpréter largement. Selon lui, cela reviendrait à mélanger les conditions a) et b) de ces deux articles. Le point a) implique selon lui qu’il soit établi un lien direct ou indirect avec le titulaire de la marque alors que le point b) nécessite un risque de confusion.

Cependant, bien que le législateur ait distingué deux conditions différentes dans ces articles, ces deux points doivent être compris comme une seule condition. En effet, le fait que des produits et services soient identiques à une marque entraîne dans l’esprit du consommateur moyen un risque de confusion et le fait qu’il y ait une confusion dans l’esprit du consommateur va lui laisser croire que les produits et services sont identiques à ceux proposés par la marque. Il s’agit donc de deux facettes différentes d’une même condition, l’une impliquant nécessairement l’autre.

Dès lors, la jurisprudence de la Cour ne semble pas contraire à ce qui est prescrit par les articles 5 et 9 lorsqu’elle considère qu’il faut établir l’existence d’un lien matériel pour vérifier s’il existe une identité ou un risque de confusion entre des produits et des services et une marque. L’existence d’un lien matériel énonce en une seule condition les deux facettes des points a) et b) des deux articles.

L’interdépendance qui existe entre les deux facettes des articles 5 et 9 est d’ailleurs confirmée par l’article 16 de l’Accord A.D.P.I.C. qui mentionne qu’ « en cas d’usage d’un signe identique pour des produits ou services identiques, un risque de confusion sera présumé exister ». Comme dit précédemment, l’un implique l’autre. L’identité implique la confusion et, bien que l’inverse ne soit pas mentionné dans cet article, la confusion entraîne l’identité.

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Quentin Dumont de Chassart, Loïc Dupont, Yves-Alexandre Hubert  
L’Oréal c. Bellure : Par cet arrêt, la cour a reconnu que la marque avait une valeur économique et qu’il ne s’agissait pas uniquement d’un signe distinctif du produit. On constate dans le règlement et la directive qu’il est fait un lien entre la marque et le type de service ou de produit qu’elle désigne. Cependant, l’arrêt l’Oréal c. Bellure semble…
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L’Oréal c. Bellure :

Par cet arrêt, la cour a reconnu que la marque avait une valeur économique et qu’il ne s’agissait pas uniquement d’un signe distinctif du produit.

On constate dans le règlement et la directive qu’il est fait un lien entre la marque et le type de service ou de produit qu’elle désigne. Cependant, l’arrêt l’Oréal c. Bellure semble mettre en évidence une exception à ce principe, basé sur la renommée d’une marque, qui rend celle-ci indisponible même pour désigner un produit ou service d’un autre type.
Bellure tente d’exploiter la renommée de l’Oréal sans devoir déployer des efforts propres et sans fournir de compensation financière à cette dernière (parasitisme).
Ceci illustre bien le fait que la valeur de la marque ne se limite pas à la valeur du produit qu’elle représente et qu’elle en possède une propre, liée notamment à l’image qu’elle véhicule.

Interflora c. Marks & Spencer :

M&S va payer un moteur de recherche pour pouvoir avoir une place de choix dans les publicités qui apparaissent lorsqu’un internaute tape « interflora » sur celui-ci. Ceci porte atteinte au caractère distinctif de cette marque, cette dernière risquant d’être dénaturée en un terme générique (dilution).
Cependant, la Cour ne va pas suivre cette thèse défendue par Interflora et fera primer le principe de la libre concurrence sur internet.

Or il ressort du règlement et de la directive que « Le titulaire (d’une marque) est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires (…) d’un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque communautaire et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque communautaire et le signe, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public ».
On peut ici conclure qu’il y a bien un risque de confusion et que donc, selon ces dispositions, Interflora pourrait s’opposer à l’utilisation par M&S de sa marque. La solution de la Cour semble donc aller à l’encontre de ce que prévoient ces dispositions.

Louis Vuitton Malletier c. Google :

LV agi contre Google car lorsqu’un internaute tapait les mots clés relatifs au maroquinier, des liens renvoyaient vers des sites offrant des imitations des produits. De plus, lorsque ces mots clés étaient introduit dans le moteur de recherche, son générateur proposait comme mot associés des termes comme « faux », « imitations » et « répliques ».
Google a été condamné pour contrefaçon de marque en première instance. En appel, condamné pour concurrence déloyale pour usage du nom commercial LV. La cour a en effet estimé qu’il y avait un risque de confusion pour un consommateur normalement attentif.

De plus, Google a été condamné pour publicité trompeuse en raison du fait que ces sites de ventes d’imitations des produits apparaissaient comme s’ils étaient en rapport avec le site officiel du maroquinier. De plus, elles n’étaient pas clairement identifiées et rien n’indiquait pour qu’elle personne (physique ou morale) elles étaient réalisées.

Viaticum et Lutéciel c. Google :

Viaticum et Lutéciel avaient assigné Google en raison du fait que lorsqu’un internaute tapait leurs marques sur le moteur de recherche, des liens commerciaux de concurrents apparaissaient.
En première instance, Google a été condamnée pour contrefaçon de marque.
En appel, une différence a été opérée entre l’annonceur concurrent qui était l’auteur principal de la contrefaçon et le moteur de recherche qui était son complice. Le juge d’appel a donc estimé que Google n’avait pas fait usage de la marque mais qu’il était responsable sur le plan civil.

CNRRH c. Google

Le titulaire d’une marque «Eurochallenges» et son licencié, la société CNRRH, agence matrimoniale en ligne ont assigné conjointement Google et des annonceurs concurrents pour contrefaçon de marque.
En première instance et en appel, les juges vont condamner les annonceurs et l’intermédiaire pour usage illicite de la marque, ne faisant donc plus la distinction faite lors de l’arrêt de la cour d’appel dans le cadre de l’affaire Viaticum et Lutéciel c. Google.

Position de la CJUE :

Pour ces trois affaire, Google avait introduit des recours en cassation, dans le cadre desquels des questions d’interprétation des dispositions européennes ont été posées à la CJUE.

Celle-ci sépare son raisonnement entre la responsabilité de Google d’une part, et la responsabilité de l’annonceur d’autre part, comme cela avait été fait en appel lors de l’affaire Viaticum et Lutéciel c. Google.
Selon elle, Google a fait usage des marques mais ne l’a pas fait pour son propre compte, il ne peut donc pas être condamné pour cet usage.
Par contre, elle reste floue sur la question de savoir s’il peut l’être pour complicité ou pour concurrence déloyale.

Par rapport aux dispositions européennes, on voit que la Cour introduit une condition supplémentaire qui est que, pour être condamné, il faut que le moteur de recherche utilise la marque pour son propre compte. On peut donc considérer que cela va à l’encontre de ces dispositions puisque celles-ci n’exigent nullement qu’une telle condition soit remplie pour obtenir condamnation.

Portakabin c. primakabine

Cet arrêt met en évidence le fait que pour constater une atteinte à la fonction d’indication d’origine d’une marque, les caractéristiques généralement connues du marché sont pertinentes pour apprécier la possibilité d’un lien entre le titulaire de la marque et une entreprise qui lui est économiquement liée, ou au contraire d’un tiers. A cet égard, l’arrêt établit, à propos de la vente de produits d’occasions, revêtus d’une marque, qu’un consommateur moyen est familier à cette forme de commerce. Dès lors, il semble qu’on apprécie avec plus de sévérité le risque de confusion visé par les dispositions européennes.

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Alain Strowel

Merci, essayez de lier quelques arguments en offrant un commentaire général au-delà de la revue des décisions, l’une après l’autre.

Gil Suarez Anthony
« AdWords est le nom du système publicitaire du moteur de recherche Google. Celui-ci affiche des annonces ou bannières publicitaires, qui sont ciblées en fonction des mots-clés que tape l'internaute ou en fonction de son comportement de navigation. Les annonceurs paient lorsque l'internaute clique sur la publicité selon un système d'enchère et de qualité : plus l'annonce sera pertinente pour l'utilisateur,…
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« AdWords est le nom du système publicitaire du moteur de recherche Google. Celui-ci affiche des annonces ou bannières publicitaires, qui sont ciblées en fonction des mots-clés que tape l’internaute ou en fonction de son comportement de navigation.
Les annonceurs paient lorsque l’internaute clique sur la publicité selon un système d’enchère et de qualité : plus l’annonce sera pertinente pour l’utilisateur, plus le prix au clic sera bas et l’annonce en évidence. Ceci afin d’inciter les publicitaires à fournir des renseignements pertinents par rapport à la demande de l’utilisateur.
« AdWords » provient de « Ad » pour Advertising : Publicité et Words : mots. (Wikipédia)

Le droit applicable en la matière est le droit des marques, plus précisément l’article 5 de la directive 89/104(plus subsidiairement l’article 9 du règlement 207/2009/CE du 27 février 2009), intitulé «Droits conférés par la marque», dispose:
«1. La marque enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage, dans la vie des affaires:
a) d’un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée;
b) d’un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque et le signe, il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion qui comprend le risque d’association entre le signe et la marque.
2. Tout État membre peut également prescrire que le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d’un signe identique ou similaire à la marque pour des produits ou des services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d’une renommée dans l’État membre et que l’usage du signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ou leur porte préjudice.
3. Si les conditions énoncées aux paragraphes 1 et 2 sont remplies, il peut notamment être interdit:
a) d’apposer le signe sur les produits ou sur leur conditionnement;
b) d’offrir les produits, de les mettre dans le commerce ou de les détenir à ces fins, ou d’offrir ou de fournir des services sous le signe;
c) d’importer ou d’exporter les produits sous le signe;
d) d’utiliser le signe dans les papiers d’affaires et la publicité.
[…]
5. Les paragraphes 1 à 4 n’affectent pas les dispositions applicables dans un État membre et relatives à la protection contre l’usage qui est fait d’un signe à des fins autres que celles de distinguer les produits ou services, lorsque l’usage de ce signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ou leur porte préjudice.»

D’après ces dispositions, l’enregistrement d’une marque confère à son titulaire un droit exclusif, lui permettant à interdire à tous tiers, sans son consentement, de faire usage dans la vie des affaires soit un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée soit d’un signe tellement similaire qu’il sème dans l’esprit du public une confusion entre le signe et la marque.
La Cour s’est vue plusieurs fois demandé si l’utilisation d’un mot clef correspondant à une marque peut, en soi, être considérée comme un usage de cette marque, soumis à l’autorisation préalable de son titulaire.
Dans ses différentes décisions, la Cour a premièrement souligné que l’usage d’un signe par le système de référencement adwords est bel et bien un usage fait « dans la vie des affaires » étant entendu qu’un usage d’un signe identique à la marque à lieu dans la vie des affaires dès lors qu’il se situe dans le contexte d’une activité commerciale visant à un avantage économique et non dans le domaine privé, et qu’il s’agit bel et bien d’un usage pour des produits ou des services de l’annonceur, on rentre donc bel et bien dans les conditions d’application de l’article 5, §1 sous a), de la directive 89/104
Cependant, la Cour rappelle que le titulaire de la marque ne saurait interdire un usage d’un signe identique à sa marque si cet usage n’est pas susceptible de porter atteinte à une des fonctions de celle-ci. Étant entendu que les fonctions pertinentes à examiner son celle de publicité, d’indication d’origine et d’investissement. La cour émet donc un avis qui diffère de celui de la commission européenne qui préconisait que seul l’atteinte à la fonction d’origine était pertinente, et que les autres fonctions ne pouvaient servir que pour complémenter l’interprétation du dit article 5.
Concernant la fonction de publicité, la Cour a déterminé qu’un usage d’un signe identique à une marque d’autrui dans le cadre d’un service de référencement n’est pas susceptible de porter atteinte à cette fonction. En effet, même si ce n’est pas sa marque qui sera proposé au final, l’effet de pub est quand même réalisé.
Concernant la fonction d’origine autrement dit la fonction essentielle de la marque qui est de garantir aux consommateurs la provenance du produit ou du service, la cour précise que pour savoir si un tel usage porte atteinte a cette fonction, tout dépendra de la manière dont l’annonce est présentée. Il y aura atteinte si l’annonce ne permet pas ou difficilement à l’internaute suffisamment informé et raisonnablement attentif de savoir si les produits ou les services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou au contraire d’un tiers.
Concernant la fonction d’investissement, la cour estime qu’un usage d’un signe identique à la marque dans un système de référencement sur internet porte bien atteinte à la fonction d’investissement de la marque s’il gène de manière substantielle, l’emploi, par ledit titulaire, de sa marque pour acquérir ou conserver une réputation susceptible d’attirer et de fidéliser des consommateurs.
La cour précise également qu’un tel usage ne vise pas à fournir une indication relative à une des caractéristiques des produits ou des services offerts par le tiers faisant cet usage et par conséquent ne relève pas de l’article 6, §1, sous b), de la directive 89/104 . Il ressort pareil conclusion concernant l’article 6, §1, sous c). Les articles 6 et 7 de la directive étant des hypothèses d’exception ou le titulaire de la marque ne peut en interdire son usage.
Il semblerait qu’à l’analyse de la jurisprudence de la CJUE et des textes applicables, on peut légitimement se demander si la cour n’a pas voulu trop mettre en avant le libre jeu de la concurrence. En effet, bien que celle-ci ait formellement reconnus les fonctions économiques et publicitaires de la marque, ceux-ci semblent avoir été devancés par le principe de la libre concurrence. Quand on sait que même pour un usage d’un signe complètement identique à la marque le titulaire devra prouver un lien matériel entre l’usage fait par le tiers et sa marque, on peut dire que La cour a tiré sur le droit des marques très loin. À ce point qu’on peut s’interroger sur le fait que la Cour a peut-être été trop au-delà, par rapport à la volonté du législateur de l’Union Européenne.

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Justine Vilain, Emmanuel Antoine, Charlotte Sartori, Thomas Vierset  
Dans ces affaires (Google, Interflora, Portakabin, L'Oréal), la Cour est confrontée à une opposition entre deux intérêts divergents. D’une part, elle doit composer avec les droits de propriété intellectuelle (en l’occurrence le droit des marques). D’autre part, elle cherche à protéger la libre concurrence et la liberté de commerce. De ce fait, la Cour est amenée à établir une balance…
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Dans ces affaires (Google, Interflora, Portakabin, L’Oréal), la Cour est confrontée à une opposition entre deux intérêts divergents. D’une part, elle doit composer avec les droits de propriété intellectuelle (en l’occurrence le droit des marques). D’autre part, elle cherche à protéger la libre concurrence et la liberté de commerce. De ce fait, la Cour est amenée à établir une balance entre ces intérêts. Mais cet équilibre qu’elle cherche à trouver est critiquable, tant les contorsions qu’elle est obligée de faire pour concilier les intérêts sont grandes.

Tout d’abord, commençons par relayer nos critiques par rapport au droit des marques en analysant l’application des articles 5 et 7 de la directive 89/104 et leurs pendants réglementaires aux systèmes de référencement Adwords (points 1, 2 et 3). Ensuite, nous verrons comment la Cour défend la libre concurrence et la liberté d’entreprendre (point 4).

1. Article 5. 1. de la Directive 89/104/CE (article 9. 1. a) et b) du Règlement 40/94)

Sur « l’usage dans la vie des affaires », dans l’arrêt Google contre Vuitton, l’interprétation de la Cour paraît critiquable. En effet, la Cour considère que l’usage que fait Google des marques dans son service de référencement ne signifie pas que celui qui rend le service ne fasse lui-même un usage du signe. Or, il nous semble que la Cour aurait pu considérer que Google en permettant de sélectionner des mots clés fait un usage « passif » de la marque et que de ce fait, une certaine responsabilité, quoique limitée pourrait lui être imputée.

a. Article 5. 1. a) de la Directive 89/104/CE (article 9. 1. a) du Règlement 40/94)

La Cour, depuis 2002 et de jurisprudence constante, a ajouté une condition prétorienne à l’article 5. 1. a) de la directive qui est celle de l’atteinte à la fonction de la marque.

Cela revient à traiter les cas identité-identité réglés par l’article 5.1.a) comme les cas identité-similarité réglés par l’article 5.1.b). Ceci restreint la protection absolue de l’article 5.1.a) telle qu’énoncée dans ledit article (« droit exclusif ») et au 10e considérant de la directive (« portée absolue »).

Il paraît critiquable que la Cour traite des cas différents de façon similaire. En quoi la protection est-elle similaire ? Le paragraphe 59 de l’arrêt L’Oréal prétend que la protection de l’article 5.1.a) est plus étendue que celle de l’article 5.1.b) car cette dernière n’est applicable qu’en raison d’une atteinte à la fonction d’identification d’origine de la marque et pas aux autres fonctions (investissement et publicité).

Néanmoins, selon la Cour, il n’y a aucune atteinte à la fonction de publicité (point 98 de l’arrêt Google c. Vuitton). Or, cette argumentation nous semble bancale, car le fait qu’un concurrent sélectionne la marque du titulaire en tant que mot-clé oblige ledit titulaire à devoir payer plus pour voir son annonce affichée avant celle de son concurrent (voy. point 94 de l’arrêt Google c. Vuitton et point 57 de l’arrêt Interflora). Le titulaire subira des coûts plus élevés pour un même résultat, c’est à dire maintenir son niveau de publicité. Ce qui nous semble, comme Emmanuel Cornu, une atteinte manifeste à la fonction de publicité de la marque.

Au niveau de l’investissement, la Cour n’est pas favorable à une atteinte à cette fonction dans le cadre du référencement « AdWords » (point 64 de l’arrêt Interflora). Une fois encore, cette argumentation de la Cour nous semble être trop en faveur d’une libre concurrence. L’atteinte à la fonction d’investissement ne sera admise que si l’usage de la marque fait penser qu’il existe un lien entre les produits et/ou services du titulaire et ceux de l’annonceur.
Ce critère est le critère utilisé pour la fonction d’origine et par conséquent on peut en déduire que le référencement de type « AdWords » ne peut porter atteinte qu’à la fonction d’origine.

De plus, ce critère de lien matériel ne se distingue pas du critère de risque de confusion. Par conséquent, à nos yeux, il n’y a plus de distinction entre l’article 5.1.a) et 5.1.b).

De ce fait, par la même argumentation, nous pouvons critiquer l’interprétation de la Cour de l’article 5. 1. b) de la Directive 89/104/CE (article 9. 1. b) du Règlement 40/94).

2. Article 5. 2. de la Directive 89/104/CE (article 9. 1. c) du Règlement 40/94)

La protection de l’article 5.2 n’exige normalement pas l’existence d’un risque de confusion. Cependant, Il semble que la Cour requiert à nouveau un critère de risque de confusion. En effet, dans le point 81 de l’arrêt Interflora, il ressort qu’il n’y aura dilution que lorsque le consommateur moyen n’est pas en mesure de distinguer la provenance des produits, autrement dit de savoir s’ils proviennent du titulaire ou d’un concurrent.

Au niveau du parasitisme, la Cour a une approche trop restrictive en limitant le parasitisme au cas d’imitation du produit ou du service. L’utilisation de la marque du titulaire en tant qu’AdWords semble être à nos yeux du parasitisme. Encore une fois, la Cour semble pousser le jeu de la concurrence un peu trop loin.

3. Article 7 de la Directive 89/104/CE (article 13 du Règlement 40/94)

L’article 7 est une exception à l’article 5, il doit donc normalement interdire, lorsque les conditions de l’article 5 sont remplies, l’usage par le titulaire de son droit exclusif en cas d’épuisement. Cependant, en considérant qu’il n’y a pas d’épuisement quand il y un motif légitime et que ce motif peut précisément être le fait de ne pas pouvoir distinguer de qui provient le produit, il n’y aura jamais épuisement dans le cas des référencements.

4. La protection de la liberté d’entreprendre et la libre concurrence

D’un autre côté, nous pouvons comprendre que la Cour cherche à défendre la liberté de commerce et d’entreprendre telle qu’établie par l’article 101 du TFUE. Au travers de ces différents arrêts, nous pouvons constater que la Cour se fait le porte-étendard du libéralisme en empêchant le titulaire d’une marque d’avoir une mainmise publicitaire totale sur le marché sur lequel porte sa marque. De ce point de vue, nous pouvons considérer que la Cour a une interprétation correcte de l’article 101 du TFUE.

Conclusion

Il nous semble que l’équilibre établi par la Cour entre le droit des marques et la libre concurrence en matière de référencement est fort critiquable en ce qu’il méconnait fortement la portée des textes législatifs. À notre avis, la Cour a une approche fort rigide du libéralisme et semble placer celui-ci sur un piédestal, éclipsant ainsi d’autres intérêts, dont ceux justifiant la protection et la propriété du droit des marques. En l’espèce, la Cour, en renvoyant constamment au critère du risque de confusion, réduit fortement la portée du droit des marques telle qu’édictée dans la législation européenne.

La Cour semble donc assez frileuse dans cette matière de référencement et de droit des marques. Cela peut étonner lorsque l’on sait que dans d’autres domaines, la Cour n’hésite pas à aller assez loin et faire œuvre créatrice. Il nous semble que la Cour se contente d’édicter des critères qui finalement restent assez flous et qui n’aideront sans doute pas beaucoup les juridictions nationales à y voir plus clair.

Vu le développement ci-dessus, nous partageons largement l’avis d’Emmanuel Cornu.

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Alain Strowel

Bien d’avoir défendu un point de vue. Effectivement, l’interprétation semble aller contra legem. Mais je pense qu’il est sage de prendre en compte les intérêts des concurrents à faire de la publicité comparative.

Julie Bidaine et Marion Nuytten  
Nous partageons le point de vue d’Emmanuel Cornu selon lequel « la jurisprudence de la Cour (…) conduit à des conséquences étonnantes tant au regard du libellé des articles 5 de la Directive et 9 du Règlement que de l’intention du législateur de l’Union » (E. CORNU, « Usage de la marque d’un tiers et systèmes de référencement sur Internet…
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Nous partageons le point de vue d’Emmanuel Cornu selon lequel « la jurisprudence de la Cour (…) conduit à des conséquences étonnantes tant au regard du libellé des articles 5 de la Directive et 9 du Règlement que de l’intention du législateur de l’Union » (E. CORNU, « Usage de la marque d’un tiers et systèmes de référencement sur Internet », J.T., 2012, p. 825). Selon ce spécialiste du droit de la propriété intellectuelle et du droit des marques, tout en reconnaissant les trois fonctions de la marque, la Cour les a abandonnées au profit du principe de la libre concurrence entre les entreprises sur Internet (E. CORNU, op. cit., p. 827).

Rappelons tout d’abord que le droit des marques est réglementé de la manière suivante : pour être valide, une marque doit bénéficier d’un caractère distinctif. Les articles 5 de la Directive d’harmonisation sur le droit des marques et 9 du Règlement sur la marque communautaire confèrent au titulaire de la marque enregistrée un droit exclusif. Ces dispositions prévoient à quelles conditions le titulaire d’une marque peut interdire l’usage d’un signe protégé dans la vie des affaires, c’est-à-dire « quand il se situe dans le contexte d’une activité commerciale visant la poursuite d’un avantage économique, par opposition au domaine privé » (E. CORNU, op. cit., p. 822).

La Cour de justice de l’Union européenne a été saisie de nombreuses fois sur la question de savoir si « l’utilisation d’un mot clé correspondant à une marque peut, en soit, être considérée comme un usage de cette marque soumis à l’autorisation préalable de son titulaire » (E. CORNU, op. cit., p. 827). Dans l’arrêt Google c. Louis Vuitton Malletier du 23 mars 2010, le créateur de mode français reprochait à Google d’avoir autorisé les annonceurs d’emprunter de manière illicite la marque Louis Vuitton pour promouvoir des produits concurrents ou contrefaits. En effet, lorsque les internautes inséraient dans le moteur de recherche Google des termes relatifs à la marque Louis Vuitton, des liens renvoyant à des sites qui proposaient des imitations de ses produits apparaissaient. Devant le tribunal de grande instance de Paris, Google a été condamné pour contrefaçon à la marque Louis Vuitton. Cette décision a ensuite été confirmée par la Cour d’appel. La Cour de cassation française, après avoir pris l’avis de la Cour de justice de l’Union européenne, a donné raison à Google et a admis l’utilisation d’une marque par un distributeur ou un concurrent comme « mot clé » sur Google AdWords. La Cour de justice a dit pour droit que : « Les articles 5, paragraphe 1, sous a), de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, et 9, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire, doivent être interprétés en ce sens que le titulaire d’une marque est habilité à interdire à un annonceur de faire, à partir d’un mot clé identique à ladite marque que cet annonceur a sans le consentement dudit titulaire sélectionné dans le cadre d’un service de référencement sur Internet, de la publicité pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels ladite marque est enregistrée, lorsque ladite publicité ne permet pas ou permet seulement difficilement à l’internaute moyen de savoir si les produits ou les services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d’un tiers » (C.J.U.E., 23 mars 2010, Google, §99).

Dans l’arrêt BergSpechte du 25 mars 2010, la société BergSpechte critiquait le comportement d’un de ses concurrents qui utilisait le système AdWords pour enregistrer le mot-clé « BergSpechte » et renvoyer sur son site. La Cour de justice de l’Union européenne a répété la conclusion qu’elle avait énoncée dans l’arrêt Google c. Louis Vuitton Malletier du 23 mars 2010 : « Il convient de répondre (…) que l’article 5, paragraphe 1, de la directive 89/104 doit être interprété en ce sens que le titulaire d’une marque est habilité à interdire à un annonceur de faire, à partir d’un mot clé identique ou similaire à ladite marque que cet annonceur a sans le consentement dudit titulaire sélectionné dans le cadre d’un service de référencement sur Internet, de la publicité pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels ladite marque est enregistrée, lorsque ladite publicité ne permet pas ou permet seulement difficilement à l’internaute moyen de savoir si les produits ou les services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d’un tiers » (C.J.U.E., 25 mars 2010, BergSpechte, §41).

Dans l’arrêt Portakabin du 8 juillet 2010, le titulaire de la marque Portakabin blâmait le fait que la société concurrente Primakabin avait acheté sa marque dans le système AdWords. Les référenceurs ont été autorisés par la Cour de justice d’utiliser des marques de tiers sans l’autorisation des titulaires, et ce à la condition toutefois que l’usage ne puisse faire penser que c’est le fabricant qui procède lui-même à la revente des produits.

Finalement, dans l’arrêt Interflora du 22 septembre 2011, le litige opposait la société américaine Interflora et la société anglaise Marks & Spencer. La société américaine Interflora livrait des fleurs dans le monde entier et détenait une marque communautaire, ainsi qu’une marque britannique. La société anglaise Marks & Spencer était également présente sur le marché de la vente et de la livraison de fleurs. La société Interflora critiquait la pratique de la société Marks & Spencer qui avait choisi comme référencement le mot-clé « Interflora ». Celle-ci considérait que la société Marks & Spencer était coupable d’une violation de ses droits en utilisant sa marque comme mot-clé. La Cour de justice a confirmé ses décisions précédentes et a affirmé que le titulaire d’une marque ne peut interdire l’usage publicitaire de celle-ci par un tiers qu’à la condition que cette utilisation soit susceptible de porter atteinte à l’une des fonctions de la marque. Dans cet arrêt, la Cour distingue les trois fonctions de la marque : l’indication d’origine du produit, l’investissement et la publicité.

Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne que la pratique des AdWords constitués de marques de tiers est licite à la condition que l’usage ne porte ou ne soit susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque. La fonction essentielle du droit de marque est de garantir l’origine du produit ou du service marqué au consommateur. Il y a atteinte à cette fonction « lorsque l’annonce ne permet pas ou permet seulement difficilement à l’internaute normalement informé et raisonnablement attentif de savoir si les produits ou les services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci, ou, au contraire, d’un tiers » (C.J.U.E., 23 mars 2010, Google, §84). En ce qui concerne la fonction de publicité, le titulaire peut faire prohiber un usage qui nuit à sa marque comme élément de promotion des ventes ou comme instrument de sa stratégie commerciale (C.J.U.E., 23 mars 2010, Google, §92). La fonction d’investissement de la marque permet à son titulaire de se faire une réputation et de créer des relations durables avec une clientèle.

Les systèmes de référencement sur Internet sont indéniablement favorables aux éventuels clients qui bénéficient dès lors d’une information pertinente qui leur permettra de choisir un produit en connaissance de cause. Si l’intention du législateur européen est de maintenir un régime de concurrence en bon état de fonctionnement entre les entreprises, on conçoit aisément que certains soient réticents de considérer qu’une marque dont on a tout fait pour qu’elle soit distinctive soit finalement utilisée par un concurrent. Selon nous, la Cour de justice de l’Union européenne se montre peu protectrice à l’égard des titulaires de marques dans ce domaine spécifique. Certaines limites devraient être fixées par le législateur dans l’utilisation d’une marque appartenant à autrui.

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Laurent Mineur, Caroline Catfolis, Caroline Chaudron, Annonciata Uwamahoro, Nicolas Carlier, Céline Deroose  
Partagez-vous son point de vue selon lequel “la jurisprudence de la Cour … conduit à des conséquences étonnantes tant au regard du libellé de[s articles 5 de la Directive et 9 du Règlement] que de l’intention du législateur de l’Union” (p. 825)? Le droit de marques confère un droit exclusif à son titulaire selon l’article 9 du Règlement 207/2009. La Cour…
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Partagez-vous son point de vue selon lequel “la jurisprudence de la Cour … conduit à des conséquences étonnantes tant au regard du libellé de[s articles 5 de la Directive et 9 du Règlement] que de l’intention du législateur de l’Union” (p. 825)?

Le droit de marques confère un droit exclusif à son titulaire selon l’article 9 du Règlement 207/2009. La Cour détermine les limites de cette protection «absolue» au regard des fonctions propres de la marque. La première fonction est la fonction d’identification de l’origine du produit ou du service, selon le Règlement, le titulaire peut faire interdire l’usage dans la vie des affaires d’un signe identique pour des produits ou services identiques sans condition. Cependant, la Cour dispose qu’il faut « établir la possibilité d’accréditer l’existence d’un lien matériel entre l’usage reproché et le titulaire de la marque invoquée». Or, la notion de «lien matériel» est censée être plus large que le risque de confusion (cfr. infra) et est admis plus aisément. Il faut prouver un risque de créer un lien, même indirect, avec le titulaire de la marque. Il faut vérifier, en pratique, si le consommateur a compris que le vendeur se distingue du titulaire de la marque et ce, en fonction des caractéristiques du marché. Mais, selon Cornu, on peut considérer que le risque de confusion recouvre parfaitement la notion de lien matériel. Cette confusion, dans le chef de la Cour, pose problème au regard du Règlement (qui théoriquement n’exige pas l’existence d’un lien matériel) et l’article 16 ADPIC (à la lumière duquel le Règlement doit être interprété), qui présument le risque de confusion lorsqu’on utilise un signe identique pour des produits ou services identiques. A notre avis, le raisonnement de la Cour est effectivement confus et on peut effectivement s’attendre à une évolution de la jurisprudence de la Cour au regard de cette disposition. En pratique, ne pourrions-nous pas penser qu’il serait facile de prouver ce lien matériel dès lors qu’on est en présence d’un signe identique pour des produits et services identiques. Cependant, il faut évaluer ce lien matériel dans le chef du consommateur moyen, ce qui peut être plus subtil.
En ce qui concerne les fonctions économiques, la Cour aborde les fonctions d’investissement et de publicité. En ce qui concerne la fonction de publicité, la Cour considère qu’il n’y a pas d’atteinte par la pratique des «Adwords», celle-ci étant inhérente au jeu de la concurrence. Cornu considère, au contraire, qu’il y a une atteinte manifeste à la fonction de publicité. Nous pensons effectivement qu’il y a atteinte manifeste en ce qu’il s’agirait d’une pratique commerciale déloyale, d’autant plus qu’il pourrait s’agir d’un parasitisme au regard des marques renommées. En ce qui concerne la fonction d’investissement, la Cour considère que la pratique des «Adwords» porte atteinte à cette fonction dans l’hypothèse où il y a concurrence déloyale et pratique irrespectueuse de la fonction d’identification du produit. Ce qui revient, en pratique, selon Cornu, à subordonner la protection de la fonction d’investissement à l’existence d’un lien matériel (condition de protection de la fonction d’identification). Selon nous, ce point de vue de la Cour ne semble pas inopportun, dès lors que la fonction d’investissement est intrinsèquement liée à la fonction d’identification.
En ce qui concerne l’utilisation d’un signe similaire, le titulaire de la marque dispose d’une protection en vertu de l’article 9 du Règlement s’il y a un risque de confusion (comprenant le risque d’association) dans l’esprit du public. Le risque d’association signifie que le consommateur moyen considère l’entreprise titulaire et l’entreprise utilisatrice du signe comme identiques ou liées économiquement. Selon la Cour, le risque de confusion est admis dès lors que l’internaute ne sait pas identifier l’origine du produit ou du service. Ainsi, en cas de signes similaires, un risque de confusion est exigé, alors qu’en cas de signes identiques, il est exigé que celui-ci reproduise tous les éléments constituant la marque ou qu’il recèle des différences si insignifiantes qu’elles peuvent passer inaperçues aux yeux du consommateur moyen. Or, selon Cornu, cela revient à exiger le même critère. Nous pensons, en effet, que le raisonnement de la Cour procède d’une confusion entre ces deux critères. Il faut, en effet, se rappeler la présomption de l’article 16 ADPIC (le lien matériel est présumé en cas d’utilisation d’un signe identique pour des produits ou services identiques). De plus, les dispositions marquent une différence entre signes identiques et signes similaires, alors que la Cour confond les critères qu’elle exige elle-même dans ces deux hypothèses.

En ce qui concerne la marque renommée, l’article 9 du Règlement permet au titulaire du droit exclusif d’étendre la protection, dans la vie des affaires, de signes identiques ou similaire pour des produits ou services non similaires si, d’une part, on est en présence d’un marque renommée et, d’autre part, il est fait usage du signe sans juste motif. Cela revient à interdire le parasitisme, la dilution et le ternissement. La Cour n’admet la protection de la marque renommée, dans l’hypothèse des «Adwords», que si l’on est face à une vente d’imitation des produits ou services du titulaire. L’argument qu’elle brandit à l’appui de cette position est la liberté de concurrence, soit permettre de proposer une alternative, celle-ci constituant le juste motif dans les limites du ternissement, de la dilution et du parasitisme. On peut comprendre le raisonnement de la Cour comme étant protectrice de la liberté de concurrence en limitant la protection, en principe, à la vente d’imitation et à chaque fois qu’il y a dilution, ternissement, ou parasitisme. En théorie, on pourrait croire que la Cour dispose d’une protection plus limitée que la disposition, puisque cette dernière prévoit, lorsque les conditions sont remplies, pour l’utilisation du signe, pour tous service ou produit similaires (comparaison entre imitations et produit ou service non similaire). Mais en pratique, la Cour protège de toute façon la marque des hypothèses de ternissement, dilution ou parasitisme.

Enfin, quant à la question de l’atteinte à la marque renommée par la dénaturation de celle-ci en terme générique, par l’usage commun en mot clé. La Cour n’admet pas que l’utilisation d’un signe comme Adwords puisse dégénérer la marque renommée. elle argumente cette position en brandissant à nouveau la carte de la liberté de concurrence sur internet (dans le but de permettre une proposition alternative). Cornu rappelle néanmoins que la liberté de concurrence s’arrête aux frontières de la dilution. A partir de cette dernière remarque, nous nous rappelons que la dilution est un risque d’atteinte au caractère distinctif de la marque, or, ne pouvons-nous pas penser que ce caractère distinctif est atteint dès lors que cette marque passe dans l’usage commun, par le seul fait de l’utilisation du signe protégé en tant que mot clef.

En conclusion, on peut s’interroger, au regard de la jurisprudence de la Cour, du caractère absolu de la protection conférée au droit de marque. En effet, la Cour commence par oblitérer la présomption de lien matériel (voir article 16 ADPIC). Ensuite, la Cour semble préférer la liberté de concurrence à certains égards à la protection du droit de marque. On peut comprendre cette position au regard de la recherche légitime de l’équilibre entre protection des titulaires et de la liberté de concurrence sur le marché. Néanmoins, son raisonnement théorique porte à confusion (comparer lien matériel et risque de confusion). Nous remarquons également que la position de la Cour est parfois opportune au regard de la nature des fonctions de la marque (lien intrinsèque entre fonction d’investissement et fonction d’identification). Enfin, le trouble subsiste face à la position de la Cour relative au lien entre dénaturation et dilution de la marque renommée.

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