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Question : L’établissement d’un hyperlien constitue peut-il constituer une communication au public ?
Avant de tenter de répondre à cette question, il nous paraît important d’étudier les critères utilisés par la CJCE visant à mettre en lumière les critères de la « communication au public ».
1) Étude de la jurisprudence de la CJCE
Suite à l’analyse des 5 arrêts de la CJCE, nous remarquons que les juges ont suivi le même raisonnement, c’est-à-dire qu’ils ont vérifié l’application de 3 critères communs. Avant de parler de ces derniers, il serait judicieux de comparer ces arrêts. Nous avons pu constater que les faits allégués dans ces différentes affaires appartiennent à un même centre de gravité ; « la communication de l’œuvre d’un auteur au public ». Que l’affaire porte sur un litige ayant pour objet des diffusions d’œuvres par le biais de satellites, radios ou TV, le dommage est toujours la rémunération de l’auteur. Le législateur européen a comme objectif de protéger l’auteur d’une œuvre. Pour cela, il estime incontournable le retour à l’harmonisation de toutes les législations nationales de chaque État membre afin de combattre ensemble (sur une même voie) l’ennemi commun ; la fraude. Selon cette même doctrine, une meilleure protection des auteurs augmenterait le nombre de créations, mais aussi l’emploi (Voy. Le préambule de la directive 2001/29/CE). Nul ne peut ignorer aujourd’hui que les droits intellectuels ont un enjeu économique important.
Lorsque l’on s’intéresse de plus près à ces lesdits critères utilisés par les juges, nous observons bien qu’ils soient simples de nature, leur application dans le cas d’espèce pourrait s’avérer difficile.
Le premier critère est le noyau du sujet ; c’est-à-dire le « PUBLIC ». Dans leur raisonnement, les juges s’arrêtent sur la définition du public, ils se demandent si l’œuvre d’un auteur en question est diffusée à un public. Ce dernier n’est pas admis au sens large. Lorsqu’on parle du PUBLIC, on vise précisément le groupe de personne qui n’a pas assisté directement à la diffusion directe de l’œuvre de l’auteur (ex : le public d’un concert de musique). Il est important de définir cette notion de PUBLIC, car il ne faut pas le confondre avec un cercle privé. Car une des exceptions admises par la directive 2001/29/ CE est la diffusion d’une œuvre dans le cercle familial. Dans ce cas, une rémunération de l’auteur ne pourrait pas être exigée. La situation serait identique dans le cas d’une diffusion au sein d’une bibliothèque publique (pour des fins d’enseignements).
Le second critère est selon le terme que nous baptisons « la diffusion ». Pour qu’un public puisse entendre, ou voir l’œuvre de l’auteur, il faut qu’une tierce personne (intitulé «l’utilisateur » par ladite directive) leur ait diffusé. Nous pouvons donner l’exemple des arrêts analysés, des faits survenus notamment dans un hôtel où les clients disposaient d’une TV et d’une radio dans chaque chambre. Ou encore le cas d’un restaurateur en Grèce qui diffuse un match de football anglais à ses clients. Dernièrement, nous pouvons songer au cas où la commune d’Ottignies-Louvain-la-Neuve viendrait à diffuser sur un grand écran placé sur la place de l’Université, le concert du chanteur turc Tarkan à tous les habitants.
Le troisième et dernier critère est bel et bien le « BUT DE LUCRE ». Comme évoqués plus haut, les droits intellectuels représentent un enjeu important pour la société dans laquelle on vit. Un concert de musique pourrait non seulement enrichir le chanteur et son manager, mais aussi les organisateurs, les restaurateurs, les hôteliers, les taxis, les propriétaires de boutiques, etc. Dès lors, la CJCE a beaucoup insisté sur le but de lucre. En effet, il faudrait chercher l’intention du restaurateur qui a diffusé un match de foot sur grand écran ou encore celui de l’hôtelier qui voulait rendre un service supplémentaire à ses clients en leur fournissant une TV et une radio dans leur chambre. Pour ces commerçants, l’objectif principal est d’attirer le plus de clients, ce qui servirait à augmenter son chiffre d’affaires. A contrario, dans l’affaire du dentiste Del Corso, la CJCE a estimé que les clients visitaient le docteur afin d’être soignés. La musique diffusée dans la salle d’attente du cabinet n’avait aucun intérêt pour eux. C’est alors que la Cour a estimé qu’il n’y avait pas de violation de ladite directive (précisément de l’art. 3 § 1).
2) L’établissement d’un hyperlien constitue peut-il constituer une communication au
public ?
L’article 3, paragraphe 1, de ladite directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information dispose que : « les États membres prévoient pour les auteurs le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire toute communication au public de leurs œuvres, par fil ou sans fil, y compris la mise à la disposition du public de leurs œuvres de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement.». Si l’auteur prévoit de mettre son œuvre sur internet, le fait de communiquer l’information par hyperlien ne constitue pas nécessairement une violation du droit de l’auteur. L’œuvre en se trouvant sur internet laisse penser à croire que l’auteur permet la communication publique (pas de nouvelle communication au public mais possibilité de violer le droit de l’auteur). Les hyperliens ne font que relayer l’information qui a déjà été communiquée au public. Sur internet la communication est mondiale et est en général en libre accès. Comme la jugé le 24 novembre 2011, la Cour de Justice de l’Union européenne : « La
directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, et, plus particulièrement, son article 3, paragraphe 1, doivent être interprétés en ce sens qu’ils visent uniquement la communication à un public qui n’est pas présent au lieu d’origine de la communication à l’exclusion de toute communication d’une œuvre réalisée directement, dans un lieu ouvert au public, par toute forme publique d’exécution ou de présentation directe de l’œuvre. ». Suite à cette décision, nous pensons que si une protection est requise pour avoir accès aux informations, aux œuvres (tel qu’un mot de passe, une inscription obligatoire,…) d’un auteur, dans ce cas, le fait de relayer une information présente sur un site fermé au public via un hyperlien peut violer le droit de communication. On peut déduire que si l’auteur n’a octroyé l’autorisation qu’à un cercle restreint, c’est qu’il n’entend pas faire de son information une communication universelle.
Il est important à présent de déterminer si l’hyperlien renvoie sur le même site ou sur un autre site. L’idée que l’hyperlien renvoie sur le même site ne viole pas, à notre sens, le droit de communication de l’auteur parce qu’a priori l’auteur a déjà donné son accord pour communiquer une partie de son œuvre et il est donc logique que la totalité de l’information figurant sur son site suive la même logique. Nous considérons qu’il s’agit essentiellement d’un renvoi à une page web du site plus qu’une communication proprement parlée. A contrario, le lien renvoyant à une autre page que celle de l’auteur à proprement parlé devra faire l’objet d’une analyse (au cas par cas). L’hyperlien renvoie : Soit vers une information publique : dans ce cas, cela ne pose pas de problèmes, l’hyperlien ne fait que relayer une information qui est en libre accès), soit vers une information privée : Il s’agit dans ce cas de rendre public une information qui est était destinée à un cadre privé alors que l’auteur n’en a pas donné l’autorisation. L’idée qui touche les hyperliens est plutôt complexe et doit s’analyser au cas par cas. Avant de déterminer s’il y a violation des droits de l’auteur, il faut déterminer si l’œuvre avait déjà été communiquée ou pas et si elle a eu lieue dans un endroit public ou privé. Si l’information a déjà été communiquée par l’auteur dans un endroit public (site ouvert à tout le monde), un hyperlien ne semble pas violer le droit de communication propre à l’auteur. A l’inverse si l’auteur à communiqué son œuvre dans un cadre privé, un hyperlien qui permettrait d’élargir le cercle de communication choisi par l’auteur violerait le droit de communication de l’auteur. Trop restreindre l’utilisation des hyperliens risque d’entraver le marché intérieur de l’Union européenne en établissant des traitements différents entre chaque état. La directive est là pour harmoniser au niveau européen la protection accordée à l’auteur, si chacun offre des protections aussi différentes que varier cela risque d’augmenter le nombre de réclamations devant la CJUE. De plus le fait de protéger davantage le droit exclusif risque également de nuire à l’auteur. En effet, si ce dernier a, dès le départ, communiqué son œuvre au public, il semble logique que condamner la mise en place d’hyperlien permettant de relayer l’information lui enlève une forme de publicité qui aurait pu lui être bénéfique.
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La directive sur le droit d’auteur ne précise pas la notion de «communication au public» au sens de l’article 3, paragraphe 1 (arrêt du 7 décembre 2006, SGAE, C 306/05, Rec. p. I 11519, point 33).
Dans ces conditions, et conformément à une jurisprudence constante, il y a lieu de déterminer son sens et sa portée au regard des objectifs poursuivis par cette directive et au regard du contexte dans lequel la disposition interprétée s’insère (arrêt SGAE, précité, point 34 et jurisprudence citée).
La directive sur le droit d’auteur a pour objectif principal d’instaurer un niveau élevé de pro-tection en faveur des auteurs. Il s’ensuit que la notion de communication au public doit être entendue au sens large, ainsi que l’énonce d’ailleurs explicitement le vingt-troisième considé-rant de cette directive (voir arrêt SGAE, précité, point 36). Selon la Cour de justice, la notion de communication entendue de manière large vise toute transmission des œuvres protégées, indépendamment du moyen ou du procédé techniques utilisés (Point 193, 4 oct. 2011, C-403/08 & C-429/08, Premier League).
Il nous appartient donc d’analyser les quelques arrêts de la Cour de justice pour nous permettre de préciser la notion de «communication au public» au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive sur le droit d’auteur.
Pour que la notion de communication au public soit rencontrée, la Cour de justice exige ainsi que l’œuvre soit transmise à un public nouveau, c’est-à-dire à un public qui n’était pas pris en compte par les auteurs des œuvres protégées lorsqu’ils ont autorisé leur utilisation par la communication au public d’origine (voir, en ce sens, arrêt SGAE, précité, points 40 et 42, ainsi que ordonnance du 18 mars 2010, Organismos Sillogikis Diacheirisis Dimiourgon Theatrikon kai Optikoakoustikon Ergon, C-136/09, point 38). Dans son arrêt « Airfield » la Cour a d’ailleurs réaffirmé cette nécessité de transmission à un public nouveau, c’est-à-dire à un public qui n’était pas pris en compte par les auteurs des œuvres protégées dans le cadre d’une autorisation donnée à une autre personne (point 72, 13 oct. 2011, C-431/09 and C-432/09, Airfield).
De plus, la jurisprudence de la Cour précise que la notion de public vise un nombre indéterminé de destinataires potentiels et implique, par ailleurs, un nombre de personnes assez important (voir, en ce sens, arrêt SGAE, précité, points 37 et 38 ainsi que jurisprudence citée) (point 32, 7 mars 2013, aff. C-607/11, ITV Broadcasting c. TVCatchup broadcasting).
Enfin, une dernière précision est apportée par la Cour. Selon la Cour, il convient de relever qu’un caractère lucratif d’une «communication » n’est pas dénué de pertinence (voir, en ce sens, arrêt SGAE, précité, point 44) (point 204, 4 oct. 2011, C-403/08 & C-429/08, Premier League). En effet, la Cour considère que dans cette situation, il doit en aller à plus forte raison en présence du droit à une rémunération équitable, eu égard à la nature essentiellement économique de ce droit. Pour la Cour, il y a un caractère lucratif qui sous-tend la communication dès lors que celle-ci est réalisée dans le but d’en retirer un certain bénéfice ( 90 Consorzio ). Cependant, la Cour admet qu’un tel caractère ne soit pas nécessairement une condition indispensable qui détermine l’existence même d’une communication au public (voir, en ce sens, arrêt SGAE, précité, point 44) (point 42, 7 mars 2013, aff. C-607/11, ITV Broadcasting c. TVCatchup broadcasting).
Anticipation de la réponse de la Cour à la première question préjudicielle
Selon nous, dans l’affaire pendante, la Cour va probablement considérer que l’établissement d’un hyperlien ne constitue pas une communication au public au sens de la directive sur les droits d’auteur.
La Cour a déjà eu l’occasion de préciser la notion de communication. Pour la Cour, la communication doit être entendue de manière large comme visant toute transmission des œuvres protégées, indépendamment du moyen ou du procédé techniques utilisés (Point 193, 4 oct. 2011, C-403/08 & C-429/08, Premier League). Or un hyperlien par sa nature même ne transmet pas l’œuvre protégée, il ne fait que renvoyer l’internaute vers le site contenant l’œuvre protégée. On peut confirmer cette absence de transmission par un exemple très révélateur. Il peut arriver que l’hyperlien parfaitement reproduit renvoie en réalité vers une page internet ne contenant plus l’œuvre protégée. N’est-ce pas là la preuve que l’hyperlien ne transmet pas l’œuvre protégée ?
Si toutefois, en dépit des considérations précédentes, la Cour considère qu’un hyperlien permet bien une transmission des œuvres protégées, nous sommes d’avis que l’hyperlien n’ouvre pas la communication de l’œuvre à un nouveau public comme la jurisprudence de la Cour l’exige. Pour rappel, la Cour de justice requiert que l’œuvre soit transmise à un public nouveau, c’est-à-dire à un public qui n’était pas pris en compte par les auteurs des œuvres protégées lorsqu’ils ont autorisé leur utilisation par la communication au public d’origine (voir, en ce sens, arrêt SGAE, précité, points 40 et 42, ainsi que ordonnance du 18 mars 2010, Organismos Sillogikis Diacheirisis Dimiourgon Theatrikon kai Optikoakoustikon Ergon, C-136/09, point 38).
En effet, selon nous, l’hyperlien est destiné à un public jouissant d’un accès à internet. Or les auteurs des œuvres protégées, en déposant leur œuvre sur internet, permettent à toute personne disposant d’un accès à internet d’avoir accès à l’œuvre. Le public pris en compte par les auteurs des œuvres protégées lorsqu’ils ont autorisé leur utilisation par la communication au public d’origine n’est donc pas différent du public ciblé par l’hyperlien.
Pour ces raisons, nous pensons que la Cour ne devrait pas considérer qu’un hyperlien couvre une communication au public au sens de la directive sur les droits d’auteur. En outre, si la Cour considère qu’ un hyperlien constituait une communication au public, ne faudrait-il pas appliquer un raisonnement par analogie aux références citées dans des notes de bas de page d’un ouvrage ? Cela poserait alors de nombreux problèmes !
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1) notion de « communication au public »
L’article 3 paragraphe 1 de la directive 2001/29 établit qu’est protégée par le droit d’auteur « toute communication au public de leurs œuvres, par fil ou sans fil, y compris la mise à la disposition du public de leurs œuvres de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement ».
En outre, la directive 2001/29 précise, à son considérant 23, que la communication au public doit être prise au sens large et s’entend comme toute communication au public non présent au lieu d’origine de la communication.
Pour le reste, il faut se tourner vers la Cour de justice. Celle-ci s’est chargée de dégager quelques critères à prendre en compte pour déterminer ce qu’il fallait entendre par « communication au public » au sens de l’article 3, paragraphe 1 de la directive 2001/29.
Tout d’abord, il faut être face à une « communication ». La notion de communication englobe « toute transmission d’œuvres protégées, indépendamment du moyen ou du procédé utilisé » (arrêt Premier League, point 193). La Cour précise tout de même que n’est pas considéré comme une communication un simple moyen technique pour garantir ou améliorer la réception de la transmission d’origine dans sa zone de couverture (arrêt Premier League, point 194, arrêt Airfield, point 74). Est donc considéré comme une communication toute transmission différente de la transmission d’origine, notamment par le support utilisé pour celle-ci. (arrêt ITV, point 26).
Ensuite, il faut que cette communication soit faite à un public. Le public comprend un nombre indéterminé de destinataires potentiels mais doit impliquer un nombre de personnes assez important (arrêt SGAE point 37, arrêt ITV point 32). Notons, concernant la notion de public que, dans le cas où le mode de transmission est le même que celui autorisé par l’auteur de l’œuvre, il est nécessaire pour tomber dans le champ d’application de l’article 3§1 de la directive que le public soit nouveau, c’est à dire qu’il ne doit pas avoir été pris en compte par les auteurs de l’œuvre quand ils ont autorisé la communication au public (arrêt SGAE, point 40, arrêt Premier League point 197, arrêt Airfield, point 72). Mais ce caractère nouveau n’est pas nécessaire dans le cas où le mode de transmission n’est pas le même (arrêt ITV, points 38-39). En effet, dans ce cas-là, la communication est différente et nécessite une nouvelle autorisation.
Pour ce qui est de l’utilité du caractère lucratif ou non dans la détermination de la communication au public, la cour dit que c’est un élément pertinent à prendre en compte (arrêt Premier League, point 204) mais n’est pas un élément indispensable (arrêt SGAE, point 44). En effet, l’un des buts de la directive 2001/29, tel que par ses considérants 9 et 10, est d’instaurer un niveau élevé de protection en faveur des auteurs, permettant à ceux-ci d’obtenir une rémunération appropriée pour l’utilisation de leurs œuvres, notamment à l’occasion d’une communication au public. Et le fait pour une autre personne de retirer des bénéfices de l’exploitation de l’œuvre peut laisser penser que l’on se trouve dans le champs d’application de l’article 3, §1.
2) Réponse à la première question préjudicielle de l’affaire Svensson
Au vu de ce qui précède, et bien que nous n’ayons pas tous les éléments à notre disposition, nous estimons que le fait pour toute personne autre que le titulaire des droits d’auteur sur une œuvre de fournir un lien cliquable vers cette œuvre sur son site Internet ne constitue pas une communication de l’œuvre au public au sens de l’article 3§1 de la directive 2001/29.
Tout d’abord, nous pouvons considérer qu’il ne s’agit pas en l’espèce d’une communication, au sens entendu par l’article 3§1. En effet, l’œuvre se trouve déjà sur internet et le lien cliquable ne fait que renvoyer vers le moyen de transmission original, sans changer celle-ci. Il n’y a donc pas techniquement de transmission différente de la transmission d’origine. L’hyperlien devrait plutôt être considéré comme un moyen technique pour améliorer la diffusion de l’œuvre.
Ensuite, nous pouvons également considérer que le public de la communication originale est le public disposant d’une connexion internet. Et si le fait de mettre un lien cliquable sur un site internet s’adresse bien à un public, il ne s’agit pas pour nous d’un public nouveau par rapport au public prévu originellement, car ceux qui peuvent aller sur le site internet de la personne en cause sont les mêmes que celles qui peuvent aller sur le site sur lequel se trouve l’œuvre.
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Au regard de la jurisprudence de la Cour, on peut mettre en évidence différents critères pour juger du fait qu’un acte constitue une communication au public.
Avant tout, il convient de se référer, comme le fait la Cour dans TVCatchup, aux considérants 23 et 27 de la Directive 2001/29, qui énoncent respectivement que le droit de communication au public couvre « toute transmission ou retransmission, de cette nature, d’une œuvre au public, par fil ou sans fil, y compris la radiodiffusion » et que « la simple fourniture d’installations destinées à permettre ou à réaliser une communication ne constitue pas en soi une communication ».
Dans son arrêt Premier League déjà, la Cour faisait référence au considérant 23 et insistait sur le fait que la notion de communication au public devait être perçue dans un sens large, eu égard à l’objectif principal de la Directive, qui est d’instaurer « un niveau élevé de protection en faveur des auteurs, permettant à ceux-ci d’obtenir une rémunération appropriée pour l’utilisation de leurs œuvres, notamment à l’occasion d’une communication au public ».
Elle soulignait également la nécessité d’interpréter cette notion à la lumière des principes et autres règles du droit de l’Union européenne, ainsi qu’à celle du droit international.
Ensuite il faut préciser l’importance du public dans le cadre d’une telle communication. Il faut en effet que l’œuvre concernée soit effectivement communiquée à un public.
La jurisprudence de la Cour précisera ce critère en soulignant que la notion de public à laquelle l’article 3, paragraphe 1, de la Directive 2001/29 se réfère recouvre un nombre indéterminé de destinataires potentiels et implique un nombre assez important de personnes. C’est ainsi que la clientèle d’un dentiste ne sera pas considérée comme un public au sens de cette disposition par la Cour dans le cadre de la décision Consorzio Fonografici.
Dans l’arrêt Premier League, la Cour analysait ce critère du public. Elle signalait en effet qu’il était nécessaire, dans le cadre de la communication au public d’une œuvre radiodiffusée, que l’œuvre soit transmise à un public nouveau, c’est-à-dire à un public qui n’était pas pris en compte par les auteurs des œuvres protégées lorsqu’ils ont autorisé leur utilisation par la communication au public d’origine, et que ce public n’ait pas été présent au lieu d’origine de la communication.
L’arrêt Globus Circus rappelle cela, en soulignant que le but de cette dernière nuance est d’exclure du champ des ‘communications au public’ toute communication d’une œuvre réalisée directement, dans un lieu ouvert au public, par toute forme publique d’exécution ou de présentation directe de l’œuvre.
Un autre élément important au regard de la Cour est l’intervention de l’utilisateur.
En effet, la Cour a mis en évidence le fait que, dans le cadre de l’exploitation d’un bar-restaurant ou encore d’un établissement hôtelier, le fait que l’exploitant donne accès à ses clients à une émission radiodiffusée contenant l’œuvre protégée constitue un acte de communication au public au sens de l’article 3, lorsque cet exploitant agit en étant conscient des conséquences de son comportement. L’attitude de l’utilisateur est donc effectivement relevante. Ce critère est notamment rappelé dans l’arrêt Phonographic Performance.
Enfin, un dernier élément est mis en évidence par la Cour : le caractère lucratif d’une communication au public. La cour a effectivement jugé dans son arrêt Premier League que ce critère n’était pas dénué de pertinence. Elle justifie cela en analysant l’impact que peut avoir la transmission de l’œuvre protégée, une œuvre radiodiffusée en l’espèce, sur les résultats économiques de l’utilisateur. Il est vrai que la diffusion de matchs est de nature à attirer des clients. Le public qui fait l’objet de la communication est, dans ca cadre, à la fois ciblé par l’utilisateur et réceptif à la communication. Il n’est pas capté au hasard. La communication revêt bien un intérêt lucratif.
Ce point de vue est d’autant plus intéressant dans le cadre du droit à une rémunération équitable, dont disposent notamment les ayant-droits sur des phonogrammes.
La Cour s’est ainsi penché sur l’analyse de ce critère dans l’arrêt Consorzio Fonografici notamment.
Cependant, si ce critère peut jouer un rôle, la Cour a précisée dans TVCatchup qu’il ne s’agissait pas d’une condition indispensable au point de déterminer l’existence ou non d’une communication au public.
Dans le cadre de l’affaire Svensson, la Cour sera amenée à se prononcer sur la qualification en « communication au public » ou non d’un hyperlien.
Au regard des critères qu’elle applique de manière systématique, on peut penser qu’elle se prononcera en faveur d’une telle qualification.
En effet, l’analyse de l’attitude de l’utilisateur permet de dire que celui qui met un hyperlien sur son site est conscient que son acte aura pour conséquence le partage et la diffusion de l’œuvre protégée à laquelle il renvoie.
En ce qui concerne le public, il est évident que l’utilisation d’internet permet de potentiellement toucher des milliards de personnes. Le critère du « nombre indéterminé de destinataires potentiels et du nombre important de personnes » est donc ici tout à fait rempli. De même, l’utilisation d’un hyperlien permettra de toucher un public nouveau, qui n’aurait pas forcément vu l’œuvre diffusée sans celui-ci et que les auteurs de l’œuvre ne visaient, au travers de leur site à eux, pas forcément. La condition ajoutée par l’arrêt Premier League, rappelée notamment dans Airfield, est donc bien remplie également.
Le critère du caractère lucratif de l’œuvre peut être plus nuancé. L’utilisation d’un hyperlien peut permettre à l’utilisateur de cibler un public et de le capter. L’hyperlien pourrait donc permettre une augmentation des visites sur le site de cet internaute, ce qui peut évidemment avoir un impact économique, la valeur de son site étant augmentée.
Cependant, le but d’un internaute n’est pas toujours lucratif et ce critère ne pourra pas toujours s’appliquer. De plus il faut préciser que l’utilisation d’un hyperlien renvoie souvent au site duquel provient l’information originale. Les visiteurs attirés par cet hyperlien auront dès lors le même impact économique sur le site de l’ayant-droit à l’œuvre, l’idée de compensation n’étant donc plus relevante.
Ce renvoi au site original pourrait être la clé pour refuser la qualification de communication au public pour un hyperlien. Cependant la nécessité de la Cour de juger de cette notion au sens large devrait aboutir à une qualification comme telle.
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L’interprétation de la notion de communication au public semble avoir souvent été source de conflits, notamment devant la Cour de Justice. Bien que cette notion nécessite une analyse personnalisée en fonction des éléments de fait en cause, plusieurs critères peuvent être dégagés de la jurisprudence européenne.
1) Un acte délibéré et un public réceptif
Il ressort de la jurisprudence, essentiellement de l’affaire Consorzio Fonografici c. Del Corso, que la retransmission doit faire l’objet d’un acte délibéré de la part de son auteur, et que le public doit être réceptif. Il ne peut donc pas s’agir d’un public capté « par hasard ».
Dans l’affaire Svensson qui nous occupe, je suis d’avis qu’à partir du moment où une personne clique sur un hyperlien, elle est réceptive par rapport au contenu de l’œuvre reproduite. De même qu’à partir du moment où une personne met un hyperlien sur une page internet, c’est un acte délibéré. Il n’y a ici pas de place pour le hasard.
2) Le caractère lucratif
La Cour a relevé, notamment dans les affaires Premier League, TVCatchup et Consorzio Fonografici c. Del Corso, que le caractère lucratif d’une communication au public n’était pas dénué de sens. Toutefois, dans la dernière affaire citée, elle précise qu’un tel caractère n’était pas une condition indispensable qui détermine l’existence même d’une communication au public. Le fait qu’une retransmission ait un caractère lucratif n’est donc pas déterminant dans la question de savoir si une telle retransmission constitue ou non une communication au public.
3) Un nombre important et indéterminé de personnes
Il ressort de la jurisprudence de la Cour que la notion de public contenue dans la directive implique un nombre important de personnes (§32 affaire TVCatchup, §33 affaire Phonographic Performance, v. également affaire Consorzio Fonografici c. Del Corso). Il convient, lors de l’analyse de ce critère, de tenir compte de l’effet cumulatif, c’est-à-dire qu’il est pertinent de savoir combien de personnes ont accès à la même œuvre parallèlement et successivement (§ 33 TVCatchup).
Dans le cadre de la retransmissions d’une œuvre par internet (hyperlien par exemple), il est évident que le nombre potentiel de personnes ayant accès à l’œuvre est très important. Dans l’affaire TVCatchup, la Cour énonce que la retransmission vise l’ensemble des personnes qui résident aux Royaumes Unis, qui disposent d’une connexion internet et qui prétendent détenir une licence de télévision dans cet état. L’enseignement pouvant être tiré de cette jurisprudence est qu’à partir du moment où la retransmission se réalise à travers internet, le nombre de destinataires est, par nature, très important.
Il est toutefois important de soulever que la deuxième question préjudicielle posée à la Cour dans l’affaire Svensson porte sur une éventuelle différence suivant que le site soit accessible à tout le monde, ou que son accès soit limité. Mon opinion personnelle est que si le site est accessible à un nombre très restreint de personnes, qui par exemple se connaissent bien entre elles, on n’est pas en présence d’un nombre important et indéterminé de personnes. Si, au contraire, l’accès du site est limité mais qu’il suffit d’ouvrir un compte pour y accéder, il s’agit là potentiellement d’un nombre important de personne. Tout est donc une appréciation de fait.
A titre d’exemple, ne constituent pas une communication au public selon la Cour:
(1) un simple moyen technique pour garantir ou améliorer la réception de la transmission d’origine dans sa zone de couverture, étant entendu que ce moyen doit se limiter à maintenir ou à augmenter la qualité de la réception d’une transmission déjà existante et ne saurait servir pour une transmission différente de celle-ci ; et
(2) l’interprétation des œuvres devant le public qui se trouve en contact physique et direct avec l’acteur ou l’exécutant de ces œuvres (Affaires Football Association Premier League et Globus Circus).
L’affaire Svensson, pendante devant la Cour, ne semble pas rentrer dans l’une de ces catégories. Il conviendra, dès lors, pour les juges, d’analyser, au regard des éléments de fait, l’existence des différents critères énoncés ci-dessus.
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1) Selon nous, la réponse à la question est positive. Notre avis se base principalement sur l’arrêt du 15 mars 2012, C-135/10, Consorzio Fonografici c. Del Corso. En effet, d’après le considérant 84 de l’arrêt, la Cour a jugé que le « public » au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29 « vise un nombre indéterminé de destinataires potentiels et implique, par ailleurs, un nombre de personnes assez important ». De plus, la Cour renvoie par ailleurs à la notion de transmission publique et précise par ces termes qu’il s’agit de « rendre perceptible une œuvre (…) de toute manière appropriée, à des personnes en général, par opposition à des personnes déterminées appartenant à un groupe privé. »
2)Convient-il, dans l’examen de la première question, de faire une distinction selon que l’œuvre, après que l’utilisateur a cliqué sur le lien, apparaît sur un autre site Internet ou, au contraire, en donnant l’impression qu’elle se trouve montrée sur le même site?
Selon nous , il y’a lieu , effectivement, de faire une différence selon que le lien apparaît sur un autre site Internet ou, au contraire , en donnant l’impression qu’elle se trouve montrée sur le meme site. En effet, la Cour a rappelé, dans l’arrêt Phonographic Perfomance (Ireland) Limited, la genèse de la directive 2001/29, et la position commune des membres du Conseil sur le fait que la communication au public , au sens de la directive ,ne couvre pas “les representations ou éxecutions directes”. Or on peut considerer que la communication se fait au public présent au lieu d’origine (arrêt Football Association Premier League) , lorsque le lien apparait en donnant l’impression qu’elle se trouve montrée sur le meme site. Or, ces representation et executions directes sont exclues de la portée de la notion “communication publique” dans ce meme arrêt.
3) Selon nous, la réponse à la question est positive. En effet, le fait que le site soit grevé de restrictions influence la réponse à la première question. Pour ce faire, nous nous basons sur l’exposé des motifs de la proposition de directive 2001/29, corroboré par le vingt-cinquième considérant de cette directive, « la mise à la disposition du public, au sens de la dite disposition, vise les ‘transmissions interactives à la demande’, caractérisées par le fait que chacun peut y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement ». Partant de ces considérations, l’on déduit aisément qu’un site limité par certaines restrictions ne permet pas à tout un chacun de pouvoir y accéder. De telles restrictions doivent dès lors être prises en compte dans le cas d’espèce.
De plus, il convient d’ajouter un élément non négligeable à notre réponse. En effet, dans l’arrêt du 15 mars 2012, C-135/10, Consorzio Fonografici c. Del Corso, la Cour précise que la transmission ne doit pas concerner un groupe privé. En effet, le considérant 86 de cet arrêt précise ce qu’il faut entendre sous le critère relatif à « un nombre de personnes assez important ». Dès lors, « celui-ci vise à indiquer que la notion de public comporte un certain seuil de minimis, ce qui exclut de cette notion une pluralité de personnes concernées trop petite, voire insignifiante ».
4)Un État membre peut-il protéger plus amplement le droit exclusif d’un auteur en prévoyant que la notion de communication au public comprend davantage d’opérations que celles qui découlent de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29?
Comme nous venons de le voir précédemment , la directive nous donne la définition suivante de la communication publique « la mise à la disposition du public, au sens de la dite disposition, vise les ‘transmissions interactives à la demande’, caractérisées par le fait que chacun peut y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement ».
Alors qu’il est prévu une protection plus forte à l’article 15 de la loi sur le droit d’auteur. En effet, il est précisé dans cet article , qu’une communication d’une œuvre est considérée comme publique lorsqu’elle est faite dans un lieu ouvert au public ou en tout autre lieu où se rassemble un nombre de personnes dépassant le cercle normal des membres d’une famille et des connaissances de celle-ci. Cette loi nationale élargit donc largement la notion de communication publique, en élargissant le champ ratione personae de celle-ci. Ce qui nous conduit à répondre à cette dernière question par l’affirmative.
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Suite à l’analyse des 5 décisions précitées, nous pouvons déduire que la Cour de Justice de l’UE répondra de la manière suivante aux différentes questions préjudicielles posées.
Sur la première question :
“Une communication au public” selon l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information “vise les «transmissions interactives à la demande», caractérisées par le fait que chacun peut y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement.” (15 mars 2012, C-135/10, Consorzio Fonografici c. Del Corso)
Dès lors, le fait pour toute personne autre que le titulaire des droits d’auteur sur une œuvre de fournir un lien cliquable vers une œuvre sur son site Internet pourrait être considéré comme une communication au public puisqu’il remplit les critères définis dans les arrêts précités.
Et la qualification de l’hyperlien en “communication au public” donnerait alors un droit de nature préventive permettant à l’auteur de s’interposer entre d’éventuels utilisateurs de son œuvre et la communication au public que ces utilisateurs pourraient envisager d’effectuer, et ce afin d’interdire celle-ci. (15 mars 2012, C-135/10, Consorzio Fonografici c. Del Corso)
Sur la deuxième question :
“Les troisième et quatrième phrases du vingt-troisième considérant
de la directive 2001/29, selon lesquelles le droit de communication au public couvre tout acte de
transmission ou de retransmission d’une œuvre au public, par fil ou sans fil, y compris la
radiodiffusion, et ne couvre aucun autre acte. Ainsi, ce droit ne couvre pas des actes qui
n’impliquent pas une «transmission» ou une «retransmission» d’une œuvre, tels que des actes de
représentation ou d’exécution directs d’une œuvre”. (24 nov. 2011, C-283/10, Globus Circus)
A mon sens, que le lien s’ouvre sur son propre site ou bien sur un autre n’a que peu d’incidence, en effet, la transmission est accomplie peu importe que la page s’ouvre sur le même site ou si un site hôte.
Sur la troisième question :
“La Cour a jugé que le «public», au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive
2001/29, vise un nombre indéterminé de destinataires potentiels et implique, par ailleurs, un
nombre de personnes assez important. (…) Il s’agit de «rendre perceptible une œuvre […] de toute
manière appropriée, à des personnes en général, par opposition à des personnes déterminées
appartenant à un groupe privé»”(15 mars 2012, C-135/10, Consorzio Fonografici c. Del Corso)
A mon sens, ce critère d’accès avec ou sans restrictions est donc cruciale dans la définition même de communicaton publique puisqu’il déterminera si le site est accessible à un grand nombre de personnes.
La Cour rappelera qu'”’il incombe à la juridiction nationale de procéder à une appréciation globale de la
situation donnée.” (15 mars 2012, C-135/10, Consorzio Fonografici c. Del Corso)
Le critère de la nature lucrative ou non de l’acte de communication peut-il jouer un rôle?
“Au point 204 de l’arrêt Football Association Premier League e.a., précité, la
Cour a jugé que le caractère lucratif d’une communication au public, au sens de l’article 3,
paragraphe 1, de la directive 2001/29, n’est pas dénué de pertinence.
(Il faut donc aller vers) un droit à une rémunération équitable, tel que prévu à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 92/100, eu égard à la nature
essentiellement économique de ce droit.
Plus particulièrement, la Cour a déjà jugé que l’intervention effectuée par l’exploitant d’un
établissement hôtelier, visant à donner accès à une œuvre radiodiffusée à ses clients, doit être
considérée comme constituant une prestation de service supplémentaire accomplie dans le but d’en
retirer un certain bénéfice dans la mesure où l’offre de ce service a une influence sur le standing de
son établissement et, partant, sur le prix des chambres. De façon similaire, la Cour a jugé que la
transmission d’œuvres radiodiffusées par l’exploitant d’un café‑restaurant est effectuée dans le but,
et est susceptible, de se répercuter sur la fréquentation de cet établissement et, au bout du compte,
sur les résultats économiques de celui-ci (voir, en ce sens, arrêts précités, SGAE, point 44, ainsi
que Football Association Premier League e.a., point 205).
Il est ainsi sous-entendu que le public qui fait l’objet de la communication est, d’une part, ciblé
par l’utilisateur et, d’autre part, réceptif, d’une manière ou d’une autre à sa communication, et non
pas «capté» par hasard.”
“Enfin, il ne saurait être contesté que, dans une situation telle que celle de l’affaire au principal, un
dentiste qui diffuse des phonogrammes en présence de ses patients, en tant que musique
d’ambiance, ne peut raisonnablement ni s’attendre à un accroissement, en raison de cette seule
diffusion, de la clientèle de son cabinet ni augmenter le prix des soins qu’il prodigue. Partant, une
telle diffusion n’est pas susceptible, en soi, d’avoir une répercussion sur les revenus de ce dentiste.(15 mars 2012, C-135/10, Consorzio Fonografici c. Del Corso)
Nous pouvons donc déduire de la jurisprudence que le critère du but lucratif de l’acte de communication est à analyser en fonction de sa répercussion sur l’activité du site internet : Si ce sont les hyperliens qui font le site et sont assez attractif que pour attirer des visiteurs ou bien si ceux-ci sont purement accessoires et n’attirent pas à eux-seuls des visiteurs supplémentaires.
Le cumul de ces critères me parait une bonne recette pour déterminer si, en l’espèce, l’hyperlien constitue une communication au public dans l’affaire Svensson.
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L’appréciation du caractère de communication au public est une appréciation individualisée.
Pour une telle appréciation, il faut tenir compte de plusieurs critères. En premier lieu, le rôle incontournable joué par l’utilisateur. Celui-ci réalise un acte de communication lorsqu’il intervient en connaissance de cause afin de donner accès à l’œuvre par le lien cliquable, sans cet accès il n’y aurait pas de jouissance de l’œuvre.
Pour la notion de « public », il s’agit de «rendre perceptible une œuvre de toute manière appropriée, à des personnes en général, par opposition à des personnes déterminées appartenant à un groupe privé». Ce qui est le cas lors de la mise a disposition d’un lien cliquable disponible pour un ensemble de personne.
De plus dans l’arrêt 13 oct 2011, C-431/09 and C-432/09, Airfield. Il a été jugé que :
« Ainsi, une telle transmission constitue une seule communication au public par satellite si:
– elle est déclenchée par un «acte d’introduction» de signaux porteurs de programmes effectué «sous le contrôle et la responsabilité de l’organisme de radiodiffusion»;
– ces signaux sont introduits «dans une chaîne ininterrompue de communication conduisant au satellite et revenant vers la terre»; ces signaux sont «destinés à être captés par le public», et
– le dispositif de décodage de l’émission est «mis à la disposition du public par l’organisme de radiodiffusion ou avec son consentement», les signaux étant diffusés, dans les affaires au principal, sous forme codée. »
Nous pouvons appliquer cela par analogie au lien cliquable :
– L’ œuvre est déclenchée par un «acte d’introduction» en cliquant sur le lien.
– Ce lien est «destinés à être capté par le public», et
– Il peut être lu aisément par le destinataire étant mis à la disposition du public sous une simple forme codée de lien.
Donc la transmission même indirecte de l’œuvre constitue une communication au public.
Dès lors qu’une transmission d’une œuvre se fait dans un lien accessible depuis Internet à l’intention d’un public large qui volontairement clique afin d’avoir accès à l’œuvre, une telle intervention délibérée doit être considérée comme un acte par lequel l’œuvre en question est communiquée à un public nouveau. Tel est donc le cas lors de la transmission d’une œuvre via Internet car les destinataires du site constituent un public supplémentaire qui n’a pas été pris en considération par l’auteur lors de l’autorisation de la diffusion de son œuvre.
La communication revêt d’un caractère lucratif car :
• Le lien cliquable est accessible a un grand nombre de personne. Il y a une pluralité de personnes qui peut être importante pouvant avoir simultanément accès au lien. En outre, tous les destinataires du lien ont accès au même lien.
• Ce renvoi au lien cliquable sur un site peut mener à un accroissement du nombre d’internautes. En effet, ceux-ci sont réceptifs au lien et peuvent se rendre sur le site avec pour but d’y avoir accès. Ce lien cliquable est susceptible d’attirer des destinataires intéressés par l’œuvre transmise. Par conséquent, la transmission en cause se répercute sur la fréquentation du site et, au bout de compte, sur ses résultats économiques.
Il s’ensuit que la communication au public en question revêt un caractère lucratif.
Le droit de communication au public « doit s’entendre au sens large, comme couvrant toute communication au public non présent au lieu d’origine de la communication». Cette notion est aussi à adapter avec l’évolution technologique, qui a fait apparaître de nouvelles formes d’exploitation des œuvres protégées comme le renvoie à un lien cliquable. Le droit de communication au public couvre tout acte de transmission ou de retransmission d’une œuvre au public, par fil ou sans fil.
Un lien cliquable vers l’œuvre sur Internet constitue donc une communication au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29/CE. Ce peu importe que le lien renvoie sur le même site ou un autre tant que celui-ci est accessible à un large public. Cependant il n’en sera pas de même s’il y a des restrictions pour accéder au site internet.
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1. La communication au public
Selon l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, “les États membres prévoient pour les auteurs le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire toute communication au public de leurs œuvres, par fil ou sans fil, y compris la mise à la disposition du public de leurs œuvres de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement”.
La difficulté principale vient du fait que la directive 2001/29/CE ne précise pas la définition exacte de la notion de communication au public. Dès lors, dans plusieurs arrêts, la Cour va lui donner une interprétation large, eu notamment égard aux objectifs poursuivis par la directive et au regard du contexte dans lequel la disposition s’insère (point 185 de l’arrêt Premier League c. QC Leisure, C-403/08 du 4 octobre 2011 et point 34 de l’arrêt SGAE C-306/05).
Afin de justifier cette interprétation large, la Cour relève d’abord que « la directive sur le droit d’auteur a pour objectif principal d’instaurer un niveau élevé de protection en faveur des auteurs, permettant à ceux-ci d’obtenir une rémunération appropriée pour l’utilisation de leurs œuvres, notamment à l’occasion d’une communication au public ».
C’est d’ailleurs ce que la Directive préconise dans son 23ème considérant, précisant que « la présente directive doit harmoniser davantage le droit d’auteur de communication au public. Ce droit doit s’entendre au sens large, comme couvrant toute communication au public non présent au lieu d’origine de la communication. Ce droit couvre toute transmission ou retransmission, de cette nature, d’une œuvre au public, par fil ou sans fil, y compris la radiodiffusion. Il ne couvre aucun autre acte”.
Dans le point 193 de l’arrêt Premier League, la Cour précise qu’« il convient d’entendre la notion de communication de manière large, comme visant toute transmission des œuvres protégées, indépendamment du moyen ou du procédé techniques utilisés ». Un critère important semble également être le fait que sans cet acte, les clients ne puissent avoir accès à l’œuvre. Pour la question qui nous intéresse, il s’agirait de se demander si sans l’insertion de l’hyperlien, les internautes auraient –facilement ou non, accès à l’œuvre protégée.
2. Le caractère lucratif
Le caractère lucratif peut toutefois s’avérer pertinent, et est relevé dans le point 204 du même arrêt. La Cour relève que le fait, pour une personne non-titulaire du droit d’auteur, de profiter directement ou indirectement de la communication au public d’une œuvre protégée, revêt un caractère lucratif. Dans le cadre de l’exploitation d’un site Internet, l’on pourrait s’imaginer qu’une hausse de la fréquentation pourrait augmenter les revenus publicitaires du webmaster et dès lors revêtir un caractère économique. La Cour a ultérieurement proposé (arrêt Phonographic Performance Ltd c. Irlande C-162/10, point 43) que les clients (ou en l’espèce, les visiteurs) devaient être assez « ciblés » et « réceptifs » pour réellement présenter un caractère lucratif. Dès lors, un hyperlien ‘discret’, n’étant pas la raison d’être principale d’une page ou d’un onglet spécifique du site, ne semble pas réellement impacter ce caractère lucratif. Toutefois, une page spécialement conçue dans l’optique de présenter cet hyperlien, ou plusieurs publicités sur le site y faisant référence, pourraient jouer dans la balancer…
3. La notion de public
Dans son arrêt Circul Globus C-283/10 du 24 novembre 2011 -aux points 33 et suivants, la Cour revient également sur le libellé du considérant 23 de la Directive 2001/29/CE, en rappelant que la notion de communication au public implique la communication à un public non présent au lieu d’origine de la communication. Si l’on procède par analogie, l’on pourrait considérer l’hyperlien comme une forme de communication au public. En effet, ce dernier n’étant par définition qu’un simple renvoi d’un site vers un autre, le webmaster « tiers » communiquerait à un public nouveau une œuvre protégée, proposée par le titulaire du droit d’auteur sur son propre site. Sauf accord exprès de ce dernier, un hyperlien non autorisé procéderait d’une communication au public illégale.
Par ailleurs, il convient également de s’intéresser, dans cette notion, à la portée du terme « public ». En effet, la Cour a déjà jugé (voy. notamment l’arrêt Mediakabel, C-89/04, point 30) que le public vise un nombre indéterminé de destinataires potentiels et implique, par ailleurs, un nombre de personnes assez important (d’ailleurs confirmé par l’arrêt Phonographic Performance Ltd c. Irlande C-162/10 en son point 33). Dès lors, il semblerait pertinent de nuancer la réponse par rapport au trafic du site Internet. En effet, de nombreuses plateformes de blog actuelles présentent des hyperliens vers des œuvres protégées. Sans doute pourrait-on davantage penser à une communication ‘problématique’ au public dans le cadre d’un site Internet récoltant des milliers d’internautes par jour, plutôt que dans l’hypothèse d’un Tumblr n’ayant récolté qu’une poignée de visiteurs en quelques années…
L’Organisation Mondiale pour la Propriété Intellectuelle (OMPI) a d’ailleurs également donné –sans toutefois avoir force de droit, une indication quant à la nature de la transmission au public dans son glossaire, en définissant la notion comme étant le fait de « rendre perceptible une œuvre (…) de toute manière appropriée, à des personnes en général, par opposition à des personnes déterminées appartenant à un groupe privé ». (voy. points 83 et suivants de l’arrêt SCF c. Marco Del Corso C-135/10 du 15 mars 2012). Procédant encore une fois par analogie, si une œuvre était disponible librement sur le site Internet du titulaire des droits, le public potentiel était déjà atteint, et l’hyperlien standard, ne créant pas d’amalgame quant au titulaire des droits, n’opérerait qu’un simple renvoi ne communiquant pas pour la première fois l’œuvre au public.
Toutefois, un raisonnement différent peut être tenu si l’œuvre n’était disponible qu’à un groupe limité de personnes, par exemple sur une plateforme privée ou protégée par mots de passe. Dès lors qu’un webmaster rendrait l’œuvre accessible (que ce soit par hyperlien contenant des données cryptées ou proposant l’œuvre sur son propre site) au public alors qu’elle n’était destinée -sur Internet, qu’à un groupe privé, cela opérerait communication illégale au public.
Enfin, dans une jurisprudence très récente (point 24 de l’arrêt ITV Broadcasting c. TV Catchup, C-607/11 du 7 mars 2013), la Cour précise que « le législateur de l’Union, en régissant les situations dans lesquelles une œuvre donnée fait l’objet d’utilisations multiples, a entendu que chaque transmission ou retransmission d’une œuvre qui utilise un mode technique spécifique doit être, en principe, individuellement autorisée par l’auteur de l’œuvre en cause ». Il convient de se demander si l’insertion d’un hyperlien revêt un caractère suffisamment technique ou pas, eu notamment égard aux diffusions du titulaire du droit d’auteur. Sans doute pas, étant donné que la diffusion d’une œuvre sur Internet par son titulaire présuppose l’insertion-même d’hyperliens…
Eu égard à ce qui précède, nous apportons une réponse relativement nuancée. A priori, l’insertion d’hyperliens ne revêt pas de caractère technique particulier par rapport aux premières diffusions, et ne touchera pas toujours un public suffisamment large que pour le qualifier d’une « communication au public problématique ». Le caractère ‘ouvert’ du net suppose également une attitude tolérante du titulaire du droit d’auteur qui, dans certaines circonstances non problématiques, ait donné un accord tacite pour ce type de renvois en ayant lui-même publié une première fois son œuvre publiquement sur le net.
Toutefois, l’hyperlien peut constituer une communication au public dangereuse si l’œuvre d’origine n’était disponible que pour un groupe « privé » de personnes, et si elle était rendue disponible par l’insertion des cryptogrammes et clés nécessaires à son accès public dans l’hyperlien. En effet, elle toucherait un public nouveau, certainement très important et revêtant assez probablement un caractère lucratif, critères maintes fois relevés par la Cour.
Une autre situation tendancieuse serait celle où il pourrait être imaginé que le webmaster « tiers » héberge lui-même l’œuvre, sans aucun renvoi vers le site de l’auteur ou aucune mention de ce dernier, et créerait dès lors un amalgame sur l’identité du créateur de l’œuvre et de celui qui l’a communiquée pour la première fois. Ce genre de situation semble toutefois dépasser le cadre de la simple communication au public et relève de plusieurs autres formes de violation du droit d’auteur.
Conclusion
Nous pensons que la Cour de Justice doit apporter une réponse très nuancée en fonction des critères énoncés. Si la Cour jugeait sans nuances que l’établissement d’un hyperlien constitue une communication au public, cela poserait des problèmes pratiques sur le fonctionnement d’Internet. Il faudrait obtenir à chaque fois l’accord de l’auteur d’une publication avant d’établir un hyperlien et cela serait fastidieux.
Afin de ne pas entraver le fonctionnement d’internet, l’accord de l’auteur de la publication ne devrait être demandé que pour les sites ayant un minimum de fréquentation. De plus, l’établissement d’un simple hyperlien de renvoi ne constitue pas une communication au public. Il s’agit d’un simple renvoi vers une œuvre déjà communiquée et accessible au public.
Néanmoins, une exception devrait être accordée en cas de sites privés demandant une clé d’accès ou en cas d’hébergement par le tiers. Dans ces cas précis, les risques d’amalgame ou de confusion de l’identité de l’auteur ne sont pas négligeables. Il faut que le public puisse identifier clairement qui est l’auteur de la publication, a fortiori dans le cadre de sites payants.
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L’établissement d’un hyperlien peut-il constituer une “communication au public”?
Le vingt-troisième considérant de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, prévoit que celle ci «doit harmoniser davantage le droit d’auteur de communication au public. Ce droit doit s’entendre au sens large, comme couvrant toute communication au public non présent au lieu d’origine de la communication. Ce droit couvre toute transmission ou retransmission, de cette nature, d’une œuvre au public, par fil ou sans fil, y compris la radiodiffusion. Il ne couvre aucun autre acte».
Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, de cette directive, « les États membres prévoient pour les auteurs le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire toute communication au public de leurs œuvres, par fil ou sans fil, y compris la mise à la disposition du public de leurs œuvres de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement».
A la lecture de l’article 3, paragraphe 1 de la directive et du vingt-troisième considérant de celle-ci, il nous semble que nous pouvons considérer l’hyperlien comme étant un moyen de mise à la disposition du public d’une œuvre de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement. En effet, le considérant précise que ce droit doit s’entendre au sens large. Nous considérons dès lors que l’utilisation de l’hyperlien est un moyen de communication tombe sous le champ d’application de l’article 3, paragraphe 1 de la directive 2001/29/CE.
sources:
-4 oct. 2011, C-403/08 & C-429/08, Premier League
http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=Premier%2Bleague&docid=110361&pageIndex=0&doclang=FR&mode=req&dir=&occ=first&part=1&cid=259266#ctx1
-13 oct 2011, C-431/09 and C-432/09, Airfield
http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=airfield&docid=130830&pageIndex=0&doclang=FR&mode=req&dir=&occ=first&part=1&cid=259480#ctx1
-24 nov. 2011, C-283/10, Globus Circus
http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=115203&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=259998
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L’article 3 paragraphe 1 de la directive sur le droit d’auteur ne définit pas la notion de “communication au public”. Pour connaitre le sens et la portée de cette notion il faut nous référer à la jurisprudence constante de la Cour de justice de l’Union européenne. La Cour pour définir cette notion se réfère au libellé de l’article 3 paragraphe 1 de la directive sur le droit d’auteur, au contexte dans lequel elle se trouve et aux objectifs poursuivis par la directive et les autres réglementations en la matière.
L’objectif principal poursuivi par la directive sur le droit d’auteur est de protéger les auteurs et leur permettre d’obtenir rémunération pour l’utilisation de leurs oeuvres, en ce compris leur communication au public.
L’article 3 paragraphe 1 de la directive sur le droit d’auteur doit être interprété conformément au droit international, en ce compris la Convention de Berne et le Traité sur le droit d’auteur.
En vertu de son 20e considérant, la directive sur le droit d’auteur doit se fonder sur les règles et principes déjà établis par les directives en vigueur en matière de propriété intellectuelle. Il en va de l’exigence d’unicité et de cohérence de l’ordre juridique de l’Union européenne.
En vertu de ce qui a été dit plus haut, la Cour de justice a développé une jurisprudence constante en matière de “communication au public”.
Par “communication”, elle vise de manière large toute transmission des oeuvres protégées, indépendamment du moyen ou du procédé techniques utilisés. La même notion est utilisée dans l’article 8 paragraphe 3 de la directive sur les droits voisins, l’article 2 g) et l’article 15 du traité sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes, l’article 11bis alinéa 1 iii) de la Convention de Berne.
Par “communication au public”, on entend toute transmission à un public nouveau, c’est-à-dire qui n’était pas prise en compte par les auteurs des oeuvres protégées lorsqu’ils ont autorisé leur utilisation par la communication au public d’origine.
Le considérant 23 de la directive sur le droit d’auteur prône une interprétation large couvrant toute communication au public non présent au lieu d’origine de la communication, à l’exclusion de toute communication d’une oeuvre réalisée directement, dans un lieu ouvert au public, par toute forme publique d’exécution ou de présentation directe de l’oeuvre.
Un exploitant qui intervient en pleine connaissance des conséquences de son comportement pour donner accès à ses clients à une transmission de l’oeuvre protégée procède à un acte de communication. Sans son intervention ses clients n’auraient pu en principe avoir accès à cet oeuvre.
Dans le cas présent de l’affaire Svensson, le fait d’établir un hyperlien sur son site vers une oeuvre protégée constitue bien une communication. Pour que ce soit une communication au public il faut cependant qu’un public nouveau soit visé.
Le caractère lucratif de la communication au public n’est pas sans pertinence selon la Cour. Si la communication constitue une prestation de service supplémentaire accomplie dans le but d’en retirer un certain bénéfice, elle pourrait consister en une communication au public mais il ne s’agit pas d’un critère obligatoire.
Dans l’affaire Svensson, l’établissement de l’hyperlien sur son site pourrait avoir une répercussion sur la fréquentation de son site. Ce point pourrait être pertinent mais pas déterminant dans la qualification de communication au public au sens de l’article 3 paragraphe 1 de la directive sur le droit d’auteur.
En conclusion, établir sur son site un hyperlien vers une oeuvre protégée consisterait en une communication au public au sens de la directive sur le droit d’auteur à la condition que le public visé soit différent de celui d’origine, ce que les informations dont nous disposons actuellement ne nous permettent pas de savoir.
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L’article 3 de la directive ne précise pas le sens qui doit être donné à la notion de communication au public. Il convient donc d’apprécier cette notion à la lumière des différentes décisions qui ont été rendues par la Cour de justice de l’Union européenne.
Il faut tout d’abord préciser que la Cour entend conférer à ce terme un sens plutôt large. On pourrait dès lors tout de suite avancer, de manière intuitive, que la notion de communication au public comprend le fait d’établir un hyperlien. Il convient cependant de réaliser une analyse plus précise de la question.
Pour qu’il y ait communication au public, deux conditions ont été posées par la Cour dans les arrêts Consorzio Fonografici c. Del Corso et Phonographic Performance Ltd. Il faut que la communication s’adresse à des personnes indéterminées, par opposition à des personnes déterminées. Il faut également que le communication vise un grand nombre de personnes. L’arrêt Premier League mentionne quant à lui que la communication doit viser un public nouveau et supplémentaire pour qu’il s’agisse de communication au public et que tel n’est pas le cas lorsqu’on se trouve dans le cercle restreint des relations privées.
Dans l’affaire soumise à la Cour, les différents critères mentionnés ci-dessus sont tous remplis de telle sorte que l’établissement d’un hyperlien constitue bien une communication au public.
Premièrement, les utilisateurs d’un site internet sont, la plupart du temps, des utilisateurs indéterminés. N’importe qui peut accéder à un site internet, sans aucune restriction, sauf s’il est nécessaire de créer un compte, et donc d’avoir un nom d’utilisateur et un mot de passe, pour accéder au site.
Deuxièmement, les utilisateurs d’un site internet sont souvent très nombreux. Internet est accessible partout dans le monde. Le nombre potentiel de personnes ayant accès au site internet est donc très élevé, d’autant plus que, internet est, à l’heure actuel, l’outils le plus utilisé au monde et dont on ne peut se passer.
Troisièmement, un site internet n’est pas censé être visité seulement par des membres du cercle privé mais, puisqu’un site est en principe accessible à tout quiconque, il vise plutôt à attirer un public nouveau et supplémentaire par rapport à celui visé par l’auteur de l’œuvre initiale.
A cela, on doit ajouter deux arguments qui permettent de déterminer qu’il y a bien communication au public lors de l’établissement d’un hyperlien.
Premièrement, et c’est précisé par les arrêts Airfield, Consorzio Fonografici c. Del Corso et Phonographic Performance Ltd, il y a communication au public lorsque l’intervention de la personne qui a établi l’hyperlien est délibérée; lorsque, sans son intervention, l’accès à l’œuvre n’aurait pas été possible et lorsque la personne qui a fourni l’hyperlien l’a fait en connaissant les conséquences de ses actes.
Dans l’affaire en question, il est moins probable que toutes ces conditions soient remplies. Il est vrai que le fait d’établir un hyperlien peut permettre de donner accès à une œuvre qui n’est normalement pas accessible dès lors que celle-ci se trouve sur un site fermé au public. Dans ce cas, la condition selon laquelle l’accès à l’œuvre ne serait pas possible sans l’établissement de l’hyperlien est bien remplie. Cependant, tel n’est pas le cas si l’œuvre se trouvait déjà auparavant sur un site ouvert au public. On peut quand même admettre dans ce cas que l’hyperlien entraine une diffusion et un accès plus large de l’œuvre et que la condition est donc partiellement remplie. Sur la question d’agir ou non en connaissance de cause, il est possible d’agir sans se rendre compte de la conséquence de ses actes, mais tout le monde sait tout de même qu’il convient d’être prudent lorsqu’un contenu est placé sur internet et une personne qui établit un hyperlien agit donc vraisemblablement en connaissance de cause.
Deuxièmement, le caractère lucratif ou non d’un acte peut également être un élément déterminant afin d’établir s’il y a ou non communication au public. C’est même un élément d’appréciation important car il a été mentionné à chaque reprise par la Cour dans ses différents arrêts. Si un acte permet d’obtenir une rémunération, ne fut-ce qu’indirecte, il peut s’agir d’une forme de communication au public. Tel est le cas notamment lorsqu’un hôtel donne accès à une œuvre radiodiffusée permettant d’augmenter son standing (arrêt Phonographic Performance Ltd) ou lorsqu’un café diffuse des matches de foot et que cela permet d’attirer de nouveaux clients (arrêt Premier League). Tel n’est par contre pas le cas lorsqu’un dentiste met une musique d’ambiance dans son cabinet (arrêt Consorzio Fonografici c. Del Corso).
En l’occurrence, le fait d’établir un hyperlien renvoyant à une œuvre appartenant à quelqu’un d’autre permet bien d’augmenter le nombre de visiteurs qui vont fréquenter le site internet. Cela apporte donc une plus-value au site internet et cela constitue bien une forme de rémunération indirecte pour le site en question.
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A la lecture des différents arrêts proposés, un constat clair ressort : le droit de l’Union vise à instaurer un niveau de protection élevé en faveur des personnes titulaires de droits d’auteur sur une œuvre et ce, afin de leur permettre d’obtenir une rémunération appropriée, notamment lors d’une communication au public. En effet, ces personnes détiennent dans cette optique le droit d’interdire ou d’autoriser toute communication au public de leurs œuvres.
1) Un premier arrêt important est l’affaire C-607/11, ITV Broadcasting Ltd. c. TVCatchup Ltd. datant du 7 mars 2013. L’une des questions préjudicielles posée par la juridiction nationale à la CJUE est la suivante : si un organisme – tel que TVC – diffuse sur Internet des émissions radiodiffusées à des membres du public qui auraient été en droit d’accéder au signal de radiodiffusion original en utilisant leurs propres appareils de télévision ou leurs propres ordinateurs portables chez eux, est-ce que cela constitue une communication au public au sens de la directive 2001/29 ? A noter que selon cette directive, le droit de communication au public couvre toute transmission ou retransmission d’une œuvre au public non présent au lieu d’origine de la communication, par fil ou sans fil, y compris la radiodiffusion.
Dans cet arrêt, la Cour rappelle que l’autorisation de l’inclusion des œuvres protégées dans une communication au public n’épuise pas le droit d’autoriser ou d’interdire d’autres communications au public de ces œuvres. Elle en déduit que concernant les œuvres qui font l’objet d’utilisations multiples, « chaque transmission ou retransmission de cette œuvre par l’utilisation d’un mode technique spécifique doit être, en principe, individuellement autorisée par son auteur ».
Dès lors, étant donné que la mise à disposition d’une radiodiffusion télévisuelle terrestre via sa retransmission sur Internet se fait suivant un mode technique spécifique et différent de celui de la communication d’origine, celle-ci est couverte par la définition de « communication » au sens du droit européen. De plus, en tant que cette retransmission vise l’ensemble des personnes qui résident au Royaume-Uni et qui y disposent d’une connexion Internet ainsi que d’une licence de télévision, elle communique les œuvres protégées à « un public » au sens de la directive.
Par conséquent, la Cour répond que la notion de « communication au public » au sens de la directive 2001/29 doit être interprétée en ce sens qu’elle couvre une retransmission des œuvres incluses dans une radiodiffusion télévisuelle terrestre, effectuée par un organisme autre que le radiodiffuseur original, au moyen d’un flux Internet mis à la disposition de ses abonnés qui peuvent recevoir cette retransmission en se connectant au serveur de celui-ci, bien que ces abonnés se trouvent dans la zone de réception de ladite radiodiffusion télévisuelle terrestre et puissent recevoir légalement celle-ci sur un récepteur de télévision.
2) Dans l’arrêt C-135/10, Consorzio Fonografici c. Del Corso du 15 mars 2012, la Cour précise que la notion de « communication au public » doit être interprétée « à la lumière des notions équivalentes contenues dans la convention de Rome, l’accord ADPIC ainsi que le WPPT et de telle manière qu’elle demeure compatible avec lesdites conventions, en tenant compte également du contexte dans lequel de telles notions s’inscrivent et de la finalité poursuivie par les dispositions conventionnelles pertinentes en matière de propriété intellectuelle ».
Par ailleurs, il ressort de l’exposé des motifs de la proposition de directive que la mise à disposition d’une œuvre au public vise les « transmissions interactives à la demande », caractérisées par le fait que chacun peut y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement.
La Cour rappelle à cette occasion qu’il faut tenir compte de différents critères complémentaires interdépendants les uns par rapport aux autres, dont notamment : 1) le rôle incontournable de l’utilisateur ; 2) les éléments inhérents à la notion de « public » : il faut vérifier si les œuvres ont été effectivement communiquées à « un public », c’est-à-dire un nombre indéterminé (mais important) de destinataires potentiels ; 3) le caractère lucratif d’une communication au public (vérifier si la communication au public peut capter de la clientèle en plus et de ce fait accroitre le bénéfice).
In casu, la notion de « communication au public » ne couvre donc pas une diffusion gratuite de phonogrammes dans un cabinet dentaire lorsque la clientèle en jouit indépendamment de sa volonté. Une telle diffusion ne donne dès lors pas droit à la perception d’une rémunération en faveur des producteurs de phonogrammes.
En revanche, dans l’arrêt C-162/10, Phonographic Performance Ltd du 15 mars 2012, la Cour décide que constitue une « communication au public » le fait pour un exploitant d’hôtel de mettre à disposition de ses clients des appareils de lecture de phonogrammes sous forme physique ou numérique dans les chambres d’hôtel. En effet, un des critères sur lequel la Cour s’appuie est le fait que la communication a une valeur économique pour l’exploitant de l’hôtel.
3) Dans ses arrêts C-403/08 & C-429/08, Premier League du 4 octobre 2011, la Cour énonce qu’il convient d’interpréter la notion de « communication au public » au sens de l’article 3, §1 de la directive 2001/29 au regard de trois éléments : 1) il y a lieu de déterminer son sens et sa portée au regard des objectifs poursuivis par cette directive et au regard du contexte dans lequel la disposition interprétée s’insère ; 2) la Cour se fonde sur des principes et des règles déjà établis par les directives en vigueur dans le domaine de la propriété intellectuelle ; 3) l’article 3, §1 de la directive doit être interprété, dans la mesure du possible, à la lumière du droit international, et en particulier en tenant compte de la convention de Berne et du traité sur le droit d’auteur.
Au vu des ces éléments, il convient donc d’entendre la notion de communication de manière large, comme comprenant toute transmission des œuvres protégées, indépendamment du moyen ou du procédé techniques utilisés.
En outre, la Cour rappelle également que pour relever de la notion de «communication au public» au sens de l’article 3, §1 de la directive sur le droit d’auteur, il faut encore que « l’œuvre radiodiffusée soit transmise à un public nouveau, c’est-à-dire à un public qui n’était pas pris en compte par les auteurs des œuvres protégées lorsqu’ils ont autorisé leur utilisation par la communication au public d’origine ».
4) Le principal enseignement à retenir des arrêts C-431/09 and C-432/09, Airfield du 13 octobre 2011 est que la notion de « communication au public » recouvre également l’opération par laquelle un fournisseur de bouquet satellitaire élargit le cercle de personnes ayant accès aux programmes télévisés et de ce fait « rend possible l’accès d’un public nouveau aux autres objets protégés ».
5) Dans son arrêt C-283/10, Globus Circus du 24 Novembre 2011, la Cour décide que « l’article 3, §1 de la directive doit être interprété en ce sens qu’il vise uniquement la communication à un public qui n’est pas présent au lieu d’origine de la communication à l’exclusion de toute communication d’une œuvre réalisée directement, dans un lieu ouvert au public, par toute forme publique d’exécution ou de présentation directe de l’œuvre ».
Dans cet arrêt, la Cour s’interroge également sur l’évolution technologique qui a diversifié les vecteurs de création et de production. Elle précise que « si la protection de la propriété intellectuelle ne nécessite aucun concept nouveau, les règles actuelles en matière de droit d’auteur et de droits voisins devront être adaptées et complétées pour tenir dûment compte des réalités économiques telles que l’apparition de nouvelles formes d’exploitation ».
6) Au vu des critères repris dans la jurisprudence analysée ci-dessus, il convient de se demander si l’établissement d’un hyperlien peut, oui ou non, constituer une « communication au public »?
Premièrement, selon l’enseignement de l’affaire Broadcasting Ltd c. TVCatchup Ltd., pour que l’hyperlien constitue une « communication au public » au sens de la directive, il faudra que celui-ci transmette l’information protégée suivant un mode technique spécifique et différent de celui de la communication d’origine. Or, il est de notion commune qu’un lien hypertexte renvoi – la plupart du temps – d’un site internet à un autre. Par conséquent, le mode de (re)diffusion de l’information étant presque identique à celui de l’information originale, il pourrait être soutenu par la Cour que l’installation d’un hyperlien renvoyant à une information protégée ne constitue pas une communication au public.
Deuxièmement, bien que le mode de transmission soit le même, le fait que chacun puisse avoir accès à l’œuvre de l’endroit et au moment qu’il désire (grâce à l’hyperlien) laisse penser que ce genre de partage d’information constitue une communication au public. Il s’agit dès lors de vérifier les trois critères mis en évidence dans l’arrêt Consorzio Fonografici c. Del Corso : 1) le rôle incontournable de l’utilisateur : l’internaute qui publie l’hyperlien sur son site internet est-il conscient de partager une œuvre protégée ; 2) les éléments inhérents à la notion de « public » : on peut raisonnablement croire que dans un monde où près de 2 milliards d’individus ont accès à internet, la communication d’un hyperlien s’adresse non seulement à un nombre indéterminé de destinataires potentiels mais aussi à un nombre assez important de personnes ; 3) le caractère lucratif d’une communication au public : il est clair que la personne qui publie un hyperlien sur son site/blog y ajoute une certaine plusvalue qui pourrait entrainer un accroissement de visiteurs. Cela dit, l’établissement de cet hyperlien est également susceptible de bénéficier à la personne qui gère le site vers lequel cet hyperlien renvoie le « public ».
Ensuite, par rapport au critère mis en évidence par les arrêts C-431/09 and C-432/09, Airfield du 13 octobre 2011, la « communication au public » recouvre l’opération en cause lorsque l’intervenant autre que l’auteur (c’est-à-dire dans le cas de l’établissement d’un hyperlien, celui qui insère dans son site internet un hyperlien renvoyant à une œuvre protégée) élargit le cercle de personnes ayant accès à l’objet protégé et de ce fait « rend possible l’accès d’un public nouveau aux autres objets protégés ». C’est le cas de l’hyperlien.
Enfin, si l’on s’attarde à l’arrêt du 24 novembre 2011, C-283/10, Globus Circus, l’on se rend compte à quel point la Cour est attentive à la protection des droits d’auteur et à l’adaptation des règles de droit à l’évolution des technologies et aux nouvelles méthodes de communication au public d’œuvres protégées. Au vu de cet arrêt, il faut s’attendre à ce que l’établissement d’un hyperlien renvoyant à une œuvre protégée soit considéré par la Cour comme un mode de communication au public qu’il s’agira d’intégrer à la jurisprudence existante afin de tenir compte – comme l’arrêt Globus Circus y encourage – de l’évolution des techniques de retransmission des œuvres protégées.
En conclusion, au regard de ces critères, nous considérons que la Cour sera sans doute amenée, dans le cadre de l’affaire Svensson, à décider que l’établissement d’un hyperlien constitue bel et bien une « communication au public » au sens de la directive 2001/29. Cela dit, il ne faut pas perdre de vue les autres questions préjudicielles posées à la Cour et qui soulèvent des problématiques importantes qui auront une influence certaine sur la décision de la Cour : le site sur lequel l’hyperlien est publié est-il accessible à un public restreint uniquement ? Convient-il de faire une distinction selon que l’œuvre, après que l’utilisateur a cliqué sur le lien, apparaît sur un autre site Internet, ou que l’accès à ce site est, au contraire, limité d’une façon ou d’une autre ?
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Mise en lumière de la notion de communication au public et Question préjudicielle de la Cour de Justice de l’U.E.
Dans l’arrêt Premiere League, la cour définit le droit à la communication au public comme étant la transmission d’œuvres radiodiffusées aux clients présents dans un café restaurant, par le biais d’un écran de télévision et d’un système audio ad-hoc. Comme la cour y fait référence, la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information a pour but d’apporter une large protection dans le chef des auteurs. Ceci implique donc que la notion de communication au public doit s’entendre au sens large pour couvrir une large plage de situations.(1) (2)
Notamment, dans le cas Svensson, le fait de mettre à disposition sur un site internet un lien permettant d’accéder à un contenu protégé par un droit d’auteur pourrait correspondre à la notion de communication au public et entrer dans le champ d’application de la directive 2001/29/CE étant donné que celui-ci atteint un nouveau public à l’aide d’œuvres protégées par le droit d’auteur.
Dans l’arrêt Airfield, la cour analyse l’aspect du coût relatif à l’accès à un contenu audiovisuel, dont la communication au public est conditionnée au payement d’une somme d’argent. Dans ce cas présent, la cour considère que le fournisseur d’un service tel que celui-ci ne peut se faire sans payement des droits d’auteurs étant donné que les œuvres audiovisuelles vont être rendues accessibles à un public nouveau. Cet notion de public nouveau consiste à désigner un public qui n’était pas celui visé initialement par l’auteur. (3) (4)
Un parallèle peut par ailleurs être établi entre le défendeur de l’affaire Svensson et le fournisseur satellitaire de contenus audiovisuels ainsi qu’entre les hyperliens disponible sur le site internet et les œuvres diffusées par satellite. Ces deux personnes ne sont pas titulaires des droits d’auteurs de ce qu’elles diffusent et doivent donc payer des droits d’auteurs pour communiquer au public les œuvres protégées, sachant que dans ces deux cas, la communication n’est possible que par le payement d’une somme d’argent par les consommateurs.
On retrouve par ailleurs dans les affaires Premiere League et Airfield une influence de la présence d’un but de lucre. Généralement, ce n’est pas un élément retenu par les juges mais dans les cas présents, la Cour insiste sur le fait que le café qui propose la communication au public d’un match de football le fait dans un but de lucre, tout comme le fournisseur de bouquet satellitaire qui fait des bénéfices sur le prix des abonnements à leur service.
Il en ressort donc que la Cour aura tendance protéger les auteurs et appliquer la notion de communication au public de manière large d’autant plus si la personne qui met à disposition le contenu en retient un bénéfice lucratif. Dans tous ces cas, il s’agit d’intermédiaires qui ont pour but de communiquer des œuvres dans un but lucratif. Sur cette base, il se pourrait que la Cour décide de répondre à la première question préjudicielle en considérant que l’établissement d’un hyperlien constitue une communication au public au regard de la jurisprudence antérieure.
1) 4 oct. 2011, C-403/08 & C-429/08, Premier League
2) HUBIN J.-B. et JOST J., « L’arrêt Premier League : les droits de diffusion exclusifs par territoire mis hors – jeu ? » R.D.T.I., 46/2012.
3) 13 oct 2011, C-431/09 and C-432/09, Airfield
4) DUSOLLIER S. et DE FRANCQUEN A., « Chronique – Droits intellectuels », J.T., 2012.
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Les critères d’appréciation de la notion de « communication au public » sont les suivantes : (cfr arrêts C-135/10, Consorzio Fonografici c. Del Corso ; C-162/10, Phonographic Performance Ltd)
1) Le rôle incontournable joué par l’utilisateur (acte délibéré)
2) Certains éléments inhérents à la notion de public
• Le « public » doit être constitué d’un nombre indéterminé de destinataires potentiels. Il faut un nombre assez important de personnes
• Le « public » doit être « réceptif »
3) Le caractère lucratif d’une communication au public n’est pas dénué de pertinence.
Quid de l’établissement d’un hyperlien?
S’agit-il d’une communication ? La directive 2001/29 ne définit pas de façon exhaustive la notion de communication. D’après le considérant 23 de cette directive, « le droit d’auteur de communication au public couvre toute transmission ou retransmission d’une œuvre au public non présent au lieu d’origine de la communication, par fil ou sans fil, y compris la radiodiffusion ».
Selon nous, l’établissement de cet hyperlien est un mode technique spécifique qui permet une transmission de l’œuvre au public. Par conséquent, une telle transmission nécessite l’accord des auteurs des œuvres transmises.
Mais analysons plus en profondeur ces 3 critères :
En 1er lieu, le rôle de l’utilisateur :
La Cour a, en premier lieu, souligné le rôle incontournable qui doit être joué par l’utilisateur.
En effet, cet utilisateur réalise un acte de communication lorsqu’il intervient, en pleine connaissance des conséquences de son comportement, pour donner accès à une œuvre aux internautes. En l’absence de cette intervention, les internautes ne pourraient, en principe, jouir de l’œuvre diffusée (voir arrêt SCF, point 82 et Phonographic performance point 31).
En l’espèce, il est indubitable que l’utilisateur qui poste le lien joue un rôle incontournable dans la transmission de l’œuvre car en son absence, les internautes n’auraient pas été voir l’œuvre en question.
En 2ème lieu, vient la notion de public :
À cet égard, la Cour a jugé que le «public», au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive
2001/29, vise un nombre indéterminé de destinataires potentiels et implique, par ailleurs, un nombre de personnes assez important (voir, en ce sens, arrêts du 2 juin 2005, Mediakabel, C 89/04, Rec. p. I 4891, point 30; du 14 juillet 2005, Lagardère Active Broadcast, C 192/04, Rec. p. I 7199, point 31, ainsi que SGAE, précité, points 37 et 38). (Arrêt SCF point 84 et arrêt Phonographic point 33).
S’agissant, tout d’abord, du caractère «indéterminé» du public, il importe de relever que, conformément à la définition de la notion de «transmission publique (communication publique)» donnée par le glossaire de l’OMPI qui, sans avoir force obligatoire de droit, contribue néanmoins à l’interprétation de la notion de public, il s’agit de «rendre perceptible une œuvre […] de toute manière appropriée, à des personnes en général, par opposition à des personnes déterminées appartenant à un groupe privé». (Arrêt SCF point 85 et arrêt Phonographic point 34).
Concernant, ensuite, le critère relatif à un «nombre de personnes assez important», celui-ci vise à indiquer que la notion de public comporte un certain seuil de minimis, ce qui exclut de cette notion une pluralité de personnes concernées trop petite, voire insignifiante. (Arrêt SCF point 86 et arrêt Phonographic point 35).
Tel est le cas, lorsqu’on se trouve sur la toile/ internet : en effet, n’importe quel quidam peut avoir accès à ce lien posté sur un site internet. Et par ailleurs, un nombre important de personnes peuvent accéder au site, puis cliquer sur le lien en question.
Ensuite, le public doit pouvoir être qualifié de réceptif. Il est ainsi sous-entendu, selon la Cour, que le public qui fait l’objet de la communication est, d’une part, ciblé par l’utilisateur et, d’autre part, réceptif, d’une manière ou d’une autre, à sa communication, et non pas «capté» par hasard (voir arrêt SCF point 91 et arrêt Phonograhic point 37)
Il faut donc que les gens profitent de la communication de l’œuvre, ce qui pourra être le cas lorsque les internautes cliqueront sur le lien qui renvoit à l’œuvre.
Remarquons tout de même que le fait que l’œuvre vers laquelle renvoie le lien se trouve sur un site internet auquel chacun peut accéder sans restriction ou qu’au contraire l’accès se trouve limité aura toute son importance. En effet, si l’accès est limité, on peut présumer que la Cour établira que le nombre de destinataires est déterminé et que par là même, la deuxième condition n’est pas remplie. Par conséquent, l’œuvre ne sera pas accessible à n’importe qui !
En 3ème lieu, le caractère lucratif :
En troisième lieu, la Cour a jugé que le caractère lucratif d’une « communication au public », au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29, n’est pas dénué de pertinence, (Arrêt SCF point 88).
Il faudra donc voir si cela constitue une prestation de service supplémentaire accomplie dans le but d’en retirer un certain bénéfice et si cela influence les résultats économiques du prestateur. (voir, en ce sens, arrêts SGAE, point 44, ainsi que Football Association Premier League e.a., point 205). Il faut donc analyser si grâce à cette démarche, il est susceptible d’attirer des clients additionnels intéressés par ce service supplémentaire (Arret phonographic point 44).
On peut raisonnablement penser que la personne qui fournit un lien cliquable vers une œuvre sur son site internet espère tirer un quelconque profit de cette opération ou à tout le moins attirer des clients additionnels intéressés par ce service.
Il faudrait cependant connaître avec plus de précision les circonstances de l’espèce pour pouvoir affirmer cela.
Enfin il est important de relever que dans le récent arrêt ITV Broadcasting c. TVCatchup, la Cour « a admis qu’un tel caractère n’ [était] pas nécessairement une condition indispensable qui détermine l’existence même d’une communication au public ».
Conclusion
Selon nous, eu égard aux quatre conditions citées précédemment, l’établissement d’un hyperlien constitue une communication au public.
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Critères de la communication au public
Notion de public :
Nombre :
La Cour a rappelé dans sa jurisprudence qu’il faut un public composé « d’un nombre de personnes assez important », la Cour interprète cette notion en imposant un seuil minimal de personnes qui ne peut être « trop petit voir insignifiant ». Cela ne peut donc pas être un public restreint.
Qui ?
La Cour a interprété la notion de public comme touchant des personnes de manière générale et indéterminée. La notion de public ne s’entend pas exclusivement en terme de groupe mais touche également toute personne prise individuellement.
Public nouveau :
La Cour énonce comme critère supplémentaire la notion de public nouveau. C’est-à-dire que l’utilisateur qui communique l’œuvre en question « à un public qui n’était pas pris en compte par les auteurs de l’œuvre protégée » doit une rémunération équitable pour cette communication. De plus il ne faut pas que le public soit au lieu d’origine de la communication.
Nature lucrative :
La Cour rappelle dans l’affaire Airfield que le fournisseur de bouquet satellitaire accompli une prestation de service dans un but lucratif (prix de l’abonnement) et permet aux abonnés d’accéder à la communication du service.
Notion de communication de l’œuvre :
Pour pouvoir parler de communication de l’œuvre il faut que ce soit le contenu même de l’œuvre qui soit diffusé et le public doit être à la disposition de ce contenu.
Conclusion :
Concernant l’hyperlien on ne peut pas parler de communication au public étant donné qu’il est admis que cliquer sur un hyperlien ne constitue qu’un simple renvoi vers l’œuvre en question. En effet, l’œuvre en tant que telle se situe sur le site du propriétaire de l’œuvre et l’hyperlien n’est qu’un raccourci pour y accéder. De cet fait un renvoi vers ce site n’élargit pas le public visé à la base par l’auteur étant donné qu’il pourrait y avoir accès via l’adresse du site elle même.
Sources :
– http://www.memoireonline.com/02/12/5376/m_Les-droits-d-auteur-et-la-nouvelle-societe-de-l-information7.html
– http://www.legavox.fr/blog/mr-labyod/responsabilite-fait-liens-hypertextes-5950.htm
– http://www.droitsurinternet.ca/section.php?section=116#208
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QUESTIONS APPROFONDIES EN DROIT INTELLECTUEL.
IPdigit sur la question : « L’établissement d’un hyper lien peut-il constituer une communication au public ? » – Critères de la communication au public.
Au vue de la jurisprudence mentionnée ci-dessus, plusieurs précisions quant aux critères de la communication au public ont été apportées par la Cour de justice de l’Union Européenne.
Par communication au public, on peut entendre tout acte par lequel une œuvre est transmise à un public, de manière directe et non par le truchement d’un support matériel. Peu importe le vecteur de transmission de l’œuvre ( cfr notes de droit intellectuels de Séverine Dussolier, FUNDP). La diffusion d’une œuvre sur internet étant donc comprise dans cette notion.
Pour qu’il y ait communication au public, différents critères sont à prendre en compte.
Premièrement, le public doit être constitué par un nombre indéterminé de destinataires potentiels (et bien sur, que ce nombre soit important). Cela ne signifie pas que les destinataires potentiels ont eu effectivement accès mais qu’ils ont pu avoir accès à l’œuvre protégée.
Deuxièmement, le fait que le vecteur de transmission soit internet implique que le public est actif et choisit d’accéder à l’œuvre. L’acte de communication est donc réalisé par l’intervention du public, intervention active bien sur.
Un troisième critère non négligeable est le caractère lucratif de la communication au public dans le sens où il faut que la communication rapporte un plus, soit profitable pour celui qui « diffuse » l’œuvre. Pour mieux comprendre ce critère, on peut se référer aux affaires Marco Del Corso et Phonographic. Dans l’affaire Marco Del Corso, le fait que le dentiste diffuse de la musique dans sa salle d’attente n’augmente en rien la publicité de son cabinet et n’est en rien un service supplémentaire et la Cour a jugé qu’il n’y avait pas communication au public en raison de l’absence du critère lucratif. Contrairement à l’affaire Phonographic où la Cour a jugé que la diffusion de musique dans les chambres de l’hôtel influence le prix du logement et cela attire les clients. C’est considéré comme une prestation supplémentaire à caractère lucratif et donc il y a communication au public.
Nous pouvons donc bien dire que le caractère ou non lucratif de l’acte de communication joue un rôle important comme nous le constatons dans les décisions citées ci-dessus.
En ce qui concerne l’établissement d’un hyper lien, nous considérons que cet acte de communication pourrait être une communication au public parce qu’il touche un nombre potentiel et indéterminé de personnes, toutes actives car ce sont elles qui décident de cliquer sur le lien mais il manque le critère lucratif de la communication. Le fait de référencer une œuvre via un hyperlien n’est pas bénéfique pour la personne qui donne l’accès à l’œuvre.
Pascaline de Meeûs
Charlotte Breackman
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L’établissement d’un hyperlien peut-il constituer une “communication au public”?
Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29 : « Les États membres prévoient pour les auteurs le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire toute communication au public de leurs œuvres, par fil ou sans fil, y compris la mise à la disposition du public de leurs œuvres de telle manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement. »
Les auteurs disposent, en vertu de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29, d’un droit de nature préventive leur permettant de s’interposer entre d’éventuels utilisateurs de leur œuvre et la communication au public que ces utilisateurs pourraient envisager d’effectuer, et ce afin d’interdire celle-ci.
L’article 3, paragraphe 1, de la directive sur le droit d’auteur ne précise pas la notion de «communication au public». Il y a lieu de déterminer son sens et sa portée au regard des objectifs poursuivis par cette directive et au regard du contexte dans lequel la disposition interprétée s’insère.
Or, la directive sur le droit d’auteur a pour objectif principal d’instaurer un niveau élevé de protection en faveur des auteurs, permettant à ceux-ci d’obtenir une rémunération appropriée pour l’utilisation de leurs œuvres, notamment à l’occasion d’une communication au public. Il s’ensuit que la notion de communication au public doit être entendue au sens large.
La notion de « communication » :
Selon la jurisprudence de la Cour Européenne de justice, il convient d’entendre la notion de communication de manière large, comme visant toute transmission des œuvres protégées, indépendamment du moyen ou du procédé techniques utilisés.
Si une œuvre donnée fait l’objet d’utilisations multiples, chaque transmission ou retransmission de cette œuvre qui utilise un mode technique spécifique doit être, en principe, individuellement autorisée par l’auteur de l’œuvre en cause.
Il ressort de la jurisprudence de la Cour que ne constitue pas une «communication» un simple moyen technique pour garantir ou améliorer la réception de la transmission d’origine dans sa zone de couverture. (L’intervention d’un tel moyen technique doit se limiter à maintenir ou à augmenter la qualité de la réception d’une transmission déjà existante et ne saurait servir pour une transmission différente de celle-ci.).
La notion de « public » :
La notion de « public »vise un nombre indéterminé de destinataires potentiels et implique, par ailleurs, un nombre de personnes assez important.
1) Concernant ce caractère « indéterminé » du public, il s’agit de «rendre perceptible une œuvre […] de toute manière appropriée, à des personnes en général, par opposition à des personnes déterminées appartenant à un groupe privé».
2) Concernant le critère relatif à un «nombre de personnes assez important», celui-ci vise à indiquer que la notion de public comporte un certain seuil de minimis, ce qui exclut de cette notion une pluralité de personnes concernées trop petite, voire insignifiante.
3) Le public doit être « nouveau » en ce sens qu’il n’est pas pris en compte par les auteurs des œuvres protégées lorsqu’ils ont autorisé leur utilisation par la communication au public d’origine.
4) Ce nouveau public doit être « «non présent au lieu d’origine de la communication». Ce critère signifie que la communication au public ne couvre pas «les représentations ou exécutions directes», notion qui renvoie à celle de «représentation et exécution publiques», laquelle englobe l’interprétation des œuvres devant le public qui se trouve en contact physique et direct avec l’acteur ou l’exécutant de ces œuvres
Le critère de la nature lucrative ou non de l’acte de communication :
Le caractère lucratif d’une «communication» n’est pas dénué de pertinence, cependant, un tel caractère n’est pas nécessairement une condition indispensable qui détermine l’existence même d’une communication au public.
Concernant les hyperliens :
Communication ?
Selon-nous, il n’y pas de communication car il n’y a pas de transmission.
L’hyperlien indique à l’utilisateur un emplacement sur le web, s’ est donc un outil de localisation et non de transmission. L’individu qui établit un hyperlien ne fait qu’informer les internautes de l’existence d’une page web, il ne fait que faciliter l’accès à une œuvre déjà communiquée au public.
On pourrait également soutenir que l’établissement d’un hyperlien est « un simple moyen technique pour garantir ou améliorer la réception de la transmission d’origine dans la zone de couverture ».
Au public ?
Etant donné que l’hyperlien est établit sur internet, on peut affirmer qu’il vise un nombre indéterminé de destinataires potentiels et implique, par ailleurs, un nombre de personnes assez important.
Par contre, selon-nous, le public ne peut être qualifié de « nouveau ».
En effet, si l’œuvre est présente sur internet, elle est déjà disponible pour l’ensemble de la communauté. Même sans l’existence de l’hyperlien, l’utilisateur aurait pu trouver l’œuvre en la localisant, par exemple, à l’aide d’un moteur de recherche.
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La question qui se pose dans cette affaire est de savoir si l’établissement de liens hypertextes constitue un acte de communication au public.
Comme on peut le lire dans l’arrêt Premier League, l’article 3 §1er de la directive 2001/29 ne définit pas clairement la notion de « communication au public ». C’est pourquoi la jurisprudence enseigne qu’ il faut interpréter la notion au regard des dispositions de droit international, de droit européen ainsi qu’au regard de l’objectif de la directive en cause, à savoir garantir un niveau élevé de protection en faveur des auteurs. On verra qu’il en va autrement pour l’article 8 §2 de la directive 2006/115, qui requiert une interprétation autonome. De cela découle la nécessité de comprendre la communication au public de manière large (§186 Premier League).
Pour plus de clarté, on peut retenir cette définition donnée en doctrine : « le droit de communication recouvre tout acte par lequel une œuvre est transmise à un public, de manière directe et non par le truchement d’un support matériel. »
Nous pensons cependant que les liens hypertextes ne sont pas compris dans la définition.
Reprenons les critères d’une communication au public induits de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne.
1. La transmission
Tout d’abord, la « communication » correspond à « toute transmission des œuvres protégées, indépendamment des moyens ou du procédé technique utilisés ». ( Premier League). Nous ne nous attarderons pas sur ce terme, bien que, in casu, il pourrait y avoir lieu à débattre sur ce qu’est une « transmission » et si le fait de publier un lien hypertexte en est une. De même, l’on pourrait jouer sur le fait qu’un lien hypertexte n’est pas une œuvre en lui-même, et que l’on parle pourtant de « communication d’une œuvre » .
2. Le public
Nous avons préféré nous attarder sur les termes « au public » étant donné la jurisprudence abondante de la Cour. Parmi les critères pertinents s’y trouvant, nous avons relevé :
– un public dont le nombre est indéterminé mais suffisamment important (§32 Tv Catchup) ;
– un public qui n’est pas présent lors de la représentation ou de l’exécution de l’œuvre (Globus circus, Premier League) ;
– et enfin un public nouveau (SGAE, Premier League, Airfield,…).
1. Le caractère lucratif
S’agissant du caractère lucratif induit par l’intervention de la personne qui communique au public (ci-après « le tiers »), il n’est « pas dénué de pertinence » (§204 Premier League) dans l’analyse de l’article 3 §1er de la directive 2001/29, mais cet élément ne constitue toutefois pas une condition sine qua non à l’existence d’une communication au public (§44 Tv Catchup).
A l’inverse, nous pouvons lire dans les arrêts Phonogrammes Perfomance et Consortile Fonografici que le caractère lucratif d’une communication au public au sens de l’article 8 §2 de la directive 2006/115 a un impact important sur la qualification de celle-ci. Cette interprétation autonome est liée à l’objectif même de cette seconde directive, qui est « d’assurer qu’une rémunération équitable soit versée par les utilisateurs aux auteurs lorsqu’un phonogramme est publié à des fins de commerce […] » (§63 Consortile Fonografici).
Pour pouvoir répondre à la question de savoir si un lien hypertexte constitue une communication au public, il convient de s’arrêter principalement sur le deuxième critère : En publiant le lien, le public touché est-il nouveau ?
Selon la jurisprudence de la Cour, un public est nouveau lorsqu’il « n’était pas pris en compte par les auteurs des œuvres protégées lorsque ceux-ci ont autorisé leur utilisation par la communication au public d’origine » (§ 197 Premier League, §76 Airfield).
Or, pour en revenir à notre affaire Svensson, en postant une œuvre sur internet, le public d’origine n’est-il pas déjà un public universel ?
Selon nous, toute personne peut avoir accès à l’œuvre – figurant sur internet- avant même qu’elle ne soit proposée par des liens hypertextes. Nous pourrions faire une analogie avec le §35 de l’arrêt Tv Catchup où le public est défini comme « l’ensemble des personnes qui résident au Royaume-Uni, qui disposent d’une connexion internet et qui prétendent détenir une licence de télévision dans cet État ». Le public d’origine pourrait donc très bien être constitué de toutes les personnes disposant d’une connexion internet.
En outre, il nous semble que si l’œuvre se trouve sur un site à l’origine « fermé », le lien hypertexte ne permettra pas l’accès à l’œuvre, car un password sera toujours requis pour accéder à la page en question.
Pour conclure, il n’y a pas selon nous de création d’un public nouveau et la constitution de liens hypertextes doit rester du domaine de la liberté d’expression et être encadrée par le droit commun (notamment le respect de l’ordre public et des bonnes mœurs) et non par le droit d’auteur.
Nous espérons que la décision de la Cour de Justice ira dans ce sens.
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A) Concernant les critères d’une communication au public
La Cour a d’abord constaté qu’aucune source législative ne définit vraiment la notion de « communication au public », et conseille premièrement de prendre en considération le contexte de la réglementation dont cette notion fait partie. Elle rappelle d’ailleurs que le vingt-troisième considérant de la directive 2001/29 sur le droit d’auteur précise que la notion de communication au public n’englobe pas les notions de « représentations et exécutions directes », qu’on appelle les formes « traditionnelles » de communication au public, et que cette notion couvre toute communication au public non présent au lieu d’origine de la communication. Autrement dit une communication au public au sens de la directive 2001/29 vise toute communication à un public, qui n’est pas présent au lieu d’origine de la communication, à l’exclusion de toute communication d’une œuvre réalisée directement dans un lieu ouvert au public, par toute forme publique d’exécution ou de présentation directe de l’œuvre.
La cour a jugé que pour définir si un acte doit être oui ou non considéré comme étant une communication au public, cela impliquait une appréciation individualisée dans laquelle une série de critères doivent être pris en considération ; ceux-ci sont complémentaires, de nature non-autonome et indépendants les uns par rapport aux autres, étant entendu qu’ils peuvent être présent dans différentes situations concrètes avec une intensité très variable. C’est pourquoi la Cour conseille de les appliquer à la fois individuellement et de les faire interagir en même temps.
La cour a d’abord souligné le rôle incontournable de l’utilisateur. En effet, sans son intervention en connaissance de cause des conséquences de son comportement, les personnes à qui il communique les œuvres, tout en se trouvant dans la zone de couverture de ladite émission, ne pourraient en principe jouir de l’œuvre diffusée.
La Cour a par ailleurs précisé certains éléments de la notion de communication au public ;
– Selon elle le « public » doit être constitué d’un nombre indéterminé de destinataire potentiels et d’un nombre assez important de personnes.
– « un nombre indéterminé de destinataire » doit être compris par opposition à des personnes déterminées appartenant à un groupe privé
– « un nombre assez important de personne », vise à signaler que le « public » comporte un certain seuil de minimis, ce qui exclut de cette notion une pluralité de personnes concernées trop petite. Il est part ailleurs intéressant de connaitre non seulement le nombre de personnes ayant eu parallèlement accès à la même œuvre, mais également combien d’entre elles ont eu successivement accès à celle-ci. Peu importe que les destinataires ont eu accès à l’œuvre diffusée par le biais d’une connexion un-à-un.
Elle précise également qu’un simple moyen technique pour garantir ou améliorer la réception de la transmission d’origine dans sa zone de couverture ne peut pas être considéré comme une communication au public ( C-607/11).
Le caractère lucratif ou non de la communication au publique a bel et bien un impact. La Cour a jugé que ce caractère n’est pas dénué de pertinence. En effet lorsque la communication revêt un caractère lucratif, il est sous entendu, selon la Cour, que le public qui a fait l’objet de la communication est ciblé par l’utilisateur et non pas capté par hasard, et réceptif à la communication. Elle a cependant admis qu’un tel caractère ne constitue pas une condition indispensable qui détermine l’existence même d’une communication au public. Ce caractère permis d’établir qu’il y avait bel et bien communication dans la décision C-607/11, mais c’est l’absence de ce caractère qui a entre autre permis à la Cour de ne pas définir l’acte accompli par un dentiste comme une communication au public dans la décision C-135/10.
B) Concernant la question de savoir si le fait d’établir un hyperlien constitue une communication au public
« Un hyperlien ou lien hypertexte ou simplement lien, est une référence dans un système hypertexte permettant de passer automatiquement d’un document consulté à un document lié. Les hyperliens sont notamment utilisés dans le World Wide Web pour permettre le passage d’une page Web à une autre d’un clic. » (Wikipédia)
Comme l’indique la Cour, une appréciation individuelle doit être établie afin de déterminer si cet acte constitue ou non une communication au public.
Premièrement concernant le critère de l’utilisateur, il faudra d’abord déterminer si oui ou non les personnes à qui l’utilisateur communique le lien vers une page web ou un document lié en jouiraient sans son intervention. Selon moi si l’hyperlien guide l’accès simplement vers une page web « ouverte » classique, toute personne ayant une connexion internet peut en théorie y accéder et donc le critère ne serait pas rempli. Par contre si l’hyperlien donne accès à un document lié dont l’accès est normalement limité via l’application de droits d’auteur, il semblerait à première vue que ce critère soit bel et bien rempli.
Le critère que le public auquel l’utilisateur communiquerait l’hyperlien doit etre « un nombre indéterminé de destinataires » peut être à premiere vue rempli étant donné l’énorme diversité de personne potentiellement différent pouvant y accéder. Le critère que le « public » doit être un nombre suffisamment signifiant est également rempli étant donné le nombre de personne sur la planète pouvant y accéder. Il serait également bon de savoir le nombre de personnes y ayant eu parallèlement accès ainsi que combien d’entre elles ont eu successivement accès à celui-ci. Attention cependant l’hyperlien ne fait que tracé une route vers une œuvre qui est déjà disponible sur la toile, et donc au même public, étant donné qu’il peuvent y avoir accès par la voie « originale », l’hyperlien ne ferait donc que prolonger l’acte de la mise à disposition de l’œuvre au public en effet la mise en ligne du contenu est décidée par le propriétaire seul. L’hyperlien n’élargirait donc pas le public de l’œuvre.
Même si l’existence du caractère lucratif ne suffit pas à lui seul à considérer un acte comme une communication au public, l’analyse de la jurisprudence de la Cour démontre que celui-ci peut avoir un certain poids. Pour déterminer si oui ou non l’établissement d’un hyperlien dispose d’un caractère lucratif, la Cour devra déterminer in concreto si le fait que l’utilisateur communique un hyperlien donnant accès à une page web ou un document est susceptible d’attirer des visiteurs sur son site intéressés par ce à quoi l’hyperlien donne accès, il semblerait à première vue que oui, ainsi que si cet acte a des répercussions sur ses résultats économiques.
De plus, certains auteurs soutiennent que les hyperliens ne constitue pas des hyperliens, pour n’en citer qu’un, Arnaud Diméglio prone que : « Le lien est un moyen d’accès à une communication il facilite même son accès, mais en lui-même, mis à part l’expression de la référence, il n’est ni un moyen de communication, ni une communication. L’information, et l’accès à l’information sont donc deux éléments essentiels mais distincts de la notions de communication. En bref, renvoyer n’est pas communiquer mais faciliter l’accès à une communication. Le référencement ne peut donc se définir comme un acte de communication et, par voie de conséquence, de représentation»(« le droit du référencement sur le net »)
C’est pourquoi bien que je pencherais plus pour la réponse pronant que l’hyperlien ne constitue pas une communication au public en soi, mais j’attendrais la futur décision de la Cour pour pouvoir être complètement fixé.
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L’établissement d’un hyperlien peut-il constituer une “communication au public”?
Analysez cette jurisprudence pour mettre en lumière les critères de la ‘communication au public’ (en particulier le critère de la nature lucrative ou non de l’acte de communication peut-il jouer un rôle?). Et anticipez la réponse que la Cour va donner à la première question préjudicielle (reprise dans le titre du ‘post’).
Selon moi, un hyperlien ne constitue pas une « communication au public ». En analysant la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne, on remarque qu’elle a dégagé une série de critères pour la notion de communication au public, dont certains ne sont pas remplis dans le cadre d’un hyperlien.
Tout d’abord, une « communication au public » sous-entend une « communication ».
Suivant la Cour, il faut entendre cette notion de manière large « comme visant toute transmission des œuvres protégées, indépendamment du moyen ou du procédé techniques utilisés » (arrêt Premier League, affaires jointes C-403/08 et C-429/08, point 193). En ce qui concerne cette transmission, la Cour rappelle fréquemment dans ses arrêts le rôle prépondérant de l’utilisateur. En effet, en rappelant l’arrêt SGAE (arrêt Padawan SL contre Sociedad General de Autores y Editores de España (SGAE), affaire C-467/08, point 42), elle dit qu’ « en l’absence de cette intervention, ces clients, tout en se trouvant à l’intérieur de la zone de couverture de ladite émission, ne pourraient, en principe, jouir de l’œuvre diffusée » (arrêt SCF Consorzio Fonografici, C‑135/10, point 82). Cependant, dans le cadre d’Internet, même sans avoir reçu l’hyperlien, une recherche dans un moteur de recherche aurait suffi à retrouver ledit document. Le rôle de l’utilisateur n’est donc pas indispensable voire même nécessaire. Il ne s’agirait donc pas d’une communication.
Ensuite, pour la Cour, « le moyen technique pour garantir ou améliorer la réception de la transmission d’origine dans sa zone de couverture n’est pas une communication » (arrêt Premier League, point 194 ; arrêt TVCatchup, C 607/11, point 28 ; arrêt Airfield et Canal Digitaal, affaires jointes C‑431/09 et C‑432/09, points 74 et 79). La zone couverte par la transmission d’origine est mondiale vu qu’Internet couvre le monde entier. En utilisant un hyperlien, l’auteur de celui-ci ne fait que garantir ou améliorer la réception de l’œuvre dans le monde, en facilitant la recherche de l’œuvre, et par conséquent, ne « communique » pas l’œuvre en tant que telle.
Si on considère qu’il y a quand même une « communication », il faut qu’elle soit dirigée vers un « public » (et pas uniquement dans une sphère privée). Suivant la Cour, le « public » vise un nombre indéterminé de destinataires potentiels et cela implique un nombre important de personnes (arrêt SCF Consorzio Fonografici, point 84 ; arrêt SGAE, points 37 et 38). Ces deux critères sont remplis avec une communication sur Internet (pour l’analyse de ces critères, voy. arrêt SCF Consorzio Fonografici, points 85 et s.).
De plus, il faut que le public soit visé par l’utilisateur et réceptif à cette communication et non capté par hasard (arrêt SCF Consorzio Fonografici, point 91 ; arrêt Phonographic Performance Limited, C‑162/10, point 37). Ce critère peut poser problème avec Internet où l’on ne contrôle pas réellement le flux de visiteurs et la fréquentation du site. Par ailleurs, on n’a aucune preuve que le public ait été réceptif à la communication.
En outre, ce public doit être « nouveau », c’est-à-dire que la transmission est destinée « à un public qui n’était pas pris en compte par les auteurs des œuvres protégées lorsqu’ils ont autorisé leur utilisation par la communication au public d’origine » (voir, en ce sens, l’arrêt SGAE, points 40 et 42, l’arrêt Premier League, point 197 et l’arrêt arrêt Airfield et Canal Digitaal, points 77, 76 et 79). En postant son œuvre sur Internet, le public visé est mondial, comme dit précédemment, (sauf si l’œuvre est réservée à une série d’« abonnés » ou verrouillée à l’aide d’un mot de passe), ou, en tous cas, cela concerne toute personne disposant d’un accès Internet. Par conséquent, on ne peut pas considérer que, par cet hyperlien, le public touché est autre que celui visé par l’auteur, vu que l’hyperlien vise lui aussi les possesseurs d’une connexion Internet.
Le droit de communication au public ne vise que le public qui « n’est pas présent au lieu d’origine de la communication à l’exclusion de toute communication d’une œuvre réalisée directement, dans un lieu ouvert au public, par toute forme publique d’exécution ou de présentation directe de l’œuvre » (arrêt Globus Circus, C‑283/10, point 41, voy. aussi l’arrêt Premier League, point 202). Il faut ajouter que, suivant les considérants 2 et 5 de la directive 2001/29, celle-ci vise « à créer un cadre général et souple au niveau de l’Union pour favoriser le développement de la société de l’information et à adapter et à compléter les règles actuelles en matière de droit d’auteur et de droits voisins pour tenir compte de l’évolution technologique, qui a fait apparaître de nouvelles formes d’exploitation des œuvres protégées » (arrêt Globus Circus, point 38). Ainsi, il faudrait considérer, vu que l’œuvre a été communiquée directement dans un lieu ouvert à un public immense (Internet), par une présentation directe de l’œuvre (l’œuvre a été mise sur le site), que le public présent est celui possédant une connexion Internet dans sa globalité, s’il n’y a aucune restriction pour bloquer cette propagation (tels que des mots de passe pour accéder au site ou un système d’abonnement). Néanmoins, ce n’est pas pour autant que ce droit perd de sa valeur. En effet, pour chaque transmission ou retransmission de l’œuvre qui utilise un mode technique différent (par exemple, dans le cas présent, l’œuvre passerait à la télévision), il faudra demander l’autorisation individuelle de l’auteur pour pouvoir l’utiliser (arrêt TVCatchup, point 24).
Enfin, le caractère lucratif d’une communication n’est pas, comme dit dans l’arrêt Premier League, dénué de pertinence (point 204, voy. aussi le point 88 de l’arrêt SCF Consorzio Fonografici). Toutefois, dans l’arrêt TVCatchup, la Cour a admis que ce caractère n’était pas une condition indispensable qui déterminerait l’existence d’une communication au public (point 42). Il peut y avoir un caractère lucratif sans qu’il y ait une telle communication. Par conséquent, le fait qu’il y ait une publicité n’influence que peu cette question (voy. arrêt TVCatchup, point 44). Ce caractère peut être considéré comme un élément pouvant aider à l’interprétation plutôt qu’une condition de la notion.
Pour conclure, il me semble qu’un hyperlien ne doit pas être considéré comme une « communication au public ». Dans le cas contraire, cela amènerait à des situations ridicules où pour pouvoir poster un lien vers une musique ou un article, il serait nécessaire de faire une licence et de demander l’autorisation de l’auteur (imaginez le travail considérable pour les différents blogs du web…).
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1)
Il convient, pour commencer, de définir ce qu’est une communication au public. À cet égard, la directive 2001/29 n’offre pas une grande aide, hormis que, selon le considérant n°23, cette notion couvre « toute transmission ou retransmission d’une œuvre au public non présent au lieu d’origine de la communication, par fil ou sans fil, y compris la radiodiffusion ».
L’article 3, §3, de la directive précise que chaque communication au public par un mode technique spécifique doit être autorisée par le titulaire du droit d’auteur.
En l’occurrence, un lien cliquable vers une œuvre sur un site internet peut constituer une communication au public qui nécessite une autorisation de l’auteur de l’œuvre, dans la mesure où cette mise à disposition par internet constitue un mode technique différent de celui d’origine (par exemple, la radiodiffusion terrestre).
Il faut aussi que cette œuvre soit communiquée à un « public nouveau », c’est-à-dire un nombre indéterminé et assez important de destinataires potentiels, qui n’étaient pas « pris en compte par les auteurs des œuvres protégées lorsqu’ils ont autorisé leur utilisation par la communication au public d’origine » (4 oct. 2011, C-403/08 & C-429/08, Premier League, § 197). En l’espèce, la condition de communication à un « public » est remplie. Par contre, il s’agira d’apprécier si ce public est nouveau ou non en fonction de la communication d’origine effectuée par l’auteur.
2)
Est-ce qu’il pourrait ne pas y avoir de communication au public selon que l’œuvre apparaitrait sur le même site ou sur un autre site ?
Dans le premier cas, il pourra assurément y avoir communication au public.
Si, en cliquant sur le lien du premier site, l’œuvre se trouve accessible sur un autre site, nous pensons que plusieurs hypothèses sont à envisager.
Si le premier site permet seul d’accéder à l’œuvre sur le second site (autrement dit, l’œuvre ne serait pas accessible sur le deuxième site sans le lien depuis le 1er), le lien sur le premier site constituerait une communication au public. Peut-être qu’alors seront requises deux autorisations de l’auteur de l’œuvre.
Prenons le cas où le deuxième site (sur lequel on peut trouver l’œuvre) est librement accessible, sans devoir nécessairement passer par le premier (sur lequel on trouve le lien) et que l’on s’en tient à la définition de la communication au public, qui implique une « transmission ou une retransmission d’une œuvre » et prenons l’exemple d’un film comme œuvre. Le premier site, en renvoyant de toute façon au second, ne permet pas de visionner le film, le second oui. Mais dans notre cas, ce qui nous importe est le lien présent sur le premier site et non le site lui-même. Ce lien assure la transmission du film. Il peut donc constituer une communication au public.
Au final, le critère de renvoi au même site ou à un site différent est sans incidence sur la question de savoir s’il s’agit d’une communication au public ou non.
3)
Il pourrait, à notre sens, y avoir une nuance à apporter selon que ce site internet est ouvert à tous ou est limité quant à son accès. Dans la première hypothèse, un public indéterminé et large est sans aucun doute visé. Dans le deuxième cas, il convient de regarder l’étendue et la nature de cette limite d’accès. S’il s’agit d’un site payant, cela n’empêche personne de s’y abonner. Si le site est protégé par une mesure technique de protection qui comporte de nombreuses restrictions (par exemple, les vidéos présentes sur le site officiel des Oscars 2013 n’est accessible que sur le territoire des Etats-Unis, encore que le nombre de destinataires potentiels reste important), la condition de communication à un public large pourrait ne pas être rencontrée.
Notez qu’il n’est d’ailleurs pas nécessaire que les personnes ayant accès à ce site cliquent effectivement sur le lien leur permettant d’avoir accès à l’œuvre. Par exemple, le système de vidéo à la demande qui limite dans une certaine mesure l’accès au film, présente un caractère public, parce que que chacun peut s’y abonner et y avoir ensuite accès, même si chaque abonné au système de câble choisit individuellement son film. (A. BERENBOOM, Le nouveau droit d’auteur et les droits voisins, 4ème éd., Bruxelles, Larcier, 2008, pp. 107-109).
4)
La CJUE a jugé que certains critères n’étaient pas pertinents et ne devaient par conséquent pas être pris en considération par les Etats (par exemple, le fait qu’une retransmission est effectuée par un organisme qui est en concurrence avec le radiodiffuseur original ; voy. aff. C-607/11, ITV Broadcasting c. TVCatchup).
Elle a également rejeté certaines interprétations extensives de la disposition (par exemple, n’est pas une communication au public, « la communication d’une œuvre réalisée directement, dans un lieu ouvert au public, par toute forme publique d’exécution ou de présentation directe de l’œuvre » ; voy. 24 nov. 2011, C-283/10, Globus Circus).
Par contre, le caractère lucratif de la communication a donné sujet à discussion suite à plusieurs arrêts de la CJUE. Ainsi, il a été jugé pertinent dans les arrêts du 4 oct. 2011, C-403/08 & C-429/08, Premier League, du 15 mars 2012, C-135/10, Consorzio Fonografici c. Del Corso et du 15 mars 2012, C-162/10, Phonographic Performance Ltd. Par contre, il a été jugé sans pertinence dans l’affaire C-607/11, ITV Broadcasting c. TVCatchup.
Nous pouvons considérer que l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29 est clair et précis quant à sa portée et que, par conséquent, une protection plus importante du droit d’auteur concernant la communication au public ne saurait être apportée dans tous les cas par les droits nationaux, celle-ci n’étant pas toujours tolérée par la CJUE, à l’exception de certains critères particuliers dans certains cas d’espèce.
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Pour information, la Cour a statué en ce sens que “L’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, doit être interprété en ce sens que ne constitue pas un acte de communication au public, tel que visé à cette disposition, la fourniture sur un site Internet de liens cliquables vers des œuvres librement disponibles sur un autre site Internet.”
Arrêt intégral @ :
http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=147847&pageIndex=0&doclang=FR&mode=req&dir=&occ=first&part=1&cid=7778
Show lessMerci j’avais vu cela mais n’ai pas encore eu l’occasion de le commenter.