2 March 2012

Presse: il faut faire payer Google et Yahoo?

Parler de presse, c’est parler d’information.  Parler d’information c’est également  parler de la production de l’information. Parler de production d’information, c’est soulever la question du financement de la presse. Le financement de la presse a un coût élevé pour l’éditeur puisqu’il doit rémunérer le travail du journaliste et son travail de vérification des sources, d’information sur le terrain, …

Face à ces coûts élevés, il y a l’attitude du consommateur qui à l’heure du numérique délaisse  la presse papier au profit de l’information sur internet quand il ne se contente pas simplement des moteurs de recherche maintenant en première ligne.  En effet, bien que ces services, tels Yahoo ou Google,  ne font que lister les différents titres de presse publiés par les sites d’information (appartenant pour la plus part aux  groupes de presses professionnels), nombreux sont les internautes qui se contentent de lire les titres et les petits résumés proposés, sans se rediriger vers les sites de presse. Ce qui est problématique dans ce cas de figure, est que les publicistes ont de moins en moins de raisons de publier sur des sites à moins haute lecture et détournent leurs budgets publicitaires vers les sites d’avantages consultés.  Or ces moteurs de recherche, tout comme la presse,  amortissent  leurs coûts  grâce à la publicité. Google et Yahoo étant bien plus visités, il y a un déplacement des revenus publicitaires des sites de presse  vers les moteurs de recherche.  Ce qui fait dire à la presse qu’elle fournit le travail mais que les fruits (les recettes publicitaires) sont détournées par d’autres. ( http://www.liberation.fr/medias/0101627996-il-faut-faire-payer-google ).

L’exemple montre bien la difficulté pour la presse de trouver des financements pour rester professionnelle et probante, alors qu’elle voit ses revenus baisser. Se pose alors la question de comment  palier à ce manque de financement ?  Le droit d’auteur serait-il une réponse efficace ?

Le droit d’auteur permet de créer une exclusivité et fait donc partie intégrante  du financement de la presse. Ces dernières années, Google s’est vu opposer de nombreux litiges concernant la violation des droits d’auteur. Selon certains, principalement dans nos cultures européennes, le fonctionnement de ces moteurs de recherche, via la reproduction des titres et d’extraits d’articles,  violerait les droits d’auteur.

Au vue du comportement des lecteurs qui n’est pas forcément un comportement paresseux mais  l’opportunité de rapidement diversifier leur lecture, on constate que le titre prend ici toute son importance et la qualité du travail de la presse par rapport aux titres se doit d’être protégée. Or cette protection du titre n’est pas toujours reconnue. Pour être protégé par le droit d’auteur le titre se doit de remplir la condition d’originalité, ce qui suppose que l’on retrouve une certaine empreinte de l’auteur. Or cette « originalité » n’est pas toujours retrouvée quand il s’agit de titre. Si les titres ne sont pas protégés, rien n’empêche les moteurs de recherche de les utiliser. Notons que pour les titres qui sont bel et bien protégés par le droit d’auteur, Google et Yahoo pourraient difficilement soulever l’exception de citation qui ne peut être soulevée en Belgique que « dans un but de critique, de polémique ou d’enseignement, ou dans des travaux scientifiques, conformément aux usages honnêtes de la profession et dans la mesure justifiée par le but poursuivi, ne portent pas atteinte au droit d’auteur »[1].   Dès lors qu’une partie des titres de presse ne sont protégés,  le droit d’auteur ne devrait-il pas évoluer pour  retrouver son efficacité, voir éventuellement  protéger d’avantage les titres de presse et par ce biais son financement.

Ces dernières années, Google s’est vu opposé divers procès  dont, notamment, le fameux procès Copiepresse contre Google ( Bruxelles, le 5 mai 2011 ). La multiplication de ces procès et l’analyse évoquée du financement de la presse et de sa protection accrue du droit d’auteur, m’amène à me poser la question de la place du droit d’auteur et de la publicité en matière de presse.

Sans excès d’idéalisme, je déplore toutefois que cette lutte économique dénature le droit d’auteur, j’ai le sentiment que l’objet  qui est effectivement protégé  n’est plus le  droit d’auteur en tant que « droit naturel de l’auteur» mais qu’il est dénaturé au nom d’une guerre économique basée sur la publicité. Avec pour conséquence que ce n’est plus tellement le travail de l’auteur en tant que tel qui a de la valeur mais bien ce qu’il peut générer comme profit. Si je déplore le fait que le droit d’auteur est quelque peu dénaturé, il n’en reste pas moins important. Il y a une nécessité pour les différents acteurs de la presse de trouver des accords, comme par exemple un meilleur partage des recettes, pour permettre à tout auteur d’être protégé pour son travail, et donc d’être rémunéré, tout en permettant aux lecteurs d’avoir un maximum d’accès à la formation.

 

Post rédigé par Céline Bourgeois (étudiante en master en droit UCL)


[1]      Article 21 de la Loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins du 30 juin 1994, M.B.,27 juillet 1994

 

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