A la lumière de cet article, nous voudrions mettre en avant l’évolution que la propriété intellectuelle a suivie mais aussi la relation entre droit et économie. En effet, le droit est utilisé au service de l’économie ; les différents acteurs y ont recours pour arriver à s’imposer sur la scène économique.
Les sociétés utilisent la propriété intellectuelle comme un nouveau… Read more
A la lumière de cet article, nous voudrions mettre en avant l’évolution que la propriété intellectuelle a suivie mais aussi la relation entre droit et économie. En effet, le droit est utilisé au service de l’économie ; les différents acteurs y ont recours pour arriver à s’imposer sur la scène économique.
Les sociétés utilisent la propriété intellectuelle comme un nouveau moyen pour arriver à leurs fins. Google l’a compris lorsqu’il a acquis Motorola Mobile. Google avait d’abord tenté de s’introduire dans le marché sans détenir de brevets mais très vite il s’est rendu compte que cela ne serait pas suffisant. C’est pourquoi il a fini par changer sa stratégie en cours de route et a acheté Motorola et son nombre important de brevets.
Cet article met en lumière la dérive du régime de la propriété intellectuelle. Les entreprises se font la guerre, ce domaine est un véritable champ de bataille. Google se bat avec Oracle pour des réclamations concernant des brevets et des copyrights, Yahoo et Facebook sur des brevets internet ; quant à Samsung, Apple et bien d’autres encore ils se disputent sur les brevets des smartphones. (An Intellectual Property exchange – Market place of ideas, 12 mai 2012, economist.com, ). En d’autres mots, la course est lancée à celui qui détiendra le plus de brevets. Par conséquent, le nombre de brevets ne cessent d’augmenter. Cela n’est plus lié à l’innovation, au contraire cela s’explique par deux raisons : d’une part par le mauvais filtrage des demandes de brevets et d’autre part par la nouvelle utilisation qui est faite des brevets.
Détenir, aujourd’hui, des brevets devient une ressource essentielle. Cela permet de prévenir des litiges. Le brevet est utilisé comme une arme, les entreprises se font la guerre à coup de brevet. Cela permet aux sociétés d’occuper le terrain afin, soit de bloquer leurs concurrents soit de ne pas être bloqué par un concurrent lors de la réalisation d’un de leurs projets.
Si l’on poursuit ce raisonnement, on peut y voir une incidence majeure pour les PME. Elles disposent de moins de fonds que les grandes entreprises. Dès lors lorsqu’une grande entreprise menace une PME d’introduire une action en justice à l’aide de brevets qu’elle détient si elle ne partage pas sa connaissance avec elle. La petite entreprise n’a le choix que de capituler autrement elle ne survivrait pas à une action judiciaire de plusieurs années. Les brevets sont devenu des outils de prédation. C’est ce que le Professeur Remiche baptise de ‘terrorisme judiciaire’. La seule solution qu’il reste aux PME est de se spécialiser dans un secteur précis qu’ils sont les seuls à maitriser et qu’ils protègent au moyen de quelques brevets particuliers. Il en est de même en ce qui concerne tous les nouveaux outils permettant une meilleure exploitation des bases de données de brevets. Ces outils sont très chers et souvent peu adéquats à la situation des PME ou universités. Les PME se retrouvent en compétition avec des géants multinationaux et ne peuvent faire face. (Y. MENIERE, ‘Les bases de brevets comme ressource stratégique : vers un système à deux vitesses ? sur ipdigit.eu., 10 mai 20012, ). Cela nous amène à la constatation que la relation grande entreprise/ PME est complètement disproportionnée.
C’est au vu de ces nouvelles incitations à la création de brevet que nous avons de plus en plus de brevets faibles.
Au final, nous nous trouvons dans une période de mutation de la propriété intellectuelle, il serait peut être temps d’en redessiner les contours vu les multiples directions dans lesquelles nous allons.
Le problème exposé ci-dessus est surtout celui de l’utilisation actuelle du système des brevets.
Les brevets octroient un monopole en échange d’informations utiles pour tous, tout en essayant de favoriser l’innovation. Malheureusement, l’utilisation de ces brevets a radicalement changé ces dernières années et particulièrement dans les nouvelles technologies, secteur caractérisé par une rapidité et une évolution importante.
Dans les nouvelles technologies, il… Read more
Le problème exposé ci-dessus est surtout celui de l’utilisation actuelle du système des brevets.
Les brevets octroient un monopole en échange d’informations utiles pour tous, tout en essayant de favoriser l’innovation. Malheureusement, l’utilisation de ces brevets a radicalement changé ces dernières années et particulièrement dans les nouvelles technologies, secteur caractérisé par une rapidité et une évolution importante.
Dans les nouvelles technologies, il faut être le premier à inventer, le premier à bloquer les autres pour pouvoir se faire une place au soleil. Les grands industriels de ce monde l’ont bien compris et utilise le brevet comme frein à la concurrence et comme arme contre leurs adversaires. A coût de procès (surtout aux USA où les dommages et intérêts sont plus punitifs qu’indemnitaires) et à coût de licence dans le meilleur des cas, tout est bon pour développer son entreprise et son compte en banque.
Il n’est donc pas étonnant pour une société comme Google d’investir dans un portefeuille de brevets conséquent puisque cela lui assure une protection (on ne va pas attaquer quelqu’un sans raison alors qu’il pourrait sur base de ses brevets en faire de même voir faire beaucoup plus) et une place sur le marché en étant certain de pouvoir y entrer sans avoir trop de procès sur le dos.
Les brevets sont également aujourd’hui considérés comme un bien économique en soi.
Cela pourrait conduire à des catastrophes comme la crise des subprimes puisque les brevets sont valorisés dans un contexte « guerrier » et valent donc en réalité beaucoup moins que ce qu’ils sont évalués actuellement. Etant des brevets faibles ne protégeant pas des inventions et des techniques très importantes ou intéressantes, leur seul but est de bloquer les concurrents. Mais comme cela a une valeur économique, Google avait des raisons d’être intéressé même s’il a payé le prix fort pour ceux-ci.
Au niveau économique, il est assez logique de se dire que ce n’est pas une technique tendant vers le bien commun. La contrepartie du monopole n’existant presque plus (on en dit le moins possible sur la technologie protégée), cette situation conduit a des prix élevés et le consommateur n’a d’autres choix que d’acheter ce qu’on lui propose ou de se passer de cette technologie.
Beaucoup de dérives sont apparues entre autre grâce à une faible exigence au niveau des offices de brevets et à une augmentation des demandes de ceux-ci qui ont crû de façon exponentielle provoquant un cercle vicieux.
Le système des brevets a donc bien changé et malheureusement pas pour un mieux…
Les posts précédents sur ce sujet ont brillamment analysé la problématique sous un angle juridique en formulant, en plus, de bonnes propositions de lege ferenda. Cependant, je me demande si on ne dramatise pas un peu cette guerre des brevets qui se déroule entre les acteurs du monde des smartphones. Motorola attaque ses concurrents à tout bout de champ en… Read more
Les posts précédents sur ce sujet ont brillamment analysé la problématique sous un angle juridique en formulant, en plus, de bonnes propositions de lege ferenda. Cependant, je me demande si on ne dramatise pas un peu cette guerre des brevets qui se déroule entre les acteurs du monde des smartphones. Motorola attaque ses concurrents à tout bout de champ en leur reprochant de violer ses droits de propriété intellectuels. Soit. Mais les motivations principales sont selon moi assez évidentes : Premièrement, Google, fraichement arrivé dans le ring de boxe en acquérant le portefeuille de brevets de Motorola, roule des mécaniques et montre aux autres membres qu’il ne se laissera pas faire. En suite, Motorola tente de se mettre en position avantageuse pour pouvoir négocier des licences croisées avec les parties opposées de ses différents procès.
La preuve de l’agenda caché de cette guerre se trouve dans les faits : Premièrement, on voit des acteurs de ce monde lancer des actions tout en sachant qu’elle n’aboutiront pas ou qu’elles seront difficilement exécutable. Elles ont pour seul avantage d’être largement diffusées par la presse et de faire un mauvais coup de publicité au perdant. C’est par exemple le cas dans l’affaire qui oppose Motorola à Microsoft en Allemagne : Motorola a gagné en première instance car il avait choisi un for lui étant favorable, mais gagner en appel serait beaucoup plus compliqué. (1) Deuxièmement, après un début de bataille juridique, les deux ennemis règlent la question à la table des négociations comme on le voit actuellement pour le différend qui oppose Apple à Samsung (une rencontre des deux CEO et prévue pour le 21 mai) qui ont entre temps déjà mutuellement abandonné une partie de leurs poursuites. (2) Les différents acteurs sont donc bien conscients de la situation de MAD dans laquelle ils se trouvent et du fait que leurs différends ne se règleront pas définitivement par voie juridictionnelle. Il me semble dès lors évident qu’on se trouve simplement face à une stratégie de négociation musclée éthiquement très discutable.
Pour conclure, j’aimerais revenir sur la question des FRAND. Plusieurs posts ont proposé de légiférer afin de rendre les engagements sur les FRAND irrévocables. Selon moi, une solution existe déjà dans beaucoup de systèmes juridiques (Common law, Allemagne, France, arbitrage international…) : l’interdiction de se contredire au détriment d’autrui. Aux USA, ce principe nommé promissory estoppel est connu depuis longtemps et empêche une partie qui a fait une promesse de revenir sur sa promesse si ce faisant elle causerait un préjudice a l’autre partie qui a agit sur base de cette promesse. On voit d’ailleurs que ce principe a été invoqué par Microsoft contre Motorola aux USA. Selon MUELLER, Microsoft a toute ses chances d’obtenir gain de cause. (3)
Il a plusieurs fois été question dans les commentaires précédents des engagements « FRAND » qu’imposent les « standard-setting organizations » et notamment du problème du manque de clarté et de précision dans la définition de ce qu’on entend par « fair, reasonable, and non-discriminatory ». Je souhaiterais me pencher ici sur une autre facette de ces engagements particuliers :… Read more
Il a plusieurs fois été question dans les commentaires précédents des engagements « FRAND » qu’imposent les « standard-setting organizations » et notamment du problème du manque de clarté et de précision dans la définition de ce qu’on entend par « fair, reasonable, and non-discriminatory ». Je souhaiterais me pencher ici sur une autre facette de ces engagements particuliers : leur caractère visiblement non contraignant dans le chef des entreprises.
A mon sens, une des premières interrogations que suscite l’affaire « Google » dont nous discutons est la suivante : comment est-il possible qu’une entreprise détentrice de brevets qui souscrit à des engagements « FRAND » puisse, par la suite, les rompre – unilatéralement – aussi facilement que l’a fait Motorola Mobility en 2011 comme en atteste ses demandes de royalties exorbitantes ? Quelle est, dès lors, l’utilité et la portée de tels engagements ? On peut également s’interroger sur la crédibilité des « FRAND terms » à l’avenir lors de l’élaboration de futurs standards technologiques à partir du moment où l’on peut s’en affranchir aussi simplement. N’est-ce pas là une sérieuse menace pour le processus même de standardisation ?
Plus largement, si la fiabilité des engagements « FRAND » vient à s’effondrer comme le laisse craindre le comportement de Motorola, a fortiori lorsque ces engagements concernent des « essential patterns », le risque est d’assister à un détricotage en bonne et due forme d’une situation équilibrée dans laquelle chacun pouvait pourtant trouver son intérêt, y compris le consommateur.
En effet, compte tenu de l’abondance de brevets sur un marché tel que celui des smartphones et l’éparpillement de ces brevets dans les portefeuilles des différentes entreprises, tous les concurrents finissaient par s’y retrouver grâce à un système dans lequel les « FRAND terms » empêchaient que les propriétaires de brevets n’abusent individuellement de leur monopole. On évitait ainsi à la fois une explosion du prix du produit final et un accès pour chaque entreprise, dans des conditions raisonnables et non discriminatoires, aux standards technologiques, cruciaux en matière de télécommunication. En outre, la stimulation de l’innovation, objectif premier de l’institution du brevet, en sortait gagnante. Bref, les enjeux ne sont pas négligeables.
La politique protectionniste et de repli sur soi-même adoptée par Motorola et ensuite endossée par Google ébranle donc la confiance dans un système basé sur l’intérêt réciproque des parties en cause, avec les conséquences lourdes et néfastes que cela implique pour l’ensemble de l’industrie ainsi que pour les nombreux consommateurs.
Pour autant, si la liberté prise par Motorola par rapport à ses engagements « FRAND » constitue indéniablement, comme le souligne Monsieur Ménière, un grave précédent dans cette « guerre des brevets », la bataille n’est pas encore perdue pour les entreprises concurrentes et l’on peut oser espérer une condamnation ferme de cette pratique agressive qui va à l’encontre de l’intérêt commun de l’industrie. Il y va de la viabilité des standards et de la fluidité de circulation des brevets essentiels.
Ainsi, malgré ses défaites judiciaires face à Motorola ces deux dernières semaines en Allemagne et aux Etats-Unis, Microsoft entend bien faire entendre dans le procès actuellement en cours devant la federal district court à Seattle que Motorola était juridiquement tenu par les contrats conclus avec les standard-setting organizations et qu’il avait, par conséquent, l’obligation de concéder des licences sur ses brevets essentiels de façon raisonnable et sans discrimination. Une procédure similaire oppose Apple à Motorola pour le même type de motifs devant la federal court de San Diego. A l’issue de ces jugements, il sera peut-être enfin mis un terme à cette musculation dans la gestion des brevets qui demeure, du reste, nuisible à l’ensemble du secteur.
Par ailleurs, je rejoins l’avis de Sylvain qui conclut son commentaire en disant qu’il serait bon de légiférer afin de rendre irrévocable les engagements « FRAND » pris par les entreprises sur des standards technologiques. On éviterait sans doute beaucoup d’ennui et les brevets serviraient à nouveau sainement leur objectif initial sans constituer des « armes de destruction massive », ce qui n’est évidemment pas du tout leur objet.
L’année 2011 a été sans aucun doute caractérisée par une abondance de brevets, dès lors peut-on dénommer cette année ‘une année d’amples innovations’ ou devra-t-on, en analysant le comportement de ces acteurs du monde de la téléphonie mobile, plutôt conclure à une préparation d’une troisième guerre mondiale, ‘une guerre des brevets’ ?
Les médias ne sont pas passés… Read more
L’année 2011 a été sans aucun doute caractérisée par une abondance de brevets, dès lors peut-on dénommer cette année ‘une année d’amples innovations’ ou devra-t-on, en analysant le comportement de ces acteurs du monde de la téléphonie mobile, plutôt conclure à une préparation d’une troisième guerre mondiale, ‘une guerre des brevets’ ?
Les médias ne sont pas passés à côté de ce sujet, les articles coulent à flot, impossible de le rater, tous les principaux opérateurs téléphoniques sont occupés à se construire un empire de brevets. Fin 2010, Microsoft pour la majorité, avec à ses côtés Apple et Research in Motion, négocièrent l’acquisition de 882 brevets de Novell, contre une somme de 450 millions. Peu après, Apple, Microsoft et Research in Motion s’emparaient des 6000 brevets de Nortel Networks, un fabricant canadien de matériel de télécommunications, pour un montant de 4.5 milliard de dollars. Mais ‘pièce maitresse’, fut indiscutablement le rachat de Motorola Mobility par Google pour un montant de 12.5 milliard de dollars, incluant 17.000 brevets valorisés à au moins 6 milliard de dollars.
La possession de nouveaux brevets par un opérateur constitue généralement pour celui-ci un outil permettant un avancement dans sa recherche vers de nouvelles innovations, une aide dans sa création de nouvelles technologies. Toutefois ceci n’a pas été le but prioritaire de ces opérateurs, ce qui les intéresse véritablement lors de ces rachats était d’acquérir le plus possible de ‘standard essential patents’ (SEPs). Ces derniers sont des brevets dont tout opérateur a indiscutablement besoin pour la fabrication de base de tout instrument électronique, que ce soit pour un GSM ou pour un Smartphone. Motorola, étant le fondateur de la communication mobile, détenait d’innombrable SEPs, d’où l’acharnement de Google pour obtenir ces brevets. On retrouve ce même comportement chez Apple, Microsoft et Research in Motion lors de leur offre complètement excessif en vue de décrocher les brevets de Nortel Networks et Novell.
Ces SEPs sont traditionnellement mis à disposition de tous les intéressés selon les conditions FRAND ( Fair, Reasonable and Non-Discriminatory), car comme ils sont nécessaires à la construction de tout produit de communication mobile, ils doivent être accessibles à tout le monde contre une redevance raisonnable et adéquate. Une entreprise qui ne mettrait pas à disposition ses SEPs, abuserait de son pouvoir sur le marché et de sa position dominante et enfreindrait de ce fait l’article 101 TFUE. Dans un secteur comme la communication mobile, étant en constante évolution, il est important de laisser les portes ouvertes à des nouveaux venus, car sans nouvelle inspiration, l’innovation prendrait fin. Ce système international des brevets standards fonctionne bien si toutes les entreprises qui possèdent ce genre de brevets, se tiennent à l’arrangement et mettent ceux-ci à disposition des autres selon des conditions FRAND, décrites ci-dessus.
Néanmoins, on aperçoit que Google ne se tient absolument pas à ces engagements contrairement à Apple et Microsoft, et utilise quand même des SEPs pour attaquer d’autres entreprises sans leur offrir la possibilité de payer une licence, ou imposer une redevance totalement abusive. Avec les nouveaux blocages de Google, Microsoft devrait payer 2.25% de son prix final à Google, ce qui est énorme si on additionne ceci avec les autres brevets nécessaires pour la fabrication légale de ses appareils mobiles.
On remarque clairement que tous les opérateurs se munissent de brevets pour bombarder leurs concurrents dès qu’une attaque leur est lancée. Il est clair que le projet de Google lors de l’acquisition de ces 17.000 brevets, n’avait en aucun cas un aspect innovant, leur seul dessein consistait à s’approprier le plus grand nombre de brevets pour pouvoir descendre les autres opérateurs, dans le cas de Google, leur regard visant surtout le géant en télécommunication, Apple. Google munit de son patrimoine de brevets, essaie par toutes voies de bloquer les ventes des produits Apple ainsi que d’autres pour gagner un maximum de temps permettant de prendre de l’avance, au niveau technologique et informatique, sur les concurrents. Cette conduite dévie dès lors entièrement de l’intention initiale de l’instauration des brevets dans le monde des affaires, qui ont été conçus premièrement pour protéger les créateurs et par conséquent pour prôner l’innovation.
Les conséquences de ce comportement de guerrier des constructeurs pourraient avoir des répercussions énormes sur le monde de la télécommunication si on n’y met pas fin. Si tous les opérateurs possédant des ‘standard essential patents’ refusent de mettre à disposition leurs brevets sous les conditions FRAND, le prix des ces brevets deviendrait tellement élevé, qu’il ne serait presque plus rentable d’investir dans le secteur de la téléphonie mobile. Les premiers qui vont subir ces conséquences seront les petites entreprises ayant moins de moyens, mais ceci touchera également les consommateurs pour qui les prix de ces appareils escaleront considérablement. En outre, ceci ralentira amplement la production de ces appareils électroniques et étouffera inévitablement l’innovation. Est- on à l’avènement d’innombrables procédures juridiques entre les principaux opérateurs, prenant une telle ampleur qu’il ne reste plus de temps ni de fonds pour l’innovation ?
Indéniablement, l’acquisition de brevets est un coût qui ne peut pas être renié dans notre monde moderne des affaires et qui par conséquent doit être intégré dans le calcul des dépenses effectuées lors de la fabrication de ces appareils mobiles. Dès lors, si ce coût a pour effet de rendre certains produits économiquement non-viables et de pousser des concurrents à la faillite, on peut clairement conclure qu’il y a eu un excès du système de brevetabilité. Ce monde de la télécommunication a aujourd’hui atteint un moment crucial, tous les opérateurs étant bien armés, vont –ils trouver un moyen de coexister ou vont-ils continuer à s’entre-tuer au détriment de tout le monde ?
Sources:
The Economist, 2011. Google’s takeover of Motorola Mobility. Patently different. The battle in the mobile industry takes an unexpected turn. The Economist, (20/08/2011). Disponible à : http://www.economist.com/node/21526370. (Consulté le 14/04/2012).
Tout d’abord, il nous semble nécessaire de remettre un peu de chronologie dans des évènements. Comme vous le savez, c’est le 15 août 2011 que Google acquière Motorola Mobility pour un montant de 12, milliards de dollars (donc 8.7 milliards d’euros)(1). Ceci dit, ce rachat n’est pas facilement accepté par les instances américaines et européennes. Selon ces-derniers, les conséquences pour… Read more
Tout d’abord, il nous semble nécessaire de remettre un peu de chronologie dans des évènements. Comme vous le savez, c’est le 15 août 2011 que Google acquière Motorola Mobility pour un montant de 12, milliards de dollars (donc 8.7 milliards d’euros)(1). Ceci dit, ce rachat n’est pas facilement accepté par les instances américaines et européennes. Selon ces-derniers, les conséquences pour le marché peuvent être importantes, « notamment pour les partenaires de Google »(2).
Le 13 février 2012, la commission européenne approuve le rachat de Motorola Mobility par Google, en énonçant que, « La Commission a autorisé l’opération principalement parce qu’elle ne modifierait pas significativement la situation sur le marché en ce qui concerne les systèmes d’exploitation et les brevets liés à ce type d’appareils »(3). Néanmoins, il est rappelé que « l’accès aux brevets essentiels liés à des normes est d’une importance fondamentale pour tous les acteurs du marché. C’est pourquoi les organismes de normalisation exigent de leurs détenteurs qu’ils concèdent des licences pour ces brevets aux tiers intéressés à des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires. Faute de licences de ce type, les concurrents, voire le secteur dans son ensemble, verraient leurs activités entravées, et ce au détriment des consommateurs et de l’innovation. »(4). Le lendemain, la division antitrust du département de la justice américain a rendu un avis similaire à celui de la commission dont la conclusion étant que, « the division concluded that the specific transactions at issue are not likely to significantly change existing market dynamics »(5). Ceci dit, il reste encore pour Google à attendre « l’accord de la Chine, d’Israël et de Taïwan avant que le rachat puisse définitivement s’effectuer »(6).
Ensuite, après ce bref rappel, la peur que ce rachat suscite est totalement compréhensible. Avec les standards de technologie et les brevets les protégeant, le secteur des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) devient instable et doit, selon nous, être entièrement revu et modifié.
Nous expliquons cette position en rappelant l’origine et la fonction du brevet. Selon S. DUSOLLIER, « dès l’origine, la fonction du brevet est d’encourager l’innovation dans le domaine technique, et de développer de la sorte le progrès de l’industrie reposant sur cette innovation »(7). Cette dernière énonce que la fonction essentielle du brevet, à savoir la promotion de l’innovation, permet d’expliquer « les deux règles fondamentales »(8). La première étant notamment que, toujours selon l’auteur, « le brevet est un monopole octroyé à l’inventeur, pour lui permettre d’amortir ses investissements et de tirer un profit de son invention (l’incitant en conséquence à l’innovation)(9). La seconde étant quant à elle, le fait que, « pour partager les connaissances liées à l’invention (et permettre de produire, sur base de cette connaissance, de nouvelles innovations), le brevet implique la divulgation du contenu de l’invention, la description des éléments de celle-ci »(10). Nous ne pouvons que constater que le but premier du brevet est l’innovation et l’incitation à ce but.
Mais actuellement, le système des brevets dans le monde des TIC ne répond plus à ce but et donne lieu à plusieurs dérives qui reflètent, selon nous, un système qui n’est plus en phase avec les réalités de ce secteur. En effet, le « patent troll » (qui « est dans le domaine de la propriété intellectuelle, et plus précisément dans celui de la concession de licences (Licensing), le nom donné à une compagnie ou à une personne morale ou physique, qui utilise la concession de licence et le litige de brevets comme principal modèle économique »(11)), la prolifération excessive des brevets dans un but de négociation, de blocage de la concurrence, de prévention de procès sont des utilisations qui n’entrent pas dans le but premier du brevet et créent un risque de plus en plus important au sein du marché et notamment de celui des TIC.
Un des risques important est l’usage de standard essentiel de technologie dans un but de hold-up. Sachant que la problématique du hold-up est un problème de timing et de rapports de force dans la négociation de licence. C’est notamment le cas, lorsqu’une invention en aval dépend d’un autre brevet en amont, tout dépendra de la bonne volonté du titulaire du brevet en amont dans la situation où la firme de l’invention en aval a déjà investi dans cette dernière. Concernant Google, celui-ci « s’est bien engagé à concéder en ces termes des licences des brevets qu’il a acquis »(12). L’article ajoute que « toutefois, dans une lettre à quinze organismes de standardisation, il a également énuméré des cas d’exception »(13).
Dans ce contexte, les firmes les plus importantes tentent d’acquérir un nombre important de brevets dans une perspective de stratégie M.D.A (Mutual Assured Destruction). C’est notamment le cas de Google. Mais ce genre de stratégie est dangereux car on ne peut jamais être sûr du comportement des firmes usant de ce genre de stratégie. Un marché où règne l’insécurité est loin d’être propice à l’innovation.
Une solution quant à l’accès aux brevets standards essentiels serait les « patent pool ». Comme observé par Y. MENIERE, « les standards TIC (technologies de l’information et de la communication) sont devenus de plus en plus complexes, jusqu’à se transformer en de larges plates-formes technologiques, comprenant un grand nombre d’inventions brevetées »(14). Ce phénomène amène une augmentation importante des coûts de transaction. En effet, « les industriels souhaitant mettre en œuvre un standard doivent identifier et évaluer les brevets nécessaires à leur activité, puis négocier une licence séparée avec chaque propriétaire »(15).
Le système des « Pools » de brevets(16), présente plusieurs avantages. Il permet de rendre les coûts de transactions moins importants. Effectivement, toujours selon Y. MENIERE, « le fait d’assembler les brevets essentiels de différents propriétaires via un contrat de licence unique est un moyen efficace de réduire ces coûts de transactions »(17). L’auteur relève un second avantage qui est leur « capacité à tarifer l’accès aux brevets de manière plus efficace »(18).
Malgré les avantages non négligeables, il n’en reste pas moins que ce système présente plusieurs problématiques. Au niveau du droit de la concurrence, même si « les effets bénéfiques des pools sont aujourd’hui reconnus, et les autorités cherchent désormais à garantir qu’ils ne puissent pas être instrumentalisés à des fins anticoncurrentielles »(19). Cela comprend entre autre, le contrôle des ententes, éviter les « ventes liées », les abus de position dominante(20). A cela s’ajoute des « difficultés pratiques »(21). C’est ce que constate Y. MENIERE lorsqu’il énonce que, « de nombreux standards incorporant un grand nombre de brevets essentiels ne sont pas adossés à un pool »(22). Ce dernier ajoute que, « dans d’autres cas, un pool existe mais ne rallie qu’une petite fraction des brevets et de propriétaires concernés »(23).
Nous arrivons à la conclusion que selon nous ni le système actuel, ni les « patents pools » ne répondent aux déviances du système des brevets dans les TIC et ils ne permettront pas, à long terme, de revenir à la vocation première des brevets, à savoir : l’innovation et le progrès des sociétés modernes. Il est nécessaire de faire une réforme profonde du système actuel en concertation avec les différents acteurs concernés.
Le marché des télécommunications représente une jungle de brevets, détenus en majorités par quelques grandes multinationales, du type Microsoft, Apple, Samsung,… et plus récemment Google, qui a adopté une stratégie critiquable aux fins de s’imposer dans cet environnement où, disons-le, il fait bon de se montrer pugnace et déterminé.
Au centre de cette jungle apparait un élément régulateur, permettant d’éviter… Read more
Le marché des télécommunications représente une jungle de brevets, détenus en majorités par quelques grandes multinationales, du type Microsoft, Apple, Samsung,… et plus récemment Google, qui a adopté une stratégie critiquable aux fins de s’imposer dans cet environnement où, disons-le, il fait bon de se montrer pugnace et déterminé.
Au centre de cette jungle apparait un élément régulateur, permettant d’éviter certaines dérives et engageant le dialogue : les « Fair, reasonable and non-discriminatory licencing terms » (abrégés ci-après en « FRANDS terms »). Rappelons que le système même des droits intellectuels en matière de brevets, droits exclusifs menant à un monopole sur une technologie donnée, agit comme exception au principe. En effet, l’innovation devrait être accessible à tous et exacerber la créativité du monde scientifique. Toutefois, afin d’inciter les scientifiques à inventer et de compenser les coûts de recherche et développement, le système des brevets leur permet d’exercer un monopole, limité dans le temps, sur le procédé inventé. A coté de cela, le monde de la télécommunication se caractérise par une concentration importante de brevets dans un même produit, menant nécessairement à des négociations de licences, et de cross-licencing, avant de pouvoir mettre le produit sur le marché.
L’homme restant ce qu’il est, le danger était grand que les propriétaires de brevets demandent chacun des montants exorbitants pour leur licences, ce qui aurait mené, dans le cas des télécommunications, à un produit final dont le prix aurait été ridiculement élevé, vu le nombre de brevets utilisés. Cette menace était particulièrement vive concernant certains standards technologiques (type Wi-Fi, MP3, Blu-Ray,…), qui seraient présents dans la plupart des nouveaux produits de télécommunications (c’est-à-dire les smart-phones). Dès lors, les standards-setting organizations (Organismes de normalisation) ont imposé à leurs membres, participant à l’élaboration des standards, de conclure des licences en termes justes, raisonnables et non-discriminatoires (« FRAND terms »). Ainsi, le but était d’encadrer le monopole des propriétaires de brevets afin d’éviter des dérives sur certaines technologies largement utilisées (les standards), le monopole restant l’exception à la règle et devant, en théorie, être traité strictement.
Toujours est-il qu’aucune standards-setting organization n’a défini précisément ce que seraient des termes de licence « justes », « raisonnables » ou « non-discriminatoires ». Certes, ces termes évoquent pour chacun une signification commune, mais celle-ci est floue et trop peu précise. Dans ce contexte, il est inévitable que des poursuites soient donc engagées entre géants du marché, à cause de licences portant sur des standards qui n’auraient pas été négociées en “FRANDS terms” (des sociétés comme Samsung attaquant des rivaux tels Apple sur ce sujet).
Face au manque de bases solides des “FRANDS terms”, il est compréhensible que Google, après son rachat de Motorola, ait décidé de jouer sur ce tableau pour s’imposer sur le marché des télécommunications et se faire remarquer. Il semble donc assez évident qu’un travail de fond est nécessaire pour définir sérieusement et approfondir le principe des « FRANDS terms », certains géants demandant clairement un éclaircissement, Apple déclarant que « the industry would benefit from a more consistent and transparent application of FRAND, especially related to the licensing of cellular standards-essential patents » (1). A coté de cela, le marché lui-même appelle à une certaine flexibilité dans la conclusion de licences, tant les acteurs et les produits sont divers.
Dès lors, il apparait comme essentiel que les acteurs du marché, tant les multinationales que les standards-setting organizations et les agences de régulation (U.S. Federal Trade Commission et la Commission Européenne), s’entendent pour définir des FRANDS terms plus précis, sans toutefois leur ôter toute flexibilité.
Je vous rejoins lorsque vous déclarez qu’au final, ça sera à l’industrie elle-même d’« éteindre le feu » qu’elle a créé. Néanmoins, il me semble que les autorités de concurrence ont également un rôle important à jouer dans une optique de facilitation, de coordination et même de sanction, afin d'éviter les abus de pouvoir des sociétés en possession… Read more
Je vous rejoins lorsque vous déclarez qu’au final, ça sera à l’industrie elle-même d’« éteindre le feu » qu’elle a créé. Néanmoins, il me semble que les autorités de concurrence ont également un rôle important à jouer dans une optique de facilitation, de coordination et même de sanction, afin d’éviter les abus de pouvoir des sociétés en possession d’importants portefeuilles de brevets. Et s’il est vrai que ces autorités ne pourront régler à elles seules le problème fondamental des standards et des brevets essentiels, elles peuvent (et doivent) aider l’industrie à y parvenir. Explicitons notre propos.
Le développement privé de standards techniques est entravé par les mêmes problèmes de prise de décision et d’action collective que ceux qui handicapent le processus classique d’élaboration des politiques. Sans l’aide des acteurs publics, les entreprises privées ont souvent du mal à surmonter ces contraintes lorsqu’elles négocient des standards. Cependant, la capacité des acteurs publics à faciliter le développement privé des normes techniques dépend d’un certain nombre de conditions. D’abord, les acteurs publics doivent faire appel à des instruments de type « entrepreneurial » et non pas de type conventionnels, basés sur une autorité hiérarchique et sur de la « hard law ». En effet, ces interventions hiérarchiques, outre les problèmes d’information bien connus qu’elles rencontrent, ont souvent pour effet d’exposer le processus de normalisation technique à la contestation politique.(1)
On peut également ajouter qu’il s’agit d’un marché international. Il est donc important que les différentes autorités de concurrence à travers le monde (par exemple la Commission européenne et la DG concurrence ou le Département américain de la justice) convergent dans leur manière d’aborder les engagements « FRAND ». Même si elles ne font pas nécessairement face aux mêmes cas et qu’elles ne sont pas tenues de prendre les mêmes décisions, elles ont intérêt à maintenir un dialogue continu. Selon le commissaire européen Mr Alumnia, cette collaboration semble d’ailleurs se réaliser en pratique. Il a effectivement expliqué dans une interview qu’il existe des différences substantielles entre la Commission et le Département américain de la justice, mais que leur coopération est dans l’ensemble satisfaisante.(2)
De plus, une autre difficulté que nous pouvons rencontrer en Europe est que les conditions exactes sous lesquelles un accord de licence peut être considéré comme « équitable, raisonnable et non discriminatoire » (FRAND), n’ont pas encore été définies précisément (ni dans les accords de régulation européens de 2010, ni dans les « IPR Policy » de l’Institut des standards de télécommunications européens). Ainsi les Cours restent les autorités compétentes pour juger des licences nationales qu’on leurs soumet.(3)
Néanmoins, il ne faut pas sous-estimer la capacité et la volonté de la Commission européenne à imposer de sévères pénalités à ceux qui ne respecteraient pas la loi antitrust. L’établissement d’une législation sur la concurrence a en effet toujours été une des préoccupations politiques centrales pour la Commission et cette dernière a déjà su le rappeler avec vigueur à certains acteurs puissants du marché. Microsoft saura s’en souvenir (Microsoft c. Commission)…(4)
Pour finir, dans l’ « affaire Google » la question reste de savoir qui la Commission sanctionnera pour violation des lois antitrust, si elle décide de le faire, Motorola mobility ayant été séparé de Motorola en janvier 2011. Il faut donc déterminer à qui appartenait la société au moment de la violation. Selon l’éminent commentateur Florian Mueller, l’enquête lancée par Mr Alumnia n’est en tous les cas pas un bon signe pour Google…(5)
Nous terminerons ce commentaire en citant Mr Dave Heiner (Vice-président de Microsoft) qui, s’il est loin d’être un commentateur objectif, fit tout de même une intéressante déclaration en février dernier : « Google has a chance to make a change. For a company so publicly committed to protecting the Internet, one might expect them to join the growing consensus against using standard essential patents to block products. Google’s unwillingness so far to make this commitment is very concerning. That’s why you can pretty well count on a chorus from across the industry: “Google: Please don’t kill video on the Web”. »(6)
Motorola Mobility a surtout été achetée par la société Google pour ses nombreux brevets, elle possédait plus de 17 000 brevets sur des technologies de la téléphonie.Cette acquisition à 12 milliards de dollars permet à Google de renforcer les fondations d' Android qui lui permet de se défendre face à de nombreuses sociétés avec lesquelles elle est en… Read more
Motorola Mobility a surtout été achetée par la société Google pour ses nombreux brevets, elle possédait plus de 17 000 brevets sur des technologies de la téléphonie.Cette acquisition à 12 milliards de dollars permet à Google de renforcer les fondations d’ Android qui lui permet de se défendre face à de nombreuses sociétés avec lesquelles elle est en conflit devant les tribunaux. L’accès à ce type de “essential” brevets liés à des normes est d’une grande importance pour les entreprises actives sur le marché des smartphones et des tablettes numériques. En effet Google voit son système d’exploitation souvent attaqué en raison de violation de brevets, or aucun smartphone ni aucune tablette ne peuvent fonctionner sans système d’exploitation.
Cela a pour conséquence que lorsque Google rempli son portefeuille, son système deviendra de plus en plus protégé ce qui pourra entrainer des conséquences négatives. Notamment le fait que Google devienne pleinement constructeur de smartphones et de tablettes, cette acquisition va fragiliser les relations que Google a avec les autres constructeurs.
Cependant, le 13 février 2012 ,la Commission européenne a approuvé le rachat de Motorola Mobility, en vertu du règlement de l’UE. Elle a déclaré : « Nous avons autorisé le rachat de Motorola Mobility par Google parce que, au terme d’un examen minutieux de l’opération envisagée, il apparaît que cette dernière ne pose, en tant que telle, aucun problème de concurrence a ainsi déclaré Joaquín Almunia, le vice-président de la Commission chargé de la concurrence. Il va de soi que la Commission continuera de surveiller de près le comportement de l’ensemble des acteurs du marché actif dans le secteur en cause, et en particulier l’usage de plus en plus stratégique qui est fait des brevets.»
Il existe selon la ligne directrice sur le fonctionnement de l’Union européenne aux accords de coopération horizontale un engagement de ne pas commettre d’abus de droit. Une solution pour éviter une fixation des prix de licence trop élevée du type hold up est la formation de patent pools. Le patent pools est défini comme tout groupement, permettant de diminuer les coûts des transactions, en proposant de licencier des brevets « en masse » aux membres du groupe. Cela permet de concèder des licences pour ces brevets à des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires. C’est très bénéfique pour les consommateurs car ils ne seront pas victimes de l’augmentation des prix suite à des licences trop élevées.
Certes comme les précédents l’ont mentionné, un Smartphone est sans doute l’allégorie de l’innovation cumulative, c’est-à-dire une invention réalisée en combinant plusieurs inventions antérieures. Particulièrement dans le secteur des télécommunications, le recours à des standards de technologie est inévitable. C’est à n’en point douter que l’intégration d’un de ses brevet dans un standard est une source attractive de revenu.… Read more
Certes comme les précédents l’ont mentionné, un Smartphone est sans doute l’allégorie de l’innovation cumulative, c’est-à-dire une invention réalisée en combinant plusieurs inventions antérieures. Particulièrement dans le secteur des télécommunications, le recours à des standards de technologie est inévitable. C’est à n’en point douter que l’intégration d’un de ses brevet dans un standard est une source attractive de revenu. Par exemple le format MPG-2 est un standard qui regroupe 425 brevets de 28 propriétaires différents (1).
La solution proposée par T. Martin serait de créer des patent pools pour ces standards technologiques, c’est-à-dire créer une structure administrative avec les différents propriétaires de brevets sur cette technologie afin de mieux la gérer et d’être cohérent dans l’octroi des licences.
Certes, cela réduit les couts de transaction (recherche, négociation,…) car il ne faut pas négocier une licence sur chaque brevet composant le standard. Un autre effet du patent pooling prend appui sur l’étude d’Auguste Cournot qui a démontré que, paradoxalement, fusionner deux monopoles est favorable au consommateur en ce que cela réduit le prix si et seulement si il s’agit de produits complémentaires. D’autre part cela profite également aux entreprises car le profit réalisé par la jonction des monopoles est supérieur à la somme des profits qui auraient été réalisés en absence de monopole(2) .
Mais les « patent pool » sont également anticoncurrentiels. En effet l’effet de Cournot ne peut jouer si on crée des patent pool avec des brevets sur des technologies substituables, en effet créer un monopole dans ce cas engendre des prix plus élevés qu’en cas de concurrence « pure et parfaite ». De plus la réduction des coûts ne peut jouer étant donné qu’en cas de concurrence normale, on aurait pu choisir une licence sur un des brevets.
Il en est de même si on y intègre des brevets qui, certes, sont complémentaires au standard de technologie mais qui ne lui sont pas absolument nécessaires. En effet, en les ajoutant au pool, cela peut être un moyen d’empêcher la concurrence avec d’autres brevets substituables. Ces derniers qui pourraient être utilisés indifféremment de façon complémentaire avec un brevet essentiel (3) . Ainsi a-t-on développé la théorie des brevets « essentiels » pour déterminer quel brevet devrait être autorisé dans une pool.
Les lignes directrices répondent à toute un série de questions sur les patent pool, elles prévoient notamment que tout pool qui contiendrait un brevet sur une technologie non-essentielle enfreint l’article 101 TFUE si l’entreprise a une position significative sur le marché (4).
Cependant les royalties doivent être suffisamment peu élevées pour garantir une certaine concurrence. Déjà en 1931, la Cour Suprême des Etats-Unis reconnaissait que le fait pour des propriétaires de brevets de créer un patent pool et de décider du prix de la licence était équivalent à fixer les prix (5). Le risque réside donc dans les pratiques collusives afin de fixer les prix.
Ainsi a-t-on développé le RAND (reasonable and non-dicriminatory licensing) pour permettre l’accès à ces standards de technologie. En économie, on considère que ce type d’engagement est conçu pour enrayer la pratique du hold-up ou autres stratégies agressives permettant de dévier l’usage du brevet.
La Commission Européenne ainsi que la Cour de Justice se sont prononcée dans le sens d’une licence RAND afin de s’assurer que le pool reste ouvert et qu’il ne mène pas à un cloisonement des marchés ou tout autre effet anti-compétitif en aval (6). Cependant la position des USA via le Sherman Act est beaucoup moins stricte .
A mon avis ce système fonctionne tant que chacun y trouve son intérêt et reste économiquement viable. Motorola en approchant de la faillite a montré le comportement agressif d’une bête sauvage blessée à la merci des prédateurs et a tenté dans un geste désespéré d’asséner un dernier coup pour tenter de se sauver.
La guerre des brevets est loin d’être terminée et commence à prendre l’ampleur au-delà des technologies de communication comme en témoigne la très récente plainte de Yahoo! contre facebook pour violation de ses brevets. Comme on pouvait s’y attendre, Facebook (qui a par ailleurs racheté 750 brevets à IBM en vue de faire face à ce nouveau litige) vient juste de contrattaquer en estimant que Yahoo! a violé 10 brevets de facebook. Quel en est l’intérêt ? Facebook qui compte faire son entrée en bourse avait admis que si Yahoo! gagnait sur ce terrain, cela aurait un impact important sur ses résultats financiers. Yahoo! devient sans doute offensif avec Facebook car ce dernier l’a doublé l’an dernier sur le marché américain des encarts publicitaires en ligne. Cette année, la part de Facebook sur ce marché est attendue en hausse à 16,8% et celle de Yahoo! en baisse à 9,1% (7).
En conclusion, il s’agirait de légiférer afin de rendre irrévocable les engagements RAND pris par les entreprises sur des standards technologiques (que les brevets soient contenus dans un patent pool ou non).
(1) Y MÉNIÈRE et F. LÉVÊQUE, « Technology Standard, Patents and Antitrust », in Competition and Regulation in Networks Industries, vol 9, 2008, p. 30.
(2) Ibidem
(3) Y MÉNIÈRE et F. LÉVÊQUE, « Technology Standard, Patents and Antitrust », op. cit., p. 32.
(4)V. KORAH, Intellectual Property Rights and the EC Competition Rules, Oxford, Hart Publishing, 2006, p. 117.
(5) Z. PING, « An Analysis on Antitrust Regulation and Patent Pool », in Peking U. J. Legal Studies, 2008, p. 228.
(6) V. KORAH, Intellectual Property Rights and the EC Competition Rules, op. cit., p. 117.
(7) http://geeko.lesoir.be/2012/04/04/facebook-porte-plainte-contre-yahoo/
La création de standards technologiques présente des avantages et des inconvénients. Les standards peuvent bénéficier aux consommateurs en augmentant la concurrence et l’innovation mais aussi diminuer la concurrence et conduire à des abus (1).
Ainsi, les standards peuvent réduire les prix, augmenter l’interopérabilité entre différents produits et permettre aux consommateurs de bénéficier des effets de réseau (2). Il est clair… Read more
La création de standards technologiques présente des avantages et des inconvénients. Les standards peuvent bénéficier aux consommateurs en augmentant la concurrence et l’innovation mais aussi diminuer la concurrence et conduire à des abus (1).
Ainsi, les standards peuvent réduire les prix, augmenter l’interopérabilité entre différents produits et permettre aux consommateurs de bénéficier des effets de réseau (2). Il est clair que notre quotidien est rendu plus facile par l’adoption de standards. On peut songer notamment aux bienfaits, pour les consommateurs, des standards MP3, DVD, Blu-ray, CD, Wi-Fi, 3G, etc.
D’un autre coté, une fois qu’un standard a été adopté et s’est imposé sur le marché, les technologies alternatives sont éliminées (3). Une entreprise qui détient un brevet essentiel pour le standard dispose alors d’une sorte de monopole sur le marché. Le détenteur du brevet pourrait être tenté de demander des royalties plus élevées, de par sa position privilégiée sur le marché, créant ainsi un risque de « hold-up » ou de « lock-in » (4). Ce pouvoir de marché est acquis ex post, c’est-à-dire, après que les entreprises (ou les consommateurs) aient réalisés des investissements spécifiques au standard (5). Le coût pour changer de standard est alors trop élevé.
C’est pour éviter ces problèmes que les organisations de développement de standards et la doctrine (6) ont contribué à l’essor des licences FRAND (fair, reasonable and non-discriminatory). Le principe FRAND repose sur l’idée que les entreprises détenant des brevets essentiels pour un standard s’engagent ex ante à accorder des licences à des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires (7).
Avant même que le standard soit adopté, il existe donc un engagement de ne pas commettre d’abus (du type hold-up) en cas d’adoption du standard. Selon les toutes récentes lignes directrices sur l’applicabilité de l’article 101 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux accords de coopération horizontale (8), cet engagement devrait être irrévocable. Or, dans le cas de Motorola Mobility, on voit qu’il n’en est rien. Motorola, et maintenant Google, ne s’estiment plus tenus par le principe des licences FRAND, d’où les plaintes de Microsoft et Apple…
) S. MICHEL, « Bargaining for RAND royalties in the shadow of patent remedies Law », Antritrust Law Journal, vol. 77, 2011, n°3, p. 891 et R. J. GILBERT, « Deal or no deal? Licensing negotiations in standard-setting organizations », Antritrust Law Journal, vol. 77, 2011, n°3, p. 855.
Le brevet accorde à son titulaire un véritable droit exclusif sur son invention et supprime ainsi tout risque d'opportunisme de la part d'autres personnes. L'inventeur peut donc intenter une action en justice chaque fois que quelqu'un lui vole l'information protégée par son brevet.
Le brevet peut également être vu comme un outil de négociation et de transaction permettant à son… Read more
Le brevet accorde à son titulaire un véritable droit exclusif sur son invention et supprime ainsi tout risque d’opportunisme de la part d’autres personnes. L’inventeur peut donc intenter une action en justice chaque fois que quelqu’un lui vole l’information protégée par son brevet.
Le brevet peut également être vu comme un outil de négociation et de transaction permettant à son titulaire de vendre une licence et d’augmenter son profit. C’est ce qu’on appelle l’efficacité dynamique.
A l’heure actuelle, le marché des technologies est caractérisé par une véritable “guerre des brevets”, chaque entreprise s’accusant mutuellement en justice de violation de propriété intellectuelle. Le but de ce type de litige est d’obtenir une transaction aboutissant à des accords de licence avant même que ne soit rendue la décision du tribunal saisi.
Dans ce contexte, pour faire face à cette “guerre des brevets” et ainsi protéger son système d’exploitation Android contre les menaces anticoncurrentielles de Microsoft et d’Apple, il était tout à fait indiqué pour Google de saisir l’opportunité de rachat de Motorola et de ses 17.000 brevets. D’ailleurs, cette transaction a reçu le double feu vert par les autorités européennes et américaines de la concurrence en ce qu’elle a permis d’intensifier la concurrence dans l’informatique mobile.
Mais, ce rachat pose néanmoins quelques problèmes :
Principalement, s’agissant de l’attitude de Google soutenant la position de Motorola qui avait refusé de rendre ses brevets essentiels accessibles à un prix raisonnable pour la création de smartphones, je rejoins l’avis de Thomas Martin lorsqu’il dit que de telles stratégies pourraient avoir des répercussions sur la concurrence puisqu’elles auraient pour conséquence de bloquer la commercialisation de smartphones par les entreprises concurrentes. Il y a un risque de hold-up à grande échelle pour les entreprises qui utilisent le logiciel protégé par le brevet.
Ce comportement compromet gravement la crédibilité des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires (FRAND) qui est une obligation de licence exigée par les organismes de normalisation. Cette licence doit être accordée à tous les acteurs du marché afin de renforcer le caractère pro-concurrentiel de l’industrie et d’éviter les abus de position dominante (1). Si ces organismes de normalisation n’arrivent plus à établir de normes communes pour l’industrie du mobile, les producteurs de smartphones seront dans l’obligation de fabriquer leur propre système d’exploitation, ce qui engendrerait inévitablement une hausse des prix des smartphones pour les consommateurs.
Le recours à l’open source permettait effectivement aux fabricants de smartphones de baisser les coûts de leurs mobiles puisque le logiciel libre était mis à leur disposition gratuitement.
Pour Google également, ce genre d’opération était bénéfique et lui permettait de faire du profit. En distribuant gratuitement Android, Google imposait aux fabricants utilisant son logiciel de respecter les conditions d’une licence. Par ce biais, Google espérait provoquer un effet boule de neige sur les applications d’Android.
Des enquêtes sont actuellement menées par les autorités européennes de concurrence dans bon nombre de litiges afin de décider s’il y a eu abus de position dominante (Samsung/Apple, Google/Microsoft,…).
L’enjeu pour les autorités de concurrence est de déterminer quels sont les brevets devenus des “standards essentiels” obligeant dans ce cas les entreprises détentrices de tels brevets à les mettre à disposition de toutes les autres; faute de quoi, elles seraient purement et simplement exclues du marché.
Faire la distinction entre des brevets “standards essentiels” et des brevets non “standard essentiels” n’est pas chose aisée et les autorités de concurrence font donc fréquemment appel à des juristes spécialisés en propriété intellectuelle pour résoudre cette question fondamentale.
A Joaquin Almunia, vice-président de la Comission en charge de la concurrence de conclure à propos de ce genre de conflits qu’il s’agit d'”un terrain tout à fait nouveau, où l’on observe le rapprochement entre propriété intellectuelle et concurrence” (2).
Les smartphones sont un exemple de ce qu'est une innovation cumulative: c'est un combiné d'innovations, chacune protégée par un brevet. En réalisant un produit a priori novateur, une firme peut se retrouver à contrefaire des dizaines de brevets sans même le savoir. Se pose inévitablement la question du partage de la valeur du produit final: comment répartir les droits entre… Read more
Les smartphones sont un exemple de ce qu’est une innovation cumulative: c’est un combiné d’innovations, chacune protégée par un brevet. En réalisant un produit a priori novateur, une firme peut se retrouver à contrefaire des dizaines de brevets sans même le savoir. Se pose inévitablement la question du partage de la valeur du produit final: comment répartir les droits entre chaque inventeur détenteur d’un brevet ?
En termes économiques, cela fait référence à la “tragédie des anti-communaux”, ou la sous-exploitation d’une ressource inépuisable lorsque celle-ci est détenue par une multitude d’ayants-droit. En effet, chaque détenteur de brevet détient un véritable droit de véto sur la création ou non de la technologie du concurrent. Ce droit de véto doit être couplé au problème des doubles marges. Si chaque détenteur de brevet demande trop dans la portion de droit qu’il détient sur la technologie que l’on veut créer, chacun y perdra parce que le commerce sera étouffé et la technologie ne verra, au final, jamais le jour.
La création d’un produit nécessite donc de naviguer dans le champ de mines que constituent les différents portefeuilles de brevet de chaque firme. Cette stratégie a des répercussions sur la concurrence: détenir un brevet essentiel à la création du produit de la firme concurrente peut bloquer ce dernier dans la commercialisation de son innovation, ou le forcer à négocier un accord de licence en étant la partie forte au contrat (i.e. Le cas du hold-up dans l’affaire de l’entreprise RIM et le développement de son blackberry). En rachetant le portefeuille de Motorola, Google s’est offert un moyen atypique, mais efficace, d’entrer sur le marché des smartphones.
Une solution pour éviter une fixation des prix de licence trop élevée, c’est la création de “patent pools”. Autrement dit, l’idée est de fusionner les brevets au profit d’un organisme chargé de fixer le prix des licences. Le prix sera certes un prix de monopole qui ne sera moins élevé que si chacun négociait l’octroi de sa technologie. Cela permettrait de réaliser de petites marges de bénéfices sur de gros volumes de technologies, de façon semblable à ce qui a été fait pour la technologie Blu-Ray.
Les autorités américaines utilisent le vocable “Mutually Asserted Destruction” pour décrire la situation de guerre où deux opposants, dans un conflit armé utilisant des armes de destruction massive (ici, les portefeuilles de brevet) finiraient par s’autodétruire. Cette véritable course à l’armement mène aujourd’hui à un « équilibre de la terreur » qui, en plus de paralyser l’innovation, coûte cher étant donné qu’elle suppose le dépôt de nombreux brevets.
Le même mouvement se dessine depuis 15 ans dans le secteur des logiciels où les entreprises fermement ancrées dans le marché déposent un maximum de brevets pour bloquer et se protéger des nouveaux avec de gros portefeuilles de brevets.
I just want to flag the following interview of Commissioner Almunia on exactly the topic you have addressed in your post (patents, FRAND and competition):
Comments for Mobile industry in Google’s cross-hairs
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A la lumière de cet article, nous voudrions mettre en avant l’évolution que la propriété intellectuelle a suivie mais aussi la relation entre droit et économie. En effet, le droit est utilisé au service de l’économie ; les différents acteurs y ont recours pour arriver à s’imposer sur la scène économique.
Les sociétés utilisent la propriété intellectuelle comme un nouveau moyen pour arriver à leurs fins. Google l’a compris lorsqu’il a acquis Motorola Mobile. Google avait d’abord tenté de s’introduire dans le marché sans détenir de brevets mais très vite il s’est rendu compte que cela ne serait pas suffisant. C’est pourquoi il a fini par changer sa stratégie en cours de route et a acheté Motorola et son nombre important de brevets.
Cet article met en lumière la dérive du régime de la propriété intellectuelle. Les entreprises se font la guerre, ce domaine est un véritable champ de bataille. Google se bat avec Oracle pour des réclamations concernant des brevets et des copyrights, Yahoo et Facebook sur des brevets internet ; quant à Samsung, Apple et bien d’autres encore ils se disputent sur les brevets des smartphones. (An Intellectual Property exchange – Market place of ideas, 12 mai 2012, economist.com, ). En d’autres mots, la course est lancée à celui qui détiendra le plus de brevets. Par conséquent, le nombre de brevets ne cessent d’augmenter. Cela n’est plus lié à l’innovation, au contraire cela s’explique par deux raisons : d’une part par le mauvais filtrage des demandes de brevets et d’autre part par la nouvelle utilisation qui est faite des brevets.
Détenir, aujourd’hui, des brevets devient une ressource essentielle. Cela permet de prévenir des litiges. Le brevet est utilisé comme une arme, les entreprises se font la guerre à coup de brevet. Cela permet aux sociétés d’occuper le terrain afin, soit de bloquer leurs concurrents soit de ne pas être bloqué par un concurrent lors de la réalisation d’un de leurs projets.
Si l’on poursuit ce raisonnement, on peut y voir une incidence majeure pour les PME. Elles disposent de moins de fonds que les grandes entreprises. Dès lors lorsqu’une grande entreprise menace une PME d’introduire une action en justice à l’aide de brevets qu’elle détient si elle ne partage pas sa connaissance avec elle. La petite entreprise n’a le choix que de capituler autrement elle ne survivrait pas à une action judiciaire de plusieurs années. Les brevets sont devenu des outils de prédation. C’est ce que le Professeur Remiche baptise de ‘terrorisme judiciaire’. La seule solution qu’il reste aux PME est de se spécialiser dans un secteur précis qu’ils sont les seuls à maitriser et qu’ils protègent au moyen de quelques brevets particuliers. Il en est de même en ce qui concerne tous les nouveaux outils permettant une meilleure exploitation des bases de données de brevets. Ces outils sont très chers et souvent peu adéquats à la situation des PME ou universités. Les PME se retrouvent en compétition avec des géants multinationaux et ne peuvent faire face. (Y. MENIERE, ‘Les bases de brevets comme ressource stratégique : vers un système à deux vitesses ? sur ipdigit.eu., 10 mai 20012, ). Cela nous amène à la constatation que la relation grande entreprise/ PME est complètement disproportionnée.
C’est au vu de ces nouvelles incitations à la création de brevet que nous avons de plus en plus de brevets faibles.
Au final, nous nous trouvons dans une période de mutation de la propriété intellectuelle, il serait peut être temps d’en redessiner les contours vu les multiples directions dans lesquelles nous allons.
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Le problème exposé ci-dessus est surtout celui de l’utilisation actuelle du système des brevets.
Les brevets octroient un monopole en échange d’informations utiles pour tous, tout en essayant de favoriser l’innovation. Malheureusement, l’utilisation de ces brevets a radicalement changé ces dernières années et particulièrement dans les nouvelles technologies, secteur caractérisé par une rapidité et une évolution importante.
Dans les nouvelles technologies, il faut être le premier à inventer, le premier à bloquer les autres pour pouvoir se faire une place au soleil. Les grands industriels de ce monde l’ont bien compris et utilise le brevet comme frein à la concurrence et comme arme contre leurs adversaires. A coût de procès (surtout aux USA où les dommages et intérêts sont plus punitifs qu’indemnitaires) et à coût de licence dans le meilleur des cas, tout est bon pour développer son entreprise et son compte en banque.
Il n’est donc pas étonnant pour une société comme Google d’investir dans un portefeuille de brevets conséquent puisque cela lui assure une protection (on ne va pas attaquer quelqu’un sans raison alors qu’il pourrait sur base de ses brevets en faire de même voir faire beaucoup plus) et une place sur le marché en étant certain de pouvoir y entrer sans avoir trop de procès sur le dos.
Les brevets sont également aujourd’hui considérés comme un bien économique en soi.
Cela pourrait conduire à des catastrophes comme la crise des subprimes puisque les brevets sont valorisés dans un contexte « guerrier » et valent donc en réalité beaucoup moins que ce qu’ils sont évalués actuellement. Etant des brevets faibles ne protégeant pas des inventions et des techniques très importantes ou intéressantes, leur seul but est de bloquer les concurrents. Mais comme cela a une valeur économique, Google avait des raisons d’être intéressé même s’il a payé le prix fort pour ceux-ci.
Au niveau économique, il est assez logique de se dire que ce n’est pas une technique tendant vers le bien commun. La contrepartie du monopole n’existant presque plus (on en dit le moins possible sur la technologie protégée), cette situation conduit a des prix élevés et le consommateur n’a d’autres choix que d’acheter ce qu’on lui propose ou de se passer de cette technologie.
Beaucoup de dérives sont apparues entre autre grâce à une faible exigence au niveau des offices de brevets et à une augmentation des demandes de ceux-ci qui ont crû de façon exponentielle provoquant un cercle vicieux.
Le système des brevets a donc bien changé et malheureusement pas pour un mieux…
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Les posts précédents sur ce sujet ont brillamment analysé la problématique sous un angle juridique en formulant, en plus, de bonnes propositions de lege ferenda. Cependant, je me demande si on ne dramatise pas un peu cette guerre des brevets qui se déroule entre les acteurs du monde des smartphones. Motorola attaque ses concurrents à tout bout de champ en leur reprochant de violer ses droits de propriété intellectuels. Soit. Mais les motivations principales sont selon moi assez évidentes : Premièrement, Google, fraichement arrivé dans le ring de boxe en acquérant le portefeuille de brevets de Motorola, roule des mécaniques et montre aux autres membres qu’il ne se laissera pas faire. En suite, Motorola tente de se mettre en position avantageuse pour pouvoir négocier des licences croisées avec les parties opposées de ses différents procès.
La preuve de l’agenda caché de cette guerre se trouve dans les faits : Premièrement, on voit des acteurs de ce monde lancer des actions tout en sachant qu’elle n’aboutiront pas ou qu’elles seront difficilement exécutable. Elles ont pour seul avantage d’être largement diffusées par la presse et de faire un mauvais coup de publicité au perdant. C’est par exemple le cas dans l’affaire qui oppose Motorola à Microsoft en Allemagne : Motorola a gagné en première instance car il avait choisi un for lui étant favorable, mais gagner en appel serait beaucoup plus compliqué. (1) Deuxièmement, après un début de bataille juridique, les deux ennemis règlent la question à la table des négociations comme on le voit actuellement pour le différend qui oppose Apple à Samsung (une rencontre des deux CEO et prévue pour le 21 mai) qui ont entre temps déjà mutuellement abandonné une partie de leurs poursuites. (2) Les différents acteurs sont donc bien conscients de la situation de MAD dans laquelle ils se trouvent et du fait que leurs différends ne se règleront pas définitivement par voie juridictionnelle. Il me semble dès lors évident qu’on se trouve simplement face à une stratégie de négociation musclée éthiquement très discutable.
Pour conclure, j’aimerais revenir sur la question des FRAND. Plusieurs posts ont proposé de légiférer afin de rendre les engagements sur les FRAND irrévocables. Selon moi, une solution existe déjà dans beaucoup de systèmes juridiques (Common law, Allemagne, France, arbitrage international…) : l’interdiction de se contredire au détriment d’autrui. Aux USA, ce principe nommé promissory estoppel est connu depuis longtemps et empêche une partie qui a fait une promesse de revenir sur sa promesse si ce faisant elle causerait un préjudice a l’autre partie qui a agit sur base de cette promesse. On voit d’ailleurs que ce principe a été invoqué par Microsoft contre Motorola aux USA. Selon MUELLER, Microsoft a toute ses chances d’obtenir gain de cause. (3)
(1) http://www.fosspatents.com/2012/05/frand-abuse-german-court-hands-motorola.html
Show less(2) http://www.fosspatents.com/2012/05/apple-and-samsung-drop-claims-against.html
(3) Florian Mueller est le rédacteur du blog FOSSpatents ; http://www.fosspatents.com/2012/02/us-district-court-to-hold-special-frand.html
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Il a plusieurs fois été question dans les commentaires précédents des engagements « FRAND » qu’imposent les « standard-setting organizations » et notamment du problème du manque de clarté et de précision dans la définition de ce qu’on entend par « fair, reasonable, and non-discriminatory ». Je souhaiterais me pencher ici sur une autre facette de ces engagements particuliers : leur caractère visiblement non contraignant dans le chef des entreprises.
A mon sens, une des premières interrogations que suscite l’affaire « Google » dont nous discutons est la suivante : comment est-il possible qu’une entreprise détentrice de brevets qui souscrit à des engagements « FRAND » puisse, par la suite, les rompre – unilatéralement – aussi facilement que l’a fait Motorola Mobility en 2011 comme en atteste ses demandes de royalties exorbitantes ? Quelle est, dès lors, l’utilité et la portée de tels engagements ? On peut également s’interroger sur la crédibilité des « FRAND terms » à l’avenir lors de l’élaboration de futurs standards technologiques à partir du moment où l’on peut s’en affranchir aussi simplement. N’est-ce pas là une sérieuse menace pour le processus même de standardisation ?
Plus largement, si la fiabilité des engagements « FRAND » vient à s’effondrer comme le laisse craindre le comportement de Motorola, a fortiori lorsque ces engagements concernent des « essential patterns », le risque est d’assister à un détricotage en bonne et due forme d’une situation équilibrée dans laquelle chacun pouvait pourtant trouver son intérêt, y compris le consommateur.
En effet, compte tenu de l’abondance de brevets sur un marché tel que celui des smartphones et l’éparpillement de ces brevets dans les portefeuilles des différentes entreprises, tous les concurrents finissaient par s’y retrouver grâce à un système dans lequel les « FRAND terms » empêchaient que les propriétaires de brevets n’abusent individuellement de leur monopole. On évitait ainsi à la fois une explosion du prix du produit final et un accès pour chaque entreprise, dans des conditions raisonnables et non discriminatoires, aux standards technologiques, cruciaux en matière de télécommunication. En outre, la stimulation de l’innovation, objectif premier de l’institution du brevet, en sortait gagnante. Bref, les enjeux ne sont pas négligeables.
La politique protectionniste et de repli sur soi-même adoptée par Motorola et ensuite endossée par Google ébranle donc la confiance dans un système basé sur l’intérêt réciproque des parties en cause, avec les conséquences lourdes et néfastes que cela implique pour l’ensemble de l’industrie ainsi que pour les nombreux consommateurs.
Pour autant, si la liberté prise par Motorola par rapport à ses engagements « FRAND » constitue indéniablement, comme le souligne Monsieur Ménière, un grave précédent dans cette « guerre des brevets », la bataille n’est pas encore perdue pour les entreprises concurrentes et l’on peut oser espérer une condamnation ferme de cette pratique agressive qui va à l’encontre de l’intérêt commun de l’industrie. Il y va de la viabilité des standards et de la fluidité de circulation des brevets essentiels.
Ainsi, malgré ses défaites judiciaires face à Motorola ces deux dernières semaines en Allemagne et aux Etats-Unis, Microsoft entend bien faire entendre dans le procès actuellement en cours devant la federal district court à Seattle que Motorola était juridiquement tenu par les contrats conclus avec les standard-setting organizations et qu’il avait, par conséquent, l’obligation de concéder des licences sur ses brevets essentiels de façon raisonnable et sans discrimination. Une procédure similaire oppose Apple à Motorola pour le même type de motifs devant la federal court de San Diego. A l’issue de ces jugements, il sera peut-être enfin mis un terme à cette musculation dans la gestion des brevets qui demeure, du reste, nuisible à l’ensemble du secteur.
Par ailleurs, je rejoins l’avis de Sylvain qui conclut son commentaire en disant qu’il serait bon de légiférer afin de rendre irrévocable les engagements « FRAND » pris par les entreprises sur des standards technologiques. On éviterait sans doute beaucoup d’ennui et les brevets serviraient à nouveau sainement leur objectif initial sans constituer des « armes de destruction massive », ce qui n’est évidemment pas du tout leur objet.
http://newsandinsight.thomsonreuters.com/New_York/News/2012/05_-_May/Up_Monday__Crucial_hearing_in_Microsoft_v__Motorola_RAND_case/
http://newsandinsight.thomsonreuters.com/Legal/News/2012/02_-_February/Apple_s_new_Motorola_suit_is_message_to_Google_and_regulators/
http://www.fosspatents.com/2012/04/motorola-told-judge-its-4-billion.html
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L’année 2011 a été sans aucun doute caractérisée par une abondance de brevets, dès lors peut-on dénommer cette année ‘une année d’amples innovations’ ou devra-t-on, en analysant le comportement de ces acteurs du monde de la téléphonie mobile, plutôt conclure à une préparation d’une troisième guerre mondiale, ‘une guerre des brevets’ ?
Les médias ne sont pas passés à côté de ce sujet, les articles coulent à flot, impossible de le rater, tous les principaux opérateurs téléphoniques sont occupés à se construire un empire de brevets. Fin 2010, Microsoft pour la majorité, avec à ses côtés Apple et Research in Motion, négocièrent l’acquisition de 882 brevets de Novell, contre une somme de 450 millions. Peu après, Apple, Microsoft et Research in Motion s’emparaient des 6000 brevets de Nortel Networks, un fabricant canadien de matériel de télécommunications, pour un montant de 4.5 milliard de dollars. Mais ‘pièce maitresse’, fut indiscutablement le rachat de Motorola Mobility par Google pour un montant de 12.5 milliard de dollars, incluant 17.000 brevets valorisés à au moins 6 milliard de dollars.
La possession de nouveaux brevets par un opérateur constitue généralement pour celui-ci un outil permettant un avancement dans sa recherche vers de nouvelles innovations, une aide dans sa création de nouvelles technologies. Toutefois ceci n’a pas été le but prioritaire de ces opérateurs, ce qui les intéresse véritablement lors de ces rachats était d’acquérir le plus possible de ‘standard essential patents’ (SEPs). Ces derniers sont des brevets dont tout opérateur a indiscutablement besoin pour la fabrication de base de tout instrument électronique, que ce soit pour un GSM ou pour un Smartphone. Motorola, étant le fondateur de la communication mobile, détenait d’innombrable SEPs, d’où l’acharnement de Google pour obtenir ces brevets. On retrouve ce même comportement chez Apple, Microsoft et Research in Motion lors de leur offre complètement excessif en vue de décrocher les brevets de Nortel Networks et Novell.
Ces SEPs sont traditionnellement mis à disposition de tous les intéressés selon les conditions FRAND ( Fair, Reasonable and Non-Discriminatory), car comme ils sont nécessaires à la construction de tout produit de communication mobile, ils doivent être accessibles à tout le monde contre une redevance raisonnable et adéquate. Une entreprise qui ne mettrait pas à disposition ses SEPs, abuserait de son pouvoir sur le marché et de sa position dominante et enfreindrait de ce fait l’article 101 TFUE. Dans un secteur comme la communication mobile, étant en constante évolution, il est important de laisser les portes ouvertes à des nouveaux venus, car sans nouvelle inspiration, l’innovation prendrait fin. Ce système international des brevets standards fonctionne bien si toutes les entreprises qui possèdent ce genre de brevets, se tiennent à l’arrangement et mettent ceux-ci à disposition des autres selon des conditions FRAND, décrites ci-dessus.
Néanmoins, on aperçoit que Google ne se tient absolument pas à ces engagements contrairement à Apple et Microsoft, et utilise quand même des SEPs pour attaquer d’autres entreprises sans leur offrir la possibilité de payer une licence, ou imposer une redevance totalement abusive. Avec les nouveaux blocages de Google, Microsoft devrait payer 2.25% de son prix final à Google, ce qui est énorme si on additionne ceci avec les autres brevets nécessaires pour la fabrication légale de ses appareils mobiles.
On remarque clairement que tous les opérateurs se munissent de brevets pour bombarder leurs concurrents dès qu’une attaque leur est lancée. Il est clair que le projet de Google lors de l’acquisition de ces 17.000 brevets, n’avait en aucun cas un aspect innovant, leur seul dessein consistait à s’approprier le plus grand nombre de brevets pour pouvoir descendre les autres opérateurs, dans le cas de Google, leur regard visant surtout le géant en télécommunication, Apple. Google munit de son patrimoine de brevets, essaie par toutes voies de bloquer les ventes des produits Apple ainsi que d’autres pour gagner un maximum de temps permettant de prendre de l’avance, au niveau technologique et informatique, sur les concurrents. Cette conduite dévie dès lors entièrement de l’intention initiale de l’instauration des brevets dans le monde des affaires, qui ont été conçus premièrement pour protéger les créateurs et par conséquent pour prôner l’innovation.
Les conséquences de ce comportement de guerrier des constructeurs pourraient avoir des répercussions énormes sur le monde de la télécommunication si on n’y met pas fin. Si tous les opérateurs possédant des ‘standard essential patents’ refusent de mettre à disposition leurs brevets sous les conditions FRAND, le prix des ces brevets deviendrait tellement élevé, qu’il ne serait presque plus rentable d’investir dans le secteur de la téléphonie mobile. Les premiers qui vont subir ces conséquences seront les petites entreprises ayant moins de moyens, mais ceci touchera également les consommateurs pour qui les prix de ces appareils escaleront considérablement. En outre, ceci ralentira amplement la production de ces appareils électroniques et étouffera inévitablement l’innovation. Est- on à l’avènement d’innombrables procédures juridiques entre les principaux opérateurs, prenant une telle ampleur qu’il ne reste plus de temps ni de fonds pour l’innovation ?
Indéniablement, l’acquisition de brevets est un coût qui ne peut pas être renié dans notre monde moderne des affaires et qui par conséquent doit être intégré dans le calcul des dépenses effectuées lors de la fabrication de ces appareils mobiles. Dès lors, si ce coût a pour effet de rendre certains produits économiquement non-viables et de pousser des concurrents à la faillite, on peut clairement conclure qu’il y a eu un excès du système de brevetabilité. Ce monde de la télécommunication a aujourd’hui atteint un moment crucial, tous les opérateurs étant bien armés, vont –ils trouver un moyen de coexister ou vont-ils continuer à s’entre-tuer au détriment de tout le monde ?
Sources:
The Economist, 2011. Google’s takeover of Motorola Mobility. Patently different. The battle in the mobile industry takes an unexpected turn. The Economist, (20/08/2011). Disponible à : http://www.economist.com/node/21526370. (Consulté le 14/04/2012).
FULTON, S., 2012. Microsoft Sides with Apple in FRAND Licensing Fracas. ReadWrite Mobile, (10/02/2012). Disponible à : http://www.readwriteweb.com/mobile/2012/02/microsoft-sides-with-apple-in.php.
(Consulté le 14/04/2012).
ROWINSKI, D., 2012. The Mobile Patent Wars: Are We Ready for This to Go Thermonuclear?. ReadWrite Mobile, (15/02/2012). Disponible à : http://www.readwriteweb.com/mobile/2012/02/the-mobile-patent-wars-are-we.php (Consulté le 14/04/2012).
TILTON, A., 2011. [Infographic] The Great Patent War Of 2011™: Samsung vs. Apple. Androidpit, (15/12/2011). Disponible à: http://www.androidpit.com/en/android/blog/400686/Infographic-The-Great-Patent-War-Of-2011-Samsung-vs-Apple (Consulté le 14/04/2012).
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Tout d’abord, il nous semble nécessaire de remettre un peu de chronologie dans des évènements. Comme vous le savez, c’est le 15 août 2011 que Google acquière Motorola Mobility pour un montant de 12, milliards de dollars (donc 8.7 milliards d’euros)(1). Ceci dit, ce rachat n’est pas facilement accepté par les instances américaines et européennes. Selon ces-derniers, les conséquences pour le marché peuvent être importantes, « notamment pour les partenaires de Google »(2).
Le 13 février 2012, la commission européenne approuve le rachat de Motorola Mobility par Google, en énonçant que, « La Commission a autorisé l’opération principalement parce qu’elle ne modifierait pas significativement la situation sur le marché en ce qui concerne les systèmes d’exploitation et les brevets liés à ce type d’appareils »(3). Néanmoins, il est rappelé que « l’accès aux brevets essentiels liés à des normes est d’une importance fondamentale pour tous les acteurs du marché. C’est pourquoi les organismes de normalisation exigent de leurs détenteurs qu’ils concèdent des licences pour ces brevets aux tiers intéressés à des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires. Faute de licences de ce type, les concurrents, voire le secteur dans son ensemble, verraient leurs activités entravées, et ce au détriment des consommateurs et de l’innovation. »(4). Le lendemain, la division antitrust du département de la justice américain a rendu un avis similaire à celui de la commission dont la conclusion étant que, « the division concluded that the specific transactions at issue are not likely to significantly change existing market dynamics »(5). Ceci dit, il reste encore pour Google à attendre « l’accord de la Chine, d’Israël et de Taïwan avant que le rachat puisse définitivement s’effectuer »(6).
Ensuite, après ce bref rappel, la peur que ce rachat suscite est totalement compréhensible. Avec les standards de technologie et les brevets les protégeant, le secteur des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) devient instable et doit, selon nous, être entièrement revu et modifié.
Nous expliquons cette position en rappelant l’origine et la fonction du brevet. Selon S. DUSOLLIER, « dès l’origine, la fonction du brevet est d’encourager l’innovation dans le domaine technique, et de développer de la sorte le progrès de l’industrie reposant sur cette innovation »(7). Cette dernière énonce que la fonction essentielle du brevet, à savoir la promotion de l’innovation, permet d’expliquer « les deux règles fondamentales »(8). La première étant notamment que, toujours selon l’auteur, « le brevet est un monopole octroyé à l’inventeur, pour lui permettre d’amortir ses investissements et de tirer un profit de son invention (l’incitant en conséquence à l’innovation)(9). La seconde étant quant à elle, le fait que, « pour partager les connaissances liées à l’invention (et permettre de produire, sur base de cette connaissance, de nouvelles innovations), le brevet implique la divulgation du contenu de l’invention, la description des éléments de celle-ci »(10). Nous ne pouvons que constater que le but premier du brevet est l’innovation et l’incitation à ce but.
Mais actuellement, le système des brevets dans le monde des TIC ne répond plus à ce but et donne lieu à plusieurs dérives qui reflètent, selon nous, un système qui n’est plus en phase avec les réalités de ce secteur. En effet, le « patent troll » (qui « est dans le domaine de la propriété intellectuelle, et plus précisément dans celui de la concession de licences (Licensing), le nom donné à une compagnie ou à une personne morale ou physique, qui utilise la concession de licence et le litige de brevets comme principal modèle économique »(11)), la prolifération excessive des brevets dans un but de négociation, de blocage de la concurrence, de prévention de procès sont des utilisations qui n’entrent pas dans le but premier du brevet et créent un risque de plus en plus important au sein du marché et notamment de celui des TIC.
Un des risques important est l’usage de standard essentiel de technologie dans un but de hold-up. Sachant que la problématique du hold-up est un problème de timing et de rapports de force dans la négociation de licence. C’est notamment le cas, lorsqu’une invention en aval dépend d’un autre brevet en amont, tout dépendra de la bonne volonté du titulaire du brevet en amont dans la situation où la firme de l’invention en aval a déjà investi dans cette dernière. Concernant Google, celui-ci « s’est bien engagé à concéder en ces termes des licences des brevets qu’il a acquis »(12). L’article ajoute que « toutefois, dans une lettre à quinze organismes de standardisation, il a également énuméré des cas d’exception »(13).
Dans ce contexte, les firmes les plus importantes tentent d’acquérir un nombre important de brevets dans une perspective de stratégie M.D.A (Mutual Assured Destruction). C’est notamment le cas de Google. Mais ce genre de stratégie est dangereux car on ne peut jamais être sûr du comportement des firmes usant de ce genre de stratégie. Un marché où règne l’insécurité est loin d’être propice à l’innovation.
Une solution quant à l’accès aux brevets standards essentiels serait les « patent pool ». Comme observé par Y. MENIERE, « les standards TIC (technologies de l’information et de la communication) sont devenus de plus en plus complexes, jusqu’à se transformer en de larges plates-formes technologiques, comprenant un grand nombre d’inventions brevetées »(14). Ce phénomène amène une augmentation importante des coûts de transaction. En effet, « les industriels souhaitant mettre en œuvre un standard doivent identifier et évaluer les brevets nécessaires à leur activité, puis négocier une licence séparée avec chaque propriétaire »(15).
Le système des « Pools » de brevets(16), présente plusieurs avantages. Il permet de rendre les coûts de transactions moins importants. Effectivement, toujours selon Y. MENIERE, « le fait d’assembler les brevets essentiels de différents propriétaires via un contrat de licence unique est un moyen efficace de réduire ces coûts de transactions »(17). L’auteur relève un second avantage qui est leur « capacité à tarifer l’accès aux brevets de manière plus efficace »(18).
Malgré les avantages non négligeables, il n’en reste pas moins que ce système présente plusieurs problématiques. Au niveau du droit de la concurrence, même si « les effets bénéfiques des pools sont aujourd’hui reconnus, et les autorités cherchent désormais à garantir qu’ils ne puissent pas être instrumentalisés à des fins anticoncurrentielles »(19). Cela comprend entre autre, le contrôle des ententes, éviter les « ventes liées », les abus de position dominante(20). A cela s’ajoute des « difficultés pratiques »(21). C’est ce que constate Y. MENIERE lorsqu’il énonce que, « de nombreux standards incorporant un grand nombre de brevets essentiels ne sont pas adossés à un pool »(22). Ce dernier ajoute que, « dans d’autres cas, un pool existe mais ne rallie qu’une petite fraction des brevets et de propriétaires concernés »(23).
Nous arrivons à la conclusion que selon nous ni le système actuel, ni les « patents pools » ne répondent aux déviances du système des brevets dans les TIC et ils ne permettront pas, à long terme, de revenir à la vocation première des brevets, à savoir : l’innovation et le progrès des sociétés modernes. Il est nécessaire de faire une réforme profonde du système actuel en concertation avec les différents acteurs concernés.
(1)fr.wikipedia.org/wiki/Motorola_Mobility ()
Show less(2)www.pcinpact.com/news/67630-motorola-google-commission-europeenne-date-limite.htm (3)europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=IP/12/129&format=HTML&aged=0&language=FR&guiLanguage=en
(4)Ibid.
(5)www.justice.gov/opa/pr/2012/February/12-at-210.html
(6)www.lemondeinformatique.fr/actualites/lire-google-motorola-mobility-ue-et-etats-unis-valident-le-rachat-47775.html
(7)S. Dusollier, Droits intellectuels, syllabus, Faculté de droit des FUNDP, 2010-2011, p.113.
(8) Ibid.
(9)Ibid.
(10)Ibid.
(11)fr.wikipedia.org/wiki/Patent_troll.
(12) http://www.lemondeinformatique.fr/actualites/lire-google-motorola-mobility-ue-et-etats-unis-valident-le-rachat-47775.html.
(13) Ibid.
(14)www.lajauneetlarouge.com/article/le-role-economique-des-%C2%AB-pools-%C2%BB-de-brevets
(15)Ibid.
(16)Ibid.
(17)Ibid.
(18)Ibid.
(19)Ibid.
(20)Ibid.
(21)Ibid.
(22)Ibid.
(23)Ibid.
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Le marché des télécommunications représente une jungle de brevets, détenus en majorités par quelques grandes multinationales, du type Microsoft, Apple, Samsung,… et plus récemment Google, qui a adopté une stratégie critiquable aux fins de s’imposer dans cet environnement où, disons-le, il fait bon de se montrer pugnace et déterminé.
Au centre de cette jungle apparait un élément régulateur, permettant d’éviter certaines dérives et engageant le dialogue : les « Fair, reasonable and non-discriminatory licencing terms » (abrégés ci-après en « FRANDS terms »). Rappelons que le système même des droits intellectuels en matière de brevets, droits exclusifs menant à un monopole sur une technologie donnée, agit comme exception au principe. En effet, l’innovation devrait être accessible à tous et exacerber la créativité du monde scientifique. Toutefois, afin d’inciter les scientifiques à inventer et de compenser les coûts de recherche et développement, le système des brevets leur permet d’exercer un monopole, limité dans le temps, sur le procédé inventé. A coté de cela, le monde de la télécommunication se caractérise par une concentration importante de brevets dans un même produit, menant nécessairement à des négociations de licences, et de cross-licencing, avant de pouvoir mettre le produit sur le marché.
L’homme restant ce qu’il est, le danger était grand que les propriétaires de brevets demandent chacun des montants exorbitants pour leur licences, ce qui aurait mené, dans le cas des télécommunications, à un produit final dont le prix aurait été ridiculement élevé, vu le nombre de brevets utilisés. Cette menace était particulièrement vive concernant certains standards technologiques (type Wi-Fi, MP3, Blu-Ray,…), qui seraient présents dans la plupart des nouveaux produits de télécommunications (c’est-à-dire les smart-phones). Dès lors, les standards-setting organizations (Organismes de normalisation) ont imposé à leurs membres, participant à l’élaboration des standards, de conclure des licences en termes justes, raisonnables et non-discriminatoires (« FRAND terms »). Ainsi, le but était d’encadrer le monopole des propriétaires de brevets afin d’éviter des dérives sur certaines technologies largement utilisées (les standards), le monopole restant l’exception à la règle et devant, en théorie, être traité strictement.
Toujours est-il qu’aucune standards-setting organization n’a défini précisément ce que seraient des termes de licence « justes », « raisonnables » ou « non-discriminatoires ». Certes, ces termes évoquent pour chacun une signification commune, mais celle-ci est floue et trop peu précise. Dans ce contexte, il est inévitable que des poursuites soient donc engagées entre géants du marché, à cause de licences portant sur des standards qui n’auraient pas été négociées en “FRANDS terms” (des sociétés comme Samsung attaquant des rivaux tels Apple sur ce sujet).
Face au manque de bases solides des “FRANDS terms”, il est compréhensible que Google, après son rachat de Motorola, ait décidé de jouer sur ce tableau pour s’imposer sur le marché des télécommunications et se faire remarquer. Il semble donc assez évident qu’un travail de fond est nécessaire pour définir sérieusement et approfondir le principe des « FRANDS terms », certains géants demandant clairement un éclaircissement, Apple déclarant que « the industry would benefit from a more consistent and transparent application of FRAND, especially related to the licensing of cellular standards-essential patents » (1). A coté de cela, le marché lui-même appelle à une certaine flexibilité dans la conclusion de licences, tant les acteurs et les produits sont divers.
Dès lors, il apparait comme essentiel que les acteurs du marché, tant les multinationales que les standards-setting organizations et les agences de régulation (U.S. Federal Trade Commission et la Commission Européenne), s’entendent pour définir des FRANDS terms plus précis, sans toutefois leur ôter toute flexibilité.
http://online.wsj.com/article/SB10001424052970204369404577209852015622834.html?mod=WSJ_Tech_LEFTTopNews
http://www.zdnet.co.uk/blogs/communication-breakdown-10000030/google-defends-stance-on-frand-patent-terms-10025384/
http://www.consortiuminfo.org/standardsblog/article.php?story=20120221074826486
http://www.nytimes.com/2011/08/17/technology/a-bull-market-in-tech-patents.html?_r=1&pagewanted=all
http://dealbook.nytimes.com/2011/08/16/blackberry-maker-rim-again-subject-of-takeover-talk/?ref=technology
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Je vous rejoins lorsque vous déclarez qu’au final, ça sera à l’industrie elle-même d’« éteindre le feu » qu’elle a créé. Néanmoins, il me semble que les autorités de concurrence ont également un rôle important à jouer dans une optique de facilitation, de coordination et même de sanction, afin d’éviter les abus de pouvoir des sociétés en possession d’importants portefeuilles de brevets. Et s’il est vrai que ces autorités ne pourront régler à elles seules le problème fondamental des standards et des brevets essentiels, elles peuvent (et doivent) aider l’industrie à y parvenir. Explicitons notre propos.
Le développement privé de standards techniques est entravé par les mêmes problèmes de prise de décision et d’action collective que ceux qui handicapent le processus classique d’élaboration des politiques. Sans l’aide des acteurs publics, les entreprises privées ont souvent du mal à surmonter ces contraintes lorsqu’elles négocient des standards. Cependant, la capacité des acteurs publics à faciliter le développement privé des normes techniques dépend d’un certain nombre de conditions. D’abord, les acteurs publics doivent faire appel à des instruments de type « entrepreneurial » et non pas de type conventionnels, basés sur une autorité hiérarchique et sur de la « hard law ». En effet, ces interventions hiérarchiques, outre les problèmes d’information bien connus qu’elles rencontrent, ont souvent pour effet d’exposer le processus de normalisation technique à la contestation politique.(1)
On peut également ajouter qu’il s’agit d’un marché international. Il est donc important que les différentes autorités de concurrence à travers le monde (par exemple la Commission européenne et la DG concurrence ou le Département américain de la justice) convergent dans leur manière d’aborder les engagements « FRAND ». Même si elles ne font pas nécessairement face aux mêmes cas et qu’elles ne sont pas tenues de prendre les mêmes décisions, elles ont intérêt à maintenir un dialogue continu. Selon le commissaire européen Mr Alumnia, cette collaboration semble d’ailleurs se réaliser en pratique. Il a effectivement expliqué dans une interview qu’il existe des différences substantielles entre la Commission et le Département américain de la justice, mais que leur coopération est dans l’ensemble satisfaisante.(2)
De plus, une autre difficulté que nous pouvons rencontrer en Europe est que les conditions exactes sous lesquelles un accord de licence peut être considéré comme « équitable, raisonnable et non discriminatoire » (FRAND), n’ont pas encore été définies précisément (ni dans les accords de régulation européens de 2010, ni dans les « IPR Policy » de l’Institut des standards de télécommunications européens). Ainsi les Cours restent les autorités compétentes pour juger des licences nationales qu’on leurs soumet.(3)
Néanmoins, il ne faut pas sous-estimer la capacité et la volonté de la Commission européenne à imposer de sévères pénalités à ceux qui ne respecteraient pas la loi antitrust. L’établissement d’une législation sur la concurrence a en effet toujours été une des préoccupations politiques centrales pour la Commission et cette dernière a déjà su le rappeler avec vigueur à certains acteurs puissants du marché. Microsoft saura s’en souvenir (Microsoft c. Commission)…(4)
Pour finir, dans l’ « affaire Google » la question reste de savoir qui la Commission sanctionnera pour violation des lois antitrust, si elle décide de le faire, Motorola mobility ayant été séparé de Motorola en janvier 2011. Il faut donc déterminer à qui appartenait la société au moment de la violation. Selon l’éminent commentateur Florian Mueller, l’enquête lancée par Mr Alumnia n’est en tous les cas pas un bon signe pour Google…(5)
Nous terminerons ce commentaire en citant Mr Dave Heiner (Vice-président de Microsoft) qui, s’il est loin d’être un commentateur objectif, fit tout de même une intéressante déclaration en février dernier : « Google has a chance to make a change. For a company so publicly committed to protecting the Internet, one might expect them to join the growing consensus against using standard essential patents to block products. Google’s unwillingness so far to make this commitment is very concerning. That’s why you can pretty well count on a chorus from across the industry: “Google: Please don’t kill video on the Web”. »(6)
(1) http://etheses.lse.ac.uk/236/
Show less(2) http://www.vieuws.eu/issues/1-eu-competition/15-eu-competition/287-exclusive-interview-with-commissioner-for-competition-almunia-on-ipr-patents/
(3) http://blog.ksnh.eu/en/2012/02/23/eu-commissions-approach-to-standard-essential-patents-and-frand-sharpened-by-the-smartphone-war-part-2/
(4) Ibidem
(5) http://www.nytimes.com/2012/04/04/business/global/europe-opens-patent-investigations-into-motorola-mobility.html
(6) http://blogs.technet.com/b/microsoft_on_the_issues/archive/2012/02/22/google-please-don-t-kill-video-on-the-web.aspx
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Motorola Mobility a surtout été achetée par la société Google pour ses nombreux brevets, elle possédait plus de 17 000 brevets sur des technologies de la téléphonie.Cette acquisition à 12 milliards de dollars permet à Google de renforcer les fondations d’ Android qui lui permet de se défendre face à de nombreuses sociétés avec lesquelles elle est en conflit devant les tribunaux. L’accès à ce type de “essential” brevets liés à des normes est d’une grande importance pour les entreprises actives sur le marché des smartphones et des tablettes numériques. En effet Google voit son système d’exploitation souvent attaqué en raison de violation de brevets, or aucun smartphone ni aucune tablette ne peuvent fonctionner sans système d’exploitation.
Cela a pour conséquence que lorsque Google rempli son portefeuille, son système deviendra de plus en plus protégé ce qui pourra entrainer des conséquences négatives. Notamment le fait que Google devienne pleinement constructeur de smartphones et de tablettes, cette acquisition va fragiliser les relations que Google a avec les autres constructeurs.
Cependant, le 13 février 2012 ,la Commission européenne a approuvé le rachat de Motorola Mobility, en vertu du règlement de l’UE. Elle a déclaré : « Nous avons autorisé le rachat de Motorola Mobility par Google parce que, au terme d’un examen minutieux de l’opération envisagée, il apparaît que cette dernière ne pose, en tant que telle, aucun problème de concurrence a ainsi déclaré Joaquín Almunia, le vice-président de la Commission chargé de la concurrence. Il va de soi que la Commission continuera de surveiller de près le comportement de l’ensemble des acteurs du marché actif dans le secteur en cause, et en particulier l’usage de plus en plus stratégique qui est fait des brevets.»
Il existe selon la ligne directrice sur le fonctionnement de l’Union européenne aux accords de coopération horizontale un engagement de ne pas commettre d’abus de droit. Une solution pour éviter une fixation des prix de licence trop élevée du type hold up est la formation de patent pools. Le patent pools est défini comme tout groupement, permettant de diminuer les coûts des transactions, en proposant de licencier des brevets « en masse » aux membres du groupe. Cela permet de concèder des licences pour ces brevets à des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires. C’est très bénéfique pour les consommateurs car ils ne seront pas victimes de l’augmentation des prix suite à des licences trop élevées.
http://ec.europa.eu/s
Show lesshttp://www.avocats-publishing.com/348-LES-PATENTPOOLS
http://www.ftc.gov/reports/innovation/P040101PromotingInnovationandCompetitionrpt0704.pdf
http://www.vieuws.eu/issues/1-eu-competition/15-eu-competition/287-exclusive-interview-with-commissioner-for-competition-almunia-on-ipr-patents/%C2%A0/
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Certes comme les précédents l’ont mentionné, un Smartphone est sans doute l’allégorie de l’innovation cumulative, c’est-à-dire une invention réalisée en combinant plusieurs inventions antérieures. Particulièrement dans le secteur des télécommunications, le recours à des standards de technologie est inévitable. C’est à n’en point douter que l’intégration d’un de ses brevet dans un standard est une source attractive de revenu. Par exemple le format MPG-2 est un standard qui regroupe 425 brevets de 28 propriétaires différents (1).
La solution proposée par T. Martin serait de créer des patent pools pour ces standards technologiques, c’est-à-dire créer une structure administrative avec les différents propriétaires de brevets sur cette technologie afin de mieux la gérer et d’être cohérent dans l’octroi des licences.
Certes, cela réduit les couts de transaction (recherche, négociation,…) car il ne faut pas négocier une licence sur chaque brevet composant le standard. Un autre effet du patent pooling prend appui sur l’étude d’Auguste Cournot qui a démontré que, paradoxalement, fusionner deux monopoles est favorable au consommateur en ce que cela réduit le prix si et seulement si il s’agit de produits complémentaires. D’autre part cela profite également aux entreprises car le profit réalisé par la jonction des monopoles est supérieur à la somme des profits qui auraient été réalisés en absence de monopole(2) .
Mais les « patent pool » sont également anticoncurrentiels. En effet l’effet de Cournot ne peut jouer si on crée des patent pool avec des brevets sur des technologies substituables, en effet créer un monopole dans ce cas engendre des prix plus élevés qu’en cas de concurrence « pure et parfaite ». De plus la réduction des coûts ne peut jouer étant donné qu’en cas de concurrence normale, on aurait pu choisir une licence sur un des brevets.
Il en est de même si on y intègre des brevets qui, certes, sont complémentaires au standard de technologie mais qui ne lui sont pas absolument nécessaires. En effet, en les ajoutant au pool, cela peut être un moyen d’empêcher la concurrence avec d’autres brevets substituables. Ces derniers qui pourraient être utilisés indifféremment de façon complémentaire avec un brevet essentiel (3) . Ainsi a-t-on développé la théorie des brevets « essentiels » pour déterminer quel brevet devrait être autorisé dans une pool.
Les lignes directrices répondent à toute un série de questions sur les patent pool, elles prévoient notamment que tout pool qui contiendrait un brevet sur une technologie non-essentielle enfreint l’article 101 TFUE si l’entreprise a une position significative sur le marché (4).
Cependant les royalties doivent être suffisamment peu élevées pour garantir une certaine concurrence. Déjà en 1931, la Cour Suprême des Etats-Unis reconnaissait que le fait pour des propriétaires de brevets de créer un patent pool et de décider du prix de la licence était équivalent à fixer les prix (5). Le risque réside donc dans les pratiques collusives afin de fixer les prix.
Ainsi a-t-on développé le RAND (reasonable and non-dicriminatory licensing) pour permettre l’accès à ces standards de technologie. En économie, on considère que ce type d’engagement est conçu pour enrayer la pratique du hold-up ou autres stratégies agressives permettant de dévier l’usage du brevet.
La Commission Européenne ainsi que la Cour de Justice se sont prononcée dans le sens d’une licence RAND afin de s’assurer que le pool reste ouvert et qu’il ne mène pas à un cloisonement des marchés ou tout autre effet anti-compétitif en aval (6). Cependant la position des USA via le Sherman Act est beaucoup moins stricte .
A mon avis ce système fonctionne tant que chacun y trouve son intérêt et reste économiquement viable. Motorola en approchant de la faillite a montré le comportement agressif d’une bête sauvage blessée à la merci des prédateurs et a tenté dans un geste désespéré d’asséner un dernier coup pour tenter de se sauver.
La guerre des brevets est loin d’être terminée et commence à prendre l’ampleur au-delà des technologies de communication comme en témoigne la très récente plainte de Yahoo! contre facebook pour violation de ses brevets. Comme on pouvait s’y attendre, Facebook (qui a par ailleurs racheté 750 brevets à IBM en vue de faire face à ce nouveau litige) vient juste de contrattaquer en estimant que Yahoo! a violé 10 brevets de facebook. Quel en est l’intérêt ? Facebook qui compte faire son entrée en bourse avait admis que si Yahoo! gagnait sur ce terrain, cela aurait un impact important sur ses résultats financiers. Yahoo! devient sans doute offensif avec Facebook car ce dernier l’a doublé l’an dernier sur le marché américain des encarts publicitaires en ligne. Cette année, la part de Facebook sur ce marché est attendue en hausse à 16,8% et celle de Yahoo! en baisse à 9,1% (7).
En conclusion, il s’agirait de légiférer afin de rendre irrévocable les engagements RAND pris par les entreprises sur des standards technologiques (que les brevets soient contenus dans un patent pool ou non).
(1) Y MÉNIÈRE et F. LÉVÊQUE, « Technology Standard, Patents and Antitrust », in Competition and Regulation in Networks Industries, vol 9, 2008, p. 30.
Show less(2) Ibidem
(3) Y MÉNIÈRE et F. LÉVÊQUE, « Technology Standard, Patents and Antitrust », op. cit., p. 32.
(4)V. KORAH, Intellectual Property Rights and the EC Competition Rules, Oxford, Hart Publishing, 2006, p. 117.
(5) Z. PING, « An Analysis on Antitrust Regulation and Patent Pool », in Peking U. J. Legal Studies, 2008, p. 228.
(6) V. KORAH, Intellectual Property Rights and the EC Competition Rules, op. cit., p. 117.
(7) http://geeko.lesoir.be/2012/04/04/facebook-porte-plainte-contre-yahoo/
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La création de standards technologiques présente des avantages et des inconvénients. Les standards peuvent bénéficier aux consommateurs en augmentant la concurrence et l’innovation mais aussi diminuer la concurrence et conduire à des abus (1).
Ainsi, les standards peuvent réduire les prix, augmenter l’interopérabilité entre différents produits et permettre aux consommateurs de bénéficier des effets de réseau (2). Il est clair que notre quotidien est rendu plus facile par l’adoption de standards. On peut songer notamment aux bienfaits, pour les consommateurs, des standards MP3, DVD, Blu-ray, CD, Wi-Fi, 3G, etc.
D’un autre coté, une fois qu’un standard a été adopté et s’est imposé sur le marché, les technologies alternatives sont éliminées (3). Une entreprise qui détient un brevet essentiel pour le standard dispose alors d’une sorte de monopole sur le marché. Le détenteur du brevet pourrait être tenté de demander des royalties plus élevées, de par sa position privilégiée sur le marché, créant ainsi un risque de « hold-up » ou de « lock-in » (4). Ce pouvoir de marché est acquis ex post, c’est-à-dire, après que les entreprises (ou les consommateurs) aient réalisés des investissements spécifiques au standard (5). Le coût pour changer de standard est alors trop élevé.
C’est pour éviter ces problèmes que les organisations de développement de standards et la doctrine (6) ont contribué à l’essor des licences FRAND (fair, reasonable and non-discriminatory). Le principe FRAND repose sur l’idée que les entreprises détenant des brevets essentiels pour un standard s’engagent ex ante à accorder des licences à des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires (7).
Avant même que le standard soit adopté, il existe donc un engagement de ne pas commettre d’abus (du type hold-up) en cas d’adoption du standard. Selon les toutes récentes lignes directrices sur l’applicabilité de l’article 101 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux accords de coopération horizontale (8), cet engagement devrait être irrévocable. Or, dans le cas de Motorola Mobility, on voit qu’il n’en est rien. Motorola, et maintenant Google, ne s’estiment plus tenus par le principe des licences FRAND, d’où les plaintes de Microsoft et Apple…
) S. MICHEL, « Bargaining for RAND royalties in the shadow of patent remedies Law », Antritrust Law Journal, vol. 77, 2011, n°3, p. 891 et R. J. GILBERT, « Deal or no deal? Licensing negotiations in standard-setting organizations », Antritrust Law Journal, vol. 77, 2011, n°3, p. 855.
2)http://www.ftc.gov/reports/innovation/P040101PromotingInnovationandCompetitionrpt0704.pdf
3) S. MICHEL, op. cit., p. 891.
4) R. J. GILBERT, op. cit., p. 855.
5) R. J. GILBERT, op. cit., p. 855.
6) S. MICHEL, op. cit., p. 891.
7) S. MICHEL, op. cit., p. 892.
8)http://eurlex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:C:2011:011:0001:0072:FR:PDF
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Le brevet accorde à son titulaire un véritable droit exclusif sur son invention et supprime ainsi tout risque d’opportunisme de la part d’autres personnes. L’inventeur peut donc intenter une action en justice chaque fois que quelqu’un lui vole l’information protégée par son brevet.
Le brevet peut également être vu comme un outil de négociation et de transaction permettant à son titulaire de vendre une licence et d’augmenter son profit. C’est ce qu’on appelle l’efficacité dynamique.
A l’heure actuelle, le marché des technologies est caractérisé par une véritable “guerre des brevets”, chaque entreprise s’accusant mutuellement en justice de violation de propriété intellectuelle. Le but de ce type de litige est d’obtenir une transaction aboutissant à des accords de licence avant même que ne soit rendue la décision du tribunal saisi.
Dans ce contexte, pour faire face à cette “guerre des brevets” et ainsi protéger son système d’exploitation Android contre les menaces anticoncurrentielles de Microsoft et d’Apple, il était tout à fait indiqué pour Google de saisir l’opportunité de rachat de Motorola et de ses 17.000 brevets. D’ailleurs, cette transaction a reçu le double feu vert par les autorités européennes et américaines de la concurrence en ce qu’elle a permis d’intensifier la concurrence dans l’informatique mobile.
Mais, ce rachat pose néanmoins quelques problèmes :
Principalement, s’agissant de l’attitude de Google soutenant la position de Motorola qui avait refusé de rendre ses brevets essentiels accessibles à un prix raisonnable pour la création de smartphones, je rejoins l’avis de Thomas Martin lorsqu’il dit que de telles stratégies pourraient avoir des répercussions sur la concurrence puisqu’elles auraient pour conséquence de bloquer la commercialisation de smartphones par les entreprises concurrentes. Il y a un risque de hold-up à grande échelle pour les entreprises qui utilisent le logiciel protégé par le brevet.
Ce comportement compromet gravement la crédibilité des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires (FRAND) qui est une obligation de licence exigée par les organismes de normalisation. Cette licence doit être accordée à tous les acteurs du marché afin de renforcer le caractère pro-concurrentiel de l’industrie et d’éviter les abus de position dominante (1). Si ces organismes de normalisation n’arrivent plus à établir de normes communes pour l’industrie du mobile, les producteurs de smartphones seront dans l’obligation de fabriquer leur propre système d’exploitation, ce qui engendrerait inévitablement une hausse des prix des smartphones pour les consommateurs.
Le recours à l’open source permettait effectivement aux fabricants de smartphones de baisser les coûts de leurs mobiles puisque le logiciel libre était mis à leur disposition gratuitement.
Pour Google également, ce genre d’opération était bénéfique et lui permettait de faire du profit. En distribuant gratuitement Android, Google imposait aux fabricants utilisant son logiciel de respecter les conditions d’une licence. Par ce biais, Google espérait provoquer un effet boule de neige sur les applications d’Android.
Des enquêtes sont actuellement menées par les autorités européennes de concurrence dans bon nombre de litiges afin de décider s’il y a eu abus de position dominante (Samsung/Apple, Google/Microsoft,…).
L’enjeu pour les autorités de concurrence est de déterminer quels sont les brevets devenus des “standards essentiels” obligeant dans ce cas les entreprises détentrices de tels brevets à les mettre à disposition de toutes les autres; faute de quoi, elles seraient purement et simplement exclues du marché.
Faire la distinction entre des brevets “standards essentiels” et des brevets non “standard essentiels” n’est pas chose aisée et les autorités de concurrence font donc fréquemment appel à des juristes spécialisés en propriété intellectuelle pour résoudre cette question fondamentale.
A Joaquin Almunia, vice-président de la Comission en charge de la concurrence de conclure à propos de ce genre de conflits qu’il s’agit d'”un terrain tout à fait nouveau, où l’on observe le rapprochement entre propriété intellectuelle et concurrence” (2).
(1) Wikipédia : http://en.wikipedia.org/wiki/Reasonable_and_non-discriminatory_licensing.
Show less(2) http://www.challenges.fr/high-tech/20120127.CHA9720/bruxelles-veut-trancher-une-fois-pour-toutes-le-conflit-samsung-apple.html.
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Les smartphones sont un exemple de ce qu’est une innovation cumulative: c’est un combiné d’innovations, chacune protégée par un brevet. En réalisant un produit a priori novateur, une firme peut se retrouver à contrefaire des dizaines de brevets sans même le savoir. Se pose inévitablement la question du partage de la valeur du produit final: comment répartir les droits entre chaque inventeur détenteur d’un brevet ?
En termes économiques, cela fait référence à la “tragédie des anti-communaux”, ou la sous-exploitation d’une ressource inépuisable lorsque celle-ci est détenue par une multitude d’ayants-droit. En effet, chaque détenteur de brevet détient un véritable droit de véto sur la création ou non de la technologie du concurrent. Ce droit de véto doit être couplé au problème des doubles marges. Si chaque détenteur de brevet demande trop dans la portion de droit qu’il détient sur la technologie que l’on veut créer, chacun y perdra parce que le commerce sera étouffé et la technologie ne verra, au final, jamais le jour.
La création d’un produit nécessite donc de naviguer dans le champ de mines que constituent les différents portefeuilles de brevet de chaque firme. Cette stratégie a des répercussions sur la concurrence: détenir un brevet essentiel à la création du produit de la firme concurrente peut bloquer ce dernier dans la commercialisation de son innovation, ou le forcer à négocier un accord de licence en étant la partie forte au contrat (i.e. Le cas du hold-up dans l’affaire de l’entreprise RIM et le développement de son blackberry). En rachetant le portefeuille de Motorola, Google s’est offert un moyen atypique, mais efficace, d’entrer sur le marché des smartphones.
Une solution pour éviter une fixation des prix de licence trop élevée, c’est la création de “patent pools”. Autrement dit, l’idée est de fusionner les brevets au profit d’un organisme chargé de fixer le prix des licences. Le prix sera certes un prix de monopole qui ne sera moins élevé que si chacun négociait l’octroi de sa technologie. Cela permettrait de réaliser de petites marges de bénéfices sur de gros volumes de technologies, de façon semblable à ce qui a été fait pour la technologie Blu-Ray.
Les autorités américaines utilisent le vocable “Mutually Asserted Destruction” pour décrire la situation de guerre où deux opposants, dans un conflit armé utilisant des armes de destruction massive (ici, les portefeuilles de brevet) finiraient par s’autodétruire. Cette véritable course à l’armement mène aujourd’hui à un « équilibre de la terreur » qui, en plus de paralyser l’innovation, coûte cher étant donné qu’elle suppose le dépôt de nombreux brevets.
Le même mouvement se dessine depuis 15 ans dans le secteur des logiciels où les entreprises fermement ancrées dans le marché déposent un maximum de brevets pour bloquer et se protéger des nouveaux avec de gros portefeuilles de brevets.
Show lessThanks Yann for this summary.
I just want to flag the following interview of Commissioner Almunia on exactly the topic you have addressed in your post (patents, FRAND and competition):
http://www.vieuws.eu/issues/1-eu-competition/15-eu-competition/287-exclusive-interview-with-commissioner-for-competition-almunia-on-ipr-patents/%C2%A0/
(Sometimes it is good to refer to video as well…)
Best, Alain
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