Ole Ahlberg est un peintre danois qui a parodié le personnage de Tintin à plusieurs reprises (ainsi que d’autres personnages créés par Hergé) en le plaçant dans des situations érotiques assez compromettantes. Il est également l’auteur de parodies de l’oeuvre de Magritte. En 1998 et en 2002, à l’occasion d’expositions, ces tableaux de M. Ole Ahlberg parodiant Tintin et l’oeuvre de Magritte ont été exposés.
Les ayants droit d’Hergé et de Magritte, estimant que les tableaux en question étaient des adaptations inappropriées, ont mis en demeure tant M. Ole Ahlberg que le responsable de la galerie qui exposait ces toiles de les retirer de la vente et de ne pas les exposer. Il les ont également mis en demeure de leur transmettre un inventaire des oeuvres litigieuses, de détruire celles-ci dans les vingt-quatre heures et de leur verser une indemnité en vue de réparer son préjudice.
Comble de l’ironie, c’est finalement le parodiste qui va poursuivre en justice les ayants droit d’Hergé et de Magritte en leur reprochant de violer, par leurs comportements, son droit d’auteur. En effet, M. Ole Ahlberg va introduire une action en cessation sur base de l’article 87,§1er de la loi du 30 juin 1994 sur le Droit d’Auteur et les Droits Voisins car il considère qu’il a été “injustement empêché de faire connaître son œuvre“[1].
Dans son jugement du 19 septembre 2003[2], le juge de premier degré a rejeté la plainte de M. Ole Ahlberg et a estimé que “L’auteur d’œuvres contrefaisant des dessins de Tintin et des peintures de Magritte, ne peut intenter une action en cessation qui aurait pour objet d’interdire aux héritiers de ces artistes d’introduire contre lui une action afin de préserver leurs droits. La parodie est une exception au droit d’auteur et non une prérogative du droit d’auteur: une action en cessation ne peut être dès lors fondée sur l’exception de parodie”.
La Cour d’Appel de Bruxelles, dans un arrêt du 14 juin 2007[3], a en revanche admis la plainte de M. Ole Ahlberg. Le juge d’appel a estimé que les oeuvres de l’artiste danois sont des peintures originales et qu’elles sont dès lors, protégées par le droit d’auteur. Il déclare également que ces tableaux réunissent les conditions de l’exception de parodie et que les ayants droit d’Hergé et de Magritte ne pouvaient donc pas s’opposer à l’exploitation (l’exposition au public, la vente,..) de ces derniers[5].
Suite à cette décision, les défendeurs ont introduit un pourvoi en cassation[5], lequel a été accueilli par la Cour de cassation. Celle-ci s’est cependant contentée de dire que “les énonciations du juge d’appel ne lui permettaient pas de décider qu’Ole Ahlberg invoquait une atteinte à son droit d’auteur au sens de l’article 87, § 1er de la loi du 30 juin 1994, justifiant la compétence du président du tribunal pour en constater l’existence et en ordonner la cessation“. La Cour de Cassation a renvoyé l’affaire devant la Cour d’appel de Liège. Le dossier est donc à suivre…
Post rédigé par Caroline t’Serstevens (étudiante en Master en droit à l’UCL)
[1] Note sous Cass. 18 juin 2010, Moulinsart, V.F. et H.C. c. O. Ahlberg , “L’action en cessation vise toute atteinte au droit d’auteur. Qu’est-ce à dire ?” de Benoit Michaux et Dirk Voorhoof.
[2] Civ. Bruxelles, 19 sept. 2003, A&M 1/2004 , p. 38.
[3] Bruxelles (9ème ch.), 14 juin 2007, A&M, 2008/1, p. 23.
[4] Note sous Cass. 18 juin 2010, Moulinsart, V.F. et H.C. c. O. Ahlberg , “L’action en cessation vise toute atteinte au droit d’auteur. Qu’est-ce à dire ?” de Benoit Michaux et Dirk Voorhoof.
[5] Cass, 18 juin 2010, A&M 4/2010, p.323.