On entend souvent dire à propos de l’Inde qu’il s’agit de la « pharmacie des pays pauvres », mais qu’induit cette affirmation et quel avenir réserver à une telle réalité ?
Il en va ici d’un thème majeur et en pleine effervescence, à savoir celui des médicaments génériques. Quelle politique l’Inde adopte-t-elle à cet égard ? Il faut savoir, avant toute autre chose, que 85% des médicaments produits en Inde sont des médicaments génériques, à savoir des copies d’originaux qui présentent l’avantage, d’une part, d’être tout aussi efficaces que le modèle original, et d’autre part, d’être nettement moins chers et donc abordables à un plus grand nombre. L’Inde en a fait sa spécialité et devient ainsi 1er producteur et 1er exportateur mondial de génériques.
Néanmoins, en agissant de la sorte, l’Inde fait le choix d’ignorer la législation applicable aux brevets et se met ainsi en porte à faux avec ce que prévoient les ADPIC entrés en vigueur depuis 1995. Si ces derniers ne cessent d’être revendiqués par les pays développés qui en réclament une application stricte, le tout dans le but de préserver les ressources financières des firmes de recherche et de récompenser l’innovation, ils apparaissent en même temps comme pleinement inconciliables avec les intérêts des Etats les moins développés qui souhaitent, quant à eux, mettre en œuvre une politique de santé nationale destinée au plus grand nombre. Comment dès lors venir à bout de cette opposition, sans porter atteinte aux droits de l’un ou de l’autre ? L’Inde générique se verrait-elle menacée de fermeture, avec les conséquences que cela implique inévitablement vis-à-vis des autres pays du Sud ?
Par ailleurs, l’accord de libre échange entre l’UE et l’Inde qui se négocie encore en ce moment et ce, depuis 5 ans, témoigne de la persistance des principales pierres d’achoppement auxquelles n’échappent pas les produits pharmaceutiques. Tandis que New-Delhi reste inflexible en matière de protection de ces derniers, l’UE continue de militer pour une extension de la durée des brevets ainsi que pour un renforcement des mesures aux frontières.
Cessons de reporter sans cesse ces négociations qui n’ont, en fin de compte, pour unique objet que de remettre à plus tard l’issue d’un enjeu qui s’avère particulièrement lourd de sens et de conséquences, et persévérons à ouvrir les yeux des leaders politiques indiens et européens afin de les sensibiliser davantage encore quant à l’impact du choix qu’ils sont en train de poser. Il en va notamment de la vie de millions de personnes atteintes du sida, à l’heure où, en même temps, le Fonds Mondial pour le Sida subit une grave crise de financement.
Finalement, la solution ne consisterait-elle pas, d’une part, dans une application très stricte du droit des brevets à l’égard des pays européens dont la mentalité et les revenus se montrent plus favorables à une telle politique, et d’autre part, dans un assouplissement large des règles issues des ADPIC à l’égard des pays les moins avancés et les plus nécessiteux en termes de traitements et de médicaments essentiels ? N’est-il, en effet, pas temps de leur donner la possibilité de se développer selon un mode qui leur est propre et de faire application du principe suivant : « A deux poids, deux mesures » ?
Post rédigé par Marie Anunciata Coppens (étudiante 2è master en Droit UCL)
Sites à consulter :
– http://www.msf.fr/2009/09/03/1482/novartis-perd-son-proces-contre-la-loi-indienne-sur-les-brevets/ (exemple de procès intenté contre la loi indienne sur les brevets)