8 February 2012

« A Flatrate for Culture » Vers une licence globale obligatoire en droit d’auteur

Depuis des semaines, le droit d’auteur et le copyright font la une en raison de plusieurs projets de lois (SOPA/PIPA)1 ou de conventions (ACTA) ultra-répressifs et ayant pour but (entre autres) de lutter contre le téléchargement illégal d’œuvres par Internet ; des réactions des sites comme Google, reddit, Wikipedia ; et de la fermeture par les autorités de Megaupload et de la limitation « volontaire »2 de leurs services par les anciens concurrents de MU.

Cette voie n’est toutefois pas la seule. Il serait, en effet, envisageable d’introduire, par la voie législative, une licence légale globale permettant le téléchargement (qu’il soit de type peer-to-peer, one-click-hosting4, Usenet, streaming …) d’œuvres (telles que la musique, les films, les livres, éventuellement les logiciels, …) en principe protégées par le droit d’auteur. Les justifications d’un tel modèle sont souvent de type « accès à la culture » ou encore basées sur l’idée que la lutte contre le « piratage » ne peut être gagnée ou que le traçage implique une atteinte trop importante au droit à la vie privée.

L’idée d’une licence légale globale en droit d’auteur n’est pas nouvelle. Déjà en 1992, R. Stallman propose un système de taxation du Digital Audio Tape, système présentant les trois caractéristiques essentielles d’une telle licence : la perception,  l’analyse de l’usage et la redistribution proportionnelle à cet usage.5

Un tel modèle impliquerait la participation des fournisseurs d’accès à Internet, car ce sont eux qui ont une position privilégiée pour déterminer quels fichiers sont téléchargés dans quel volume.6 En Belgique, Ecolo et Groen soutiennent ce système7 et proposent un mécanisme invitant les sociétés de gestion collective à conclure des contrats avec les FAI en ce sens ; à défaut d’accord, les rémunérations seraient fixées par le Roi.

Une telle solution présente toutefois aussi des inconvénients. Premièrement, elle rendrait probablement, à terme, une commercialisation traditionnelle obsolète. Deuxièmement, afin d’assurer une redistribution équitable, un traçage des usages sera également nécessaire8, toutefois avec la différence qu’il n’est pas nécessaire de percer le voile de l’anonymat des internautes. Troisièmement, d’aucuns argueraient qu’il serait injuste de faire payer les internautes qui ne téléchargent jamais du contenu sur le net (mais cet argument pourrait, en réalité, être utilisé contre une très grande partie des dispositions de la (para-)fiscalité dans tous les domaines ; par ailleurs, n’oublions pas qu’il existe déjà de nombreuses taxes sur les CD/DVD-Roms, les disques durs, etc.). Quatrièmement, quel devrait être le montant de cette taxe ?9 Cinquièmement, quid de la compatibilité avec le droit international d’une telle solution et quid de la territorialité du droit d’auteur ?10 Sixièmement, une manipulation criminelle des statistiques n’est pas totalement excluable.

Quelle est votre opinion sur l’idée en général d’un tel mécanisme et que pensez-vous de sa faisabilité concrète ?

Post rédigé par Mathis Bredimus  (étudiant 2è master en droit UCL)

 

IMPORTANTE MISE A JOUR: L’HADOPI vient de publier un rapport qui fait le bilan de ses 17 premiers mois d’existence 

 

1 Voy. les contributions d’A. Strowel et M. Lambrecht sur ce site.

2 http://en.wikipedia.org/wiki/Chilling_effect_(law)

3 Notamment le BitTorrent.

4 Megaupload, RapidShare, FileSonic, …

5 R. Stallman, « The Right Way to Tax DAT », 1992, http://www.gnu.org/philosophy/dat.html.

6 C. Colin, « P2P et fournisseurs d’accès – L’implication des fournisseurs d’accès à Internet dans un modèle d’autorisation des échanges d’œuvres sur les réseaux peer-to-peer », R.D.T.I., 2011, pp. 5 à 28.

7 Cf. les propositions de loi du 2 mars 2010 et du 9 décembre 2010 (Proposition de loi visant à adapter la perception du droit d’auteur à l’évolution technologique tout en préservant le droit à la vie privée des usagers d’Internet, Doc. parl., Sénat, 2010-2011, no 5-590/1.)

8 Eventuellement avec une deep packet inspection des fichiers échangés si leurs noms ne sont pas univoques.

9 Cf. p.ex. A. Modot, H. Fontanel, N. Garnett, et al., The “Content Flat-Rate: A Solution to Illegal File-Sharing?, Study by the Directorate General for Internal Policies of the EU Parliament (Policy Department B: Structural and Cohesion Policies, Culture and Education), 2011, pp. 66 et ss. http://www.europarl.europa.eu/activities/committees/studies/download.do?language=de&file=44308 (26/01/2012).

10 Cf. p.ex. A. Peukert, « A bipolar copyright system for the digital network environment », in Peer-to-Peer File Sharing and Secondary Liability in Copyright Law, Cheltenham, Edward Elgar, 2009.

13 Comments Leave a comment

Submit comment

Your email address will not be published. Required fields are marked *