Sous le titre “Hadopi: attendre avant de cliquer ‘poubelle’“, l’éditorial en première page du Monde du 30 septembre 2011 (disponible ici) était consacré à l’analyse du bilan présenté par l’Hadopi, la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet. L’Hadopi a été mise en place il y a un an et demi suite à l’adoption par le Parlement français de deux lois en 2009. Cette instance de régulation a pour mission de réduire les téléchargements illicites d’oeuvres protégées et de favoriser l’offre légale. Pour ce faire, un mécanisme dit de réponse graduée a été mis en place: une première recommandation est envoyée à l’internaute identifié, puis un second avertissement, et, dans une troisième étape, un juge peut éventuellement ordonner une suspension temporaire de l’accès à Internet (voir un schéma de fonctionnement ici). Après plus ou moins 18 mois de fonctionnement, l’Hadopi, toujours en rodage, a reçu plus de 22 millions de constats d’infraction, a envoyé 580.000 premières recommandations par voie électronique et 35.000 seconds mails. Aucune suspension n’a encore été prononcée — on n’en est pas encore là — , mais 20 dossiers auraient été transférés au parquet — à lui de décider si poursuivre, pour obtenir le cas échéant une condamnation par un juge, se justifie. Au-delà de ces chiffres, il est encore difficile de savoir si l’Hadopi était une bonne idée, d’autant qu’elle est en tout cas chère: l’Hadopi a un budget de fonctionnement de 13,8 millions d’euros (en 2011).
L’Hadopi sert-elle le secteur de la création ou n’est-elle qu’un outil coûteux et peu efficace?
Pour y répondre, la première chose est d’étudier le rapport d’activité déposé par l’Hadopi le 29 septembre 2011 (voir ici). Mais on ne peut se satisfaire d’un tel rapport, d’autres commentaires doivent être consultés, avec la distance qui s’impose. Les réponses en ligne, à commencer par les réactions très critiques à l’éditorial précité du Monde, vont naturellement dans un certain sens, le milieu des internautes étant par nature opposé à toute forme de régulation à même d’affecter la liberté en ligne. Mais il peut aussi y savoir de la vérité dans la vision très libertaire qui s’oppose à celle des législateurs dinosaures.
La question est de savoir si, au-delà des chiffres présentés par l’Hadopi, le dispositif légal a abouti à un changement des comportements. La présidente de l’Hadopi, Mme Marie-Françoise Marais, répond affirmativement (voir Le Monde du 30 septembre 2011, page 15): les internautes seraient quelque peu encouragés à se réorienter vers l’offre légale en ligne. Cela reste toutefois à confirmer. Plus important encore: il faudrait vérifier si ce changement bénéficie effectivement aux acteurs de la création.
L’Hadopi est aussi un sujet de débat dans le cadre de la campagne présidentielle qui démarre en France: le président Sarkozy qui s’était personnellement engagé en faveur des lois Hadopi a indiqué il y a quelques mois qu’il faudrait réformer l’Hadopi pour gommer son côté répressif, Martine Aubry veut elle abroger l’Hadopi, tandis que l’autre candidat socialiste, François Hollande, veut réformer l’Hadopi, en gardant la composante pédagogique tout en retirant les dispositions criminalisant les comportements des jeunes internautes.
Le débat n’est pas limité au territoire français (voir l’analyse comparative réalisée par Véronique Delforge et moi-même: Réponse graduée Europe ALAI V courte.20 sept. 2011 ). En Belgique, deux propositions de loi ont été déposées: une proposition de loi visant à adapter la perception du droit d’auteur à l’évolution technologique tout en préservant le droit à la vie privée des usagers d’Internet et une proposition de loi favorisant la protection de la création culturelle sur Internet.
Voici un bon exercice: après avoir passé en revue le rapport de l’Hadopi et certaines critiques du régime mis en place en France, que penser des deux propositions de loi déposées au Parlement belge?
Merci pour vos réponses.