Les modèles ouverts de création reposent sur une utilisation originale des droits de propriété intellectuelle, non pour restreindre l’accès à une ressource, mais au contraire pour le garantir et le pérenniser. Ils ont fait leur preuve dans le domaine du logiciel libre, mais aussi, dans une certaine mesure, des créations littéraires et artistiques avec les licences creative commons.
Dans les deux cas, l’ambition des modèles ouverts va bien au delà de la distribution gratuite de création de l’esprit – logiciels, textes images, musique etc… – aux consommateurs. Ces modèles s’inscrivent en effet dans un contexte de création cumulative, où les créations d’hier sont la matière première de celles de demain. Des communautés de créateurs sont ainsi en mesure de partager leurs contributions, pour les améliorer ou les recombiner afin de produire de nouvelles créations. Des logiciels libres comme Linux ou Firefox mobilisent ainsi des communautés de centaines, voire de milliers d’individus, dont les contribution vont du développement de lignes de code informatique à la simple détection de bugs à corriger.
Jusqu’à aujourd’hui, le développement des modèles ouverts a été étroitement associé à la protection par le droit d’auteur/copyright, qui protège les logiciels au même titre que les créations littéraires et artistiques. La multiplication des brevets logiciel, de même que plusieurs initiatives visant à « ouvrir » des brevets dans des domaines aussi variés que les biotechnologies ou les technologies vertes, ouvrent toutefois de nouveaux horizons. En voici quelques exemples :
– Dans le cas des logiciels, l’extension au brevet des licences dites libres fait l’objet de débats récurrents dans les communautés de développeurs. Il s’agit en effet de s’assurer que des brevets logiciels ne puissent pas court-circuiter la libre diffusion des logiciels libres. Dans cette perspective, plusieurs grands groupes ont également lancé le « patent commons project » : ils s’engagent ainsi à geler leurs brevets liés à Linux, afin de protéger ce logiciel.
– Une initiative similaire – le Green Patent Commons – a été lancé il y a peu dans le domaine des technologies vertes. Les entreprises apportent à ce fond une partie de leurs brevets, dont l’usage devient dès lors gratuit pour tous.
– Les initiatives les plus avancées concernent toutefois le domaine des biotechnologies, domaine de la science où l’innovation cumulative est la règle. Le projet BioBricks du MIT vise ainsi à mettre en commun une banque de briques génétiques brevetées, qui pourront être réutilisées par tous pour développer, par exemple, de nouveaux OGM. D’autres initiatives, telles HapMap pour le séquençage du génome humain ou la Tropical Diseases Initiative s’inscrivent dans le même modèle. De même que pour certains logiciels libres, ces initiatives s’appuient fréquemment sur les clauses de licences pour que les inventions développées à partir des briques mises à disposition restent, au moins en partie, réutilisables pour la communauté des chercheurs.
Ces initiatives pourraient en théorie remodeler les modalités d’innovation dans les champs technologiques auxquels elles s’appliquent. Elles sont toutefois récentes, et il leur reste donc à faire leur preuve. Peut-on en effet transposer aisément les règles des modèles ouverts aux inventions brevetées ? Outre la prise en compte des spécificités juridiques de ce droit de propriété intellectuelle, cela nécessite de pouvoir créer des communautés de contributeurs trouvant leur intérêt non seulement dans l’accès aux technologies des autres, mais aussi au partage avec tous de leurs propres inventions. Cette condition est-t-elle réaliste ? Dans quels cas ?