Au début du mois d’octobre 2010, l’entreprise Apple a été condamnée par la justice américaine à payer pas moins de 625,5 millions de dollars à la petite société Mirror Worlds, LLC pour avoir enfreint trois de ses brevets. Le géant informatique a d’ores et déjà contesté la décision (voir un article précédent à ce sujet sur ce blog).
Ce récent litige ramène sur le devant de la scène les patent trolls, aussi appelés chasseurs de brevets, dont l’activité principale consiste à acquérir et/ou détenir des brevets qu’ils n’ont pas l’intention d’exploiter industriellement mais qu’ils cherchent à monnayer par le biais – de menaces – d’actions en contrefaçon. Mirror Worlds serait-il un troll ?
Qu’en est-il exactement ? Qui sont ces patent trolls ? En quoi leur activité est-elle néfaste ou bénéfique ? C’est à ces quelques questions que Paul Belleflamme et Laurent Slits se proposent de répondre dans un récent numéro de la revue Regards Economiques, intitulé ‘Le développement du marché des brevets et la problématique des patent trolls‘.
Voici quelques lignes de force tirées de cet article.
- Le patent troll n’est pas un mythe; il est une réalité. Mais c’est une réalité floue, dont les contours sont malaisément identifiables : la confusion avec les NPE (Non Practising Entities) classiques, souvent dommageable, le prouve.
- Définir ex ante ce qu’est un patent troll est une entreprise périlleuse, sinon utopique. Les auteurs plaident donc pour une approche comportementale, une appréciation en fait, ex post : il n’est, en effet, de trolls que de comportements de trolls et toute NPE possède deux visages, dont l’un est celui d’un troll.
- Il convient d’empêcher ces NPE de montrer leur autre visage, celui de patent troll. Si aujourd’hui certaines NPE le font ou sont tentées de le faire, c’est parce que l’environnement politico-juridico-économique les y encourage en rendant leur action profitable.
- Il ne faut pas se tromper de cible : c’est parce que le marché des brevets est imparfait que les trolls peuvent agir et non l’inverse. En effet, en créant les conditions d’un marché efficace dans lequel les prix reflètent au mieux la valeur intrinsèque d’un brevet, l’on parviendrait à rendre la pratique du trolling moins profitable et, partant, à modérer son impact.
Cet article fait suite au mémoire que Laurent Slits a rédigé sur ce sujet (en vue de l’obtention du titre de Master en Ingénieur de Gestion à la Louvain School of Management). Le texte complet du mémoire peut être consulté ici.