La Cour européenne de justice vient de confirmer que LEGO n’a pas d’exclusivité sur la vente des petites briques en plastique (voir l’info et la décision de la Cour et les antécédents).
Il semble donc que la firme danoise ait définitivement perdu le long combat qu’elle menait depuis l’expiration de ses brevets (1978) pour protéger son exclusivité sur les briques en invoquant différents droits de propriété intellectuelle (PI). Cette pugnacité à ériger ce qui peut être qualifié d’un « mur autour de ses briques » est à contraster avec une attitude beaucoup plus permissive que LEGO a affichée face au « hackage » de logiciels accompagnant certains de ses jouets (par exemple, la gamme Mindstorms). LEGO a en effet choisi de ne pas poursuivre les contrevenants. Y aurait-il donc du Dr Jekyll et M. Hyde chez les dirigeants de LEGO ? Ou bien est-ce plutôt la manifestation d’une saine gestion de la PI ? C’est la question que je pose dans cette étude de cas (qui détaille, en anglais, les données du problème).
Mon interprétation d’économiste est que LEGO s’efforce de maximiser la valeur de sa propriété intellectuelle. Pour ce qui est des petites briques, le maître mot est la compatibilité : le jeu doit son succès au fait que les éléments LEGO s’imbriquent sans difficulté, dans une infinité de combinaisons. Tant que les briques concurrentes sont incompatibles avec celles de LEGO, les utilisateurs de LEGO n’ont aucun intérêt à changer de marque car ils perdraient la possibilité de combiner les briques qu’ils possèdent déjà avec celles qu’ils acquièrent aujourd’hui. En termes économiques, la compatibilité crée des effets de réseau qui sont eux-mêmes à la source de coûts de changement. On comprend donc pourquoi LEGO a cherché tous les moyens pour empêcher ses concurrents de produire des briques compatibles avec les siennes.
Du côté des logiciels, on se place ici dans une logique de biens complémentaires. Les logiciels n’ont pas d’utilité propre : ils servent essentiellement à faire fonctionner des robots construits à l’aide de briques et d’autres éléments. Permettre à des utilisateurs de s’approprier et d’améliorer le logiciel est finalement une bonne chose pour LEGO car cela rend le produit ‘briques + logiciel’ plus attrayant. La recette perdue sur le logiciel (que LEGO ne contrôle plus vraiment) est plus que compensée par une recette supplémentaire réalisée sur les briques. En outre, LEGO fait l’économie de coûts de recherche et développement pour le logiciel…
Je suis donc convaincu que LEGO ne souffre d’aucun dédoublement de personnalité.